AlALES lli)iCO-PSYCUOLOGl|Ji]ES.
JOURNAL
DE
L’ALIENATION MENTALE
ET DE
LA MEDECINE LEGALE DES ALIENES.
AWNALES
MEDICO-PSYCHOLOGIQUES
JOlIlinL DESTINE K EECUEILLIR TODS LES DOCUUENTS
RELATIFS ^
L’ALIENATION MENTALE
AUX NEVROSES
ET A LA mEDECINE LEGALE DES ALIENES
BAILLARGER
CERISE
l’ecole-de-medecine
1867
JOCtaf _V3 j ;
L’iVLIENATIO^-UftNfALE
LA MEIDEGINE LEGALE DES ALIENAS.
PATttOLOGlE.
LES
CRETINS ET LES GAGOTS
DES PYRENEES
Par le doc (ear AUZOKJlf,
Direcleui'-rnddeciti oii chef do IWile puhlic d’olidnds de Pau,
membre corrbspondant de la Socidtd iflddiceipsycholo^que.
Daivs un pr6c6deiit tribut de eollaboraiioti aas Abtefes me-
’dico-psychologiques (jauvier 1883)-, nous avons exatilittiS I’gtat
iUtelleciuel des pemnts, oii simpleS d’esprit. Cbblinuaut a tieS"
ceiidve l’6chelle psyGhitpie, iWus aVoils, depuis Ibfs, recublUf
les eigtiieim d’ane 6tude sur les cr^tiifiS et les cagoU dea Pyr6=-
n6es, et de leap Gompafaisob avec les dfishfirilgs du tnSme
gefti'e que ftous avibiis bbsee^gs dans d’auttbs pggions de la
Fl’aftcGi
CiUiiitiencoils pai' gtabUf iju’d n’y a pbitt't, feiitpe les Grgtliis et
les cagots, I’aiialogie qu’ont supposee quelques auteurs, bt ebtPe
ANNAh. MED.-PSYCH. 4“ scric, t. IX. Jamvier 1867. 1. 1
LES CRfiTINS
EES CAGOTS
autres M. Ozanam et M. Fabre de Meironnes. Sur la foi de
ces auteurs, nous avions d’abord era nous-mfiine a la presque
synonymie de ces deux mots, mais robservatiou sur les lieux
nous a proinptement disabuse a cet egard, et nous a d6montre
dans quelle grave erreur nous fitions tombfi.
Les erdtins et les cagots se trouvent dans diverses localitds,
au sein des Pyrdndes, mais des diffdrences fondamentales exis¬
tent, au physique et au moral, entre ces deux categories d’in-
fortunes. Le erdtin est une race ddgenerde qui a subi uii arret
de ddveloppement dans ses facultds intellectuelles et dans sa
conformation extdrieure. II est susceptible d’amdlioration phy¬
sique et morale, et exceptionnellement , meme de gudrison.
Le cagot, au contraire, jouit d’une conformation presque nor-
male ; il est issu d’une race raaudite, honnie par les populations
au milieu desquelles elle s’est perpdtude sans s’y meler. II a
conserve, ii travers les gdndrations et les sidcles, les stigmates
propres ii son origine. Ce n’est pas un malade, et il n’a pas de
gudrison a attendre ; cependant la situation anormale dont il a
hdrite, attend, dejour enjour, sa modification du perfection-
nemeut des moeurs publiques dans les contrdes qu’il habile.
La constitution gdologique du sol ayant sa part d’influence
dans la production des deformations corptfrelles, des alterations
somatiques, il est utile de dire quelques mots de la composition
des roches et des terrains pyrdndens.
Nous avons eu rdeemment la rare bonne fortune de voir nos
observations gdologiques acqudrir plus de precision, par suite
de . la presence de la Socidtd gdologique de France, qui, en
octobre 1866, est venue explorer les Pyi-endes. Prdsidde par
• M. Leyinerie, professeur k la Facultd des sciences de Toulouse,
la Commission d6sign6e par cette Socidtd savante a tenu ses
assises dans plusieurs villes de nos ddpartements de la frontiere
franco-espagnole, et notamment k Bayonne, Orthez et Pau.
Void le rdsumd succinct de nos dtudes sur la gdologie des
Pyrdndes,
DES PYRfiNeES.
Gomme dans presque toiites les montagnes du globe, le ter¬
rain primitif on granitique se rencontre partout et constitue
d’immenses zones, suivant les ondulations des soulfevements
firaptife, qui out amene la formation des Pyr^nfies. La plupart
de celles-ci son t form^es de couches stratififies, d6pos6es &
diverses 6poques, inais il est certains pics presque exclusive-
ment composes de masses 6ruptives (granits, porphyres,
ophites), que I’on trouve a la surface du sol. Le pic du Midi de
Pau, en particulier, est entiferement form6 de porpliyre vert.
Les ophites jouent un grand role dans la composition de la
plupart de nos pics les plus 61ev6s; et surtout dans la formation
des sources thermales, des bitumes et des sels gemmes, exploi¬
t's sur tant de points divers de cette region.
Ces ophites, ou roches trapp6ennes, ont soulevS les terrains
cr^tac^s et nummulitiqiies; elles ont fait irruption avant le
depot des terrains tertiaires moyens, dont les couches horizon-
tales enveloppent la base des Pyr6n§es. Les formations tertiaires
s’arretent generalement au pied des montagnes, sans entrer,
comme la craie , dans la composition d’une partie de leur
masse. Les Pyr6n(5es ont pris leur relief actuel apres la p6riode
du depot des terrains cr6taces, dont les couches redressfies
s’elevent sur leurs flancs ou atteignent meme jusqu’au voisinage
deleurs cretes, et avant la pdi'iode du d6p6t des couches ter¬
tiaires de divers ages qui s’4tendent ii leur pied. Get ensemble
magnifique de pics et de gibbosit4s de toutes formes, qui
s’4levent, h la Maladelta, jusqu’a 3482 metres, et au Vigne-
male, jusqu’k 3398 metres, a 4t4 form4 entre la pfiriode, ter-
tiaire et la p4riode cr4tac4e infSrieure.
Dans les Pyr6n4es centrales, on remarque principalement le
terrain de transition (terrain dominant dans toute la chaine), el
quelques terrains Iriasiques intercalds. Le terrain de transition
(silurien et devonien) est composfe de schistes argileux, de cal-
caires, de brSches calcaires, de quartz, de grawackes com¬
munes ou schisteuses. Ges terrains de transition forment des
LES CRfiTlNS ET LES CAGOTS
band® qui fe’appuient Bur les terrains priinitifsi recoiivraat le
granite le ealcaire primilif on le sehiste mioaedi fce terrain
Sfenondaitb* plus rare que le prdc6dent vers le centre de la
fehalnej offre irois fPl-maiionB : celles du gres rouge* du ealcaire
jurassique et du ealcaire alpin. 11 recouvre indisiinctement le
terrain primitif ou celiii de transition.
Daiis les vallSes du centre dotnine le calcairej et parfois le
ealcaire magndsien, supelpos6 a I’etage du trias habituelletnent
designe sdus le notb de marnes irisees. Ces marnes argileuseS
oil argilo-sehisteuses Bont impermfeables et se confondentj dans
les bas-fonds et la plaine* avec de vastes gisements du poudingiie
a eiemenls caleaii-es de Paiassou^ qui cOnstitue la demiero
assise de celte chaine. G’est sous ce poddingue qiie la SoeiCtO
geologique d reconnu rexistence des nuramulitesj dfepuis Pau
Jusque dans I’Aude et les Pyrdn&es-Orieniales.
Ises terrains secortdaires sont surtout apparents a I’eSt et h
i’ouest de ia ehaine pyrendenne. NdanmoinS, on constate silr
le pie du midi de Bigoire, qui est au centre* et sur le pic de
<Jar (Haute-Garonne)* I’existence de quelques zones de terrain
lurasSique. Dans le Roussillon* et aussi dans la partie occideii'-
tale deS Basses-P.yrdndes, se trouVent d’iminenses bones de grCs
■rouge. G’est an voisinage des grds rouges que sO rencontrOnt
habiluellement les terrains liouillers. Mais* sous ce rapport, les
recherehes feifes dans les Pyr6ndes franfaisOs n’ont jusqu’ici
conduit qu’a des deceptions. Ise horn basque de &arcjon^y (val-
IderOuge) designe tout d’afaord les grdsrOuges a 1’ attention du
gdologue. L’esploration* au point de vue scifetttifiqiie et indus-
triel de cette partie de nos montagnes, a fait reconnaitre que
les gisertients houiliers n’y existent qu’a I’dtat de trds-fare
exception? encore sont-ils tres-paiivres en 'conibiistible* La
houille* exploitde sur le versant espagnol* est rai’B aussi et
d'assez mediocre qualitO.
A la Rbune* prfes de Sare* le gres rouge apparaft aii-desSus
de scliistes ferdatres (devoniens^* et forme la masse de la mon-
DBS PYR£n£ES.
tague. Au and de ee massif, existe une zone marginale de
kaolin (lerre & porcelaine) et de ealcaires cristallins.
Ainsi que I'a fort bien remarqu6 M, le docteur Morel, la terre
de predilection du cretinisrae est celle ofi domine le calcaire
magnesien, et on Targile forme dans le sous-soi une coucbe
impermeable, qui entretient dans ratmospbere ambiante une
cause permanente d’bumidiie. Les eaux, compieiemem depoui'r^
jues d’iode, sont generalemenl froides, dures, crues, et cuisent
inal les Idgumes. M. Boussingault leur reprocbe, en outre, un
etat de d6soxygenalion qui favorise, cbez ceux qui en usenf, la
formation du goitre et le lymphatisme.
On peut done dire avec certitude que la oonslitutiou miiiAT
ralogique du spl, dans les valldes form6es de calcaire magnesien
avec aouS’Sol marneux, predispose k cette intoxication du sya?
Ibrne nerveux dont parle I’eminent medecin de SainUfop,
yoila pourquoi le goitre, si frequent parmi les populations
pyreneennes, varie en intensite selon les regions ou on bob?
serve. La ou les elements geplogiques et climateriques qui en
favorisent la propagation sont moins abondants, on yoit dimir
nner proportionnellemeut I’endemie strumeuae. Plus rare dans
les valiees du Roussillon, elle le deviant moips k mesure qu’en
s’avance vers I’ouest, dans les valiees de I’Anege, dji §alat, du
Gastillonnet, de Lucbon, de I’Arhmiste, W,ais I’bypertropUie
lliyroidienne acquierl son maximum d'inlensite et de fre?
quence dans les valiees d’Aure, de Campan, de Lavedan, d’Qs-
sau, et diminue dans les valiees plus occidentales d’Aspe, de
Baretons, de la Navarre et do pays basque, dans les arrondisT
sements de Mauieon ef de Bayonne. Les valiees du yersant nord
de la cbaine ne sont pas seules atleiptes par raffectign strur
mouse. Le versant meridional ou espagnol lui fournit aussi un
large tribut, car le goitre est endemiqpe dans les valiees de
B.astan, d’Aran, d’Andorre, dans la Gerdagpe espagnole, dabs
la baute Navarre et le baut Aragon.
En somme, le goitre et le cretinisme, qui marche l.rop sou-
LES cretins ET LES CAGOTS
vent ^ sa suite, se plaisent surtout dans les terrains ai'gilo-cal-
caires et les marnes iris6es, mais ne sevissent point, ou sevissent
peu, dans les terrains a gres rouges, appel^s rougiers dans
quelques parlies de la France.
Cette double endfimie, triste apanage de cerlaines vallees,
ii’etend pas ses ravages dans les plaines qui leur succ&dent;
elle 6pargne aussi les populations robustes qui resident sur la
montagne. Le cr6tinisnie est inconnu h 800 metres d’el6vation
au-dessus du niveau de la iner, et aussi ii une altitude inferieure
a 300 metres.
Passant maintenant a un autre ordre de fails, nous signale-
rons, avec notre collfegue et ami le docteur Gerard Marchant,
I’extrgnie vari6t6 des populations qui habitent les diverses par-
lies de la chaine. Les idiomes varient a I’infini, et quelquefois
de canton a canton limitrophe on ne se comprend plus. Tandis
que dans le Roussillon on parle Catalan, dans I’Arifige) la vallfie
de la Garonne et les Hautes-Pyrdn6es les patois gascon et lan-
guedocien dominent, pour faire place dans le Lavedan et la
vallfie d’Ossau Si I’idiome b6arnais, empreint de tournures et de
locutions espagnoles. Wais, des qu’on entre dans I’arrondisse-
ment de MaulAon, ce n’est plus seulement un nouvel idiome
que Ton entend, c’est une langue mbre, et qui n’a de rapport
avec aucune langue connue. L’habitant de Pau est aussi im-
puissant h coraprendre le basque, s’il n’en a fait une 6tude
longue et approfondie, que le serait un paysan auvergnat a
interpreter le chinois. Cette variete de langage n’indique-t-elle
pas dejii des origines diverses? etle docteur G. Marchant n’est-
il pas dans le vrai, lorsqu’il enonce comme il suit le resume de
ses observations sur les mnntagnards des Pyrenees ?
0 1“ L’homme est d’autant plus petit, moins fort et plus irid-
gulierement conformd, qu’il habite une valiee plus inferieure et
plus profonde, et que, dans cette valiee, il se rapproche plus
du centre ou bas-fond.
» 2° A une hauteur egale, il est plus grand et plus fort.
DES PYRfilN£ES.
lorsqu’il vit sur des coleaux ou des pentes que lorsqu’il habile
des vall6es.
)) 3" Sa taille est beaucoup plus pelite et sa conformation plus
irr^gulifere, si, dans cette vallee, il occupe Tangle rentrant
form^ par la saillie d’une moniagne.
» h° Plus les pentes ou les vall6es sont sup6rieures, plus les
populations qui y habitent pr^sentent des apparences de force,
de sant6 et d’harmonie dans leur conformation physique.
» 5“ A mesure que les vall6es s’§largissent, que les mon-
tagnes qui les bornent s’61oignenl ou s’abaissent, on observe
chez leurs habitants une taille plus 61evee et une constitution
plus robuste.
» 6“ Le type physique de la population pyr6n6enue est d’au-
tant plus parfait, que cette population s’61oigue du centre de la
chaine et qu’elle se rapproche de la mer.
» 1° Ce type est plus beau a Textrdmit6 occidentale de la
chaine qu’a son extr^mite orientale. »
Les propositions ainsi formul^es par Thonorable directeur-m6-
decin de Tasile de Toulouse nous paraissent incontestables pour
tout physiologiste qui aura soigneusementobserveles populations
de ces contrees. Un homme dont les opinions ont une grande
autorit6 pour tout ce qui se rapporte h Tethnologie et a la lopo-
graphie des Pyr6n6es, Tauteur des meilleurs Merits sur ce pays,
a T6tude duqnel il consacra plusieurs ann6es de sa vie, Bamond,
avail, des la fin du siecle dernier, conslat6 la multiplicity des
races qui peuplent les Pyr6nyes francaises. Quoique irois quarts
de siecle se soient ycoulfis depuis les premieres publications de
cet yminent observateur, ses opinions n’ont pas vieilli, et nous
sommes amen6 a proclamer la sinc6rity et la justesse de ses
appryciations, principalement au sujet du perfectionnement
physique des montagnards, ii mesure que Ton s’yioigne des
Pyrynyes centrales, od la profoudeur des valiyes, la composition
gyologique des terrains, la quality des eaux, les conditions
bygiyniques de Texistence, Thumidiiy du climal, le dyfaut de
LES CRETINS ET LES CAGOTS
croisement des races, etc. , nuisent au ddveloppement de I'indi-
vidu, et favorisenten permanence ia production du goitre et du
crfitinisrae.
Des cretins. Le goitre et le or^tinistne sopt deu.<i affections
distinctes, mats ayant cependant entre elles certaines conuexit^s.
Elies sont end6miques dans les inemes contr6es, et semblent
avoir quelques causes d'origine communes. Le cr^tlnisme
n'existe chez le goitreux que comme une exception relative-
ment rare, tandis que le goitre existe le plus souvent chez le
cr6lin, dans les Pyr6n6es, ii I’^tat de complication patliologique.
L’6tude de la d6g6n6resoence cr6tiiieuso dans les Pyr6n6es,
nous a 6td facilit^e par un s^jour remontant c16j>t a sept annees
au pied de ces montagnes, par de noinbreuses excursions au
sein des vall6es ou elle sdvit, enfin par de frequents rapports
verbaux ou epistolaires avec nos honorables confreres de ce
beau pays.
Nous comprenons sous la denomination generalcmeni admise
de cretins, tous les individus atteints, k divers degres, d'arrSt
de, developpement physique et moral, que M. Baillarger a desi-
gn6s, comme 6tant atteints d’idiotie endemique. Ce savant
maitre reserve plus specialement le nom de cretips pour eeux
de ces d6sh6rites qui preseptent le caractkre infantile. Ceux-ci
conservent iudefiniment les caracteres propres k I’enfance, tels
que : Dentition retardee ou incomplete, puberte tardive ou
supprinaee, formes du corps molies et peu accusers, inclinations
el gouts puerils, voix greie, pouls frequent, pusillanimite
instinolive, systeme pileux absent, etc., etc. Cette forme du
creiiaisme esl, en effet, la plus trancheo; mais elle nc constitue
qu’une assez faible proportion du contingent de cachcctiques
habituellement regarde comme appartenant au lugme ordre de
PES pifBENfiES, 9
Parnii ceqx-ci existent differents degr6s palhologiques per^
mettant do les classer, comine I’ont fait la plupart des auteurs,
en cretineux, sei«i-ci'6tin? et crdtins conjplets.- Ces trots denoT
mjnations correspondent ^ dcs dials parfailement caractdrisds
par I’arrdt plus on mains prononcd du ddveioppement physique
et de I’expansiou intellectuelle des sujels. Considdrant, avec
M. Bailiarger, I’dtat infantile eomme rexpression la mieux des-
sinde du crdtinisme, nous n’admetlona parmi les crdlins conir-
plets que ceux qui se rapprochent de cet dlat, ou qui, pqssddant
certains atlributs exldrieurs de la viriljid, n’en ont que le sem-
blaut, ceux enfin chez lesquels tout est a I’dtat rudimentaire, et
dont les manifestatious sont purement instinclives.
plus avancds dans rdchelle psychique, les crdtineux arriveut
it possdder quelques faciles notions, et qnelquefois it se rendre
utiles a leur entourage. G’est entre ces deux degrds. extremes
du crdtinisme que I'on rencontre les semi-crdlins , dent les
facultds embryonnaires sont susceplibles d’une certaine culture,
Pour ceux-ci, arriver a I’dtat de cretineux est ddja un progrds
accompli.
Le fait pathologique dominant dans ccrtaines valides pro--
fondes situdes au sein de presque toutos les raontagnes du
globe, est nne ddidrioratiou physique eoincidant souvent avec
un arrdt de ddveloppement ou une Idsion des centres nerveux.
La ou la Idsion morale ne va point jusqu’au crdtinisine, elle pent
parfois se traduire par des dtats ndvropathiques divers, parmi
lesquels nous indiquerons, par exemple, la ndvropathie dpidd’
mique si singulidre qui, a diverses reprises, a sdvi dans une
vallde des Alpes. Le monde mddical s’est dmu nagudre de I’dpi'
ddmie ddmonopatbique de Slorzines ( Haute- Savoie ) , dout
M, rinspeclenr gdndral Constans, et, apres lui, le docteur
ILuhn, out donnd de si intdressantes descriplious. Assurement,
les ndvropathisds de Morzines dilTerent essentiellemcnt de leurs
proches voisins, les erdtins de, la Maurienue, du Valaisj des
Alpes-Mariiimes, des AliJes-Rhdtiques, mais |a consanguinitd
10 LES CRfiTINS ET LES CAGOTS
des manages entrelient parmi eux un 6tat psychique facheux
qui a peut-Stre dans sa cause primordiale plus d’un rapport
avec I’fitat mental des cagots dont nous parlerous bienlOt, et
produit 1 ’intoxication nerveuse pr6mentionn6e.
Nous avons dit que le goitre et le cr6(inisme coincident sou-
vent, et sont endfemiques dans les mOmes contrees. On ne pent
nier qu’ils se d^veloppent sous I’influence des memes causes.
Dans les Alpes-Rh^tiques, il est telle vall6e (Fontanella), ou sur
1300 habitants on rencontre 100 goltreux, parmi lesquels
30 cr6tins et 6 sourds-muets. A Moringo, dans la province de
Bergame, sur 600 habitants, se trouve I’enorme proportion de
60 cretins ou cretineux, et de 21 sourds-muets. Nous ne con-
naissons pas, en France, do region aussi frappfie par la d(5g6ne-
rescence qni nous occupe. Dans les vall6es d’ Auvergne, dans
les gorges du Cantal, le goitre abonde, mais les cretins y sont
assezrares; plus commons au pied des Vosges, et notamment
dans certains points de la vall6e de la Meurthe, ils le sont bien
davantage dans quelques vallees des Alpes et des Pyr6n6es.
C’est surtout au centre de cette derniere chaine que nous les
avons observes. La seule vallAe de Campan en compte de 50
a 60. Les villages de Gerde, d’Asl6, de Beaudeant, de Campan,
de la Seube, participent, a diveijs degres, a cette tristealTection.
A Bagnferes mOme, M. le docteur Costallat nous a montr6 plu-
sieurs cretins bien complets au faubourg dit du Pont-de-Pierre.
Nous en avons rencontre quelques-uns a Tarbes, et I’on en voit
jusqu’au village d’Ugnoas, dans la vall6e de I’Adour, a 10 kilo¬
metres en aval de Tarbes. La vall6e de I’Adour sup6rieur serait
done le quartier principal du cretinisme pyreneen. Les vallfies
voisines, soil a Test, soil h I’ouest, et notamment les communes
d’Arreau, Sarrancolin, dans la valine d’Aure, celles de Pierre-
fitte, Soulom, Villenave, dans la vall6e d’Argeies, renferment
aussi un nombre beaucoup trop grand de ces infortunes. Cepen-
dant, k mesure qu’ou s’Aloigne du centre, dans chacune des
deux directions, ce nombre proportionnel s’amoindrit. Dans
DES PYRENEES.
11
13' populeuse vallfie cl’Ossau, M. le docteur O. de Bataille (de
Laruns) aflirme qu’il n’existe actuellement que 6 crdtins ou
crfitineux, bien que les goitreux y soient fort communs. Dans
les autres vallEes des Basses - PyrSndes, ils sent encore plus
rares, et dans le pays basque, qui renferme un certain nombre
de cagots , le crdtinisme est tres-exceptionnel. Bagnferes-de-
Luchon, Saint-B6at et les valldes de I’Arifige ont des crdiins
parmi leurs habitants. Les docteurs Marcliant et Barri6 les ont
observes, longtemps avant uous, vers les sources de la Garonne;
dans I’Ariege, notre honorable collegue le docteiir Busquet,
dlrecteur-iuEdecin de I’asile de Saint- Lizier, coufirme nos
observations, en ddclarant que les crdtins, assez iiombreux dans
la vallde de Bellongue, canton de Castillon, le sent ddja bien
moins dans la vallde d’Oust, situEe it Test de ceile de Bellongue.
II ajoute avec raison que, rares dans les vallees les plus infd-
rieures, . ils sent plus rares encore dans les vallees elevdes, et,
au contraire, plus coinmuns dans les valldes intermddiaires.
Mais de mdme que vers I’ouest, a mesure que I’on s’avance
vers Test, on voit la ddgdndrescence cretineuse se rardQer et
disparaitre.
M. le . docteur -Lunier, inspecteur gendral, du service des
alidnds de France, qui a explore les Pyrenees en 1865, a bien
voulu nous coramuniquer I’extrait suivant des notes qu’il a re-
cueilliesdans I’Arlege el la Hanle-Garonne :
« Diminution considerable dn nombre des goitreux et surtout
» des cretins, attribude par les gens sdrieux du pays aux meil-
11 leures conditions d’habitation, de vdture et surtout de nourri-
» ture; ouverture de routes, etc. Cela m’a surtout paru sen-
» sible a Montauban, prds de Luchon, ou le curd n’a pu me
1) montrer que deux crdlins de vingt h vingt‘cinq ans, et dans
1) le Castillonnet, notamment a Argein et it Andressein, oCi j’ai
1) examind sdpardment tous les cretins qui m’ont dtd prdsentds
I) par les autoritds locales. Je n’ai rencontrd presque partout
1) que de vieux crdtins : ou n’en fait plus, dirais-je volontiers;
\1 LES CRliTiM if LgS CAGOTS
n et eepen^ant i Andressein et i Argeiii principglement, les
>) conditigua de, regime, do veture et d’hahitaUon laissent
« beaucQup a dAairer. Les enfaiits, presque sans exception,
» marchent jainbes et pieds nus dans la bone, et sont d’one
inalproprel^ insigne. Argein eat pins mallrait^. qn’Andres-
» sein. Lea babitations y sout humides et inalsaines ; les geqs
» y CQuchent pele-mfile, pour ainsi dire, avee lea bestiaux etles
'> pores. » II eat facile de voir, par ce tableau fidele des habi-'
I udes du pays, combien les conditions, hygiAniquea laisscjit encore
^ ddsirer dans certaines localit^s. II en ressort aussi la demons-'
tration de I’importance du regime et de I'hygiene, pour ame-,
ner graduelleinent la disparilion de reiid6mie struipeuse et ci'A^
tineuse, et nous sorames heureux de voir lea observations du
savant inspecteur genfiral concorder aussi complAtement avec
les notres,
INotre attention s’Atant port6e sur I’existence du goitre chez
Ics aniinaux domesliques, signal(ie par M. Baillarger, nous
avons pu constater deux fois rhypertropbie tbyroidienne dans
nos vallees, et ebaque fois chez le mulet, jamais chez le chien.
En revanche, nous avons vu fort peu de cretins exempts de
goitre. Quant aux nuances qui pourraienl diffArencier ces
cachecliques dans les PyrAuAes d’avec eeux qui se trouvent
dans les autres contrAes, elles nous paraissent assez diihciles a
saisir. La dAgAnArescence devant Atre apprAciAe dans son en¬
semble et dans ses dAtails, I’Atude de ces derniers nous semble
indiquer plusd’analogies que de dissemblances parmi les crAtins
de loute origine. Nous noterons cependant cette observation de
Ferrus, que gAuAralement le crAtipismeestmoins hideux, moins
epracinA, rpoioB viyace dans! les PyrAnAes que dans les Alpes.
Nous consiaterops, avee M. Baillarger, la coexislence des fiAvres
inlermittentes et paludAennes h I’Alat eudAmique, sur les points
infeciAs par le crAiinisme, et la tendance an gonflement des
gland.es naAsentAriques et des viscAres parenchymateux chez
les hahjianif de ces vallAes. Les signes paihoJogiques propres
bus PX«£i!<6ts^
13
aiix ct’^tins tie pf4sentant pas de varite pat'iicUlifei'es, dails ttos
r(Bgiens, Ce qtie nous aliens eii dire poUfrait auSsl bleu s’appli-
quer S celts quO hOus aVolis Observes ailleurSi
D'apCOs Foderd, le hoift de Cfetin derive de celili de chritien-,
parce que ces innocents pauVCes d’esprit danS le Sells de
I’^vangilB, Ollt eii pcrspeclive le foyaunae CBlesie. Datis cer¬
tains pays, oil leS regards COinme deS predestines, Bt Ton coft*
sidSle Cottitiie UllS faveuf dU ciel d’eii posseder nil. II semblS
qu’ils portent bonheur a la fatnille, qui parfois les vensre
ceinme des saints, ei leur reserve la meilleure part ei la meil‘
leurs place an foyer dottissiique. Nous nous batons de dire
qu’uhe pareilie GoilditiOll faite aUX cretills Sst, du IVWins datts
les Pyrenees, niie exception tres-rai'e. on les conserve dans les
families; il est vrai, parce qtl’ils solit ordinalremellt inolfeiisifS,
et que leUtS printipaUx defaUts SB borUent ti la lubricite et a M
gloutonnerie, couire lesqUels la societe pent assez faciiement se
garantir. Mais oil IBS Utilise IB plus qu’on pent au profit dU
menage, et irop souvent eii les faisani mendier. On les logo
dans quelqUe recoin de rbabilation, et Ton he Se preoccUpe
■gUere d'ameliorer lehr condition physique Ou morale, hi de leS
soumettre a un traitement.
La plupart d’entre eux sont petits, Bt inesureht tuoins de
i*“,30. Il en est d’autres, au contraire, dont la taille est greie
et eiancee, mais c’est rexceptioii. on remarque presque ton^
jours dne cettaine 'exageratiOn, soil ett petit, SOit Bh grand,
dans leurs formes physiques, notamiuent dans le volume de la
tete. Nous avons vu parfois le diatnetre antero-^posterieur de
celle-ci coiisiderablemeiit allonge, comme etire aux depens du
diamBtre b^parietal, qui Se trOUVe reduit aux piUS^troites prO^^
porii'OilS, Ordinairement leur front eSt Stroit, ftiyant } lent nez
court, epate; la bouche large et ponrvue d’une dentition irre=
guliere et rtianvaise ; le bas de la figure plus large que le haul ;
le regard morne et sans vivaclte; le con court, gros et presque
toujovirs goltreux ; le iborax aplati Bt mal conformed rabdomen
LES CRfiriNS ET EES CAGOTS
U
voluniilieux ; les articulations noueuses ; les os longs, parfois
grgles et d6vi§s; la peau blafafde ou bislree; le systelne mus-
culaire Basque et sans dnergie. Ce n’est pas sans quelque appa-
rence de raison qu’on a dit que leur physionomie- avail de la
ressemblance avec celle des batraciens.
On trouve, dans les Pyrendes comme ailleurs, beaucoup plus
de crdtiueux ou de demi-crdtins que de crdtins coraplets. Chez
ces derniers, I’appareil de la gendralion est peu ddveloppd, et le
systenie pileux presque k I’dtat rudimentaire. Aussi la lubricitd
esl-elle surtout I’apanage ■ des crdiineux ou des setni-crdlins,
tandis que les cretins n’dprouvent point d’impulsions erotiques.
Ils ne sont pas susceplibles d’attachement ; leurs rapports
sociaux sont pi utot bases sur I’habitude et I’inslinct, que sur
des sentiments affectifs ou de faraille. Le sentiment moral
n’existe pas chez eux, et quant a la sensation physique, elle
est tenement dmoussee, qu’ils sont presque inaccessibles soil a
la douleur, soil au plaisir. Nous avons soumis k Taction d’ap-
pareils eleclro-magndtiques puissants des crdtineux en traite-
ment dans les asiles de Pau et de Mardville, et c’est a peine
s’ils ressentent les secousses les plus dnergiques. Nous en avons
vu qui ne sentaient point Tavulsion de leurs dents, ni les inci¬
sions pratiquees sur leur peau.
Les organes des sens fonciionnent tres-imparfaiteraent chez
les crdtins; ils mangentavec voracitdsans apprdcierles aliments
qu’ils absorbent,' et, quand la faim les presse; ils entrent dans
des coleres toujonrs cairaees par Tassouvissement de leur appd-
tit. Leur parole est une espece de grognement ou de son rauque,
quelquefois intelligible en parlie pour les personnes de leur
entourage, habitudes k inlerprdter leurs manifestations.
La raretd relative, dans les Pyrdndes, des crdtins complets,
de ceux qui prdsenient k Tobservation le dernier degre de la
ddgradation, de ceux qui ne gouvernent ni leurs excrdtions ni
leurs sdcrdtions, qui menent, en un mot, une vie purement
vdgdtative, fait regretter i’abandon ou on les laisse gdndraleinent.
DES PYRENEES. 15
lls sont ici, de la part des philanthropes, I’objet d’une pitid
sterile. Si les Alpes onl eu leur docteur Guggenbiilh, les Pyr6-
n6es attendeiit encore le leur.... Cependant les succes thSra-
peutiques enfantes en Suisse par le genie de ce bienfaiteur de
rhuinanit^, laissent entrevoir ceux qu’il serait permis d’esperer
dans nos regions, on le cretinisme est moins enracine, moins
Atrfeux (Ferrus). Aux scepliques (s’il en est encore) qui per-
sisteraient h soutenir r6trange paradoxe qu’il n’y a pas de trai-
tement rationnel h opposer a I’alifination mentale, nou.s con-
seillerions uue visile a I’Abendberg pour y voir I’applicalion
quotidienne, d des cretins, de trailements assez rationnels pour
guerir, et pour gu6rir la lesion mentale rdputde la plus incu¬
rable !
Le traitement applique ii I’Abendberg par le gen6reux phi¬
lanthrope dont I’art medical deplore aujourd’hui la perte, est
varie et multiple conime les indications pathologiques. . Aux
scrofuleux, le fer, I’iode, les preparations aromatiques, le
noyer, etc. ; aux rachitiques, I’huile de foie de morue, I’iodure
de fer, I’iodure de potassium, le phosphate de chaux quand-il y
a des rainollissements osseux; pour tous, une alimentation
reguliere, tonique et substantielle : telles sont h I’Abendberg
les prescriptions les plus usuelles. L’hydrotherapie, r61ectricit6,
la gymnastique, fournissent au m6decin un concours aussi
precieux qu’6nergique. Le travail des champs, I’exercice au
grand air et au soleil, a une altitude de 1200 mfelres au-dessus
du niveau de la mer, dans un site dfelicieux et salubre, sont
aussi de puissants auxiliaires. Enfm le traitement moral, le
traitement p6dagogique, sont appliqufo avec une patience, un
zele et une perseverance qui, de plusieurs sujets arrives lit dans
la plus d6plorable situation, ont fait des gtres utiles, transformfis
au physique et amends Si poss6der un certain degr6 d’intelli-
gence. Les ingSnieux precedes mis en oeuvre Si I’Abendberg ont
produit chez des cretins les resultats curatifs les plus surpre-
nants. On en a vu non-seulement apprendre un mdtier, mais
16 LES CRfitlilS ET EES CAGOTS
deveilirh leur tout’ iilslituteurs de leurs compagnons. Les ten-
tatives du docteut Guggetibuhl sont la cotls6quertce du principe
suivant :
Le cretin est un kn cofniplet dont le d4veloppemeilt phy¬
sique et moral a 414 entrav4 par des Causes multiples. II est
possible de remCdier a qUelques^Uhes de ces causes et, par cou^
s4qUent, d’ameiiorer goUveiU les cr4tins, de les gu4rir quelque-
fois. L’idiOt, au contrSire,' est UU kre incomplet chez lequel
une ou plusieurs parties du cerveau sont h r4tat rudimentaire
ou manquent absolument. On ne pent perfectioimer chez lui
Ce qui n’existe pas, II est done vou4 h I’incurabilitC.
DCs SUceCs souvent irtOU'is ont couronnd les essais faits ii
i’Abendberg : ils ont d4montr4 la justesse du diagnostic diff4-
renliel qui pr4c4de, et des deductions qui ert dCcOUlent. Le
fait important de la curabilit4 dU cretinisme nous semble
aujoufd’hni irr4fragablemeht 4tabli et acqUis a la science. Mais
Combien de ces malheui'eux sont-ils admis an b4n4fiGe du ti-ai-
le'ment special qui peut seul leur rendre une place clans la
societe? Si GUggenbalh a eu des imitateurs en Hollande, en
Allemagne, en Angleterre, et merne en Italie, dans la vall4e
d’Aoste, il n*en a paS ehcOre eu en France. Les charges onC-
reuSes iittposees a I’ Assistance publique par I’entretieii des fous
dangereux ont fait jusqu’ici ecarter Tadmission des cretins dans
les asiles d’alienes. G’est exceptionnellement que quelqUes-uns
y sont parfols enVoy6s, parce qu’ils compl'oiuettent I’ordre
public.
Une Soleunelle exception a 4t4 faiie eii 1860, au lendemain
de rannexion de la Savoie au territoire fralifais, S. M. I’Empe-
reur, visitant cette contree, rendit un decret, date de Xhonon,
le 31 aoflt 1860, en Vertu duquel cent places ont dO eti e rCser-
veesa 1‘asile de BassenS, pres de Chambery, pour les cretins les
plus Infirmes des depai'iemenls savoisiens. Cette niesure a ete,
pour ces populations alpestres, un bienfait d’auiani plus grand
■que le goitre et le Cretinisme y sont endemiques dans Une pro-
-DES PYRfiNEES.
17
portion yraiment effrayante. D’aprfes la Gazette de Savoie, le
nombre des goitreux atteindrait 12 000 pour une population
d’environ 600 000 habitants. En admettant que le sixifeme
seulement de ces goitreux serait entachfi de cr6tinisme, on
trouverait le chiffre de 2000 cretins dans cette seule partie des
Alpes. Cette proportion n’a rien d’exag6r6, si Ton se reporte
aux statistiques faites dans les autres contrfies alpines, et qui
out donnfi dans le Valais uii chilTre supfirieur & 3000 cretins,
dans le Pi6mont et la Lombardie a plus de 7000.
Nous n’avons pu nous livrer dans les Pjr6n6es ii une enquSte
ni a une statistique rigoureuses sur le goitre el le crAtinisme
indigenes. Nous n’avions a cet effet ni quality ni mission ; mais
comnie le sujet nous a paru inlfiressant, nous avons, tantot sur
les lieux nieines, tantot par voie de correspondance avec un
grand nombre de nos confreres les in^decins exer^ant dans ces
contr^es, recueilli des documents qui nous paraissent ne pas
trop devoir s’6carter de la veritA.
La chaine des Pyrenees s’Atend sur cinq dSpartements francais
dont la population r6unie va a prfesde 1 600 000 habitants. Mais,
sur les dix-huil arrondissements qui composent ces dSparte-
ments, il n’en est que onze qui appartiennent a divers degr6s au
sol inontagneux. Voici dans quelle proportion pent etre 6valuee
la population habitant les montagnes dans ces arrondissements :
Trois arrondissements s’6teiident en entier sur la chaine des
Pyrenees, sur ses contre-forts, etles vallees qui en proviennent :
Bagnferes, Argeles et Maul6on. Ils ont une population rAunie
d’environ . . 200 000 habitants.
Les deux arrondissements de Prades
(Pyr6n6es-Oriemales) et d’Oloron (Basses-
Pyr(5n6es) peuvent etre considerfe comme
ayant les trois quarts de leur population
composes d’individus habitant la monlagne
A reporter. .... 200 000 liabitants.
ANWXL. M*n.-PSVCH. s4rie, t. IX. Janvier d 867. 2. 2
18
r.ES CRfiTlNS RT LES CAGOTS
Report .
ou BBS d6pendances ; leur population to-
tale 6tant de 120 000 Smes, nous insCri“
vons corarao Pyrigh6ens . .
I,es ciualre afroodissetneuts de G6ret
(Pyt-6n§es-OHentales), de Foix et de Saint-
GifonB (AH%e),de SaiOt-GaudeUS (Haiite-
Oarontie), a’6tehdent raoiti6 SUE la plainfe,
moitie sur la tndiitapne. La population
montagnarde, prise a part, est d^environ. .
Enliu, nous nd dortsiddrdronS cOmrne
population itiOUtagliarde cJu’Mrt ^UCirt dd
celle qui habitd I’arrOndissement de
BayOtine, ci . 20 000
6t m vingtierhe dds indigddes [
de I’arrOndiSSenlent dd PdU, SOit 6 000 )
Les Pyrdndes francaises soUt dOUc ha-
bitdes par environ . : . . 095 Ooo awes,
on 500 000 habitants, eli chiffres rolids.
Si l*on adnaettait pOur ids Pyrenees ieS proportions relatives
indiquees pOur les A'pdS fraOdaiSeS par la Gatette de Savoie,
nous devrlons y trouver lOOOO goitreux et i6oo cretins.
Or, d’apres les renseigoements que nous avons pris nous-meme
en nous transportant, a plusieurs repriSesj dans les vallees les
plus irtlpOriantds dd la chaidd des Pyrenees j d’aprds les dOCu-
ttieiifs qiie nous avons pu recuelllir, soit aupres d’un grand
nombre de raddecins nos confreres, soit auprfes des habitants
notables et eclairds, soit dnlln dans leS diverses publications
ethnographiques et statiStlqUdS dd Ce pays. Id iiOttibhe ddS StrU -
meux ne va pas an delS dd 3000 daflS touteS Ids Pyrenees fran¬
caises, et celui des cretiHs ou crdtineux ne depassd guere le
chiffre de 000, si meftid il I’attdirlt.
On voit qu’en admettant les chiffres ci-dessus on ne Irouve-
rait pas dans lea PyrOndes un tiers du nombre relatif des goi-
200 000 habitants.
90 000 —
175 000 —
30 OOO --
DES PYRfiNfiES.
19
treux qu’on rencontre dans les Alpes de Savoie, et que le
crfitinisme n’y s6vit pas dans la proportion d’un quart autant que
dans cetie derniere contrde.
Nous pouvons done hardiment ajouter a I’assertion de Ferrus,
savoir : « que le cr6tinisme est dans les PyrSn6es moins hideux
et moins vivace que dans les A'.pes « , qu’il y s6vit aussi dans des
proportions beaucoup moindres (1 cretin a peine sur 1250 ha¬
bitants, au lieu de 1 sur 300).
Et cependant nous trouvons encore bien considerable le con¬
tingent assign^ aux Pyr6n6es parrai les etres affligfe de cette
d6g6u6rescence ! Quoi qu’il en soil, il nous parait certain : 1“ que
leur arret de developpement physique et moral 6tant g6n6rale-
ment moins prononce, moins intense qu’ailleurs, ils doivent
gtre plus accessibles aux moyens th6rapeutiques; 2° que puis-
qu’ils sor.t relativeraent beaucoup moins nombreux qu’au sein
des autres principales montagnes d’Europe, il serait plus facile
de les secourir et de leur assurer le b6n6fice d’un traitement
special.
fimus du triste sort de ces infortun6s, et s’associant a I’in-
t6r6t que S. M. I’Empereur leur avait t6moign6 eu Savoie,
LL. Exc. MM. les ministres de I’intfirieur, et de I’agriculture,
du commerce et des travaux publics, instituerent en 1861 une
haute commission chargfie d’6tudler les causes du erfitinisme et
les moyens d’y rem4dier. Presidee par M. Rayer, cette com¬
mission se composait, en outre, de MM. Baillarger, Constans,
Tardieu, Morel, Parchappe, Antelme et Melier. MM. Antelme,
Parchappe et Melier etant dec6d&, ont 6t6 remplac6s par
MM. Lunier et Rousselin. Les noms des medecitis a qui cette
enquOte est confine sont une garantie des r&ultats que peuvent
en attendee les infortunds, objet de cette 6tude. Nul doute qu’A
la suite du rapport qui interviendra il ne soit pris des mesures
admlnistratives de nature h remfidier au cr6tinisrae, et li en
restreindre la propagation.
Loin de nous la prSteniion de vouloir intluencer en rien I’opi-
‘iO LES CRfiTINS ET LES CAGOTS
nioii tie savants bien plus comp6lenls que nous; mais s’il est
permis S chacun d’apporler sa pierre a redifice, nos voeux appel-
leraient I’application de quelques mesures aux cr6lins des Pyre¬
nees. Parmi ces mesures, nous proposerions les suivantes :
1° Mise en traitement de tous les cretins curahles ou suscepti-
bles d’ainSlioration ; 2° admission dans les asiles de tous ceux
qui v^getent tristeraent dans leurs families, et qui sont exposes
a y p6rir pr6matur§ment de mis^re etde mara.snie; 3“ transplan¬
tation sur des lieux 61ev6s, aer^s, exposes au soleil, des cretins
ou crfitineux qui resident, an fond des vallees, dans des lieux
insalubres; 4“ construction sur les terrains communaux bien
exposes, d’liabilations modestes, niais remplissant les meilleures
conditions hygi6niques, pour y placer les cretins et leurs families,
sans trop les Eloigner de leurs propri6t6s, ou de leur domicile
primilif.
II va sans dire que ces constructions, faites d’abord a titre
d’essai, seraient multiplifies et g6n6ralis6es selon les succfes obte-
nus, et surtout selon les ressources que les communes ou les
administrations auraient a y consacrer.
De pareilJes reformes enlraineraient des d^penses , c’est
incontestable ; mais ces d6penses pourraient eire att£nu6es d’a¬
bord par la contribution des families, des communes et de I’^tat,
et ensuite par le produit du travail des individus assistfis. Nous
comprendrions beaucoup plus ais6ment la creation de cottages,
de villages destines aux cretins, que celle de villages de fous fu-
rieux. Les secours donnes aux families pour les aider ii ameliorer
le regime de ces infortunes seraient autrement cfficaces que ceux
qu’on leur allouerait pour garder leurs maniaques et pour gar¬
rotter cenx-ci plus etroitement. Ce que Ton a appel6 le regime
familial serait bien plus applicable aux cretins qn’aux v6ri-
tables insensfis, qu’aux alifines dangereux.
Lorsqu’il y aurait des chances de curability, nous voudrions
voir r6unir les cretins curables dans un asile en assez grand nom-
bre pour pouvoir y instituer au complet le traitement p6dago-
DES PYRfiNfiES.
21
gique usit6 ii I’Abendberg, afm qu’il fut appliqu6 concurrem-
raent avec le traitement physique et moral dont nous avons plus
haul donn6 un apercu sommaire. Ce traitement tend a resoudre
le difficile problferae de la suppression des causes qui ont arret6
le developpement des sujets. Fortifier le corps, faire I’dtlucation
des organes, tel est le but auquel on parvient ^ I’aide d’agents
energiques, qui frappent les sens et r6veillent leur fonclionne-
ment , a I’aide surtout de proc6d6s pMagogiques ingdnieux,
appliques avec une perseverance que rien ne doit lasser ni dd-
courager. La gymnastique, le travail exterieur, le chant et la
musique, sont des elements precieux de ce traitement, dans
lequel Thydrotherapie et le courant eiectro-magnetique jouent
aussi un role important.
Cependant le traitement curatif ne saurail suffire aux indica¬
tions que presente I’enddmie dont il s’agit. La propliylaxie est ici
la condition la plus indispensable d’un succes durable, et pour
qu’un prochain avenir puisse amener une notable modification,
le medecin a besoin de I’appni administratif. Aprds avoir pro¬
cure a ces degendres de meilleures conditions de rdgiine, d’ha-
bitation, d’insolation, de sdjour, I’autorite devrait organiser des
secours pour les femmes en couches ; imposer le ddplacement des
nourrissons suspects de participer a I’affection strumeuse, leur
assurer au loin de bonnes et saines nourrices, comme cela se
fait pour les enfants abandonnds; intervenir officieusement par
ses agents pour moraliser ces populations, pour empficher, au-
tant que possible, les mariages consanguiiis, qui exaltent dans la
progdniture les ddfauts des ascendants, el empirent sans cesse
les causes 'de ddgendrescence.
Un bant fonctionnaire demandait un jour a des habitants de
ces villages sans industrie et presque sans agriculture : « A quoi
vous occupez-vous lorsque pendant de longs mois d’hiver la
neige vous cerne dans vos demeures ? — Nous engendrons,
monsieur, » lui fut-il rdpondu. Belle occupation, en effet, pour
beaucoup de ces pauvres gens qui ne sont aptes ii produire que
22 LES CRfiTINS ET LES CAGOTS
des avorlons ou des nionstres ! ! ! La loi ne peut pas les con-
damner au c61ibat, c’est Evident, mais la bienfaisance publique
ne peut-elle pas supplier, en partie du moins, au silence oblig6
de la loi, en rendant aussi races que possible les unions chez les
cr6tineux ou les semi-cretins? Pour cela elle n’a qu’a s’exercer
envers eux, car leur admission dans les asiles remplirait la
triple indication d’assurer leur bien-gtre, de les regenfirer, et
de les empficher de procreer des Stres leur ressemblant.
L’ouverture de routes nouvelles, I’exgcution de dgfrichements
sur les coteaux inculles et bien exposes, de travaux publics au
sein des vallges infectfies par le crgtinisme, auraieul Timraense
avantage d’y faire circuler un courant civilisateur, et d’accroitre
le bien-Stre des populations par I’gldvation des salaires, et par
rimportalion de denrdos prdcieuses pour leur nourriture. Sans
cesser d’admetire I’absence d’iode dans I'eau potable comme
une des causes multiples du goitre, nous avoirs la conviction que
la plupart des goitreux se trouveraient encore mieux d’une ration
quotidienne de vin et de viande, que de I’absorption d’une pre¬
paration iodde. La substitution d’un air pur a Pair miasmatique
de leur sejour primitif aurait enfin une efficacite incontestable.
M. Morel a cite des cas de guerison de goitres obtenus par le
seul cliangement de residence.
La combinaison des diverses mcsures medicales et adrainislra-
tives tpie nous venons d’enuraerer rgaliserait un grand progres
vers la disparition de cette endemie, qui desole une partie de la
population pyrdneenne.
II suffirait d’un rayon de la munificence imperiale pour appli-
quer aux Pyrenees ce que le decret du 31 aout 1860 a realise
dans les Alpes de Savoie. Nous allons bieutot terminer, dans le
vaste enclos de la ferme Saint-Luc, pres de Pau, [a construction
d’un magnifique asile, entrepris sous les auspices deM. G. d’Au-
ribeau, prefetdes Basses-Pyrenees, dontl’administration fdconde
et sympathique a dote le pays des plus utiles institutions. Get
asile est susceptible d’agrandisseinents presque indefinis, sans
23
DES PYBfi&lEsS.
nuij-e ^ la r^gularit^ clu plao. Rien ne ^erail done plus facile que
d’y batir, epraraq a Tgaile de Rasseus, des quartiers apfieiaux
pour les ci’dtina de nog moiitagnes. Co serait rendre uu immense
service i ces infortuo^s, doni la lougdvitd est toujours propor-
tionuelle aux solus dent ils soul Tobjet, el a I’amelioration mate-
riellg do ieur sort, Tandis que livres a eux-m6mes ils s’dtei-
giient daps I’Ugo adulte, en proie k la misere, au rachitisipe
el aux scrofules, on les voit arriver jusqu’k la vieillesse lors-
quo leurs condilions d’existence sont satisfaisantes. Nous
avons eu k trailer k I’asile de Mardville (Meurthe), en 1859,
UP cretin kgd de soixaute-quatre aus, qui y skjournait depuis
quarapte-huit aus. Cn autre erktin qui y comptait un derail
sikde de sejour 6iait arrivd k I’age de soixante ans saiis nueune
ipfiruiilik appfkciable.
rioos peosons, par ce qui prdedde, avoir sulBsamment appel6
raltenlion sur une classe de malbeureux bleu digue d'intdrdt, et
pour laquelle rien encore u’a 6t6 fait. Notre travail n’aurait pas
et^ stdrile, si nous avions pu ddmontrer que le lual signal^ n'est
pas irremediable, et si uous dtions parvenu k detourner a leiir
profit quelques parcelles de la phiianlhropie publique ou
privee.
II
Des cagots. — Vers la fin du iv" sifecle et le commence¬
ment du v% les Goths envahirent les provinces du midi de
la Gaule et du nord de riberie, Ils refoulaient et chassaient
devant eux les Cantabres et les Celtiberiens des provinces bas¬
ques. Ils parvinrent a s’etabUr sur les deux versants des Pyrd-
rendes, en Espagne jnsqu’k I’Ebrq, en France jusqu’en Poitou
et en Bretagne. Vaincus k leur tour, les Golbs se dispersdrent,
mats laissfcrent sur divers points un certain uombre de families
appartenanl k leur nationalitd. La batailledeVouilld, prdsdePOh
24
LKS CRETINS EX EES CAGOTS
tiers, remporteepar Clovis sur Alaric roi des Visigoths, aneantil
cette nation, et en dispersa a jamais les d4bris, astreints depuis
lors a subir la loi du vainqueur. C’est priocipalement an sein des
inontagues qu’ils se sont perpetuus, par des manages fr6quem-
menl consanguins, qui out, a la longue, amene un certain appau-
vrissement de la race, mais sans lui faire perdre nSanmoins son
type priraitif, si different du type des premiers occupants du
pays. Nous avons ddjS indiqufi, d’accord avec Ramond et le doc-
teur G. Marchant, la diversite incontestable des races qui, en
ce moment encore, habitent les Pyr6n6es. Quand meme I’his-
toire ne serait pas lii pour nous rappeler I’occupation successive
de ces contries par les Eu.skariens ou Basques, par les Celtibd-
riens, les Cantabres, puis tour a lour par les envahisseurs, tels
que les Romains, les Goths et Visigoths, les Waures et Sarra-
sins, enfin par les Vascons, nous irouverions des tAmoignages
irr6cusables de cette diversit6 d’origine, d’abord dans les nom-
breux langages ou idiomes encore en vigueur dans cbaque frac¬
tion de cette contr6e, et ensuite dans le type physique et la
conformation exterieure de I’individu. Ce type reproduit ii peu
pres fidelement, pour I’observateur exerc6, la source d’ou il
eraane.
La fusion qui s’est gAneralement oper6e dans les autres con-
trees, et surtout dans les pays de plaine, enlre la race conque-
rante et la race conquise, ne s’est produite ici qu’avec d’ex-
trSmes restrictions, et lorsqu’il n’existait aucune anlipathie
instinctive. C’est pourquoi le Bearnais de nos jours conserve des
vestiges de la belle race maure, et le Basque lui-m6me, sans
renoncer h sa langue escaldunac, 6tanl largement entr6 dans le
couranl des relations avec la pairie commune, a pu r(5g6n6rer
dans des alliances extArieures sa constitution primitlvement
belle et robuste. MalgrA ces croiseraents de plus en plus nom-
breux, le Basque et le B6arnais forment deux types bien distincts,
aussi distincts que le sont entre eux les habitants du Roussillon
et ceux de la Bigorre, que le sont les habitants de la Cerdagne et
1)ES PYRENfiES. 25
ceux de la valine de la Garonne. Le caractfere moral de ces divers
peoples contraste autant que leur conformation physique, autanl
que leur langage. N6annioins il n’existe parmi eux aucune anti-
pathie de race, et s’il regne dans les hameaux des valines recu-
lees, ou la civilisation n'a encore qu’incompl6teraent p6n6tr6,
des aniinosites locales, celles-ci ne sont niinstinctives, hi insur-
niontables. Basees ordinairement sur I’opposilion des intfirgls, la
conciliation devient possible dfes que ceux-ci ne sont plus en jeu.
Mais il est uhe catfigorie d’individus dont le nombre va sans
cesse s’amoiudrissant, qui depuis des slides est demeurfie un
objet de reprobation et de mepris pour les populations ainbian-
tes. Dans son histoire des races maudites de la France et de
I’Espagne, M. Francisque Michel a deceit I’abjection de ces
malheureux descendants des Goths, qui sont encore comme des
corps etrangers partout ils vivent. Cdnnus sous le nom de Cagots,
mot derive de Can Goth, chien de Goth, ou d’Agots, el chez les
Basques d’Agotac, ces infortunes vivent isoies entre eux, dedai-
gnes et repousses partout. Issus de chreiiens ariens et schisma-
tiques, ils n’etaient autrefois admis dans les eglises que par uhe
porte batarde ouverle expres pour eux; ils avaient dans I’eglise
leur benitier special, leur place a part ; au cimetiere meme, un
fosse separait leurs sepultures. Bieii que depuis la revolution de
1789, ces rigueurs aient du disparaitre, les cagots n’en demeu-
rent pas moins une raced6primee qui n’a aucun sentiment de sa
dignite personnelle. Ils acceptent encore ^obligation de s6parer
par un cours d’eau leur habitation de celle des autres homines,
et de rendre a ceux-ci les services les plus humiliants. Ils ne se
meient ni h leurs joies ni a leurs douleurs, et ils ne reagissent
pas centre I’accusation injuste forraulee centre eux d’etre mal-
sains, infects et repoussants. Il est presque inoui qu’ils aient
contracte mariage en dehors de leur caste. Don Martin de Bis-
caye ecrivait jadis : « Des centaines d’aniiAes se sont pass6es sans
qu’ou ait vu hoinme ni femme, si miserable, et de peusers si bas,
qu’il se soil uni a eux, soil 16gitimement; soil aulrement. o
26 LES ClSfiTJlNS ET LES CAGOTS
Cetle trjgtei popHlstion cl6croit peu ji (jeu, et fjnixE dou^e
pflr glre, absprWe, ipalgr4 !© pr6y0ntioiis qpi la liennent a l’4cai'l.-
p’un c6t6, 1’egalU^ des droits et Ip eJiQC c}e la civLljaatjon I’arra-
cheront forcement a soti abjection ; d’aotre part, I’esc^dant des
d^c^a sur les naissanpes qui opt lien parini eipp produira infail-
liblenaent qn effel d’^ljipipation gradnelle seqiblable h celui
qui se prodnjt parmi les indiens dans les r^publiques am^ri-
cainea,
p est triste de penser qn’an ?nx“ sifeclp il y a encore en France
des parias de ropiniou, pnbliqne, von^s de naissance I rignomi-
nie et h I’opprobre. Rien n’est plus vraj cependant- Plus com-
inuns en Fspagne qu’ep France, aux environs de Jaca, dans la
haute I^avarre, et dans le Guipu?coa, ils, sont dissfirnin^S chez
lions dans les valines do pays basqoe, do Bdarn, dw bavedan, du
comt^ de Contmiages, de la Gascogne, etc, Qn en rencontre
ineme, assure-t-on, en Saintonge pt en Bretagne. Rs sont natu-
relleroent mdGants, sjurtout iQrsqn’ila se savent robjet de la
curiositd d’un observateur, Dans, on travail pnblM an commen-
cetnept de Idbb a Bagneres, M. F, Cordier a dicpit avee un
remarquable talent les cagots qn’il a observes de, pres dans la
vaJl6e d’A?nn, et It Chuliitua d’^nhm^e, aux environs, de Sainu
jean-pied-de-Port, Ils pr&entent le type anivant ! Taille ordi¬
naire,, quelqufifois apsez gtande ; tpint bJanc et colord vers les
pomraettes; traits dAPPOt sensibleinent de raspeetgdndraldes
peuplades environnantes j yeux blens et ardents j obeveox blonds,
ayant parfois I’aspect de la fllassej profjl disgcaeieux, lace large;
front bpmb4, accusd vers les angles, et. fortetnent saillant sur la
racine dn ne,Zi nez prodmiftent et ^panouissant en avant ses
deux ailes larges et pla.tea i Idvre snpdriflure droUe et verticale;
bonche coupde en llgne droite ; absence complete de distinction,
mats nnlie difformitd cependant, Qnelques jennes filles posse-
dent meme nne espdce de beantd relative, et oni pu inspirer
dgg passions, Voici un rdclt presque Idgendaire qne racontait a
M. F. Coidier WA vieillard d.’Ayzaci pres d’Acgelda: « i]n jeune
DBS PYB£iy(^ES. 27
homme aitnail qiie jeune fille qui le payait de retour, EUe etait
belle, elle avait do la vertu 5 il la priait sans cesse de cojasentir
I’^pouser. La jepne fille s’y refusaU diaant : « Ab ! si vous
saviez.. .. vousne ine feriez plus aucune inslance, » Enfin il la
pressa taut qu’un jpur eUe lui dit : « Yoioi une pomui.e, divisous-
la en deua ; prenez-en uue inoiti6 et gardez-la apus vptre aisselle
dmaiit la nuit- Je feral de ra6tT)e popr I’aglre njpilifi : Je vous
portcrai la niicniie detnain, et vous rnp porterez I9, vOfre, » Le
jour suivant, le jeuiie garopn porta sa demi-poinine quj 6tait par-
faitement saine. La jeune fille lui montra trisiement la. moitie
qu’elle avait prise et retepup sous spn bras,;, pile Atait euti&re-
mentxoiTorapqe..., la pauvre enfant etpit cagpte. I ii
Dfisireux d’6tudier de pres des types tie cettfl race, nogs
avons ^t6 & cet 6gard favorisfi par les cirepiistaitees. Plqsieurs
excursions mfidicales rdceinraent faitps 4ans la eontr^e bas*
quaise nous ont amplemept permis de satisfaire c,e veeu, On
nous a montr^ a Saint-Jean-Pi.ed-de-Port, un quartier spAeial
quiportele noin i' Agotetchiac [quartier (ies. Cqgpts). C’est un
faubourg de sept ou huit naaisqus, hors des reuiparts, de Saiut-
Jean, entiferement habitfi par eu?. Un haqieau de cinq o» six
maisons, noinrafi Tailhqpe, dans la radtne conomune, leur est
anssi exclusivement r6sefv:6, A Anhauze, la partie du village
qu’ils occupent a repu la denomination de Ckjubitm, les autres
habitants ayant tenu ^ eonseryer pour leurs demeures un nom
different.
Non loin de Saioi-Jean-le-Vieux, existe un autre centre de
cagots assez noinbreux nooujiA Ainchicharburu. A Saint-Elienne
de Baigorry, on montre eneoi e la pOJ’te d’C'glise par laquelkils
pfindtraient autrefois dans le temple. Mais c’eat dans le Labour,
portion basque de I’arrondissement de Bayonne, que ces des¬
cendants, des Goths se sont le, plus rdpandus. Sur lous cea points,
ils sont demeures I’objet d’une repulsion instinctive, et de soup-
eons anssi etranges que peu raisonn6s. L’un deux, ayant acquis
une belle aisance, recherchait nagufire en mariage la fille d’un
28 LES CRETINS ET LES GACOTS
paysan. Celui-ci ne consentit & la lui doiiiier que moyennanl le
payement d’uiie somme de dix raille francs. An lieu de recevoir
unedot, le cagot dut la payer. Quand, en 185A, le cholera vint
affliger ces belles contrfies, les cagots furent aussitdt accuses
de I’y avoir attir6 ou introdnit! La gr61e, Toidium, les epizoo¬
tics, lesfleaux atmospheriques, leur soiU ordinairement impu¬
tes. II y a done & la fusion de cette race avec la race indigene,
des obstacles qui, fntiles au fond, et bas6s sur de faux pr6-
jugfe, n’entravent pas moins ses progres |d’une inani^re tr^s-
s6rieuse.
Nous avons eu plusieurs types de cagots sous les yeux, et Tim-
pression qui est r&ult6e pour nous de leur exainen a 6te un
profond 6ionneinent de I’ostracisme moral dont ils sont frappes.
Leur conformation physique a bien un cachet special, et peut-etre
quelque chose dtetrange etde disparate avec le milieu ambiant,
mais rien ne ddnote en eux une lesion morale ou un arret de
developpement Iter^ditaires. Les dimensions du crane sont
normales ; Tangle facial est ouvert, et Tintelligence ne parait
nullement absente chez ces organisations ddprimees par d’anti-
ques pr6juges. La forme defectueuse de Toreille est peut-Stre le
ph6nomene le plus constant chez les cagots. Le bord ant6rieur
du lobule est habituellement adherent a la joue ; Touverture du
conduit auditif externe est largement b^ante et disgracieuse de
forme; le pavilion est dvase, parfojs irr^gulier ; Th61ix mal con-
form6.
Quant a Timpiitalion d’exhaler une mauvaise odeur, d’avoir
le sang corrompu, nous la regardons comme mal fond6e et
comme une injure pureraent gratuite. Que les cagots con-
servent le cachet de leur origine, qu’ils reproduisent encore
la physionomie de leurs ancSlres, cela parait certain ; mais
les tares qui en ont fait un people maudit, i peine soulenables
aux 6poques d’ignorance et de superstition, ne sauraient au-
jourd’hui fitre sfirieusement all6gu6es pour excuser une antipa¬
thic initee, si en dehors de nos moeurs et de notre civilisation
DES PYR£n£ES.
29
actuelles. A quiconque persisterait a considerer les cagots
comme des fitres iuf6rieurs, soit au moral, soil au physique,
on serait en droit de demander pour ces d6sh6rit6s sociaux
tout au moins le b6n6fice accordfi aux idiots et aux cretins,
d’etre eleves a la dignite de malades, et d’etre dSs lors consi-
dfir^s et traites comme tels.
Ou le cagot est normalement organise, et a droit d’entrer le
front haut dans la famille francalse, — ou bien, prive de cer-
taines facult6s, rictime de certains maux, il a droit non-seule-
ment a la commiseration de ses semblables, mais encore k leur
assistance. — Citoyen, il pent revendiquer I’egaliie des droits,
sa place au soleil et dans les assembiees; — malade, on iui de-
vrait des egards, des soiris, et I’entreprise de sa guerison ! —
A n6tre avis, le cagot n’est point un malade, ses tares corpo-
relles n’ont guere exist6 que dans I’imaginalion de populations
peu edairees et superstitieuses ; sa rehabilitation morale est le
remede le plus certain, le plus infaillible, pour le mal purement
moral dont il est atteint. Ce n’est ni par un article de loi, ni
par un arret6 de I’autorite, qu’on pourra rendre au cagot le
plein exercice de ses facuUes et sa place dans h societe. La
sympathie ne pent etre inscrile comme une obligation dans
la constitution d’un pays. Mais elle resulte nece.ssairement du
progres des moeurs publiques. C’est en edairant les masses,
en faisant peneirer jusqu’a la plus extreme frontiere les bien-
faiis de notre civilisation, que nous parviendrons k triompher
partout des prejuges, de I’erreur, de la superstition, et k en
ellacer les derniers vestiges.
Et pour qu’on ne croie pas k une illusion de notre part au
sujet des progres fails par les cagots actuellement survivauts
dans I’opinion des populations qui les entourent, nous rappelle-
rons, en terminant, les humiliantes exceptions dont jadis leurs
pareils 6taient I’objet, exceptions qui n’existent plus qu’k I’^tat
de p6nible souvenir,
L’ancien For de B6arn exigeait sept tfimoins cagots pour va-
30 LES CRfitiNS Et LES CAGOTS
loir un seal t6moignage. Soumis a toules les corv6es, les cagots
n’aVaient pas le droit dc porter les artnes, ui de choisir leur pro¬
fession. Celles de tisserand, savetier, tonnelier, bflcheron, ou
charlpentier, leur dtaieiu presqueexclusivemenl r6scrv6es. Eiifin
ils etaieilt astreints coitirae marque distinctive, h porter sur leiirs
habits une patte d’oie ou de canard. Chose sihguliOre ! La legis¬
lation toierait, consacrait meine josqu*ii On certain point, ce^
avilissemfeilt, inlligd a uhe race d’hommes dont le seul tort 6tait
leur origitte.
A I’dpoque actuelle, un injuste dddain, une rdpulsioii inexpli¬
cable, sont les seuls vestiges qui restcnt dans le milieu environnant,
de rahcienne antipathie de race envers les cagots. Ces sentiments
irraliolinels s’effacent peu a peu, et font place a des pensdes plus
hutilaines. Que leurs eiifants frdquenteni les dcoles et partici-
jjellt a rinstruCtioU si libdralement dispensde a leurs conci-
Ibyehs, c’est la le plus stir mbyen pour la gfindration nouvelle de
se relever de sa ddchdance. S’lls recouVrent eux -melnes le sen¬
timent de leur dignite, un avenir prochain fera Indvitablement
oUblier jusqu'au nom ignomioieux qui temoigne de leur ilotisme,
et il n*y aura bientot plus, dans auCun repli du sol francais,
dans les valldBS les plus reculdes de nos Pyrdndes, de parias
d’autune espdce.
L’existence d’une race placee si en dehors du courant social
a de quoi dtonner, et surprendra en elfet ceux qui ont peine a
s’expliquer le prdjuge qui continue a peser en Aindrique sur la
race ndgre, fflalgr6 les institutions les plus libdrales, malgrd les
iddes les plus progressives. C’est la un phdnomene qui prouve
jusqu’a qhel point la difference d’origine et de langage nult a
rassimilalloll des races, tnalgre I'unite de la legislation. Les
cagots sont une ahomalie sur le sol francais, au ineine titre que
les Bohemiens ou Gitanos, qUe l*on rencontre parfois aussi dans
fes memes regions. Brotegees par une langue a part ignorde du
plus grand nombre, ces races exceptionnelleS ont pu ainsi dchap-
per an frotletnent qui unifie et nivelle les peoples, mais le flot
DES PYRfiNlfiES.
31
civilisaleur penetrant aujourd’hui partout, Boh4miens, Gitanos
el cagols viendront fdrCg'meht se filsionner lour a tour avec les
populations environnantes. Ge sera 111 un des bienfaits et en
mSme temps une des consequences inevitables des progres in-
cessantsde la civili^ailoti hlodel*)!^
Medecine legale.
RAPPORT MfiDICO-L^GAL
I’lTAT MENTAL DE EICTORINE CROISIER, F” lEGRAND
1NCULP13E
D’INCENDIE YOLONTAIRE DANS UNE MAISON HABITfiE,
PAR LES DOCTEUnS .
HKiVRT UOIVIWKT £T llUl.^nU
Medecins en chef de I’asile public d'alicnds dc Marnville.
Nous soussignes, docleurs Henry,_Boniiet et Jules Bulard,
mfidecins en chef de I’asile public d’alifines de Mar6ville, requis
par commission rogatoire de M. le prociireur imp4rial de Mire-
court, ii cette fin d’examiner l’6tat mental de la nomm4e
Victorine Croisier, femme Legrand, inculpee d’incendie volon-
taire dans une maison habitee, avons pr4t4, au palais de jus¬
tice de Nancy, enlre les mains de M. le juge d’instruction, le
serment voulu par la loi, avons proc4d4 h I’examen prolong6
de la denomm4e, pris connaissance des pieces de la proce¬
dure, et redige en notre ame et conscience le rapport suivant.
Comine d’habitude, nous avons expertise separ4ment, et
nous n’avons pris connaissance du dossier de rinculp4e qu’a-
pres avoir pendant longtemps examine cette derniere.
FAIT.
Le 31 juillet 18fi5, le feu prenait, dans la nuit, a la maison
du sieur Bertaud, au lieu dit la Maison du Bois, ecart d’Essei-
tlAPPOftT MfeDlCO-tteAt stfR t'fetAf MENtAL, ETC. SS
gney, canton de Charmes (Vosges) ; la inaisbn ftlt rfiduite eii
cendres et la pertefut bvalube li 30 000 francs. Aucuns indices
ne mirent sur la trace de la cause de I’incendie.
Le 31 jnillet 1866, dans lanuit.lefeu prenait, an m6tnelieu,
a la maison des fipoux Legrand, maison qui fnt tolalement
dfitrnite.
Depuis pres d’un mois, le sieur Legrand n’habitait plus sa
maison. D’apres les demandes de sa femme, qui prbtendait ue
plus pouvoir s’y plaire, il avait consent! ii louer un logement a
Charmes. Cette complaisance n’ayant amenS aucun changement
dans les idbes de sa femme, il se disposait h rentrer sous peu
dans sa maison, lorsqu’il se prit de querelle avec la femme
Legrand, le 30 juillet 1866, et cette dernibre dit qu’elle ne
rentrerait pas et qu’elle mettrait le feu. Cette femme ayant
dficouchb, son mari I’accusa d’etre I’auteur du crime commis
dans la nuit du 31 juillet. On rechercha la femme Legrand qui
avoua avoir misle feu a la maison du bois au moyend’allu^
mettes chimiques ; elle avoua bgaleraent que c’^lait elle qui,
I’annee precbdente, avait incendie la maison du sieur Bertaud ;
mais pour ce derril|' fait qui n’avait rien donnb de proban t
pour pouvoir jusfmer une information, les aveux, reticencesi
denegations, laissent le litige exister sur la valeur reelle de I’aveu
exprime lors de I’arrestation. Les antecedents de la femme Le¬
grand, ses allures, ses reponses,... ontparu aux juges informa-
teurs de nature suffisante pour commander I’expertise par des
spbcialistes de I’etat mental de la personne.
G’est done de cela que nous sommes appeies ^ connailre. '
COMM^MOBATIPS;
Nous ne pouvons que nous considerer comme trfes-heureuX
d’avoirdes renseignements aussi nets et aussi positifs que ceux
qui nous sont fournis par I’instruction.
M. le maire de Bettigney declare que, lorsque la femine
annal. MfiD.-PSVCH. S" sfipie, t. IX. Janvier 1867. 3. 3
34 RAPPORT MfiDlCO-lfiGAL
Legrand habitait la commuae, elle donnait des signes d’alie-
nation.
M. lejugedepaix deDompaire signaleque la femme Legrand
qui servait, il y a buit ans, en qualite de doinestique cbez la
veuve Grobiot, de Dompaire, n’a pu rester en condition et a
donn6beaucoupd’ennuis ii aa maitresse ; celle-ci trouvaitqu’elle
n’avait pas une tSte ordinaire, qu’elle avail quelque cbose de
bizarre dans la manifere d’agir.
Les renseignements donnas par les maitres cbez lesquels I’in-
culpde a servi, et par I’autoritd communale, s’accordent a lui
attribuer des habitudes d’ordre et de travail, mais en revanche
peu d’intelligence.
Plusieurs personnes tdmoignent que, dans les premiers mois
de I’annfie 1865, la femme Legrand se trouvait dans un tot
assez avancd de grossesse qui disparut subitement. Elle en donna
plus tard une explication en attribuant ce fait a une perte assez
considdrable qu’elle dprouva. 11 ne se trouva point de griefs
assez plausibles pour pouvoir informer sur ce point.
Avant I’incendie de la maison Sertaud, plusieurs difScuItds
s’fitaient dlevdesentre ce dernier et les dpoux Legrand, diflicul-
t6s que le juge de paix avail eu beaucoup de peine 4 aplanir.
Lors de I’incendie, ce magistral soup^onna fortement les dpoux
Legrand; il pensa devoir leur faire une visile domiciliaire et les
interroger. Rien dans les reponses et les allures de la femme
Legrand ne put le meltre a mfime de justifier ses soupgons ;
n§anmoins, il resta moralement convaincu que cette femme ne
devait pas gtre dtrangere au crime, et il recommanda an com-
missaire de police de ne la point perdre de vue.
Dans lecourant de I’ann^e 1866, la femme Legrand, rapporte
I’instituteur, est venue plusieurs fois trouver le maire de la
commune d’Esseigney, en se plaignant de son mari et, chaque
fois, le maire la renvoyait en disaut qu’elle dtait folle.
D’aprfesun tdmoin, la femme Chevreux, I’inculp^e luiparais-
sait avoir I’air frappd depuis qttelque temps ; elle rddait dans les
SUR r.’f;TAT MENTAL DE VICTORINE CROISIER. 35
rues ensuivant les murs et marchaiit d’un air^ganS; ses fafons
etaient extraordinaires k ce point qu’un jardinier du voisinage
disait, en parlant de la femme Legrand, qu’elle devait 6tre en
<5lat d’lvresse ; cependant elle ne buvait pas.
La femme Legrand a entretenu, pendant pres de deux ans,
des relationsintimes avec un nomm6 Duval, espfece de vagabond,
auque) les 6poux Legrand avaient priraitivement dounfi par
piti6 rhospitalit6.
Ce Duval avail fmi par acqufirir sur I’esprit de la femme et
du mari la plus grande influence ; il s’6tait totalement intronis6
dans le manage et rien ne se faisait qu’on ne le consultSt. N^an-
moins la femme Legrand le forca plus tard a se retirer, mais ii
la suite de circonstances spdciales trfis-importantes au procfeset
sur lesquelles nous reviendrous.
Quinze jours environ avant la perpetration de I’incendie de sa
maison, la femme Legrand etait aI16etrouver le mairede la ville
de Charmes, el elle I’entretenait avec tine certaine exaltation de
crimes qu’elle aurait commis, mais sans pouvoir les preciser. Le
30 juillet, veille de I’incendie, ce magistral la rencontrait aux
abords du chemin de fer, et il fut vivement impressionn6 en
face du profond deiabrement physique de I’inculpfee ainsi qu’en
face de ses conditions intellectuelles ; ses paroles se prficipitaient
avec la plus grande animation; elle en vint k dire qu’il fallait
qu’elle finisse sur la guillotine, qu’elle avail commis bien des
crimes, qu’elle (5tait frappfie d’un sort, qu’il 6tait impossible
qu’elle retoumat avec son mari;que, lorsqu’elle voulait prd-
parer le repasj ce .n’fitait point la viande qui cuisait dans la
marmite, mais autre chose.
Depuis trois jours, elle n’avait point couch6 chez elle ; elle
allait et venait sans direction et pfenait, la nuic un abri oh
ellepouvait,
Le sieur Vosgien qqi, lors de I’incendie, a arrSlg h femme
Legrand au moment oh elle se sauvait k trklfers champs, dlt
qu’elle avail I’alr defait et dgard, tenant des propos incohd-
RA.PPORT MfeDICO-LfiGAL
rents, et il la consid6rait comme une folle, opinion corobor^e
par celie du mar£chal des logis de gendarmerie qui a procM^ a
I’arrestation.
Le docteur Perrin tfimoigne que, trois semaines environ
avant i’iucendie de sa roaison, la femme Legrand est venue le
tronver et qu’elie £tait dans un ^tat d'exaltation; ledocteur
Perrin afiSrrae que, dans cette entrevue, les paroles et I’atti-
tude de I’inculpee etaient celles d’une personne v6ritablement
atteinte d’ali6nalion mentale.
Chacun, dil M. le juge de paix de Charmes, dans une letire
adress6e kM. le juge d’instruction, s’accorde k dire que I’incul-
p6e 6tait veritablement 6gar6e. — Ce magistrat declare que M. le
maire d’Esseigiiey pourrail bien en avoir trouvd la cause en de¬
clarant dans un style naif mais expressif : « Dans ma pensee, I’elat
» dans lequel j’ai vn la femme Legrand, provient d’une sorte
» de chaleur qui lul avait ete communiqu6eparle nomm6Duval
>) qui, pendant un certain temps, a eu des relations avec elle. »
— Ce maire dit que, le 30 juillet 1866, I’inculpee serait venue
la r6veiller vers quatre heures du matin ; elle tenait des propos
incoherents et tout k fait contradictoires, se plaignant de son
mari et de ses enfants, puis r^petant immediatement que les uns
et les autres Etaient tres-bons pour elle ; elle ajoutait avec beau-
coiip d’insistance qu’on lui avait jet6 un sort.
Le premier inlerrogatoire de I’incnlpfie semble donner des
r^ponses assez nettes, mais I’obsersalion attentive y fait recon-
Jiaitre quelqne chose de machinal et d’irreflechi dont nous
donnerons I’explication, puis on y trouve k certains endroits
I’erreur de perception et de jugcment qui s’unil avec la disso¬
ciation de I'id^e et I’indiff^rence d’elle-mSme et de sa situation;
en outre, I’aveu fait d^faut,
Le deuxikme interrogatoire subi devant M. le juge d’instruc¬
tion de Mirecourt, paraitrait encore appartenir k une personne
raisonnable...«^ourquoi^ lui demande-t-on, n’avez-vous pas dit
» la v6l’it6 dans votre premier interrogatoire? » et elle r6pond :
SUR L’IITAT MENTAL DE VICTORINE CROISIEB. 37
«Je n’en sais rien; quand vous m’avez interrogfie, jeu’^tais
» pas comme je suis aujourd’hui; il y a des moments oCi j’ai la
» tSte perdue. Vous m’auriez interrogfie hier dans la matinee,
» j’aurais pent-6tre fait de m6me; c’est seulement depuis hier
» que je vais beaucoup mieux. » Est-ce qu’il vous arrive sou-
vent d’avoir de semblables absences 7 Elle r§pond : » Je suis
» bien quand je suis tranquille ou avec des personnes qui ne
» me menent pas durement ; la moindre conlrarifilfi me fait
» perdre la t6te, je ne sais plus ce qife je fais, je briserais tout,
» je me dechirerais moi-mfime. »
Le troisibme interrogatoire dfivoile qu’elle a mis le feu la
maison du boisparce qu’elle ne voulait plus y retourner. Tantbt
elle dit avoir mis le feu I’ann^e prec6dente a la ferme du sleur
Berfaud, puis aussi vite elle ne se rappelle plus I’avoir dit ;
d’autres fois, elle cite les noms des trois individus qui seraient
les coupables; puis, elle n’en sait plus rien. D’autres fois, c’est
un nouveau personnage qui est I’incendiaire. Elle pretend avoir
commis beaucoup de crimes qu’elie ne connait pas cependant.
— «Si Ton volt quelque chose, dit-elle, je vois beauconp ; apres
» la mort de mon mari, il n’y aura plus de viu i boire, et voilk
» une ch^re mort. » Elle prMt I’avenir, mais elle ignore si c’est
le diablO ou le bon Dieu qui lui a donnfi ce pouvoir ; c’est
elle qui a cr6e le soleil, etc. Tout cela frappe Svidemment
M. le juge d’instruction qui lui demande si elle ne reconnait
pas avoir lesidfies troublfies; mais elle r6pond ne pas avoir du
tout la t6te d6rang6e. Elle dit encore avoir beaucoup d’enfants,
des morts, des vivants, etc.
OBSERVATION DIRECTE.
La femme Legrand est amende li Maryville, lb 20 aout 1806,
sous I’escorte de la gendarmerie. On la place dans un quartier
special Ob elle est recpramandbe & I’observation.
RAPPORT MfiDICO-L^GAL
Quand nous la voyons pour la premiere fois, nous remar-
quons du d^faut de sola dans son accoutrement. Sa demarche,
ses gestes, sa physionomle, toute son habitude extSrieure,
enfin, tendraieni it faire supposer qu’elle a pen conscience
d’elle-mSme et dc sa situation. Elle est tranquille, mais inerte
devant ce qui se passe autour d’elle.
23 aout 1866. ~ D. — Comment vous appelez-vous?
R. — Julie Colin.
D. — Comment se nomme votre inari ?
R. — Petit.
D. — Pourquoi ne dites-vous pas votre vrai nom ; vous vous
appelez Legrand ?
R. — Oui, monsieur.
D. — Gombien y a-t-il de temps que vous §tes mariee ?
R. — Deux ans.
Z>, — Combien avez-vons d’enfants 1
R. — Quatre.
J), — Quel age a le plus ag6 ?
R. — Seize ans.
D. — Que faut-il croire dans ce que vous rfipondez ? Vous
ne pouvez avoir un fils de seize ans puisque, dites-vous, vous
n’6tes marifie que depuis deux. — Pas de reponse.
D. — Combien avez-vons d’enfants ? Pas de reponse ; atti¬
tude automatique, physionomie nulle; I’observation la plus
rigoureuse ne permet pas de d6couvrir l’£q)parition d’une sen¬
sation.
D, — Combien d’enfants avez-vous ?
i?. — Ils sont morts.
D. — Comment se nomment ceux qui vivent encore ?
R. — L’un Julieu, I’auiPe Charles ist 1% troisieme Jean.
D. — N’avez-vous pas de Giles ?
R> — J’ai deux enfantsi, dont deux Giles.
j), — On vous accuse d’avoir mis le feu a votre maison ?
39
SUU L’fiTAT MENTAL DE VICTORINE CROISIER.
R. — J’ai mis le feu ^ ma maison, mais je n’ai brul6 ni le
cliable, ni le bon Dieu.
D. — Pourquoi ?
R. — G’6lait pour faire du mal.
Z). — A quiJ — Pas de r6ponse.
J). — Vous ne vouliez pas que votre mari alllt travailler
dans votre maison ?,
R. — Non, parce qu’on avait mis le feu a celle d’& c6t6.
D. — Ce n’6tait pas une raison pour brfller la votre. Votre
marl y allait-il travailler tout de m4me ?
R. — II ne 'm’ficoutait pas : il disait que j’etals folle; alors
il me battait.
D. — Pourquoi votre mari vous en voulait-il 1
R. —Vl 6tait jaloux de moi.
D. — Vous connaissiez quelqu’un ?
R. — J’ai connu un bomme pendant deux aus.
D. — Depuis combien de temps I’avez-vous quitl^ ?
R. — ' 11 n’y a pas longtemps.
D. — Que faisait-il chez vous ?
R, — 11 £tait compagnou du devoir.
D. — Compagnou charpentier ?
R, — Non, il faisait le bien et le mal; il dtait tout.
D. — Pourquoi votre mari vous en voulait-il 2
R, — Depuis que j’ai yu une flamme de feu descendre du
toit sur les meubles.
J). — Votre mari i’a-t-il vue 2
R. — OuL
D, — Qui vous a donniS I’idSe de mettre le feu k votre
maison 2
R, — G’est parce qu’on a reavers6 cede d’ii c6t6 de nous.
D. — Qu’6tait-ce que celle-ik ?
R. — 11 y avait des piquets, des mauvaises cboses alentour ;
je ne voulais pas que mon mari y allat travailler.
D, — Pourquoi avez-vous mis le feu a votre maison 2
40 , RAPPORT MfiUlCO-LfiGAL
. B. — Elle avail un sort; je ne voulais pas que mon niari el
les enfants y retournent.
D. — Vous vous etes sauv6e apres ?
B. — Non, j’ai regarde brfller.
D. — feles-vous contente d’dlre sortie de prison et d’dlre
venue ici ?
R. — Oui, mais la soeur ne me plait pas.
D. — Pourquoi ?
B. — Parce qu’elie me fait du bien.
D. — C’est diole, cela ; vous files folle, alors?
/f. -I— Comme cela,
D. — Voire mari vous reprocbait-il quelquefois les fames
que vous avez eommises avec rhonime qui fitait chez vous?
B. — Oui ; quelquefois il fitait furieux «l me battait.
D. — Regrettez-vous votre conduite ? — Pas de rfiponse.
D. — Est-ce que vous ne travailliez pas ?
B. — Non.
D. — Vous fitiez inquiete ?
B. — Oui.
D. — C’est it cause de cela que votre mari voiis enfermait?
7f. — Oui.
D. — Vous avez passfi par les fenfitres ?
B. — Par les portes, par les fenfitres.
On ne constate aucune fimotion pendant le temps qu’ont
durfi ces questions, dont nous apprficierons la valeur compa¬
rative avec les rfiponses; rien ne se dfivoile qu’une attitude
morne n’ayant quoi que ce soil de factice. La journfie se passe
dans une inerlie complfite ; elle ne cherche k communiquer
avec personne, rfipond plus ou moins bien quand on lui parle,
est nonchalante dans toule sou allure et nullement soucleuse
de ce qui I’environne.
Nous ne rapporterons pas ici tons les nombreux interroga-
toires que nous lui avons fait subir et qui conduisent aux
mfimes conclusions ; mais ses difffirenis modes i’fitre et les
SUR L’fiTAT. MENTAL DE VICXORINE CROISIER. 41
exacerbations d’agitaiion r^mittente qui se manifesient soiit
a noler d’une fa^on spiciale.
25 aout. — D&ordre complet; pas la moindre coherence
dans les paroles; va et vient avec agitation en proKrant des
menaces qui ne reposent sur rien et des mots qui n’ont aucune
suite. Le matin elle voulait casser les carreaux avec la cruchc
4 I’eau et excitait ses compagnes 4 tout briser. On arrive dififi-
cilemenl a la calmer ; on ne pent, quoi qu’on fasse, diriger son
attention. Les id^es Pratiques devienuent sailiantes chez elle ;
elle parle souvent d’homraes, qu’elle aime les hommes, etc.
28 aout. — Plus de calme, mais relatif. Elle nous dit que,
si elle a mis le feu h sa maison, c’est qu’elle 6tait ensorcelSe et
qu’elle ne voulait pas que son mari et ses enfants y retour-
nassent de peur qu’il ne leur arrive du mal. On essaye de
diriger ses aptitudes vers une occupation; on ne peul y par-
venir.
Elle revolt de son mari une lettre qui denote de la part de
ce dernier une ^intelligence des plus born^es. Particularit6
assez curieuse 4 retenir, c’est que les conceptions dfilirantes de
sa femme ont exerc6 leur contagion sur lui; il a fini par.etre
convaincu des sortileges dont elle I’a eniretenu.
29 aout. — Calme relatif ; on ne pent I’occuper. L’attention
chez elle est difiicile ; lenteur extreme dans la formation des
pens6es dont I’erreur est manifeste.
D. — Il faudrait travailler.
R, — Je ne sais pas travailler ; il n’y a qu’un seul ouvrage
que je devrais faire.
D. — Quoi I
R. — Voir mes enfants et mon mari.
D. — Il ne fallait pas mettre le feu.
R. — Je ne I’ai pas fait pour du mal ; je n’ai rien brfll6 ; il
n’y avail personne dedans.
D. — Pourquoi avez-vous hrul6 celtp maison ?
/f, — Il y avail quelque chose autour. i
RAPPORT m£DICO-L£GAL
D. — Quoi ?
R. — Mon mari et mes enfants y aliaient malgrfi inoi et
malgrfi ce que je disais.
D. — Qu’y avai(-il dans votre maison ?
R. — II y avail un sort.
D. — Depuis quand ?
R. — Je n’en sais rien.
D, — Votre mari y allait-il toujours ?
R. — Oui.
B. — Ponrquoi ne vouliez-vons plus qu"il y aille ?
R. — Pour erapScher les maledictions de lomber sur mon
mari et mes enfants.
Z>, — Y a-t-il longtemps que vous avez I’idde qu’on vonlait
vous faire du mal 1
R. — Trois mois, je crois.
D. — Comment se fait-il que I’idfie vous soil venue lout
d’un coup qu’on voulait vous faire du mal 2
R. — €e n’est pas tout d’un coup : c’esten voyant mon
mad y ailer. On avail renversd la maison ^ c6t6, et j’ai cm que
c’dtait pour faire du maL
B. — Pourquoi a-t-on renvers6 la maison d’a cote 2
R. — C’est un sort pour faire du mal a mon mari,
B. — II faut travailler.
— Je ne veux pas : j’ai penr de faire le bien.
B. — Vous aiinez beaucoup lesbommes?
R. • — Oui, Je les aime, et je ferai tout pour les aimer comme
les enfants.
B. — Quel age avez-vous 2
R. — Trente-cinq ans.
B. — Quel est I’age de vos enfants?
R. — L’un a sept ans et le plus jeuae trois ans.
B. — Vous nous avez dit, il y a quelques Jours, que vous
en aviez un de cinquante-lrois ans 2
R. — C’est mon marl
SUR L’fiTAT MENTAL DE VICTORINE CROISIER. 43
D. — Votre inari ne pent etre votre enfant; du reste, il n’a
pas cet age-lk ?
R. — JSfon, c’est Duval.
D.. — C’6tait votre amant; le regreltez-vous ?
R. — Oui, un pen. ,
De cette conversation, il r4sulte que, bien longtemps avant
le crime, la femme Legrancl 4tait obsed4e par des convictions
d61irautes de persecutions et probablement aussi par des hallu¬
cinations de m6me nature. Il en resulle encore qu’on pent con-
stater I’erreur ou I’absence de perception, le defaut de memoire,
la nulliie d’appreciation et I’erotisme.
31 aout. — Le calme relalifse continue, c’est-k-dire qu’on
ne remarque pas la turbulence desordonnfie des jours prece¬
dents ; mais on constate I’incoordination des actes, le peu de
conscience d’elle-mfime, le ddsordre de I’babitude exterieure ;
on he peut diriger son activitk, meme sur les choses les plus
eiementdres.
D. — Comment vous trouvez-vous 2
R. — (Prenant la main de I’un de nousj ; J’ai mie faveur
a vous demander : je voudrais vous embrasser.
D. — Est-ce que c’est Duval qui a jetd le sort sur la
maison ?
, R. — Probablement.
2). — Duval etait bien votre amant ?
R, — Non..... ; mon marl est catholique et moi Je suis
juive.
J), — Mais vous files parfaitement catholique 2
2?. — On dit que oui.
D. — Ce n’est done pas Duval que vous aimiez ?
R. — Non, c’fitait Mathieu.
2i. — Vous aimez done tous les hommes .2
R. — Quelquefois.
D. — Que fait Duval ?
R. — Il fait beaucoup de choses.
hll RAPPORT MfiWCO-LEGAL
D. Vous avez dit que vous aviez mis le feu?
R. — Oui, je I’ai avou6, j’ai dit que cela suffisait.
D. — Vous croyiez qu’on voulait vous faire du mal ?
R. — Oui ; i moi, k mon mari, k mes enfants.
D. — Qui done vous voulait du mal ?
R. — Nos voisins nous eii voulaient et disaient qu’ils vou-
laient me faire sScher.
D. — Vous auriez mis le feu dans votre maison parce que
vous ne vouliez pas tester dedans ?
R. — Je n’ai pas voulu rester dans la maison parce que
j’avais vu des flammes descendre, ct depuis, mes enfants sont
devenus comme enrages : ils sechaient, d6p6rissaient ; e’est
k cause de cela que j’ai mis le feu.
D, — Est-ce que la cause en est k vos voisins ?
R, — Les voisins out fait des sortileges dans la maison de
Bertaud ; le feu y a pris et est venu sur notre maison.
D. — Le feu a mis le temps pour venir, puisquiil y a eu
un intervalle d’une ann^e enlre les deux incendies.
A — Cela ne fait rien.
D. — Pourquoi voulez-vous m’embrasser ?
R. — Parce que vous me plaisez : je ne vous ferai pas de
mal.
Get interrogatoire demontre encore de la facon la plus nette
la faussele des sensations, le dfifaut ou le rendement errond
des souvenirs, i’impossibilit6 d’etablir pertinerament de rapport
entre les id6es, la perversion morale et I’^rotisme.
2 septembre. — Grande agitation; impossibility de lui tenir
un raisonnement quelconque. La physionomie devient vul-
tueuse aux plus simples paroles qu’on lui adresse. Elle est tres-
difficile k maintenir, est subitement irritable et offre des pro¬
pulsions qu’il faut surveiller attentiveraent. Cette agitation
dure quelques jours sans r6mittence, puis un calme apparent
survient, pendant lequel, toutefois, on ne peut oblenir de sa
part aucune id^e cohyrente.
SDB L’feTAT MfiNTAt ftb VlCTOhlNt: CROISiF.n.
6 septembre. — On la fait peu aisfiinenl tenir en placo.
Elle veut voir son inari et ses enfants. Elle ne s’inqui^te pas
aulrement de ceux-ci.
Elle s’apei-foit, dit-elle, que les malades qui sont autour
d’elle d6p§risseut par I'etfet des sortileges.
Extreme agitation pendant quelque temps ; fort malaisee h
maintenir. Les conversations qu’on tente d’avoir avec ejle ne
demontrent de plus en plus que la perversion mentale dont la
chronicite est evidente.
19 septembre. — Elle est calme depuls bier. .4ujourd'hfli,
elle pleure, se desole, regrette ce qu’elle a fait, va et vient sans
but precis, veut s’en aller, veut qu’on reste pres d’eile, etc.;
la dissociation des pensees et des acies necessite une surveillance
rigoureuse.
20 septembre. — Grand desordrc ; casse les carreaux, se
jette sur la .soeur et les infirmiferes sans qu’on lui disc rien ; le
motif reel de cette agitation repose sur cette conviction deiirante
qu’on I’erapeche de voir son mari et ses enfants auxquels on
veut faire du riial. Elle a trouble, toute la nuit, les malades
dudortoir; on se voit force de la mettre dans une chambre
separee.
26 septembre. — Cherche & briser ce qu’elle trouve et it se
jeter sur les personnes. On lui met la camisole. Lorsqu’on lui
demande pourquoi elle agit ainsi, elle repond qu’on n’est pas
dans le cas de sentir ce qu’une mhre sent pour ses enfants;
qu’il est temps de repeupler la terre, sans quoi nous sommes
tous perdus ; qu’il y a des personnes qui prient et ne devraient
pas le faire; qu’on lui en veut, etc., etc.
On la voit pendant un mois presque constamment agitee, et
le desordre de ses paroles, de sa tenue et de ses actes se rap-
porte toujours aux conceptions d^lirantes principales. Elle a
constamment des tendances incoercibles a briser et Ton ne peut
les erapecher qu’en usant vis-k-vis d'elle de moyens contentifs.
lOoctobre. — Elle a 6t6 fortement excit6e et s’est violem-
RAPPORT M£DIC0-L£GAL
ment jetee sur une soeur sous I’influence d’une hallucination
de I’onie. Elle entend ses enfanls qui I’appellent a son secours.
lls orient et pleurent; elle dit qu’on les a tu§s; c’estce qui la
pousse a r6agir centre les soeurs qu’elle accuse de martyriser
ses enfants. On constate la mSme continuation de manifestations
6rotiques que nous avons relat6es prdc6demment.
21 octobre. — A toujours des impulsions insolites sous I’efTet
des hallucinations de Toui'e qui Tobs^dent. Depuis deux jours,
on lui a mis la camisole ; elle croit les inflrmiferes et les soeurs
coupables de ,s6vices envers son mari j elle s’est jetfie sur une
iuDrraibre et a failli I’etrahgler 5 elle a brdl6 une soeur en lui
jetant des legumes tres*chauds sur la main. — Tout raisonne-
ment s’^puise devant le dfisordre invincible de I’intelligence et
du moral. Bon gr6, mal gr4, il faut avoir recours aux moyens
de rigueur.
23 octobre. Elle est calme, on a pu la faire travailler h
coudre. Elle est tout aussi troubl6e du reste 5 mais elle est
moins inquibte, parce que, dit-elle, elle vient de recevoir des
nouvelles de ses enfanls par le procnreur impfirial de Wirecourt.
II est facile de voir qu’il faudrait peu de chose pour I’exciter.
Son langage est animfi, incoherent; elle ne reste pas en place,
est toujours poursuivie par des idees de persecution, de ten¬
dances erotiques; ainsi, elle dit qu’il ne finira que par fester
que des filles sur la terre, etc.
Jusqu’au 10 novembre, moment ou nous commen^ons ce
rapport, toutes les conversations que nous avons avec elle
temoignent de la diffusion ou de I’absence de pensees, de la
perversion instinctive, de convictions, de persecutions et d’hal-
lucinations remittentes. Un instant I’agitation et ses determina¬
tions funestes sont d’une nature telle que nous sommes obliges
de lui faire quitter le quarlier special ou elle residait jusqU’h ce
jour pour la faire passer dans celui des agitees ofi elle est encore ;
elle ne sent pas le mauvais de sa conduite et n’eprouve autunc
suR l’£ta.t mental de victorine croisier. hi
emotion de la transformation de milieu que nous lui avons fait
subir,
L’entendement et le moral sont trop obtures pour ne pas
dchapperaux efforts de redressement qu’on exerce sur eux.
DISCUSSION.
Nous sommes a une 6poque ou toutes les professions lib6rales
se tiennent iniimement par certains points et linissent par de-
venir solidaires. Si la medecine, sous le titre de m6decine Ifigale,
peut souvent preter a la justice un utile concours, la justice
vient aussi de son c6t6, par les renseignemcnts qu’elle fournit,
l endre des services li la m§decine.
Le cas pr(5sent est un exemple, En effet, la rigueur de
I’enqugte, les details minutieux dans lesquels elle a pu entrer,
sans oubli de choses futiles en apparence, nous ont permis
d’dlablir I’etiologie de la compromission mentale de la femme
Legrand, c’est-ii-dirc les conditions de causality qui ont eld le
primum movens de son ddlire. Nous avons pu suivre les
phases successives de la maladie jusqu’au moment pu elle
s’est gendralisee et a passd, comme expression finale, a I’dtat
chronique.
Nous voyons que Victorine Croisier, avant d’dtre devenue
femme Legrand, dtait peu intelligente. Ce n’etait pas une de
ces imbeciles qui ne peuvent s’elever aux notions dldmentaires
ou a la inddiocritd des devoirs gdneraux ; mais elle possddait de
la simplesse d’esprit ; elle dlait, pour employer le langage
vulgaire, bornee. Appartenant a une pauvre famille, ne se trou-
vant point dans les conditions satisfaisantcs pour que I’dducalion
Vienne corriger le vice primordial et dveiller des aptitudes
intellectuelles en moralisant a la fois les instincts et les actes,
elle s’est trouvde aux prises de bonne heure avec sa propre
initiative qui dtait Irds-faible, et a dtd peu capable de se main-
tenir dans le milieu social par sa simple direction personnelle
RAPPORT MfiWCO-LtGAL
avec toule la pertinence d&irable. Nfianmoins, elle §tait hotl-
ngte et a pu apprendre diverses choses ; elle a pu se presenter
en condition chez plusieurs maitres; maisia, elle n’est restee
qu’k la condition de bienveillance et de longanimitd, etelle s’est
fait remarquer par des inaptitudes et bizarreries diverses qui
ont dfl forcer les personnes chez lesqnelles elle se trouvait a se
priver de ses services.
Plus tard, elle s’est mariee. Comment ? Dans quelles condi¬
tions? Nous I’ignorons; mais^ en tout cas, ces conditions dtaient
trisles, puisque le mariage la mettait doublement en face des
ndcessitds de la vie et quo ses forces intellectuelles n’avaient pas
le ressort ndcessaire pour y rfisister avantageusement. — D’un
autre cotd, le mari, que nous ne connaissons cependant pas per-
sonnellement, doit etre un borame bornd, car, depuis I’interne-
ment de la femme Legrand par ordre de I’autorite judiciaire,
nous avons recu unc leltre qu’il lui adressait, lettre que nous
ajoutons au dossier qui nous a did confid, et qui prouve avec
netteld non-seulement la faiblesse d’entenderaect de cet homme,
mais aussi le contagium qui a rejailli sur lui de la folie de sa
femme.
La femme Legrand a entretenu pendant un certain temps
des relations intimes avec un nommd Duval, espdce de vagabond
auquel les dpoux Legrand avail donnd I’hospitalitd, qui avail
fini par exercer une pression incoercible sur leurs pauvres
intelligences et dont I’influence extrdme dans le mdnage nous
paratt irrdfutable. — Avant I’inlronisalion de cet homme dans
le domicile conjugal, la femme Legrand dtait laborieuse, dpouse
tranquille et bonne mere ; elle vivait misdrablement et sa con¬
stitution a dfl souvent soulfrir, surtout k la suite de parturi¬
tions ; mais enfin la conduite et I’honndtetd n’dtaient pas alia-
quables.
Nous ne dirons rien de Duval qui escompte I’hospitalitd
qu’on lui donne avec I’lionneur de la maitresse du logis ; nous
ne dirons rien de ce capharUaUm ofl la moralitd est prise a
SUE L’fiTAT MENTAL DE • VICTORINE CROISIER. 49
rebours, oiitoute convenance disparait, ou les plus m6diocres
senlimenls du devoir soiit. une lettre morte, ou la presence de
tous jeunes enfants n’arrete pas la d6bauche, ou Ton se de-
mande avec tristesse ce que deviendront ces pauvres petils etres
qui, dfes leur teudre §ge, se sont trouv6s eii face d’une pro¬
miscuity des plus ryvoltantes. Que dire du mari, non pour
I’excuser, mais pour att6nuer, si cela est possible, le honteux
de sa conduite?
La faible intelligence, I’absence d’^ducation, la inisere et ses
consequences doivent faire jeter sur lui le voile de la commise¬
ration. .
Toujours est-il que cette vie bybride a laquelle le travail
n’apportait pas le contingent de subsistance necessaire ne pou-
vait que deteriorer davantage Torganisme deja appauvri de la
femme Legrand. , Or, rappauvrissement du sang (anemie gene-
rale) n’est pas indifferent par suite de Taction reciproque de
Teiement arteriel et de Teiement nerveux sur la production des
troubles pathologiques du systeme nerveux central et peripbe-
rique ; Talienation mentale ne fait que corrobprer la lesion. Si
Ton joint a cela la furenr uterine avec ses actions reflexes nous
aurons toule Texplicalion des phenomfenes morbides de Tenten-
dement et du moral cbez la femme Legrand. — M. le inaire
d’Esseignez ne s’6tait pas, dans son simple bon sens, trompe
sur I’origine de Tetat de folie de la femme Legrand, quand il
disait que cet etat provenait d’une sorte de chaleur qui lui avait
6te communiquee par Duval. II avail bien soupconne la conse¬
quence formelle de Texcitation genitale, la nymphomanie, qui
avait, en devenant compiementaire de Tappauvrissement du
sang, suscite par son action sur le systeme viscero-gangliqn-
naire un retentissement ultime sur le cerveau. Le resultat s'est
caracterise par un deiire emotif primordial, qui s’est ensuite
traduit en deiire general, a suivi regulierement toutes ses
periodes, a about! a ia chronicit6 et, fmalsment, au dernier
terme morbide, la demence, c’est-a-dire la destruction des
AKXAt,. MED.-PSYCH. 4'-’s6rie, t. IX. .lanYier 1867. A. A
HAPPORT MfiDlCO-lfiGAL
facult^s intellectuelles et morales qui formera iiotre conclusion
vis-a-vis de I’fitat mental de I’inculp^e.
L’organisme de la femme Legrand ne pouvait done lulter
avantageusement contre ies d^testables conditions d’habiiation,
d’alimentalion, etc., et contre les effets de I’^rotisrae. L’influeiice
morale de Duval n’avait pas6t6 non plus sans exercer une grave
alteinte sur on cerveau affaibli. — II fallait une limite, et ce
qui doit spficialement nous frapper, e’est que le d61ire s’est
r6v416 d’une facon tangible a la suite d’une sc6ne nocturne avec
Duval et son marl. Le matin, elle intima & Duval I’ordre de
sortir, et elle lui ordonnait en mfime temps de retirer le sort
qu’il avait jet6 sur son mari et ses enfants, Mais le depart de
Duval n’arrete pas chez la femme Legrand la fureur uterine, et
I’information peut presque pas a pas la suivre dans ses obsessions
qu'elle ne cherche en rien a c61er vis-li-vis de cet homme. Le
delire avec les extravagances d’actes ne fait que s’accroitre des
refus de ce dernier.
Nous ne devons point oublier un fait iinportant. — II ne
nous appartient pas de dire si, & un temps donn6 et quaud
Duval 6tait encore au domicile des 6poux Legrand, la femme
Legrand s’est fait avorter ou a eu simplement une faussc
couche; mais si cet 6v6nement a eu lieu, il a du exercer une
grande influence sur I’^tat mental; les troubles de I'ut^rus avec
les perversions menstruelles ont du contribuer a I’altfiration des
facultfis. Depuis ce moment, toute application disparut chez
rinculpee ; mais le d4lire ne s’est toutefois r6v416 d’une maniere
appreciable et tres-distincte que par la manifestation des malfi-
iices jetes sur elle, par les craintes chimeriques, I’anxiete, et ies
inquietudes inb6rentes a ce mode de folie. C’esl sous I’erapire
de cet etat morbide qu’elle parvient d’abord a faire abandonner
sa maison par son mari et par y mettre le feu pour qu’il
n’y revienne pas et ne subisse point ainsi que ses enfanis les
effets des sortileges.
Elle suit en cola la logique ordinaire des alienes etle fait n’a
SUB L’fiTAT MENTAL DE VICTORINE CROISIER. 51
point lieu de nous surprendre. Elle ne cherche point nier le
crime qu’elle a commis, bien au conlraire; el; en celS, elle ne
s’ficarle nullement du raisonnement qui se fait chez les alienees
de sa categoric. Elle est satisfaite, car elle a agi eonformewent
a sa conviction deiirante qui lui ordbnne telle chose pour pro¬
tegee les siens.
La veille de I’incendie, I’extenuation et les divagations de
I’inculpee ont peniblementimpressionne M, le mairede Charraes ;
il est reste convaincu de la folie, et il ne pouvait en etre autre-
ment.
Y a-t-ii une relation a etablir entre I’incendie de la maison
Bertaud le 31 juillet 1866 et I’incendie de la maison Legrand
le h juillet 1866? Nous ne saurious voir entre ces deux dales
qu’une coincidence. Tantdt la femme Legrand dit que I’incendie
est de son fait; d’autres fois elle nie; dans I’etat intellectuel oil
elle se trouve aujourd’hui, il n’est pas permis d’inKrer une
opinion d’aprSs ses paroles.
Si nous venons k examiner la femme Legrand dans ses inter-
rogatoires devant M. le juge d’inslrucllon, nous nous trouvons
presque continuellement en face du delire claireraent accuse. 11
est arrive cependant que des rOponses ont ete assez nettes et
precises ; mais, en reliant le tout, on voit un decousu et une
irreflexion notoire de pensees. C’est le propre de certains alie-
nes, et principalement dans I’etat chroUique, de repondre iram6-
diatement ce qui leur vient a I’esprit, que cela Concorde ou
non avec ce qu’on leur demande, et sans davantage se preoc-
Guper de ce qu’ils disenl; il arrive m6me aussi qu’ils'semblent
repondre normalement aux questions qu’on leur pose, qnahd
ce ne sent, au contraire, que ces questions qui ont machinale-
ment suscite une reponsc dont la veraclte pourrait en ifflposer
pour le libre fonctionnement de la pensee ; on n’a fait, sans le
savoir, que developper chez eux une idee qui n’est que la con '
tinualion de celle de I’interlocuteur.
Jl resulte de Fexamen direct dont nous avOns plus haul con-
52
RAPPORT MfiblCO-LfiGAL
sign4 les details, que la femme Legrand ne jouit pas du libre
exercice de ses facultfis.
Nous nous rfisumerons ^onc et nous dirons que 1 : femme
Legrand, d’une intelligence native peu d6velopp6e, entour6e de
gens, son mari entre autres, dans les mdraes conditions, a vu
son enlendement et son moral se troubler & la suite d’un con-
cours de circonstances et de causes particuliferes. Les vexations
de ses voisins, de fr6quentes comparutions devant le juge de
paix, le libertinage auquel elle s’est livr^e, le g6n6sisme qui I’a
suivi, la mis6reet ses fatales consequences sur I’organisme, etc.,
sont autant de raisons qui ont fait defaillir compl6teinent cette
machine deja bien faible. II s’est alors traduit un d61ire d6pressif
(hypemaniaque), avec idfies de persecution, de sortileges, d’in-
fluences occultes, avec hallucinations de la vue, de I’ouie anssi,
puis tendances a reagir contre les inlluences malfaisantes. Elle a
incendie, mais elle aurait egaleraent pu se livrer a tout autre
acte dangereux.
Actuellement, elle a la conversation futile, incoherente et
toutesles allures des dements; aujourd’hui elle demande a s’en
aller, puis elle s’ennuic et vent rester; le lendemain elle e.st
gaie et se trouve satisfalte.
Aujourd’hui elle travaille un peu des ouvrages qui ne neces-
sitent pas d’efforts intellectuels, et demain elle se montrera sans
motif desordonnee et incoercible. Quelquefois on croirait entre-
voir le sentiment affectif normal envers ses enfants ; ce n’est
cependant que la conviction delirante du sortilege s’exercant sur
eux qui ainfene un souvenir passager; elle est insouciante d’elle-
m6me et de ce qui se passe autour d’elle.
La femme Legrand est done en ddmence, mais on peut dire
qu’il n’y a pas bien longtemps. La m6moire existe encore pour
certaines choses, mais surtout pour les choses anciennes ; elle
oublie plutot les fails recents. La persistance des hallucinations
de rouie, de I’excitation intercurrente quelquefois trfes-grande,
des propulsions brutales instantandes, se r6unissent pour indi-
SUR L’fiTAT MENTAL DE VIOTOlUNE CROISIER. 53
quer que l’6tat de demence n’est pas de date ancieiine et que
le delire depressif chronique ne remonte pas a une 6poque
61oign6e.
L’inculp6e est Irfes-dangereuse pour la s6curil6 publique el la
surete des personnes.
CONCLUSIONS.
1“ La femme Legrand 6tait alienee avant I’epoque du crime.
2° Lors de I’incendie, elle a agi sous I’empire d’uue influence
irresistible consecutive a des convictions deiiraules et & des
hallucinations.
3“ Elle ne doit pas Sire cousider6e comme possedant son libre
arbitre ; mais elle est dangereuse, et elle a besoin de I’inter-
nement dans un asile.
Maryville, 18 novembre 186G.
Les medecins experts :
’■ HENRY BONNET. JULES BULARD.
La justice a adopte les conclusions de ce rapport.
SOCIETES SAIAMS,
Soel^t^ mddlco-pgtyoliolo^iqiiic.
Stance du 30 juillet 1866. — Prdsidence de M. Fi;ux VoisiN.
Lecture et adoption dii procfes-verbal de la precddente sdance.
M. Campagne, d’Avignon, et M. Morel, de Rouen, correspon-
dants de la Socidtd, assistent a la sdance.
M. A. Linas fait hommage S la Socidtd du numdro du 20 jiiil-
let 1866 de la Gazette hebdomadaire de medecine et de chirurgie,
Ce journal contient la deuxieme partie d’une dtude bibliograpliique
sur les publications rdcentes relatives d I’alidnation mentale, a la
Idgislation, aux divers modes d’assistance et a la mddecine Idgale
des alidnds. (Remeiclments a M. Linas.)
Correspondance :
M. le doctew Durand, auteur des Essais de physiologie philoso-
phique, dcrit pour demander le titre de raembre rdsidant. (Com-
missaires : MM. Peisse, Delasiauve et Achille Foyille.)
La Socidtd revolt :
VExtrait de la cUnique de I'eiablissement hy dr other apique de
Longchamps, d Bordeaux ; Coup d’ceil gdndral sur la nature, les
causes et le iraitement du rbumatisme, et, en pariiculier, de
I’emploi de I’bydrothdrapie dans cette affection, par le docieur
Paul Delmas. — Paris, 1866.
Le numdro de juillet du Journal de midecine mentale, par
M. Delasiauve.
Discussion sur la folie raisonn'ante.
M. Delasiauve. Pulsque personne ne rdclame la parole, je de-
manderai a la Socidtd la permission de lui signaler un fait qu’un
lien dtroit rattache a la question pendante. Idenlique, au fond, avec
la plupart de ceux qui ont dtd produits, il appelle I’atlention par la
singularitd des symptOraes et de la marche. Le snjet a pleinement
conscience de son dtat, car c’est lui-mdme qui, dans une lettre, sur
laquelle j’ai dtd consultd, il y a quelques heures seulement, expose,
ddcrit et apprdcie les plidnorndnes.
C’est un jeune homme de vingt-quatre ans, dtudiant en droit.
mOBEL. — FOLIli RAISONNANTE. 55
L’affeclion, oecasionn^e par de violentes secousses tnofales, date du
commencement de 1804. Elle consiste, au fond, dan.s une sorte
dMtourdissement et d’h^bfitude, qui cesse et revient, Ji pen de jours
d’intervalle. Au milieu de cetie obtusion, en general dans la mati¬
nee, surgissent des images insigniiiantes qui se fixent plus on moins
longiemps dans son esprit, puis s’evanouissent. G’etait, dans le
principe, un individu barbu, un soldat, etc. Une fois uu pan de
mur lui apparut avec plusieurs fenfitres ouvertes, sauf une seule.
Ses proportions etaient naturelles et la vision, mediocrement nette,
dura environ une demi-heure. Pendant plus de quinze jours, il eut
sous les yeux I’image d’un ouvrier feiblantier, h visage noirci. Elle
s’edipsa tout 4 coup. Celle qui domine, invariablement, depuis deux
ans, represente un gros homme & blouse rouge, une espbce de
boucher dont la figure change. Un moment affaiblle, elle a bientfit
repris son intensite habituelle.
Sans agrement pour le malade, ces sensations lui devlennent
importunes coinme un tableau monotone qu’on tiendrait suspendu
devant lui. Jamais elles ne se mSlent 4 ses songes. Tantfit tr6s-
distlnctes, elles sent d’autres fois vagues, et peuvent rnfime ne lui
repi-esenter qu’une couleur rouge confuse. II en eprouve, du reste,
une anxiete bien naturelie. Sa physionomie est sombre, inquifele, et
il se demande, avec effroi, .si cette affection etrange, dont il garde
le secret, ceribrale ou sensotielle, n’est pas le prelude du naufrage
complet de I’intelligence. A un moment donnd, elle pourrait, en
elfet, se modifiant, exercer sur ses determinations une fScheuse
influence et provoquer, malgre la conservation du raisonnement,
des actes non legitimement imputables.
M. Morel. La dissidence qui existe entre mes opinions et celles
de M. Delasiauve porte principalement sur la responsabilite des
actes civils, chez les individus alienes ou suspects de folie.
Si vous croyez, dit M. Delasiauve, qu’il y ait des actes d’alienes
qui peuvent 6tre valides au point de Vue civil, par la raison que
I’individu etait assez maltre de lui-m6me au moment de la perpe¬
tration de I’acte, pourquoi ne pas admeltre qu’en malifere crimi-
nelle, il y ait des alienes assez lucldes, assez maitres d’eux-memes,
pour savoir que Paction qu’ils commettent est raauvaise, et que ces
alienes doivent, consequemment, en porter la responsabilite?
Les objections de M. Delasiauve m’etaient parliculiferement adres-
sees, Si propos du testament du nomme Daire, du Havre, testament
sur la validite duquel je me suis trouve §tre d’un avis contraire 4
celui de mon honorable coliegue, M. le docteur Legrand du Saulle.
Yoici quels etaient les motifs qui m’ont fait admettre la validite
56 ■ SOClfiT^ MfiDICO-PSYCHOLOGlQUE.
du testament ; Daire appartenait a une vari^t^ d’hypochondriaques
amends fatalement au ddlire des persecutions, tnais capables de
remplir certaines fonctions, quoique I’opinion publique se trompe
rarement sur le caractfere excentrique de ces sortes d’individiis.
Le testament de Uaire avail eid invalidd par le tribunal du Havre,
par la raison que I’acte testamentaire avail did prdcddd et suivi de
suicide.
J’ai dll faire ressorlir ce fait principal que si Daire avail fait une
tentative de suicide avant de se rendre chez le nolairc, et que si le
suicide s’dtait accompli en rdalitd quelques jours aprds la confec¬
tion du testament, Daire n’en diait pas moins compos mentis lors-
qu’il s’est rendu chez le notaire et qu’il a annonciS i ce dernier
vouloir faire un testament en faveur des dpoux Lejeune, qii’il avait
invites a venir demeurer chez lui. La validitd d’un testament, dans
les cas de ce genre, est en rapport avec I’esprit de la loi, qui en-
toure le testateur de loutes les garanties possiblesj et qui vcui que
sa volontd soil respectde alors qu’il n’est ni contraiiit ni forcd.
N’esl-ce. pas la le cas d’appliquer a ces sortes d’actes I’axiome de
D’Aguesseati : Un fou peui coinmettre des actes de sagesse; un sage
ne saurait oommetlre des actes de folie. Ne voyons-nous pas, dans
nos asiles, des alidnds faire incessamment des actes de sagesse? Ne
les admettons-nous pas a donner leur consentement au mariage de
leurs enfants, apr6s attestation faite par nous, devant notaire, qu’ils
ont la conscience de ce qu’ils font? Pourquoi ne seraient-ils pas
admis, dans les memes circonstances, a dicier leurs derniferes
volonlds?
Et si les actes des suicidds devaient dtre invalidds, par cela seul
que la mort volonlaire a prdcddd la confection du testament, com-
bien d’annulalions de ce genre les tribunaux n’auraient-ils pas a
enregistrer? Les recherches de M. Brierre de Boismont nous ap-
prennent, en effet, que le noinbre des suicides qui laissent des
dcrits parfaitement bien coordonnds, est tres-considerable.
Xous ceux qui se sont occupds de ce sujet doivent bien ndmeltre
qu’il y a une grande diffdrence enlrc la rcsponsabilitd que comporle
un acte de la vie purement civil, et un acle dit criminel. Lorsque
nous avons a nous prpnoncer sur la responsabilild comparde de
ces sortes d’actes, nous n’avons pas a nous prdoccuper, je I’ai ddja
dit dans une autre discussion, si I’individu inculpd est un mono¬
mane ou un pseudo-monomane. La justice criminelle n’a que faire
de nos classifications, qui ne peuvent dissiper ses doutes ou en-
traver ses arrets. Elle ne nous demande que d’dtablir une chose, a
savoir, si, au moment de la perpdtration de I’acle, I’individu jouis-
mOREL. — FOLIE RAISONNANTE. 57
sail de sa raison oa s’il n’a pas contraint ou forc^ par une
volontfi majeure.
On conQoit facilement que I’expertise est bien diff^renle lorsqu’il
s’agit d’un acte criminel ou bien d’lm acte de la vie civile.
Dans le dernier cas, une volontd exprimSe, ne fdt-ce qu’in extre¬
mis, pent encore avoir sa valeur, alors mgnie 'que I’individu aurail
eu antdrienrement des ddfaiilances d’esprit. II n’en est pas de
m6me d’un acte criminel qui a sa signification propre se rattachant
a Tcxistence d’nne maladie d’uh ordre ddtermind, maladie dont les
caractferes principaux peuvent fitre mis en relief de telle faqon qu’il
ne resie aucun doute dans I’e.sprit des magistrals siir I'insanitd
d’esprit des inculpds, an moment de la perpetration de leurs
acies.
J’admets volontiers, avec M. Delasiauve, que pour ce qui regarde
les actes de la vie civile, nous soyons amends a seconder I’individu,
en d’aulres termes, 5 admettre la resporisabilite parlielle.
Cependant, je crois que le mdme priiicipe appliqud aux actes
crlminels, conslituerait an grand danger pour les alidnds.
M. Delasiauve ne le croit pas-. Un individu, selon lui, pent com-
niettre des actes criminels en rapport avec sa disposition maladive
ou instinctive prddominante, et cependant commeitre des actes qui,
n’etant plus commandes par le mfime dtat maladif, peuvent 6tre
jusliciables des tribunaux.
Mais je ferai observer a mon honorable contradicteur que nous
avons tous connu des alidnds homicides, incendiaires, suicides, etc.,
et qu’il est difficile d’admettre qu’un alidnd, domind par une situa¬
tion maladive ddterminde, puisse, de sang-froid et avec les mobiles
qui excitent les vdritables criminels, corametlre un acte d’lme autre
Encore une fois, dans les cas de ce genre, il faut entrer dans
rintimitd des faits considdrds au point de vue pathologique et patho-
gdnique.
3’ai citd I’exemple de certains ddliranls par persdcution qui,
ayant besoin de se faire un piddestai, sont indiffdremment homi¬
cides, incendiaires, selon les occasions qui s’oifrent ii eux, tdmoin
ce Franqois Lemattre dont j’ai rapportd I’histoire, qui dtait hallu-
cind et persnadd que son heau-pdre le ddshonorait. II a d’abord
dtd poursuivi de I’idde de le tuer. Puis il a vonlu se suicider. Plus
lard, il s’est livrd 5 I’alcoolisme, puis il est alld d Paris pour de-
niander justices I’Empereur et se prdsenter comme le sauveurdela
France. Il fut renfermd S Mazas; aprds en dire sorti, il a cherchd
une occasion de paraiire aux assises, afin que la France entiere
58 SOCifiTfi MfimCO-PSYCHOLOGIQUE.
pilt savoir a, quel point il itait meconnu.... II commit un incen-
die et alia se livrer lui-m6me i la justice. Or, je le demande, dans
les cas de ce genre, comment scinder les actes des aliSn^s? Tous
ces actes, si varies dans leur nature, ne sont-ils pas le produit de la
rafime maladie 7 L’lndividu ne. forme-t-il pas un tout indivisible 7
Et alors comment Ini appliquer la tb^orie de la responsabilit^ par-
tielie 7
D’ailleurs, n’a-t-on pas vu des malades 6lre soumis pendant un
temps d^tcrmind k une seule impulsion malfaisante, et puis, ult£-
rieurement, sous I’influence de la gdndralisalion du mal, commettre
des actes de nature dilTiirente. J’ai connu un ^pilepiique qui, pen¬
dant longues ann^p, aprfes cbacune de ses atiaques, dtait pouss6 it
riiomicide et au suicide. Pendant les intervalles, cet individu admi-
nistrait parfaitement ses fabriques. Plus lard son intelligence
s’abaissa. Des symptdmes de ramollissement se muntr&rent. 11
devint voleur, trompait sur la valeur des marcbandises, cachait des
objets qu’il ne retrouvait plus, accusait ses domesliques, etc. On le
voit done, les actes malfaisants peuvent se g^niraliser dans cer¬
tains cas, se succ^der dans d’autres.
J’ai insists, dans les prol4gom6nes de ma Midecine legale, sur la
nature des actes dans leur rapport fatal avec la nature de la
maladie, raais je n’ai pas voulu en infCrer que, dans une expertise
m^dicale, on devait scinder ces actes, donner les uns comme le
produit de la maladie, les autres comme le resultat de la passion
rdildcbie.
Dans une expertise trfes-diffleile que j’ai faite conjointement avec
MM. les docteurs Dum^nil et Vingtrinier, il s’agissait d’un jeune
homme qui avail fait pour une trentaine de mille francs de faux
billets. Comment excuser un pareil acte? S’il y a des abends qui
volent (les paralyses g^ndraux, les hystdriques, les dpileptiques), il
est plus difficile d’admeitre qu’ils se livrent 5 I’escroquerie. Rien de
plus pr^mddit^, de plus rfiildchi qu’un pareil acte ; aussi n’eflmes-
nous pas I’idfie d’excuser I’acte de I’inculpd, Mais nous pr6scntames
cet individu sous son veritable ebtd maladif. C’dtait un hdrSditaire,
bizarre, excentrique, instinctif, n’ayant jamais pu achever ses
fitudes, reefilant dans une tete, bien faite en apparence, un cerveau
defectuedx. Il n’avait pu terminer ses Etudes. 11 atait inepte. L’ar-
gent qu’il se procurait dtait employ^, en faible partie, k satisfaire
ses passions Crotiques. Il en consacrait la majeure partie a I’acbat
de jouets d’enfants ou de cboses inutiles, etc. Cette situation fut
prise en consideration. L’individu fut interdit et envoyd k Quatre-
mares, oil il donna la preuve qu’il existait cbez lui un ddlire des
DEL&Sl&irWE. — FOLIE ttAlSONNANTE. 59
grandeurs. II sortitde I’asile tr6s-am41ior^ et fut envoyd en Afrique,
od il recommenQa ses escroqueries. Le rapport que nous avions fait
une premidre fois fut remis aux mains du procureur impdrial.
JNotre individu dchappa une seconde fois d une peine infamante. II
fut envoyd chez les frferes Labitte,*d Clermont. II en est sorti et,
comme preuve qu’il ne faut pas ddsespdrer de ces series' d’etat, je
dirai que, depuis deux ans, il va parfaitement bien, qu’il exisle
chez lui une transformation colnpldte et qu’il remplit un emplol
dans une administration publique, sans que ses chefs aienl jamais
eu h se plaindre de lui.
M. Brierre de Boismont, apri's quelqueS mots relatifs a ropihion
des magistrals en maiidre de testatnenis, cite un fait h I’occasion
duquel il n’a pas voulu donner d’avis, parce que ie raalade, un
paralysd gdndral, lui paraissait avoir testd, dans un inlervalle iucide,
en faveur de sa femme. Il fait ensuite observer que Ie tribunal avail
modifid son arrdt dans un cas de testament libeltd par Un alidnd
alteint du ddlire de persdeulion.
M. Moreau (de Tours). Votre malade avail conscience de sa
maladie ; il demandait, il est vrai, aide et protection it des gens qu’il
ne connaissait pas. Mais qu’un homme, disposd & la congestion
edrdbraie, idgue son bien d des personnes bienvelllantes pour lui
plutOt qu’Ji des hdritiers du sang, cet homme n’est pas un fou, il
agit dans la pldnitude de sa raison et de son droit. 11 n’y a rlen de
different dans le cas de voire malade.
M. Delasiauve. Dans une brfeve remarque, j’avais dit, a la suite
du savant discours prononed par M. Morel dans une prdeddente
sdance, qu’il avail donnd un ddmenti formel aux conclusions dta-
biies par lui dans une rdeente affaire de testament. Les explications
que vous venez d’eniendre jusiiflent, i son insu, leS critiques qu’il
repousse. En vain, cilant la jurisprudence mdditale et judiclaire,
s’efforce-t-il d’dtablir une ddmarcaiion enlre les actes civils et les
perpdtralions ddlictueuses, la science n’admet point ces transactions.
Les deux ordres de fails sont soumis a iin mSme principe, apprd-
cids d’aprds les mdmes bases et, si la proportion des crimes inno-
centds I’emporte considdrablement stir celle des testaments inva-
lidds, cela ne ddpend point des perspectives opposdes oil se placdnt
les experts et les magistrals, mais des aspects variables des causes
elles-mdmes.
Qui dit folie raisonnante $u()pose un cas ou le ddlire est tetle-
ment circonscrit et voild que les personnes non familiarisdes avec
les dtudes menlales le rdvoquent en doute. En presque toutes leurs
actions, les malades pourraient agir sainement. Or, pour qu’un
60 SOClETfi MfiDICO-PSYCHOLOGIQUE.
homme, jusque-14 sensi5, commette un crime, il faut bien qu’il ait
(516 (igai'd par une aberration morbide. Qualre-vingt-dix-neuf fois
sur cent, il y a done lieu de I’exondrer de la responsabilit^. Ayant
agi sciemment, ii ne songerait gufere k s’abriter sous I’dgide d'e la
maladie. Il aurait, corame les prdvenus ordinaires, recours ii des
ddnegations, k des alibi, ii des ruses pour se d^fendre.
En fait de contrat on de testament, au contraire, circonstances
quotidiennes, vulgaires, on congoit que la resolution ddpende d’une
deliberation motivee, qu’elle rdponde a une intention plausible et
que, d6s lors, il y ait lieu d’exarainer si, malgre des aberrations
partielles etrangferes, les conditions de I’acte litigieux indiquent une
volonte suffisante. C’est cette voie qu’on a toujours suivie, M. Morel
le dit fort bien, et ce n’esi pas la-dessus que je le blame, lant s’en
faut, puisque, precisement, j’ai loud sa consultation, au nom des
principes que, dfes 1853, dans mon Memoire sur la monomania
j’avais poses, auxquels je le croyais rallie, car il les avait meconnus
alors avec la plupart des orateurs, qui depuis... ont perdu de leur
foi a la doctrine de Virresponsabilite qnand mama,
Mon grief n’alteint que son inconsequence. Il s’en defend : a-t-il
raison? Je ne veux pas, actuellement, discuter s’il a imagine ou
non une methode qui lui soit exclusive et que nous ne suivions
pas de toute eterniie. Ce que je constate, c’est qu’en plaidant
comme il I’a fait dans sa consultation, comme il vient de ie faire
encore, la preponderance des fails, il s’est place en dehors des
donnees de sa theorie, du moins telle que je I’avais jusqu’ici com¬
prise et que la prpfessent M. Falret p6re et M. Falret fils.
Ne tergi versons pas. Pourquoi s’evertuerait-il a meilre en saillie
I’heredite, le temperament, les phases cl le caraciare morbides, si
ce n’est, moyennani cette filiation, pour convaincre les juges de la
realite de la folie et y ratlacher les actes a apprecier ? Ceci accom¬
pli, en vertu de la solidarite des facultes ou, ce qui est tout un, de
I’uniie morbide, il n’y a point d’acte soumis au jugement des tri-
bunaux qui ne soit entache virluellement de folie. M. J. Falret I’a
formellement declare : sans cette rfegle absolue, I’edifice de notre
code s’ecroulerait devant la magistrature. Le salut ne serait qu’au
prix de ce criterlum simple, commode, irrefragable qui dispense
de s’enfoncer dans le dedale de la responsabilite pariielle.
Nul ne dira que, dans le cas de M. Morel, le lestateiir n’etait pas
sous le coup de I’insanite. Heredite, caractfere debile, manifeslaiions
hypochondriaques , hallucinations, sefenes nocturnes et diurnes,
craintes bizarres, tentative de suicide suivie, 5 quelques jours de
distance, d’un suicide effeciif : certes, on ne saurait voir reunies
61
DECASIAUVE. — FOLIE RAISONNANTE.
autaiu de circonslances probantes, et M. J. Falret, ou je m’abuse,
n’en aurall pas dcmandd davantage. II n’est pas le seul. M. Morel
I’avoue, c’cst ainsi qu’ont raisonn^ ct I’expeit adverse, M . Legrand
dll Saulle, et le ministfere public, et les juges du tribunal du Havre.
Verrait-on dans les intervalles lucides une planche de salut? La
science a comprls par 111 tout autre chose; elle n’a jamais confondu,
avec une gu^rison parfaite ou meme une inlermittence rdelle, ces
Huctuations capricieuses du d^lire partiel qui, variant au gr6 des
impressions nerveuses, seralent d’ailleurs insaisissables ; dvidem-
ment, le mal resle en puissance.
La source de I’illusion de M. Morel est aisde ii ddcouvrir ; ndgli-
geant les symptOmes individuels pour certaines physlonomies gdnd-
rales subordonndes 4 des dtats ndvropathiques plus ou moins indd-
iinis, il a cru rencontrer, dans des exemples a sa portde, la
consdcration de diffdrences fondamentales. Mais ces exemples ne
constituent point i’universalitd. En dehors de I’hdrdditd, de I’alcoo-
lisme, des transformations hystdriques, dpileptiques, etc., il y a une
foule de cas oi I’investigation dtiologique se troiive en ddfaut, ou,
d'ailleurs, mddicaiement utile au diagnostic, au pronostic et au trai-
tement,‘elle ne fournit, pour dclairer rhorizon mddico-idgal, que
des prdsomptions, qui ne dispensent point d’dtudier I’acte en rapport
immddiat avec la situation psychique ct, pour cela, de montrer
comment il a pu dmaner des conceptions ddlirantes. A moins
d’intervertir les rdles, c’est 4 ce dernier point qu’il faut d’abord
s’attacher pour, au besoin, 4 supposer que le trouble ait une origine
ancienne, relier au passd, en surabondance de preuve, les phd-
nomfenes actuels. Quoique importants tous deux 4 considdrer, la
forme vient ainsi avant ie fonds en mddecine Idgale.
M. Morel rdpfete que la classification psychologique est impuis-
sante 4 contribuer au progrds. Il oublie que, d’apres la ddfinition
commune, la folic a dtd rangde parmi les ndvroses, c’est-4-dire
parmi les Idsions purement fonctionnelles. Pour mettre quelqiie
ordre dans son dtude, il a done fallu en discerner les varidtds, en
d’autres termes, donner la psychologie pour base 4 la nomencla¬
ture. Malntenant, la ddnomination mdme n’implique pas, bien au
contraire, que les vdsanies soient exemptes de modifications matd-
rielles. Elle ne posait que des points d’interrogation, invitant aux
recherches. L’observation, avec le temps, a dclaird d’importantes
distinctions. Se sont-elles opdrdes excliisivement par I’examen
analytique des sujets el I'inspection cadavdrique ? Bayle, MM. De-
laye et Calmeil eurent le sentiment de la paralysie gdndrale avant
de la rapporter, le premier 4 une mdningite chronique, le second
62 SOCifiTf; MfiMCO-PSYCHOtOGIOtlE.
a une m^ningite encSphalile, le troisifeme k un changemenl inlime
de la couche p^riph^rique du cepveau. Gfeorget avail d^crilla stu¬
pidity, lorsque M. Eloc-Oymazy la fit dgpendre d’un cedftme cyrd-
bral, qui n’en est pas Tunique cause. En traqant son paralifele si
iiigynieiix entre la lypymanie et la milancoUe avec stupeur,
M. Baillarger eut moins ygard & la diversity des conditions analo-
miques qu’i I’ytal parliculier des virtualiiys mentales.
Et puisque, doulant des classifications psychologiques, M. Morel
semble faire allusion h celle que nous avons imaginye^.qti’il nous
autorise a dire en quoi nous pensons qu’elie n’a pas yty sans rysul-
tais syrieux. Elle n’esl point ydose toute faite de notre cerveau.
C’est en idyalisant et comparant plus de soixante types que nous
avons yty frappy d’une distinction fondamentale fycondde par
I’expyrience, et qui brille encore a nos yeux comme un trait de
lumiere. Le raisonnement, d’une part, de i’autre, les mobiles, telle
devint la pierre angulaire de la double psychologic normale et
roorbide. Dans I’ordre du fonclionnemenl sylloglstique, le dyiire,
nycessairemenl gynyral, se diversifie en : excitation maniaque,
raanie, dyraence, paralysie gynyrale et stupiditys, variable? a I’in-
fini de cause et de degi-y. Dans I’ordre opposy, ce raisonnement
ytant conservy, on compte deux genres caractyrisys, suivant qu’il
y a conviction enracinye, fixity, systimatisation, ou fascination
plus ou moins mobile et dilTuse.
II y a, certes, des traits d’union entre ces deux grandes catygo-
ries. Le contraste est formel dans les nuances accusyes. Quant a la
prycision, nous ne connalssons aucun cas qui ne s’y vieUne ranger
a sa place naturelle. Qui nierait la radicale diffyrence des dyiires
gyndraux, ou la liaison des iddes est impossible ou obscure, et le
dyiire partiel dilTus, respectant cet enchainement et consistant
seulement dans le jeu fortuit et bizarre des Impressions, des iddes,
des sentiments qui se croisent, que souvent la i-yilexion dissipe, et
dont a conscience le malade, qui parfois rdsiste aux entrainements ?
Toutes les agitations dtaient confondues. En distinguant celle de
la manle, purement incohyrenle, de celles du delirium tremens, des
formes graves consycutives a rdpilepsle, a I’hystyrle, a la fiCvre
typholde et, en gyndral, des stupiditys dlverses, agitalion qui
repose sur des impressions et des sensations fausses surgissant
d’une obtusion plus ou moins profonde, nous avons pu dissiper le
chaos des nomenclatures, pi-yseuter des tableaux symptomaliques
qui permeltent de se faire une juste idde de I’Ctat nerveux auquel
ils correspondent et d’en assigner la valeur thyrapeutique et lygale.
On se figurait que la lypymanie tenait a I’aciivity forlement con-
DELAISIil|]\G. — FOWE KAlSOHlJJANTE. 63
centi me d’une idde tristeou d’un sentiment ddprimaDt. Les difficul-
tds que suscilait cette classe si importante et si nombreuse de prd-
tendues folies monomaniaques se sent dvanouies, dfes que nous
lui fimes prendre rang parmi les folies giindrales. Car il est sen¬
sible qu’au lieu d’une oppression morale, on a affaire a une oppres¬
sion physique, que de soi-disanthallucinesne sont que des stupides
au degrd le moins prononed de riidbdlude 1
Quant a la monomanie, sur laquelle pesalt une obscuritd pro-
fonde, comme elle est devenue comprdhensible par celte separation
des lypdmanies d’abord, puis par la rdvdlation des formes dif¬
fuses ou pseudomaniaques! Gelles-ci, entrant pour les 9/10®* dans
le ddlire parliel, comment de ce dernier se faire une exacte idde?
Non-seulemcnt ii n'esi plus possible de confondre la rdverie mobile,
a demi consciente, fuyant par une distraction, de la pseudomanie
avec la conviction profonde, tenace, grotesque, de la monomanie
ou folje sysldmalisde. Non-seulement on les connait a fond Tune et
I’autre, mais leur paralldle abonde en traits caraetdristiques et
conduit a une ddmarcation pathogdnique, les conceptions systdma-
tisdes reprdsentant tin dtat moral, ia pseudomanie un dtat physique,
soit une excitation nerveuse, soit une hypdrdmie congestionnelle,
irritative ou passive.
Sans le flambeau de la thdorie, on efft pu observer ces fails, on
ne les eflt ni apprdcids ni classds. Le trailement profile de celte
connaissance. On sail que, la ou Ton se contentait de I’expectation
et de i’isolement, il y a lieu de faire iiilervenir une mddicatiou
pharmaceutique active. Juridiquement, les consdquences sont iii-
calculables, n'y ayant gudre de solutions embarrassanies demeu-
rant dans I'ombre. Kn vain la raison ia plus parfaite dciaterait aux
ddbats criminels. Le juge sentira que la n’est point une preuve ab-
solue. Car le propre des pseudomonomanes dquivoques est d’dtre
sousiraiis, par la diversion d’un interrogatoiie ou d’une audience
solennelle, a des ravissements fomentes par la solitude et dont on
est lird, comme du sommcil, par une sorte de rdveil en sursaut.
M. Morel peut contester ces rdsultats. Tout est contestable,
mdme les innovations les plus positives. Nous ne reculerions point,
a ce sujet, devant une controverse. Sans nier, d’ailleurs, le mdrite
des vues de notre colldgue, et, en un certain sens, leur opportu-
nitd, peul-dtre tend-il a confondre ce qui doit 6tre divisd, el mdeon-
nalt-il un pen les travaux de ses devanciers. Il a parld du ddlire
dpileplique. l.e premier, nous le croyons, nous en avons ddcrit et
justifid les degrds et les nuances. Dans deux mdmolres, datant de
1850, nous avons de mdme dtabli symptomatiquement le diagnos-
64 SOClfiTfi mEdico-psvchologique.
tic diffdrentiel de la folie alcoolique d’une maniJre telle que des
ph^nomfenes on remonte 4 la source, en I’absence de tous rensei-
gneraents. Nous ne sommes done pas dans les nuages autant que
le suppose noire collJgue. II nous semble mfime que, grace au
crlterium de notre doctrine, nous I’avons quelque peu dlsiancd dans
I’oeuvre de la nomenclature, etc. En ce qui conceine les ai4menls
ndvropathiques sur lesquels il se'fonde, il n’en citerait aucun essen¬
tial dont nous n’ayons tenu comple. M. Morel nous jiige en bloc.
C’est un moyen chanceiix de glisser a cdld de la varild. Nous vou-
drions qu’il suivit pied a pied nos principes et leiirs ddveloppe-
ments, salisfait dans les deux cas, soit qu’il se convertisse a nos
vues on qu’il nous convainque d’erreur, s’ll en doit rdsuller des
lumiferes pour la science et la pratique.
On nous fait un dpouvantail de la magistrature. Dans des entre-
liens avec des juges, j’avoue que je les ai toujours trouvds acces-
siblcs a la simplicitd de mes explications. Papavoine avait agi sous
I’inlluence d’instigations pseudo-monomaniaques. J’ai pu leur faire
comprendre pourquoi, a I’abri de ses obsessions, il avait apparu
lucide aux debats et dans ses interrogatoires. Je n’ai pas 6t6 nioins
heureux dans deux causes personnelles. Un vieillard du Midi
avait fait un testament que, sur I’avis de deux commissions coin-
pfitentes, les tribunaux avaient cassd pour cause de ddmence
dpilepiique. On avait conclu, d’aprSs la manifere habituelle, sur In
tableau chargd des pbdnomfenes morbides. Bien n’indiquait que
I’acten’eflt pas dtd accompli en dehors de I’influence des acefes; il
dtait raisonnablement motive, _mon avis fut pour le maintien. Les
arrets precedents furent reformes. Pareil cas se presenta dans une
ville du Nord el, sur noire attestation, les dispositions testamen-
taires, contesiees et invalidees, eurent leur efiet legal. Il s’agissait
d’une dame qui, apres une succession de paroxysmes d’alienatioii
mentale, avait fini par succomber dans un asile d’alienes. Par
son evidence, lout dogme vraiment scientifique s’impose de soi-
m6me 1
Un mot encore avant de finir. M. Morel a fait une objection inci-
denle qui n’est que specieuse. Suivant lui, un aliend atieint de folie
partielle ne pourrait commettre d’actes reprehensibles que sous I’in-
fluence directe de son deiire. La remarque est fondee 4 certains
egards. Une forte preoccupation est une occasion de diversion sus¬
ceptible d’agir dans le sens qu’il iudique. , Moi-meme, dfes 1853,
dans mon mentpire sur la monomanie, et depuis, dans d’autres
ecrits, j'ai signaie ce fait que I’experience confirme. J’en ai indnit
que le danger d’abus dans I’invocation de la monomanie 4 I’appui
M. »E UOISMOlM'r. — FOLIE HAISONNANTE. 63
tl'uiie defense s’eii trouvait diniinuf. Mais de ce que celte induence
est possible, s’ensuit-ii qu’elle soil constanle et lie souffre point
d’exceptions ? Certes, non, et les ddveloppements ofi je sais entre
cl propos des pseudomonomanies fournit d’irr^fragables preuves du
coniraire.
M. Moreau (de Tours). Les indlvidus de ce genre sont trfes-
communs; ce sont des natures bSlardes, des liommes dangereiix,
des plaies de famillc ; ce ne sont pas des fous, ce sont des pseudo¬
monomanes, comme les a appelds M, Delasiauve, ou, si vous voiw
lez, des racbiliques de I’intelligence.
M. Brierre de Boismont. Dans la communication qui vienl de
nous etre faite par M, Morel, il a dit qu'il n’avait pas d'exeinples
d’alidnds qui eussent fait des faux, et qu’il priait ses coiifrferes de
lui faire connaltre ceux qu’ils auraient recueillis. C’est pour rd-
pondre a la demande de notre collfegue que je vais rapporter les
deux fails suivants ; II y a environ trenle ans, j’avais eld place
prfes de la femme d’un officier gdndral, qui avait une monoiiianie
iriste, avec tendance au suicide. Plusieurs fois, elle avail manifesid
I’intention d’aiienier a ses jours, et avait mdme fait des tenlatives.
Objet d’une surveillance de tous les instants, elle comprit qu’elle ne
poiirrait rdussir par les moyens qui dlaient a sa disposition. Cette
dame, qui dtait reside chez elle, se promenait de temps en temps
avec une de ses surveillantes. Saisissant un moment favorable, elle
entre chez un pharmacien et lui prdsente une ordonnance signde
de mon nom, pour se faire ddlivrer 30 grammes de laudanum. Sa
ruse fut ddcouverle et la malade ramende chez elle. Elle succomba
plus tard a un refus obstind d’aliments, la famille ayant ddfendu
loutes les mesures coercitives.
Le second fait concerne une jeune lille qui avail ddja dtd trailde
pour une excitation maniaque. Elle avait uii numdro d’une de ces
loleries qu’on trouve alHchdes partout. Sous une influence qu’il a
eld impossible de connaitre, elle se prdseiita au bureau dans le
ressort duquel se trouvait cette loterie. D6s le premier coup d’ceil,
on s’apei-Qut que le numdro avait dtd alldrd. Sommde de s’cxpli-
quer, elle lergiversa, se mit a pleurer, et on allait la conduire
devant le commissaire, lorsque quelques paroles qu’elle prononqa
jelerent des doutes dans les esprits. Sa famille, mandde, accourul;
elle raconta que cette jeune fille avail ddja eu un acces de folie, fit
voir que la falsification dtait grossidre, et annonqa qu’il dtait pro¬
bable qu’elle allait avoir un nouvel accds. Peu de jours aprds, on
la conduisait, pour une nouvelle excitation maniaque, dans un dt
nos dlablissements. Sa poursuite fut abandonnde,
ANNAL. MftD.-PSYCii. 4' serie, t. IX. Janvier 18S7, 5. 5
66 SOClf;T£ MliDICO-PS^CHOLOGIQUE.
M. Fottmt clemande & M. Morel la nature cles liansformalions
qui se soiit op^rSes chez sa malade.
M. Morel, Ses souvenirs d’^ducation sont reyenus a rapplica-
ion ; I’iStat physique, amdliord, a exercd sur le moral une heureuse
influence.
M. Delasiauve. L’ainendemeut dont vient de parier M. Morel
s’observe chez les natures inferieiires. M. Fourpet voudrait savoir
sous quelle influence il s’opfere. II y a, dans Thomme, des forces
dislmcles. qu’ii diifaut d’uu disceinement et d’un sens moral ddve-
loppds, I’dducalion et I’habitude peuvent, en une certaine mesure,
fdconder et rigulariser. Quelle u’est pas, chez les animaux, la
puissance d’une intelligeiite discipline? L’Agc aussi modifie les
penchants. Mpins uu individu est susceptible de se diriger lui-
m6rae, plus il importc de creer en lui des coiilre-poids qui fassent
Insiinctivement equilibre aux tendances malfaisanlc.s. Ni la famille
ni les maltres ne le comprennent assez.
Il entre dans nos asiles des sujets qui, d’incpercibles, deviennent
doux et appliques. On les rudoyait, nos proc^dds bienveillants les
attirent. Atlaques par toutes les surfaces, ils prennent godt ou
au travail, ou h I’dtude, ou aux exercices, souvent ii toutes ces
choses rdunies, et il suflit, popr qu’ils ne ddvient plus, de les main-
tenir dans Tornifere acquise. ^’imitation les seduit, les subjugue, et,
s’ils sont incapables de pdnetrer I’esseiice du bien, ils se laissent
gouverner par des maximes que matdrialise pour eux rexpdrience
pratique. Il n’est done pas etonnant que le fils de famille sur lequel
M. Morel ful appele a emettre son avis, n’ait pas, aprfes les dpreuves
subies, renouveld ses ddplorables ecaris. L’impression d’un doulou¬
reux proefes, deux ans de siijour 5 Clermont doubles d’line occu¬
pation reg'ulibre et de sages instructions, out ajoute au poids du
bon plateau le compldnient ndeessaire pour neutraliser les piopen-
sions dangereuscs. Qu’on rencontre une fonction qui tlatte, e’en
est assez pouv prevenir des incitations qui peuvent n’dtre que
mddiocreinont impericuses.
Nous I’avons dejit ddmontre bien des fois, e’est un art ddlicat
que la pudriculture. Tel enfant rdsiste dans des conditions excel-
lentes en apparence, qui s’assouplit sans effort dans un milieu
approprid.
Dans le Journal de midecine mentale (t. iV, p. 283), non.^
avqns mentionud une institution ou s’accomplissent frdqueinmeni
de pareils miracles, celle dd notre bon ami Ar.sdne Mennier, it
Evreux. Tout rdeemment nous en constations un nouvel et sail-
lant example. L’difeve avait quatorze ans, on ne savait plus h quel
M. l.E«BA1WD DU SAV1.LE. — RAPPORT. 67
pensioiinat se vouer, A quelle infliction reconrir. Quatre mois s’dlaient
6coulds dans I’^tablissement de I’habile professeur, la metamor¬
phose etait complete. Les punitions, li, sont des Stres de raison.
N’est pas educateur qul veut. II y faut la vocation et de IV-tude.
La Socidte decide qu’elle prendra, selon I’usage, des vacanees en
aodt et septembre ; la sdance de rentree aura lieu le dernier iundi
d’octobre, et deux seances suppiementaires auront lieu, I’une en
novembre et I’autre en decembre.
La seance est levde J six heures.
seance du 29 octobre 1866. — Presidence de M. F£ux Voislx.
Lecture et adoption du proces-verbal de ia sdance precedente.
Correspondance.
La Socieie reqoit les ouvrages suivants ;
Etudes sur le curare, par MM. Auguste Voisln et Henry Liou
ville. Paris, 1866.
Du dilire imotif, ndvrose du systSme nerveux gangllonnaire vis¬
ceral, par M. le docteur Morel (de Rouen). Paris, 1866.
Le numero d’octobre 1866 du Journal de midecine mentale,
par M. Delasiauve.
Le Bulletin de la Sociite medioale d’ emulation ,de Paris. Nou-
velle serie, t. I, premier fascicule n" U; Paris, 1866.
Le Journal de la section de midecine de la Sociiti academique
du dipartement de la Loire-lnferieure, XLII® volume, 223“ et 22A*
livraisons; Nantes, 1866.
Le Bulletin midical de I'Aisne, 1866 ; 2“ trimestre, 11“ 2.
Le Compte rendu de V Association midicale de la Sarthe ; 2“ an-
nee; le Mans, 1866.
Verslag over den Staat der Gestichten voor Kranhzinnigen in de
Jaren 1860, 1861, 1862 en 1863, aan den Minister van binnen-
landsche zaken ingediend door de inpecteurs dier gestichten, C.-J.
Feith, G.-E, Voorltelm. Schneevoogh, S- Gravenhage. Amsterdam,
1865.
M. Legrand du Saulle, tresorier, lit un rapport sur la situation
financifere de la Societe. Ce compte rendu admlnistratif se termine
par les considerations suivantes :
« II m’a sembie que nos fonds pouvaient ne pas rester impro^
68 SOClfiXE MEDJCO-PSYCHOtOGIQUE.
duclifs pour laSoci^t^, ctj’aidlg les confier au bureau des clSpols
voloiUaires de la caisse des depdts et consignations, LS, nos capi-
taux ont did encaissfis etl’on nous en sert rinlerSt moyennant deux
pour cent. Seulemenl, I’inidrSt est simple et ne peut pas se com¬
poser.
» Eo faisanl le calcul des inidrets qui vonl nous 6tre dus, j’arrive
a un benefice de 205 francs.
» Commc je suis le seul artisan de celte recede imprevue, veuillez
me permetlre de vous faire one proposition relativement a I’emploi
de la somme. Vous le savez maintenant, nos finances sont prosperes.
Or, vous pouvez, 5 la rigueur, disposer des 205 francs quej’ai
dconomistis en dehors du budget de la Socidtd.
» Si vous vouliez m’en croire, la SocidlS m6dico-psychologique
ferait une bonne action en versant cette somme 5 la caisse de
secours des m6decins alifinistes de France. Notre association de
pidVoyance fonctionne et grandit chaque jour : encouragez-la par
ce don inatlendu, et je connais des veuves et des enfants qui vous
crieront mem.'... »
Cette proposition est adoptee a I’unanimile.
Election d'un memhre titulaire. — M. Motet ; Vous avez charge
(me commission compos^e de MM. Tr^lat, Auguste Voisin et Motet,
de vous presenter un rapport sur la candidature de M. le docteur
Berthier an titre de membre r^sidant de la Socidte mddico-psycho-
logique. Depuis plusieurs anndes ddjii M. le docteur Berthier, sur les
conclusions adopties par vous, d’un rapport de notre honorable col-
Ifegue M. Legrand du Saulle, faisait partie de noire Socidtd comme
membre correspondant. Les nouvelles fonclions auxqiiclles M. Ber¬
thier a eld derniferement appeld I’ayant rapprochd de nous, notre
coufrfere demande 5 dchanger son titre de correspondant conlre ce-
lui de membre rdsidant. Nous avons pensd qu’il n’y avait pas lieu
de vous prdsenter de nouveau i'analyse des travaux de M. le doc¬
teur Berthier, vous les connaissez tous ; il nous a paru plus simple
de vous rappeler les conclusions favorables de notre premier rappor¬
teur ; la Commission a done rhonneur de vous remettre la demande
de M. le docteur Bertliier ; elle vous prie d’accepter sa candidature
el de meilre aux voix .sa nomination.
On passe au scrutin, el M. Berthier ayant rdunisl’unanimitd des
suffrages, est proclamd membre titulaire de la Socidt^ mddico-psycho-
logique.
Discussion sur la folk raisonnante.
M. Jules Falret, Jen’ai pas I’inienlionde faire unlong discours. Je
veux seulement rdpondre brifevement a quelques-unes des attaques
SI. J. FAIiRET. — FOIIE RAISONNANTE. 69
qiii 0iU(5t^ dirigdes coiilre moi par !H. Delasiauve. II ne me les a
pas dpargndes. Rdpondre a tomes, serait chose impossible en une
seule stance, tant elles sont nombreuses. Je dois me borner aux
principales. Les dissidences sont profondes, en effet, entre M. Dela-
siauve et moi. Elles portent sur les principes; dans la question qui
nous occupe, nous sommesen quelque sorte placds aux deux pdles
opposes. Je n’examinerai done aujourd’hui que les trois points fon-
damentaux de son dernier diseours, savoir : 1“ La solidarity ou I’iso-
leraent possible des facultds huraaines, it lYtat normal et a I’dtat
maladif ; 2° I’existence ou la non-existence de la folie raisonnante
comme forme distincle de maladie mentale ; 3° la doctrine de I’ir-
responsability absolue ou de la responsabilitd partielle appliqude aux
nliynds atteints de la folie raisonnante.
I. Solidarite des facultes. — J’ai proclame la simultandity d’ac-
tion des facultes instinctives, morales et intellectuelles, & I’ytat
pliysiologique el ii I’dlat pathologique. M. Delasiauve I’admet dans
le dyiire gynyral, niais il la nie dans le ddlire partiel, et II me repro-
che de m’ytre borny, en posant ce principe, & une pure assertion,
sans en avoir tenty la ddmonstration. A celte accusation je rdpondrai
que cette question a dtd bien souvent traitye dans les ouvrages des
psycbologues et des rnddecins aliynistes de tons les pays ; que beau-
coup de grands esprits, parmi les philosophes et parmi les mdde-
cins, ont dyfendula doctrine ii laquelle jemesuis rattachy; que les
arguments produits pourou centre sont en quelque sorte dpuisys et
ne pourraient 6tre que rypytys; que, du reste, celte question a dyji
yty discutye plusieurs fois dans le sein de notre Sociyty et que, vii
son importance, elle myrileralt d’etre examinee sypardment et non
d’une fagon incidente, d I’occasion de la folie raisonnante. La doc¬
trine de la solidarity d’action de tomes les facultes de Fame, ou de
leur fragmentation possible, chez I’liomme normal et chez I’homme
malade, cst la base de la psycbologie et de la medecine mentale, et
chacunde nous appartient necessaireraent a I’une ou a I’autre de
ces deux dcoles. Les uns croient que les facultes, admises par les
psycbologues pour I’etude de Fame humaine, repry.sentent ryelle-
ment des forces dislinctes, agissant separement a I’dlat normal et
pouvant etre lesdes isoiement par la maladie ;ils vont merae, comme
les plirenologues, jusqu’a les localiser dans des points determines
du cerveau ; les autres, au contraire, ne voient dans ces distinctions
abstraites que des moyens de faciliter Fetude des fails complexes de
Fordre intellecluel et moral, et ne les envisagent que comme des
aspects divers d’un mfime principe indivisible dans son unite. Les
partisans de cette seconde doctrine peuvent bien sans dome ad-
70 SOCifiTfi MfiDICO-PSYCHOtOGIQUE.
mettre des pi’^dominances varides dans le ddveloppemeiU relatif de
ces divers dlSijients d’une force unique chez les dilTdrenls homnies
et des prddominances de Idsion de chacune d’elles chez les alidnds,
mais ils croient que I’aclion de Tune de ces forces entr:dne loujours
plus ou moins les autres dans le mouvement gdneral de la pensde,
et que leurs lesions sonl constamment complexes h l eiat pailiolo-
glque^ Ces deux doctrines sont lellement dilfdrentes dans leurs prin-
clpes et dans leurs applications, que les partisans de chacune d’elles
ne peuvent se rencontrer dans les consequences ddduire de ces
principes sur le terrain de la pratique. Mais ce n’cst pas ici le lieu
d'insister sur cette question. Elle exigerait un examcn spdeial, et
nous avons dd naturellement nous borner k dnoncer le principe au-
quel nous nous rattachions, sans en enlreprendre i nouveau la
demonstration. Ceci m’amene naturellement au sepond grief de
M.^Delasiaiive centre moi, e’est-i-dire a I’application de la psycho-
logie normalc a retude des maladies mentales.
M. Delasiauve me reproche d’avoir manifestd du dedain pour la
psychologic, sans laquellei dit-il, la connaissance scientifique des
maladies mentales n’est pas possible. Mais il y a evidemment, dans
ce reproche ainsi formuie, un malentendu qu’il importe d’edaircir.
Je n’ai pas dit que, dans la medecine mfehtale, on dflt negliger
retude des phenomfenes psychlques pour concentrer exclusivement
son attention sur les phenomfenes physiques. Les plus ardents de-
fenseurs de I’ecole somatique n’ont jamais soutenu une pareille exa-
geration. Les phenomfenes intellectuels et moraux sont evidemment
les veritables symptdmes des maladies mentales. Aucun medecln ne
peut les negliger, ni les passer sous silence : ils seront toujours,
quoi qu’oii fasse, I’objet principal de I’observation des alienistes.
Mais autre- chose est d’etudler cliniquement et medicalement ces
faits psychiques, tels qu’ils se presentent chez les alienes, ou de cher-
cher & les connaltt-e et ft les interpreter, en se servant des precedes
tisites par les psychologues pour I’analyse de rhomme normal, que
I’on se borne St importer pureinent et simplement dans la paiho-
logle mentale. De tout temps les ecoles philosophiques regnantes
ont exefee uhe influence preponderante sur les doctrines medicales.
A la fin dti dernier siede, les idees de Locke, de Condillac et de I’ecole
settsUallste, oht feagi puiSsaihmeht surPinel et sur ses successeurs.
Plus tai'd, d’auttes ecoles oiit itiflue i leur tour sur les medecins
speciallstes eh France et k I’^trShger. Mais toujours on a voulu ap-
pliqilcf k I’eiUde des maladies mentales les methodes et les pre¬
cedes adoptes pat- les philosophes pour I’aHalyse de Thomme
ndriftal. Of, e’est cette application parliculiere des precedes de la
Itt. J. FAl^RfeT. — FOLIE RAISONNANTE.
71
psychologie A la coiinaissance fit aii classemeiit ties maladies men-
tales que j’al combatlue, et lion rAtiide difecte et cUiiiqiie des plidno-
mfcnes psychiques chez les alidnds, qiii sera toujours la base principale
de la palhologie raentale.
Sans doute M. DelasiaiiVe, dans le discoitrs auqilel je rdponds,
comiiie dans ses prdcddenls travaux, a eii le soih de proclamer qu’il
ne regardait pas non plus les factilli's inlellectuelles et morales, ad-
mises par les philosophes, comme des forces absolument disliucles,
el que, laissant de cOtd ces abstractions, 11 se contenlait d’dtudier les
rdsnllals du travail de cos facultds, c’esl-A-dire ce qu’il appelle le
fonctionneraent mental, on bien encore la thdorie des mobiles.
Selon Itii, les factillds en action produisent des sensations, des iddes,
des impulsions, des sentiments qui surgissent el s’enirechoqueni
dans la mie hurnaine, A I’dtat physiologique et palhologiqne, et qui
sont les vdrllaljles mobiles de nos actions. Or ces mobiles veUant a
changer dans I’diat patliologique eUlrainent I’homme malade dans
des directions dilfdrentes de cedes de I’homme sain d’esprit, quol-
que les facullds, on les forces qui leur donnertt naissance, soieht tou¬
jours les mdmes et conservent dans la maladie comme dahs la sanld
leurs caractfcres propres. Mais tout en alirlbuant les perversions
pathologiques obsel'vdes chez les alidnds A la modification des mo -
biles des actions humaines (c’est-A-dlre aux cbangenlenls survenus
dans les sensations, les iddes, les impulsions et ies sentiments), plu-
t6t qil’A ralleralioU des forces on faciiltds primitives de I’Ame hu-
maine, M. Delasiauve croit ndaninoins A I’existence distincte de ces
forces, A leur insolidaritd A rdtat normal et A leurs IdsiOns isolees
A I’dtat maladif ; il en dtudie les alterations sdpardes comme causes,
symptOmes et moyens de classement des maladies mentales, et il
fail sans cesse des applications de la psychologic normale A la pa-
thologie mentale. Or, c’est sur ce point special que je me Irouve
en desaccord complet avec lui.
II. La folk raisonnante est-elle tine forme distincte de maladie
mMaU ? — J’aiTive A la seconde question, c’est-A-dire A la question
cliniqtic. Sur ce point encore il y a dissidence profonde entre
M. Delasiauve et moi. J’ai'cherche A pronver que la folie raisonnante
n’existalt pas, comme forme ou varidte distincte de maladie men¬
tale, et qu’elle n’eiall qu’une reunion arbitraire et artificielle de fails
disparates. M. Delasiauve, au contraire, chefche A etablir que si le
mot de folie raisonnante est mauvais (et siirtout celui de monomanie
raisonnante d’Esquirol, parce que le delire n’est pas monomaniaque
mais dilTus), la chose doitfitre conservee, en changeant seulement le
nom etenlui substituant celnl de pseudo-rnonoraanie que M. Dela-
72 SOCltTfi MfiD [CO-PSYCHOLOG IQU£.
siauve s’efforce de cai'act^nser d’une mani&re spi^ciale. Pour ^tablir
cliniqucment I’existenee de cette forme nouvelle de maladie meii-
tale, M. Delasiauve semble s’filre inspire de I’dtude des d^lires Jigs
aux maladies aigues, ou desdglires loxiques. De mgmequeM. Moreau
(de Tours), dans ses etudes si inlgressantessiir le haschisch, s’estre-
prdsente le moi hiimain comme assistant, en spectateur passif, ii
un ddfilg de conceptions dglirantes, d’inipulsions, d’illusions e
d’hallucinations, se suceddant et se remplaQanl sur la sefene Intel,
lectuelle, de mfime M. Delasiauve semble avoir voulii appliquer
cetle m6me theorie ii loute une catdgorie d’alidnds atteints de dd-
lire partiel, qu’il a dislingiids, par ce caraclfere gdndral, des antres
monomancs tels qu’Esquirol les avait conqus. Pour M. Delasiauve,
en elTet, ce qui caraetdrise essenliellement la pseudo-monomaniei
e’est la persistance de la conscience intime, au milieu d’une rdverie
ou d’une fascination morbide. Le moi humain reste intact derridre
cette fantasmagorie, que la maladie dvoque devaiit lui el d laquelle
ii ne participe que par moments et d’une manifere indirecte. Les
dmotions, les impulsions, les sentiments involontaires, les concep¬
tions ddlirantes, les illusions et les hallucinations se produisent I’une
aprds I’autre sous I’induence de la maladie : L’alidnd, d la fois ac-
tcur et tdmoin dans ce drame improvisd par son ddlire, est plus ou
moins entralnd lui-mdme, selon les moments, dans le mouvement
gdndral de sa pensde, ou assiste plus ou moins indiffdrent a ce ta¬
bleau mouvant qui se ddroule devanl lui dans cette reverie morbide ;
mais aussitOt que cette fascination a cessd de se produire, il reprend
rapldement toute sa liberld morale et toute sa luciditd intellectuelle
pour apprdcier sainement cette fantasmagorie qui n’avait, du reste,
jamais pu parvenir a lui faire compldtement illusion sur sa rdalitd.
— Pour M. Delasiauve, il existe done deux catdgories distinctes
d’alidnds atteints de ddlire partiel, les monomanes qui raisonnent
juste en partant d’un point de ddpart faux, comme Esquirol les a
ddcrits, et les pseudo-monomanes, chez lesquels le ddlire est diffus,
multiple, mobile, et participe des caractferes de la rdverie morbide
plutbt que de ceux du ddlire systdmatisd. M. Delasiauve a fait ainsi
pour la monomanie d’Esquirol ce que M. Baillarger avait ddja voulu
faire pour la mdlancolie : il a constatd I’existence d’un trouble gd¬
ndral, ou d’une confusion gdndraie des idecs, dans Pune des catego¬
ries des ddlires partiels expansifs, ou des monomanies d’Esquirol,
comme M. Baillarger a vu une depression gdndraie des facultds dans
toute une section des mdlancoliques qu’il a fait passer par cela mdme
dans la classe des ddlires gdndraux. Ges deux modifications pro-
ondesapporldes parallelement a la classification d’Esquirol par deux
M. J. FAIiRET. ~ KOLIE RAISONNANTE.
alitfnisies 6minenis, qui en conservenl n^aninoins les principes fon-
damenlaiix, nous paraissent iin premier pas fail dans la voie dii ren-
versenient coraplet de celte classification, et concourent a la destruc¬
tion tic la barri^re artificielle qui sdpare encore aujourd’hui les dd-
lires partiels des d^lires gdneraux. Mais, lais'sant de cdtd cetle ques¬
tion gdndrale, revenons i la question spdciale qui nous occupe. Com¬
ment celte description de la pseudo-raonomanie, sur les ddlails de
laquelle M. Delasiauve a beaucoup insisld dans son dernier discours,
peut-elle s’adapter h I’idde que cbacun de nous se fait, depuis Pinel
et Esquirol, de la folie ou de la manic raisonnante ?
Quel rapport M. Delasiauve peut-il ddcouvrir entre ces deux or-
dres de fails ? Sur quels caracieres communs peut-il s’appuyer pour
prouver que sa description de la pseudo-monomanie correspond, h
pen de differences prfes, a la folie raisonnante telle qii’elle est gdn^-
ralement ddcrite? C’est ce que, pour noire part, nous n’avons pas
pu comprendre.
Nous voyons Men la conscience de son dtat, et renvahissementin-
volontaire de I’esprit malade par des conceptions delirantes varides
et par des impulsions instinctives multiples, dans quclques-unes
des varidids de la folie raisonnante, par exemple dans celles que
nous avons ddcrites sous les noms provisoires d’hypochondrie morale
et de folie avec prddominance de la crainte du contact des objets
extdrieurs; mais il nous est impossible de retrouver ces caractferes
fondaraeniaux dans les varidtds qui reprdsentent plus spdcialement
le type habituef de la folie raisonnante, c’est-ii-dire dans celles oft
Ton constate I’altdration profonde des sentiments et des instincts,
avec ddsordre extrfime des actes et avec conservation apparente de
I’intelligence.
Dans ces cas, qui seuls mdriteraient de constituer la folie raison¬
nante si I’on admettait la rdalitd de cette forme de maladie mentale,
nous ne poiivons ddcouvtir les caraetferes priqcipaux assignds par
M. Delasiauve ft la pseudo-monomanie. Loin d’avoir la conscience
de leur dtat inaladif, ces alidnds ont au contraire la conviction pro¬
fonde de I’intdgritd de leur raison. De plus, les perversions des senti¬
ments etdes instincts, ainsi que les actes ddsordonnds qui en rdsul-
tent, loin d'dtre fugaces et mobiles, loin de paraitre et de disparaitre
alternativement sur la sefene intellectuelle, peuvent Men sans doute
varier de degrd selon les moments, mais coftservent au fond chez
ces nialades une fixitd et une persistance qui leur donnent toutes
les apparences d’uti cartictftre normal et qui ddcouragent tous les
efforts de la thfirapeutique morale. Sans doute, ft celte objection,
IVI. Delasiauve pourrait rdpondre, conime il I’a ddjft fait, que j’a
1h soclfiTf: )Hf;Dlco-PSY(!aot,d<iiQuE.
moi-m6nie cosnmis une confusion analogue, en d^crivant, dans inon
dprnior disconrs, comme fnisant partie de la folie ralsonnante, cinq
varidtds de maladies itieniales qnl ne devniicnt pas Idgitimenicnt
Itii apparienlf, el en laissant dans I’ofnbre celles qnl en repriisenlent
pi'PcisPinent le type le plus hahiiuel. Mais J’ai en le soin ddjii d’aller
au-devani de cetie objection. J’ai dit, en cffet, que je n’avais ac¬
compli que la moilld de ma tacbe ; apr6s les cinq varidtds que
J’ai chercbP 5 caracldriser , j’ai .Signaiii quatre aulres catdgories
qiii devraieni encore qtre Ptudlies, pour completer i’enaemblc des
fails de divers ordres que i’on rJunit arbitraircment aujourd’hui
sous le horn vague et trop comprdbensif de folie raisonnanie.
Je doia done niaintenant dire qiielques mots de ces qnatre cab!-
goCies de fails.
i“ Jemeniioilnerai d’abord certains ddlires de per.sdculion, encore
mal sysidmaiisiis, ou en voie d’dvolution, que les malades pnrvicnneni a
dissimuler. donl le dPveloppemenl est tout intdrienr eiquinesema-
nifeslent au dehors que par rexci’nlricitddesactes, les alldraiionsdes
senlimcnts et les d^sot-dres de la conduile. Ces abends, qui appar-
llennent en r^aliifi an dt'lire parliel avec predominance d’idecs de
persdeutloh, sfe font le Centre de tout ce qui les entoure ; ilssc ren-
ferment dabs Ictir orgiieil el se croient TUbjet de raticntion et de
I’animadversion gdndrale ; ils interprfeteHt centre eux-mdmes tons les
falls les pins insignifiabis qui se passent autOUf d'eux, et s’imaginent
dtre victirnes de la malvcillance, de la baine ou de la pei seciition de
lOiiS cdux avec lesquels ils vivent; mais ce syslfcme de persdeution,
n’ayartt pas enCorC revdtu dans leur esprit une forme bicn ddtermi-
nde, .se maintient, pendant des anndes, h tin degrd de vague apprd-
hension, et reste enlicrement renfermd dans leur for inldrieur. Ce
travail trds-lent de systdmalisatiort se fait 5 I’dtat latent et ne se for-
mtile pasdansdes sdHes d’iddesnettementaccentude.s. Le maladcn’en
fait part it personne,' concentre tout en lui-mdme et n’en laisse que
rarement debapper au dehors de faibles lindaments, Ndanmoins, ses
sentiments, ses penchants, sa Conduiie tout enildre, se ressen-
teili, de la manifere la pins dvidente, de ce travail Intdricur per.sis-
tant de leur esprit nialad'c; ils fiilcnt le mohde, qui les heuric et les
blesse de mille nianiferes ; tls abandonneni letits parenis et leurs
melileurs amis ; leurs sentiments affectuenx s’dtdignent el se trans-
forment en sentiments de haine et de rdpulsion ; ils se rdfugienl
dans la .solitude, renferment tout en cux-mdmes et ne sortent par
moments de cet i.solement el de cette concentration habituels que
pour se livrer a quelques actes ddsordonnds, bizarfes, violents on
nuisibles, qui donnenl a la foisla preuve et la mesure du trouble qui
M. J. FALttEt. — FOtlE RAISONNANTE. 75
exlsle datis leUi‘ inlelligence et dahs leiirS sentiments. Eh bien, ces
mnlades, tjiie I’on rehcontre plnlOt dans la pratique civile qiic dans
les asiles d’alidmis, et dont iVJat mental est souvent trfcs-difficile a dia-
gnosliqiler, sent freqtiemment pris pour dcs alidnes atlcints de folic
raisonnante, parce qtie leur maladie se manifesie plulOt par les al¬
terations das sentiments et des penchants et par la hizarrerie des
actes que par le trouble Intellectuel qu’ils parvicnnent a disstmiiler
aux observateurs mdme les plus exereds.
2° Une seconde catdgorle de fails, qui frdquemment aussi est dd-
crite sous le nom de folie raisonnante, est colic que Ton pent ap-
peler Yexaltation maniaque. Nous en avons ddjii indiqud les prin-
clpatix dai'actferes dans notre prdeddent discours, en parlant de la
pdrlode d’exaltalion de la|folie circulalre. Le plus .souvent, en ell'et.
les abends atteints d’exaltation maniaque, dont tonles les facullds
sont surexcltdesA la fois d un trds-haut degrd, dont les iddes, les
senlimeilta et les penchants .sont comme en dbullition, et dont les
mouvemenls et les actes multiplies et incessanls sont en rapport
avec la fermentation gdndrale de leur nature nilcllectuelle et morale,
ces abends, dis-je, dprouvent, aprfes cette pdriode d’exaltation plus
ntt moins intense, et plus on moins prolongde, une pdriode de
depression tres-caracidrisde et habituellement plus longue que
la precddenle. Aussi, lorsqu’on observe chez im abend un dtat
d’cxaltation ntaniaque, se manifestant plut6t par la surexcitation
de totites les facultds que par leur ddsordre, on doit toujours
cbercber s’il n’a pas existd auparavantcbez lui une pdriode d’affais-
seinfeHt dgalement irfes-tranchde, ou bien I'on pent prddire son
apparition dans un temps plus ou moins rapproche. Car e’est la
le fait le plus habiluel. Ndanmoins, pour rester dans la vdritd de
I'observatlon clinique, on doit ajOuter que cet dial mental parlicu-
lier, consl.stant plutdt dans la surexcitation gdndrale de toutes les
facitltds que dans leur ddsordre, pent aussi, dans quelques cas rares,
exister sent pendant de longues anndes, sans etre un stade prodro-
itlique de la manle franchd ou sans alterner d’une manidre rdgu-
lifefe avec la ddpression mdlancobque. Or cel dial d’exaltalion
rnaniaque simple, qui se prolonge qnelquefois pendant loute la vi e
de ces malbeureux alidnds, conslitue un des types lea mieux accu-
sds de ce qu’on estconvenu d’appeler la manie raisonnante.
3" Aprds CCS deux varidtds, nous devons encore insislcr sur une
troisifeme qui, plus que toutes les autres, mdriterail le nom de folie
raisonnante, si ce mot devait dire conservd dans la science; nous
voulons parler de ces alidnds raisonnants que M. le docleur Morel,
a fait figurcr daps rune de ses subdivisions de la folir heridUain,
76 SOCI£t£ MfiDlCO-PSYCHOLOGIQUE.
Ces inclividus laal nds, au pliysique comma au moral, degeneres
comme il les appellc, sont predisposes dfis leur naissance i la folie,
et passent pour aiiisi dire toute leur existence dans un etat per¬
manent de folie raisonnante a divers degres. Si I’on remonte
dans riiisloire de leurs ascendants, on y decouvre de nombreux
examples d’aUdnation menlale el de maladies nerveuses : L’hdre-
dite morbide est en quelque sorte accumulde dans ia famille de ces
alienes, qui rdsument en eux la plupart des caractferes maladiCs de
leur race. D6s leur enfance, ils ont ordinairement manifesto des
facultds intellectuelles tr6s-in(5galement ddveloppiies, faibles dans
leur ensemble et remarquables seulement par certaines aptitudes
spdciales; ils ont montrd, par exemple, des dispositions exception-
nelles pour le dessin, le calciil, la musique, la sculpture ou la md-
canique, des mdmoires excepiionnelles pour les dales ou les dvdne-
menls historiques, et h cdtd de ces facultds isoldment ddveloppdes,
qui les ont fait passer pour de pelits prodiges, ils ont ollert la plu¬
part du temps d’dnormes lacunes dans leur intelligence et une fai-
blesse vraiment radicale des autres facultds. Au moral, on a constald
Chez eux les mfimes contrastes et les mdmes singularitds. A cdld
de facultds affectives normalement ddveloppdes, ils ont prdsentd des
instincts pervers, des sentiments ddpravds, des penchants violents
et incoercibles ; ils .se sont livrds & des actes tout it fait dtranges,
ddnotant une mauvaise nature ou une absence complfete de sens
moral. L’dducation commune dans les pensions oules colldges a dtd
pour eux impossible ; ils se sont fait renvoyer de toutes les institu¬
tions oft leurs parents les avaient placds, et la vie de famille elle-
mdme est deveniie imur eux intoldrable, a cause de leurs mauvais
penchants et de leur absence complfete de sentiments alfectueux.
Quelquefois mSme ils ont dtd plus loin. Leurs actes ddpravds et
coupables les ont fait punir par les tribunaux dds leur jeune age :
ils ont dtd envoyds dans les maisons de ddtention ou de correction,
et dans les prisons. Arrivds i rage de la puberld, ils se sont fait
remarquer, entre tons leurs camarades, par la singularitd de leur
caractfere et I’dlrangetd de leur conduite; ils n'ont pu rien faire
comme les autres hommes de leur age, adoptant une profession
avec ardeur pour la ddlaisser bientdt sans motif, passant rapide-
ment par les sentiments et les ddterminations les plus opposds, se
livrant a tons les excfes avec une sorte de frdndsie, el dlonhant en-
suite leurs parents et leurs amis par la solennitd de leur conver¬
sion ou par I’dclat de leur repentir; entreprenant les travaux les
plus diffdrents et les quittant ensuite pour se livrer a d’autres oc¬
cupations. Susceptibles, irritables, fantasques, prenant tout avec
M. J. VALUE'!'. — FOLlli HAISONNANXI-. 77
passion, passant rapidemeni de I’cnthousiasme au d^couragement,
ils ont attird I’attenlion de tons ceux avec lesquels ils ont v6cu pa|>
rexcentricil6 de leur conduite et par les conlrastes inexplicables do
leur caraclfere. Les uns se sont engages comme soldats, se sont
fait condamner pour indiscipline ou pour insultes envers leurs
supdrieurs, et ont ensuile ddserte la profession militaire pour se
lancer dans d’autres directions, d’autres, aprfes avoir dlonnd par
leurs ddbauches et les ddsordres de leurs conduite, sont enlrds
dans des niaisons religieuses, dans des couvents, sc sont souniis aux
exigences les plus sdvdres de ces inslitutions el les ont ensuile aban-
donndes avec dclat pour retourner A leurs anciennes habiludes.
Tout, en un mot, a dtd irrdgulier, dtrange et ddsordonud dans le
genre de vie de ces 6tres incomplets et mal nds, prddisposds hdrd-
ditaircment a la folie raisonnante, lorsque enfin on a commencd
a s’apercevoir de leur dtat maladif, surtout caractdrisd par la per¬
version des instincts, des sentiments et des penchants et par Ic
ddsordre des actes, mais dont I’intelligence prdsenie aussi de nom-
breuses lacunes, qui,pour n’fitre pas aussi saillanles, n’en sont pas
moins reelles. Mais alors aussi surviennent de nouvelles pdripdties
dans leur existence mouveraentde. Ils mettent le ddsordre, Tanar-
chie etla guerre partout oil ils se trouvent. En rdvolte ouvertc avec
leurs families et avec la socidtd tout entifere, ils soulfevent partout
la repulsion et la haine, et ils rdagissent eux-m6mes par des actes
violents conlre les sentiments qu’iis ont fait naltre autour d’eux.
PleinS d’insubordination, ils dcliappent J leurs families ou a leurs
supdiieurs, pour mener une vie vagabonde, irrdgullfere, qui souvent
les conduit devant la justice lorsqu’elle ne les amdne pas dans les
asiles d’alidnes. Sont-ils maries, la vie de mdnage devient un veri¬
table enfer pour ceux qui se trouvent malheureusement associds
a eux, et & la suite de querelles intestines, de luttes cachdes et
d’horribles souffrances morales, bienheureux sont ceux qui par-
viennent i obtenir la separation ou la sequestration Idgale de
pareils dtres, dont la nature morale, incomplfete et depravde, est
absolument incompatible avec la vie commune ou avec la vie so_
dale. Sont-ils enfin sdqueslrds dans les asiles, ils deviennent alors le
lldau de ces dtabllssements et y suscilent les luttes et les ddsordres
les plus multiplies. Paraissant raisonnables, malgre la profonde al¬
teration de leur nature iiitellectuelle et morale, ils parviennent a
convaincre de leur raison quelques membres de leur famille et cer¬
tains employes des asiles oil ils sont renfermes. Ils dcrivent des let-
ires, des reclamations aux auloritds, et souvent, aprfes bien des
discussions et malgrd I’avis contraire du mddecin de I’dtablissement,
7 8 SOCIfiTfi MEDICO-PSYCHOLOGIQUE.
ils sont remis en libertd par la justice, et recommencent bientdt le
(jpenie genre de vie vagabonde et irreguliere, qiii les fait passer suc-
cessivement, et souvent iiii grand nombre de fois, suit devant les
Iribunaux, soil dans les asiles d’alifin^s.
11 n’est pas de m^decin sp^cialiste qiii n’ait rencontre dans sa
pratique des alitintfs de ce genre et qui n’ait eu i subir les fu-
nesles consequences qu’enlralne toujours J sa suite un pareil etat
mental. Eli bieii, certainement, si la folie raisonnante devait etrc
admise com me espfece naturelle de maladie mentale, ce sont dvi-
demraent les malades de cette catdgorie qui seuls devraient la con-
stituer bl’etatde forme disiincte et spdciale. Mais, pour notre part,
nous pensons, comme M. le docteur Morel, qu’ils doivent fitre rat-
taclids a d’autres categories plus generales, sans admettre pouriant,
avec cet auteur distingue, la determination de la folie hereditaire, qui
nous semble beaucoup trop vaste et trop comprehensive. Quoi qu’il
en soit, on nous accordera facilement que le tableau rapide quo
nous venons de tracer de cette varidte si remarquable d’aHends
raisonnanis est bien loin de ressembler a celui que M. Delasiauve
nous a donne de la pseudo^monomanie, et que par consequent ces
deux descriptions ne peuvent s’appliquer a deux etals identiqucs.
U" Enfin (pour terminer cettesimpleenumeration des etatsde trou¬
ble mental rdunis par divers auteurs sous le nora tres-vague de
folie raisonnante), nous devons encore mentionner les aliends ddsi-
gnds gendralement sous lenom de maniaques instinctifs, raaiades
chez lesquels des penchants pervers, des tendances mauvaises ou
des instincts violents se developpent periodiquement sur uu fond
de debilite intellectuelle native, avec une alteration permanente
du caractfere et sans trouble tres-manifeste des facultes intellcc-
tuelles. Ce qui caractiirise surtout- cette variete d’alienes dits raison¬
nanis, c’est la periodiciie des impulsions au meurtre, au vol, a I’in-
ceiidie, des tendances erotiques ou des dispositions a boire, qui sur-
gissent, avec plus ou moins d’in esistibilitd, au milieu d’un trouble
mental a forme laisonnante. Dans lous les auteurs qui ont traite
de la folie raisonnante et en particuller dans I’ouvrage de Pri¬
chard, on trouve des'exemples de ce genre, citfo paie-mfile au
milieu d’autres observations appartenant aux diverses categories
dont nous avons parld precederament, et ces etats sp^ciaux merite-
raient surtout d’etre dtudies et distingues avec soiii, au point de vue
mediCo-iegal. Or, on m’accordera facilement que c’est la encore un
type d’atienes raisonnants qui ne ressemble gubre a celui que
M. Delasiauve nous a dbcrii sous le nom de pseudo-monomanes.
De cette esquisse rapide de quelques varietbs de la folie raisonnante;
M. J. VALRG'r. — FOLIE HAISONNANTE. 79
ajout^es i celles que j’ai signalfies prSc^demment, jc. me bornerai
a conclure que ces dilKreats types sent lota de i-essembler, suit les
lilts aux aiures, soil au tableau que M. Delasiauve nous a tracd de
la pseudo-monomanie. II nous serable done que cel Eminent collfegue,
cn changeant la denomination de cet atat, ct en faisant un nouvel
essai de ddlimitalion des fails rdunis sous le noin de folie raison-
nante, n'a pas reussi a etablir I’existence de celle forme disllncte et
spiiciale de maladie raonlale, comme mdritant une place a part dans
le cadre nosologique ; et selon nous, la pseudo-monomanie de M. De-
lasiauve, comme la folie raisomiante des autres auteurs, ne constitue
qu’une rduiiion arbitraire de faits disparates.
III. Irresponsabilite absolue et responsabilite partielle. Sur
ce point encore j’ai le regret de me trouver en disaccord avec
i\I. Delasiauve. II pense que les pseudo-monomanes, ou en d’autres
lermes lea alienes raisonnants, peuvent etjre considdrds comme res-
ponsables de certains acies civils ou crirainels accomplis par eux en
dehors de.la fascination morbide. Cette consequence medico-iegale
i dsnlte natiirellement pour M. Delasiauve de la faqon dont il a com-
pris Petal mental des pseudo-monomanes. Ainsi que nous le disions
precedemment, il se representc Petal de ces malades comme essen-
liellemenl mobile selon les instants oft on les observe. Il admet que
le moi bumain, ou la personnalite humaine, peuvent resler intacts,
meme au milieu de'la lermentation d’iddes et de sentiments que la
maladie produit dans leur interieur. Chez le pseudo-monomane, dit-
ii, les idees bizarres, les sentiments alt^rds, les impulsions involon-
laires, les illusions et les hallucinations, en un mot les mobiles
delirants, se remplaceut et se sucebdent avec line extreme rapiditd
dans la t6te malade, et poussent souvent Palidnd & des actes ddsor-
ilonuiis, dangereux ou nuisibles, snivant la nature de Pidde ou du
sentiment qui surgissent involontairement sous Pinfluenee de la
maladie; mais ces dclosions de phdnorafenes raorbides sont extrfime-
tnent variables selon les moments oil Pon observe ces malades.
Tantdt le moi bumain, assistant en speclatenr passif ii celte fantas-
magorie intellectuelle, est plus ou moins emit ou entraind par elle,
el cesse alors depouvoir se dirigerlui-mfime; lantdt, au contraire, il
est simple tdmoin attentif mais inddpendaiit de cette succession ra-
pide d’iddes et de sentiments, el il conserve alors toute la libertd de
son jugement et de ses ddterminaiions, au milieu de cette tempfiio
inldrieure qui ne larde pas ii se dissiper au soufllc de sa raison.
Eh bien, dii M. Delasiauve, lorsque les actes accomplis paries pseudo-
fflonomanes sont le produit des mobiles ddlirants, ou de la fasci¬
nation morbide, ils doivent 6tre attribuds 5 I’dtat maladif; el I’indi-
80 SOCIKTfi MfiDlCO-PSrCHOLOGiQUli.
vidu doil fiti-e consid<;r6 commc irresponsable ; mais s’ils sent au
contraire ^Irangers a la sph6re du dfilire, s’ils se sont pi'oduits eii
dehors de son influence, le moi humain, ayant conserve toule sa
liberld d’apprteialion et de volont4, doit etre regard^ comme res-
ponsable des actes qui, loin d’etre le rdsullat des mobiles deiirants,
ont ete accomplis en parfaite connaissaiice de cause. Voili comment
la Iheorie de la responsabilite partielle chez les alienes raisonnants
est pour M. Delasiauve la consequence naturelle de la mani6re dont
il a conqu la pseudo-monomanie.
Pour notre part (nous I’avons deji dit plusieurs fois au sein de
celte Societe), nous ne pouvons comprendre de pareilles distinctions
et nous ne pouvons admettre ce mode d’interpretalion des faits ob¬
serves chez les alienes, raisonnants ou aiitres. Cette doctrine nous
paralt non-seulemeiit fausse dans son principe, mais exlremcment
dangereuse dans ses applications. Elle suppose une fragmentation
des facultes humaines, une scission de la personnalite qui est con-
traire it robservation, aussi bien chez I’horame normal que chez
I’homme malade, et elle a I’inconvenient grave d’abandonner, dans
la pratique, I’appreciation de chaque cas particulier k I’arbitraire
et au caprice du jugement individuel de chaque medecin-expert.
Qui pourrait se flatter, en ellet, chez un aliene accuse d’uri crime
ou ayant signe un acte civil, de doser avec exactitude le degre
d’entrainement que le moi humain a eii a subir, a un moment
donne, et le degre de resistance qu’il a pu y opposer? Or e’est sur
une appreciation aussi delicate que M. Delasiauve et les autres par¬
tisans de la responsabilite partielle des alienes raisonnants, veulent
faire reposer le crilerium medico-legal qui doit servir a decider de.
la vie, de la fortune et de I’honneur de ccs malheureux malades et
de leurs families ! Nous n’avons pas & insister davantage ici sur ce
sujet, que nous avons deja traite plusieurs fois devant la Societe,
non-seulement it I’occasion des fous raisonnants mais a propos de
tons les alienes en general; mais nous sommes oblige d’avouer que
rargumentation, du reste si habile de M. Delasiauve, relativement
ct la situation mentale des pseudo-monomanes, n’a pas pu encore
ebranler nos convictions a cet egard. Nous ne pouvons nous decider
itabandonner le criterium generaleinent admis qui sert de base a
notre legislation actuelle, et qui pent se resumer ainsi : Tout aliene,
quel qu’il soit, doit 6tre regarde comme absolument irresponsable
legalement de tons les actes clvils ou criminels accomplis par lui
pendant la duree de son etat maladif. Ge criterium absolu nous pa¬
ralt encore le seul qui donne a la medecine legale des alienes une
base vraiment scientifique et qui puisse placer le medecin-expert
M. J. VALUE'!'. — FOLIE UAISONNANTE. 81
Sill' nil tei'i’ain solide et in6braiilable. Je desire seuleraenl aujour-
d’lnii dire quelques mots de trois ci icon stances dans lesquelles la
doctrine de I’irresponsabilitg absolue des alidn^s pent presenter
cerlaines difficult^s d’application, on subir en pratique quelques
adoucisseineuts, tout en conservant en principe loiite sa rigueiir.
Je veux parler des actes civils compares aux acles criminels, des
pdriodes de rdinissions, intervalles lucides et intermittences, enfm,
des fitals de trouble menial dtrangcrs i la folie proprement dite.
1" Actes civils. — Sous le rapport des actes civils signSs par les
alieniSs raisonnants, on concevrait qu’il pflt exister plus de doutes,
dans I’esprit de quelques mddecins, pour I’application de la doc¬
trine de I’irresponsabilM de tons les abends sans exception, que
pour les actes criminels accomplis par ces mfimes malades. On com-
prend, en effel, plus facilement qu’iin malade atleint de dfilire par-
liel puisse etre regards comme capable de signer une procmation,
de donner son consentement au manage de ses enfants, on mfime
de rddiger un testament poiivant 6tre reconnu valable, qu’on ne le
congoit punissablc pour iin acte r^puld criminel. Sous ce rapport,
les magistrats et les mddecins sont m^me, en gdndral, places it deux
points de vue diametralement opposes ; les premiers, dansleurs de¬
cisions, semblent surtout avoir souci de la fortune et des interfils
inatfiriels des alifinfis et de leurs families ; les autres, au conlraire, sont
plulfit prfiocciipfis de leur vie et de leur honneur, en cherchant a les
preserver d’une coudamnation imnifiritee. Plusieurs auteurs out, en
effet, eiabll line distinction enlre les questions civiies et les ques¬
tions crlminellcs, an point de vue de la responsabilitfi legale des
malades aiTectfis de deiire parliel. J’ai nioi-mfime soutenu celte
opinion, pour quelques cas trfis- fares, dans mon premier discours
sur la responsabilitfi des alifines. Mais je reconnais volontiers main-
tenant que, proclamer ces exceptions, pour la capacilfi civile de cer¬
tains alifinfis, c’est tomber dans une contradiction avec le principe
gfinfiral de rirresponsabilitfi absolue : or, ce principe ne peut avoir
de valeur qu’a la condition d’fitre admis sans restrictions aucunes,
cl concfider aux advcrsaires une difffirencc entve la capacilfi civile des
alifinfis et leur responsabilitfi criminelle, ce serait enlrer dans ia voie
des inlerprfitations individuelles qui est celle des magistrats et ofi les
mfidecins ne doivent pas s’engager. Je conclus done que les fous rai¬
sonnants, ainsi que les autres alifinfis,doiveiil fitreregardfis comme aussi
incapabics de signer un acte civil valable qu’irresponsables pour un
acteditcriminel. Pour ces alifinfis, comme pour tous les autres, lemfi-
decin-expert doitse bornera constaterl’existencede I'alifinatlon men.
tale, au momentde I’exficution de I’acle, et de cede simple constatation
ANXAI,. MliD. -PSYCH. A'' sfific, t. IX. .lativiei' 1867. 6. 6
82 SOCIfiTf; MfiDICO-PSYCHOLOGlOUE.
(licoulent ndcessairemeiit, riiresponsabilil^ poui- I’aele criminel et
I’iticapacii^ absolue pour I’acfe civil; Au lieu d’gtudiei-, corame les
magisirais, I’actecivii en !ui-ni6ihe, le lesiaitteni,par exemple, dans
son texte, dans sa rdda'clion, dans ses diverses claiis'eS', etde leva-
lider ou de i’invalid'er d’aprfes les diVdrses 'circbhsianceS qui resdl-
tent de celte etude direcle de I’acie lui-menie, c’est Sur I’individu
malade seul que doit port'er I’investigatiOh dii tnddecin expert fct
c’est sur cet exanieh qu’il doit faire reposer Ses conclusions. Je Sais
bien que cette 'doctrine gdne'rale est contraire a la jurisprudence
actuelie et i la irtahiere habituelle de prOcedcr de nbs tribunaux ;
niais elle me SettilUe la SeUle en rapport aver, I’esprit general de
notre legislation-j qui prOclame que lout acie civil Ou criminel doit
6tre cousidere COmnVe sans vaieUi-, 5’il a 'dte a'ccotopli par uii ihdi-
vidu qui h’etait pas sain d’esprll au mouieht de sa perpeiraiion. II
n’y a, selOh mOi, que deu.'c 'dir'constauceS qui pdisseht periM'etlre,
dans certains cas particUiie'rs, One inriaclion a cette lol genenalc, et
ce sont cedes qdi me reslent maintenant -J examiner.
2“ Riinisstons-, i’nfe’rvalM iiicide's et mte'rmilteh'cks. — La fttlie
raisonnaUte presentc s'OUveni dans Sa marche de grandes ihegalites
et des suspension's plUs on inoins compleieS de I’etat maladif. On
pent done admettre que, dans ces ihlervalleS, I’aliene puisse 'dtre
regarde comme responsable de ses acies, oii considere comm'e en
etat de faire tin testaihent ou d’autreS actes 'civils susceptibles d’eire
valides par les tribilHaUx. 'G’est une cli'dse en effet bien differehte
qUe de vooldir scind'er la responsabilire humainc d’un indivi'du
dans un metae moment ou i divei-seS epoques de sa maladie. Ceux
qui ont observe beaucoup d’aHeUes ne pettVent pas nier qu’il eSiste
chez eux de grandes Variations dans le degfe de leur affection selon
ic's instants oil On les Observe. Oe phis, il esl, connu de tons, qu'oi-
qiie la realite dii fail ait die niec par quelques aufeursj qU’il eidSfe
quelquefois clYez leS alienOS de veritabiesintervalics lucides de trSS-
courte dttrefe, pend'ani lesquels ils peuv'eht recouvrer momenVane-
ment tOuie leur liberfe morale ; enlin, on constate bien phis frd-
quemmeni encore des suspensions plus prolongOes de la maladie;
pendant d'eS semalneS, des inois oO des annOes, dans leS for'mbs des
affections mentales connoes sous les nohis de folies peiio'diques oit
iniermiUenteS. Or, 'de imiine q'u’on es't bien force de re'con'nallrc
qu’un allene gtieri, Ou reven'u il la raison, doit jouir de nouveau do
tons ses droils CiVilS et rec'uper'er toute la responsabllite de ses actes,
le meme principe est evidemment applicable aux inlermilfences
nien caracterisees, qui ne sont en rOalite qu’un dtat de gueri'son
lempbrair'e. PaV une extension toute naturelle de ce principe, oh doii
M. J. FAIRET. — FOtlE RAISONSANTE. 83
iiccorder le infeme privilege ou le laeme Mpdfice aui a'cles des
ali^nfis accomplis daisies inter valleSlucidefe, qui nt Sont aussi qu’imfe
inteimittencc de plus courle durte. EiiiHn, on petit mgnie I’dlehdre
aux pdriodes de rdmittencB extrgtoement prdnoncde, qiti sottt carac-
tdris(5es par iih retour i peu ptfes complet a la raison et pendahi
lesqnelles oil pent encore adihettre que I’all^hd a rbcoiivrd uiiC
lucidild d’csprit et une libertd de choix et de decision suDisantes
pour qu’il soit possible de le regarder coinine responsable de sfes
actes et capable de rddiger lin testament, du tout autre acte civil,
que les tribiinatix pourrottt legaiement valider,
Dans ces eirconstances seillemeht et dahS ces limites bieit ddter-
ininecs, la iheoiic de la tesponsabilita des dlidhes, raisonn'Ahls oil
autres, petit, seloit nous, etr'e admise par leS medeCins, sans devenir
infideles a la doCtritl'e gCndraie qli'e noiiS aVOns etablie. G’est li une
responsabilite variable chCz uii m6ttie aliens dans des moments dif-
ferents, selon les periodes de son affection, et non dans le mfime
instant, suivant la diversite dCs actes auxquels elie s’applique. Ce
sont evidemment detlx doctrines essentiellement disllhctes, qui tte
peuvent etre coiifondues eh auCun'e fagOh, et c’est en ceia pCincipa-
lement que notre opinion differC profohdement de Celle qui a etd
soutenue par M. DelasiaUve.
3° Etats de trouble mental Grangers d la folie propremefit dite.
— Un dernier point hotis reste enfln A toucher rapidement pour
terminer notre rSponse & M. Delasiahve, et ce point est le plus dS-
licat de tons. Nous vonlons pailer des Stats de trouble mental ^ni
peuvent devenir I’Objet d'nne expertise mediCo-lSgale au point de
vue de la responSabilitS, et qui pourtalil he Centrem pas seientl-
fiquement dans le cadie de la folie propfement dite. Ici les hesita¬
tions et les perplexitSs du medecih l^giste peuvent devenir trfes-
grandes, et 11 n’est plus possible alors de poser un principe absolu,
comme pour les fails d’alienation mentale caracterisee. Souveiit, par
exeniple, les medecihs specialistes soiit cOhsUlies par leS tribunaux
pour juger de l’etat\nental de certaines femmes, ayaht cohimis un
deiit ou un crime sous Pinfluence de troubles de la menstruation,
pendant la grossesse, OU 0 la suite de I’accouchement, sans etre
pourtant dans un etat veritable de folie ; frequemmcnt aloi's on a vu
ces medecihs, s’appuyant sur I’observation des phenomfeiies patho-
logiques varies constates cbez des personnes plaCees dans Ces Con¬
ditions excepttOnhelles, conclure Chez elles b I’abseUce dfe la res¬
ponsabilite morale.
Dans d’aulres eirconstances, il s’agil de malades hysteriquCs oU
epileptignes, qm ne peuvent nullemeht etre regai'des Comme alienes
8^1 SOGIKTi: MfiDlCO-PSYCHOLOGIQUE.
et qui pourlant commettent des actes paraissant 6tre sous la ddpeii-
dance de leur maladie nerveuse et pouvant, partant, motiver I’in-
duigcnce, ou mfime Texondration compldle. D’autres fois, on csl
consulid pour des individus adonnds & des habitudes d’ivresse sous
des influences pathologiques, sans 6tre rdellement atleinls d’alcoo-
lisme aigu ou chronique, el pour lesquels les mddecins peuvent dga-
lement rdclamer le bdndfice des circonstances attdnuantes, sans
cependant les faire passer pour des alidnds.
XI en est de radme de beaucoup de faibles d’esprit, d’individus
raal nds ou incorapldtement ddveloppds, qui, sans pouvoir dtre clas-
sds parmi les imbdciles ou les idiots, ont ndanmoins une nature inlel-
lectuelle et morale si incomplete, qu’il n’est paspossible a uu mddeciii
iulerrogd par les magistrals, it Toccasion d’un crime ou d’un ddlil
commis par eux, de les considdrer comrae jouissanl de I’inldgrild
de leurs facultds et de leur libertd morale. Eniin, dans un certain
nombre d’alleclions cdrdbrales autres que la folie, telles que les lu-
meurs du cerveau donnant lieu h I’affaiblissement intellectuel, et cer¬
tains cas chroniques de ramollissenient ou d’hemorrbagies cdrdbrales
anciennes, u’ayant pas rdellement cntraJnd la perle de la raison et
du libre arbilre, il est egalement possible pour le mddecin-experl
d’hdsiter avant de se pronoiicer sur la validitd d’un testament rd-
digd dans ces conditions, ou sur la culpabilitd d’un acte incrimind.
Or, dans toutes ces circonstances, qui n’appartiennent pas au do-
niaiue de I’alidnatiou mentale pleiuement conlirmde, de mdme que
dans les cas si frdquents de simple prddisposition a la folie, et dans
les pdriodes prodromiques ou de ddveloppement des maladies men-
tales, nous comprenons parfaitement que le mddecin Idgiste doivc
abandonner le principe rigoureuxde rirresponsabilltdabsolue,quine
s’applique qu’aux fails de folie bien caractdrisds, pour faire appel a
I’appreciation individuelle de chaque cas particulier. C’est alors que
la doctrine de la responsabillld parlielle, telle que la comprend
M. Delasiauve, el sa tbdorie de la pseudo-monomanie (dans laquelle
il a fail rentrer plusieurs de ces dtats mixles qui ijevraient, selon nous,
dtre exclus de son cadre), peuvent rendre de vdriiables services au
mddecin Idgiste. Mais, tout en reconnaissant que les limiles scienti-
tiques qui sdparent ces dtats de trouble mental de la folie propre-
ment dile ne sont pas rigoureusement traedes, nous persistons k
penser que la tbdorie de la responsabilitd parlielle doit dtre repous-
sde absolument, ausSi bien pour les c-iverses varidtds de la folic
raisonnantc que pour toutes les autres formes bien ddtennindes des
maladies men tales.
M. Alfred Maury. Si j’ai bien compris, vous ii’admetlcz pas
M. LECiKAIVD DU SAUUUE. — FOLIE KAISONNANTE. 85
qu’on puisse validei- uii tesiament trts-bien fait, si I’auteur est uu
alidnii. Ce que vous avez dit en terminant cst ii I’encontre de cette
assertion. Je ne vois pas pourquoi on ne validerait pas un testa¬
ment, parce que le testateur ne jouissait pas de toute sa raison ; les
hdriliers pourraient toujours s’appuyer sur cette thfese pour faire
annuler certaines dispositions testamentaires. le crois que ce prin-
cipe ne peut etre applique aux testaments fails dans un intervalle
lucide, si I’acte indique que I’individu i’a fait avec luddite, et non
pas seulement pendant un intervalle lucide. La magistrature n’ad-
mettra pas que I’acte puisse fitre invalid^, si le testament offre la
pi euve d’une clartd, d’une lucidity complfetes.
M. Brierre de Boismont. 11 y a des actes anldrieurs bien con-
nus ; le testament de I’abbd d’Orl^ans, plusieurs aulres exemples
encore.
M. Alfred Maunj. Dans ce cas-lJi on a retrouvfi, dans le tes¬
tament, I’indice de la conception ddlirante. Le testateur Ifegue sa
fortune pour fonder un hdpital, une ficole, au lieu de la Idguer
aux lidritiers uaturels ; dans la doctrine de M. Falret, les hdri-
liers demanderaient la nuliitg du testament, s’il a exists un dfilire
anldrieur, si, dans le testament, se trouve un indice d’alifination.
A mes ye'nx, si le testament pr^sente des dispositions de I’ordre
de celles qu’un individu dans sa lucidity d’esprit devait formuler,
il y a lieu de valider ce testament.
iW. Lunier. Un ali6n6, lors m6me qu’il n’a pas d’intervallcs
lucides, peut faire. un tesiament qui, au point de vue de la lucidity,
ne laisse rien 4 desirer. Dans ce cas, le testament doit 6tre annuld,
parce que le testateur n’avait point son libre arbitre. Reste seule¬
ment a ddmontrer qu’il dtait bien en etat d’alidnation, et non pas
dans un intervalle lucide, au moment od il a testd. Mais si la
preuve est faile, le testament ne doit pas dtre validd, lors mfime
qu’il parallrail fait avec luciditd. Nous voyons tous les jours, dans
les asiles, des alidnes chroniques desquels on ne peut dire qu’ils
ont des intervalles lucides, faire des actes raisonnables, dcrire et
1 ediger des leltres sensdes, et cela surloul lorsqu’ils sont diriges ou
seulement dominds par quelqu’un.
M. Legrand du Saulle. En gdndral, la sagesse qui a prdsidd a la
rddaction d’un acie testamentairc ne donne la mesure de I’intdgritd
des faculids de I’esprit qu’autant qn’il a bien notoirement existd
pendant la maladie des intervalles lucides irrdfutables, et que la
preuve peut en dtre aisdment fournle. Autrement, le discernement
fortuit qu’alteste le testament peut rdsulter de ces saillies passa-
gdres d’ui jugement sain, comme on en rencontre frdquemraent
86 SOCIfiTf: MM)lCO-p8YeHOJt,0&iQUE.
dans les maladies aigiies de Idnlelligeuce, sans pour cela quo la
raison soil recnpdrde. Je n’irai pas alors jusqu’a dire, comme notre
honorable Golleguo M- Lunier, quo « I’acte ne doit pas etre validd » ,
mais je pretends qiie cel apte demeure discutable el qii’il ne ddtruil
pas I’accusation de folie. Selon moi, la Cour do Paris a sanciionnd
une frreur, en considdrant la seule sagesse de I’acle lestamentaire
ooinme se Fapportant ndcessairement ^ nn ipteryalle Incide.
M. Alfred Maury. Si I’individu est dans one maison d’aliends, le
testament ne peut etre validd. Mais nous sommes en presence d’une
personne qui a fail un testament; les hdritiers disent : c’dtait nn
fou et le prouveni. Si le testament est compieiement lucide dans
toules ses parties, on doit appliquer ici le principe rappele par
M. Jules Falret et ddclaref I’aliend capable, si I’acte a etd fait dans
un intervalle lucide.
M. Luniei\ Vous parlfez d’individus en lihertd : il est sonvent
difficile alors de ddmontrer I'existence de Palidnation; mais dans
les asiles, c’est chose facile. On peut, je le rdpfete, 6tre sons I'in-
flueuce d’idees ddliranies et faire un acie lucide.
M. Pouzin. Les Iribunaux, en gdndral, tiennent compte des mo¬
ments lucides; c’est ce qui a eu iieu dans un fait dont je vais vous
parler. Un aii6n6 dtait, depuis sept ana, dans une maison de sant^ ;
il avail frdquemment des moments lucides ; on lit venir un nolaire
avec deux magistrals. Ceux-ci trouvferent le malade parfaitement
lucide. On fit softir le malade de la maison de santd pendant vingl-
quatre ou quarante-huit henres, parce qu’il y avail un parent intd-
ressd k ce que ce testament ne fiit pas fait, et le testament aitaqud
plus tard fut validd par les tribunaux. G'est lit un fait appreciable
que la iuciditd d’un aiidnd au moment oft il fait un testamenl.
M. Alfred Maury. La thdorie gdndrale de M. Jules Falret ipe
paralt irop absolue, et le fait de M. Pouzin vient i I’appui de uion
assertion.
M, Lunier. Il n’est pas de directeur d’asile qui n’ait consenti a
ce qu’un nolaire fasse en sa prdsence signer, par tin alidnd, des actes
de minime importance, et cela pour dviier des fiais.
M. A. Foville. L’assenliment au manage des enfants, acte grave
s’il en fut, est tous les jours donnd par dps alidnds dans les maisons
de santd.
M. Pouzin. Il est une forme de testament, le testament mystique,
c’est celui qui est dcrit par une tierce personne et signd par le les-
tateur, en prdsence de deux nolaires ou de six tdmoins, qui est par-
faitement valide ; il est facile aux alidnds de recourir a cette forme.
M. Delnsiauve. M. Jules Falret a atlaqud le discours que j’aj
M. DE VQISMQnjl’. -r EOLIE KAISQMAINTE. 87
pronoucd ; jp veiu (iie boriiei' a dire aujQuvd'iuU qu’il n’a pas com-
pl^leipent saisi le fond de wa dQctrine.
Qirard de CaiUeum. An mot luddite employe par M. Maury,
il faiit subsliliier le mot reason ; or, la raison est ce qui e&t conforme
aux habitudes et aux id^es anldrieures dn paalade. i’ariicle 39 de
la IpI dn 30 jpin 1838 sqr les alidpO^ d.it : « hes acles fails par une
pcrsqni'e plaeOe dans pn Otablissemenl d’aliiinds pendant je temps
qn’filic y aura (iid releque, sans que so,it ipterdiclioo ait (!t(5 pro-
nonefie ni provoqu^e, poAlVI’om OH'e aliaquds pour caqse de d6-
mence, eoqfqrmOmepl || Tartiele t3Pf( du Code civil, I, U, »
M. Legrand du Saulle. « Si le fou, disait la loi romalne, a re-
cqqvre la raison, on a’ij a fail qn testament dana nn inlervalle
liicide, le testameni est rdputd valable; 4 pins forte raison, si le
testament a did fait avant la fplie. »
La loi francaise, jugeant peut-filre q’pe lout serait donleux et
arbitraire si I’on arrivail 4 admetlrp rintervalle lucide, n’a point
aulorisd cet etai interirpldiaire, el elle, s'est inlcniionneUement abste-
nne- Ces arrets des pariements ne fopt aucupe distinction 4 ce sujet,
et I’ariicle 901 du Code Napoldon se cpnlenie seulemenl de dire :
« Ppnr faire nn testament, il faut 6tre sain d’esprit «.
On s’est trfes-souvent demaiidd si nn on plnsieuis acefes prdalables
de folie ponvaient laisser, dans les intervalles luqides, assez de
clairvoyance pour qqe le jndicieux, accqmpliss.ement de Pacte de
dernierc vplpiUd pflt s’pifectuer sans entrave. Eb bien, cela ne me
paralt pas doiitenx, et il n’est ceriainement pas nn seul medecin
d’alidnds qui n’en ait fait I’expdrience en I'aisant ecrire les malades,
on en recevant d’eux, pendant ces moments de trOve, des dispo¬
sitions (estamentaires irrdprochablement prises. Nos lois resient
niqeltes stir ce point ; mais ies magistrats chargds de leur inter-
prdiation n’en valident pas moins les actes civiis contraetds on
consentis pendant les iniercurrerices de calme et de raison indnbi-
lables, et ayant en ime dnree suijisante pour qnc leur consiataiion
reelie fOt a I’abrj de tout SQnpQOq.
En parcourant les recueils de la jurisprudence, on veil sans de
grands elfcirts que la loi dtab|it tonjonrs une presomption en faveur de
la libertd morale de celui qui a disposd de sa. fortune : c'esi aux hdritiers
a ddmonlrer qu’an mqnient on il a at'rOlti sa succession, le lestateur
ii’etait pas sain d’esprit. Deux cas peuvent, du reste, se prdsenter ;
oil le testament renferme des clauses raisonnables, et celui qui
I'attaque doit prpuyer la folie; on racte coniient des bizarreries, ti
e'est aux Idgalaires qu’il incombe d'diablir la sagesse.
M. Brierre de Boismont. L’unild, la solidaritd des facnltds intet-
88 socnirft MtUlCO-PSYCHOLOGIQUE.
lectuelles, ne sont pas choses d^montrtes pour tout le monde ; les
plus cdifebres m^decins, dans une discussion qui vient d’avoir lieu
en Amiirique sur la folie morale, sont divis^s sur cette question;
le plus grand noinbre s'est prononcfi pour la solidarity, mais la
question n’est pas tranchye.
M. Lunier. La loi dit que, pour faire tin leslament, il faut 6lre
sain d’esprlt; I’exainen d’un testament, en lui-meme lucide, pent
bien fournir une pi-ysomption en faveur de la lucidity du tesialeur ;
mais cette prysompiion ne sera pas sulTisante, si Ton parvient a dy-
montrer qu’au moment oii il a testy, il a donny des signes d’insa-
nity d’esprit.
M. F. Voisin. Surlout si le testateur a lyguy sa fortune en dehors
de ses habitudes et de ses idyes ordinaires.
M. Delasiauve. La question ayty posye surtout pour lesindi^idus
qui jouissent de la vie iibre.
M. Lunier. La question est la mSme, que I’aliyny soil on non dans
nn asile ; prenons la paralysie gynyrale, par example : certains actes,
m6mc dans la troisibme pyriode, sont parfois lucides. Ces actes n’en
sont-ils pas moins frappys d’invalidity?
M. Delasiauve. Tout aliyniste tend a penser qu’un paralysy gy-
nyral, alors mfime qu’il a I’apparence de la raison, doit fitre consi-
dyry comme ayant Tesprit invalide.
M. Brierre de Boismont. J’ai yty consulty i I’occasion d’un testa¬
ment fait par un malade de I’asile de Pi-yfargier. Bien ydairy sur la
conduite de la femme vis-i-vis de son mari, j’ai refusy de me char¬
ger de cette affaire, qui a yty dyiinitivement, et sur les sentiments
que celui-ci avail conservys, jugye en faveur de la femme.
M. Legrand du Saulle. M. Jules Falret fait toujours une confusion
enlre valider les actes civils et dydarer la responsability proportion-
nelle des aliynys en matiftre criminellc ; je voudrais que M. Jules
Falret s’expliquat sur cette contradiction flagrante.
M. Jules Falret. En toute chose, j’ai assimiiy les questions civiles
aux questions criminelles; c’est pour les ypileptiques settlement
que j’ai fait uiie distinction.
M. Delasiauve pense que les ypileptiques, mfime non aliynys,
sont irresponsables.
M. Legrand du Saulle. En ylargissant ainsi le champ des excuses,
il n’y aurait bientOt plus de limites it I’indulgence bumainel...
M. Lunier. L’ypilepsie et la folie sont deux maladies connexes,
si je puis m’exprimer ainsi : I’une vient souveni compliquer I’autre,
mais parfois aussi I’ypileptique ne devient point aliyny.
La syance est levye i six heures.
M. DE BOISMONT. — RAPPOBT.
SAance du '12 iiovembre '1866. — PrAsidonce de Jl, Ffci.ix Voisin.
lie pi’oce.s- verba) est lu et adoptd.
Correspondance :
M. Des Etangs dcrit pour demander le litre de membre liono-
raire. Le president, aprfes avoir coiisulte ia Soeidld, proclame mem¬
bre honoraire de la Socidtd mfidico-psychologique M . De.s Llang.s,
qiii remplit les conditions exigdes par ie rfeglement.
La SociSld reQoit les otivrages suivanls :
Du Sommeil et des Mats analogues nonsidMes surtout au point
de vue de I’action du moral sur le physique, par le docteiif
A. A. Lidbeault. Paris, 1866. (Remerciments it i’auleur.)
De la fonction du langage articule, avec une observation d’aplia-
sie, par le docleur W. T. Gairdner, profes.seur de mddecine Cli¬
nique it I’Universitd de Glascow, travail traduit et prdcddd d’lin
prdanibiile, parle docteur Jules Falret. Paris, 1866.
Le Bidletin medical du Dauphine, 4® annde. Grenoble, 1866.
Le Compte rendu des travaux de la Societe medicale de l’ Aube,
pendant i’annde 1865-1866, bulletin n“ 2.
M. le docleur Broc, mddecin en chef de I’asile de Bailleul (Nord)
et M. le docteur Kraft Ebing, mddecin assistant de I’asile des alidnds
d’lllenau, auteur de plusieurs memoires sur la folie transitoire, la
paralysie gendrale au point de vue mddico-ldgal et de plusieurs au-
ires Iravaux sur la mddecine Idgale, assislent a la sdance.
MM. Jules Falret et Legrand du Saulle sont invitds 5 se rendre
aupresde M. Delasiauve, assez sdrieusement indisposd, et it ltd ex¬
primer les sympathies de la Socidtd.
M. Brierre de Boismont donne lecture d’un mdmoire de M. Mitter-
maier, professeur de droit h I’universitd de Heidelberg, membre
assoeid dtranger de la Socidtd, ayant pour litre ; Nouvelles re-
cherches et experiences psycholoyiques sur les meilleurs moyens
d'itablir la responsabilite des alUnis dans les delits et.les crimes
qui lew sont imputes. L’auteur commence par faire connaltre les
(|uinze propositions, adoptees en 1865 par ie comitd des mddecins
alidnistes aliemands, composd de MM. Fleming, Roller, Solbrig,
.lessen et Laehr, ayant trait au sujet qii’il discute ; puis il ies examine
successivemenl suivani qu’ellesont rapport aux experts, aux exper¬
tises et ?i la responsabilitd. Chaciine de ces irois sections porie
I’empreinte de la rectitude de jugement, du sens pratique, et de la
90 SOClfiT^; MfiDICO-PSYGHQLOGIQUE.
largeur rlc vues qui ciiractei'iseni le jmisconsulle lu plus emiiienl tie
rAIlemagne. T1 est glorieux pour la m^decine mentale, lorsqu’un
magistral fraiiqais ties plus liaut places proclame I’inanitS de tons
nos travaux cn cetie rnalifere, de yolr I’illpstre piesirtent de I’assem-
blde badoise et du parlemenl de Francfoi’t ddmonlrer, dans ses mi?-
moires, I’utilite des recherches des mddecins alidnistes.
Dans tin prochain travail, M. Miuermaier demontrera que I’irres-
ponsabllite pent subsisler : 1° lorsqne I’alidne calcule les consd-
quences de ses actes, distingue le juste de I’injuste, se repent de sa
conduite ; 2“ quand mfime on ne saisit pas le rapport de ses actes
avec ses iddes, ses dispositions, ses instincts morbides, ou qu’on ne
trouve pas d’iddes fixes.
M. Brierre de Boismont a fait traduire ce indmoire el y a joint
quelqiies rdllexions.
Discussion sur la folie raisonnante,
M; Berthier, En parcourant les auteurs, on est surpris du silence
qui n’a cessd de rdgner sur la folie raisonnante, des temps les plus
reculds au commencement de notre dre.
Touies les autres vdsanies se trouvent elTectiveraent plus ou
moins bien meniionndcs. b’antiquitd a laissd d’excellentes descrip¬
tions de la fureiir, de rhypochondrie, de I’ennui. Certains passages
de la collection hippocratique {Traits du regime, dans les maladies
aiguMs) prouvent que le. gere de la midecine a connu le delirium
tremens et la stupiditd temporaire. Ardide distingue les folies tides
du cerveau de cedes ndes des viscdres, dites depuis sympathiques
{De cur. morbor. diut., lib. II, cap. v et vi). II signale la paralysie
consdcutive it la mdlancolie (cap. v), que devait reconnaitre Kernel,
I'l d laqtielle Sennert consacra presque un paragraphe {Opera omnia,
IGZtl, t. II, pages 20fi el 205). Le, premier, Thdmison, prononce le
mot de nymphomanie (Semelaignc, Etudes hisioriques, in Journal
de midecine mentale, mai 1866, page 17/i); et Ctelius Aurelianus
fait de 1‘bydrophobie uno socle de ddlire loxique {(Xuvres, ddilion
de 1722, page 22fi), idde qu’on retronve dans L. Bivifere, Stahl,
Bellini', Th. Willis, etc., etc. Les modernes ne manquent pas de
documents. A I’arliole Tumulentia, Fdlix Platey {Praxeos medicw
opus, de mentis alienationib. , cap. iii) ddcrit les ddlires alcoo-
liques : gai, tristo, torpide ; en quoi il fut imitd par Sennert {Opera
omnia, 16A1, tome 11, page 119); el, dans ses Opera, il cite des
monomanies dbrieuses au.\quelles il prescrit les narcoliques. C’est
ce que Sauvages {Nosologie methodique, tome If, classe vin,
M. nEHTHIEIt. — EQLIE KAISOMNANTE. 91
chap, xvn) vauge sous le tine (le faraphrosynie des ivrognes,
(Equivalent de vinolentia, dont sesert Seneque. La folie altei'unnte,
circqlaii’e, a double facrne, est clairemenl ^nouc^e dans la premiere
page de la bniliferae leftre ai\atomioo-cl}ixux(jicale de Morgagni ;
aprfes li'rtidfiric HolTmaim {Opera omnia, 17Zi8, chap. Yin, obser¬
vation in, epicrisis et table) et Ch. "VVillis (Opera omnia, premlfsres
llgnes do chapitre De manid) qui I’avait lu dans AriEtde. Sops le nom
de melanooUa attonita, Bellini d^Reint la stupeur ntdiancolique
telle qu’op la YOit de nos jours {Opera pmnia, 1732, L, page 380) ;
el Th. Willis lul consacre un chapitre coraplet, la dislingnant de la
slultitia ou inibildlliie {Opera amnia, 1681, tome 11, chap. xiii).
Une observation do Stoll sup la phrln^sie billeuse prouve qu’on
connaissait fort bien de son temps I’aciion de I’estomac sur le cer-
veau {Medecine pratique, chap. Xi. J’allais oublier les ndvroses
dialhlsiques, sur lesquelles depuis pr^S do djx ans j’appelle I’at-
tention ! A peine la vlrole dlait-eUe parue en Europe, que Parar
celse, contemporain de Franeois P", indiquait la paralysle syphili-
lique {De rporbo gallioo), en attendant que Bell edt apporld des
exeraples de manle el d’tipilepsie do ce mode sp^ciilque {Traiti des
maladies venerienpes). Les coincidences ou les rapports du rhu-
mailsme ayec I’enclphalite el je dOlive chronique ne peuvent 6lre
mieiixconstatls que par certains alihlas deBoerhaaveet deMusgrave
(Y, pour le preipier les Aphorismes annotiis par Stoll ; pour le second,
Dearthritide anapiald). Ondecouvrir, depuis Sauvages, uue peiiir
tUfe pins cxacte de la gbntte meiancolique dont sut profiler Bar-
ificz {No^plog, method,, classe yii, chap. Quant aux meia-
sia.ses dartreuses snr I’axe cdr’^bro-spinal, nos recueils on sont rem-
p|is ; op ep repcoptre, cEi et lit, dans one fqule d’ouvrages mldicanx;
Use? particulierepient : Y>epsseps {OEupres, tome II, 1715, Mont¬
pellier), Sennert {Pratique med., part, HI, sect, ii, chap. XLiv) ;
Bofdep {Maladies chroniques, CLIV), Louyer-Willermay {Vapeurs,
tonie II), etc., etc,
iVipsi, it part la folie raisonnante, tons les genres de folie ou de
delife ve.sanique out ltd ddsigpds par nos deyanciers.
C’est, je crojs, dans le Traite medicQ-philosophique de Ph. Pi-
nel (1809, page 93) que Pop pppiipence it entendre le lerme folie
raisopnapte, dont il offre un tableau vraj, qiipique par irop laco-
nique. Encore pet, illnstre inaltfe la rpgarde-t-il comine un des
nombreux derives de la nianie ; errepr dans laquulle Irempe Du-
buisson, up de ses diaciples {Des vesanies., 1816. — Manie sans
delire). Ne serait-ce pas, toplefois, Apdre Malhey qui a en I’ini-
tiative de separer celte folie, pour lul une palhonianie, dont ii
92 SOCIfiTli MfiDICO-PSYCHOtOGIQUE.
semble faire pomiant ime manie instinciive (Maladies de I’esprit,
d 816, page 1^6; ?
A. panir d’Esquirol, du resie, le doute n’esl plus permis. De 1838
date la vole ouverte aux nouvelles investigations sur la matiire;
el qiii fut suivie, fray^e, aplanie par Pritchard dix ans plus tard.
Pourquoi cet oubli exceptionnel ?
Les m^decins, nos ancfiires, ne furent ni plus mauvais observa-
teurs ni moins laborieux que nous. Leurs clients ne devaient pas
presenter des symptdmes dilTerenls des nbtres. A quoi done allri-
biier romission?
A la rareie de I’ordre inoibide et a sa nature.
Les affections nerveuses ne se soni vulgarisdes que vers la fin du
xvit” sibcle ; avec le reiachement des moeurs, I’abaissement des ca-
ractferes, la negligence des cxercices corporels. Or, comme toute
folie a pour support organique une nevrose, et que la folle iiommee
raisonnante, est Ic premier anneau de celte chalne qui, par I’inter-
inediaire des nerfs, relie I’insanite du corps a celle de I’esprit, il etait
difficile, jadis, de saisir une vesanie rare et subtile, paraissant plutOt
du ressort de la morale que de celui de la medecine.
Les seuls alienes dangereux ou turbulenis avaient ete remar¬
ques. Etceux-ci ne serencontrentgubreque dans les espbees tran-
chees, palpables, bvidentes. II ne serait venu a I’idbe de personne
de consulter un homme de Part pour des excenlricites ou de la
bizarrerie. On les eitt considerbes comme justiciables du tribunal
ou de I’Eglise. Pour que la folie raisonnante tombatdans le domaine
du praticien, il fallait que le public v.lt dans cette aberration une
maladie rbelle. Le pouvait-il, lui qui avail dejb taut de peine a
voir un malade dans le furieux ou le monomane ? Ce n’est qu’b
force d’etudes, d’analyse et de temps, que la science parvint a db-
coiivrir un blbment morbide mbeonnu, obtenir pour lui une place
dans le cadre nosologique, en dbpit des prbjugbs, de I’ignorance
des masses et de la defiance des magistrals. Alors, non-seulement
nous sommes arrivbs ii dbmbler la folie raisonnante de ses congb-
nbres, mais encore nous avons fini par con.stater son alliance pos¬
sible avec toutes les autres, ainsi que Pont exprimb les docteurs
March, Grie.singer, Brierre de Boismont, Morel, Delasiauve.
Iln point acquis aux dbbats, e.st qu’il exisle une vbsanie constitube
psychiquement par des modifleations insolites des goffis, de la sen-
sibilitb, des habitudes, du jugement, des penchants, des instincts,
de la volonle, — sans dblire verbal, — capable de s’associer an
dblire gbnbral, au dblire partiel, au dblire diffiis, an dblire de la
SI. BEltfUlEK. — FOLIE RAISONNANTE. 93
demence. C’gtait, depuis longteraps, mon opinion ; fit je siiis heu-
reux de la voir sanctionner par de telles auiorit^s.
Les savantes discussions qni se sont produites rScemment aii win
de cette SocWtd, Pont du moins fait ressortir.
Mais cette conclusion me semble doctrinalement incomplete, et
je demande la permission de developper ma pensde pour combler
une lacune.
Qu’est-ce que la folie raisonnante, par rapport aux aulrcs folies ,
et a la genfese morbide ?
Un degrd inKrieur, un dtat rudimentaire, dont la caractdristique
cst une surexcitalion.
Que voyons-nous, en ellet, dans ses nombreuses victimes? Un
besoin ddvorant d’activitd, qui les pousse par accfes a agir ou-a
parler mal, sans se ddpartir absolument des dehors de la raison
ni de la faculld syllogislique, comme I’a parfaitement indiqud un de
nos savants et zdlds collfegues, ie docteur Delasiauve. II faut qu’ils
agissent, fflt ce au prejudice de leurs intdr6ts ou de ceux des autres ;
il faut qu’ils parlent, fdt-ce mgme pour ddfendre de lourdes absur-
dilds, Un pouvoir fatal leur commande, dirige leurs pas, meut leurs
langues. Et comme cette stimulation factice leur fouette I’entende-
inent, les facultds mentales s’aiguisent de fagon a donner aux iddes
et aux propos un tour seduisant, des couleurs trompeuses. On est
parfois dtonnd de leur dialectique, de leur verve, de leur babilele,
de leur rdpartie. Commettant des extravagances, ii leur insu, ils
trouvent le moyen de les expliquer, d’en iendre un compte juste
en apparence, appelant a leur service mensonges, ruses, raedisances,
calomnies, etc., travestissant cette maxime si profonde de Bossuet :
« Le vrai homme sera celui qui pent rendre bonne raison de sa con-
duilei) {Connaissance de Dieu et de soi-meme) . Jugez-les d’apres
leurs rdponses, vous les ddclarerez tris-sages ; recourez aux infor¬
mations, vous les jugerez insenses. Le criterium git dans le point
dejonclion entrela cause et I’elfet, rexplicationetlefait. Isolement,
leurs acles seraient sensds, relids et rdunis, ces actes sont ceux d’uu
fou.
Cel ensemble moibide conslitue, comme on le voit, un oidre de
phenom&nes moraux et intellecluels, qui ne ressemble ni a I’dtat ma-
niaque, ni a I’dtat mdlancolique, ni a I’idee fixe ddiirante, ni mdme
au ddlire impulsif pur, avec lequel certains auteurs, et bien a tort,
le confondent.
Get ordre est rudimentaire, disons plus, irrdductible. Je ddfie
qu’on en trouvc un nussi simple, c’esl-a-dire qui sc rapprocbe plus
de roriginalite compatible avec la .saute. II confine tellement aux
9U SOCifiTE MfiDICO-PSYCtl0t.©&ttJtE.
anomalies passioanelles, qu’on I’a assimilti et qile loiigteilips encore
on Tassimilei'a k celles-ci.
J’ajoiile ; il est radical. Toute v^sanie IB poSsfede. Elle en esl la
consequence. Vous n’imaginerez jamai.s line vBsanie qlii ne Tall eu
pour proilroine, ou pBriode premonltoire, ou prBlude pathologique,
on phase d’incubalioiu
Eh bleu , sous le concoms d’une somine de conditions Impossibles
a prBciseri variables pour chacunj numte vBsahie se fixe, demehre
ce qtrelle est, — ou elle engendre,soit un delire circonscrit, sbit ilti
delire general, sans jamais s’Bclipser ehliferemelil. On la volt former
des remissions, des intermissions, ces diU'ejentes espbces qu’elle
colore de sa teinte^ de manifere k douner le change aux regaids
novices ou distraiis. G’esi aiiisi que « cetlB nlaiadie double parfois
I) le deiire des persecutions, des gl'andeurBj de religion, d’extase,
» hystBrique, liypochondriaqile, paralytique, Bpileptiqile » , persisle
meme, quaiid le restea disparu, coinme pour impriuier la marque
indelBbile do passe.
La folie, irtal dBiioinmee raisoimanie, est aux autres folies ce
qu’est I’enfance a I’age liidr.
L’enfaiice a le ferment de tons leS vices. L’Bducation IBs combat
ou les modilie; mais les circdnstances les dBveloppent, les mettent
en relief. Les inclinations sont d’abord vaguesj indBcises: Peu k peu,
sous I’influence de conditions multiples, le mar(S’il n’est compriroB)
prend le dessus, se dessine, s’ihcarne; tel est menteni'j Voleur, 11-
beriin, prodigue, ambitieux, jaloux, vihdicalif, tout cela a la lbis>
pouvaiit conserver route sa vie, — outre son dBfaUt principal, —
I’odeur de I’une de ces semences vicieuses BnumBrBes. De mBme
Chez TaliBuB : Tun devient en prole k I’idBe iixe, un aOlre k des im¬
pulsions fatales, un troisieme ku trouble totalise des actes et des
IdBes, pouvantj en outrej conserver une teinte de la folie primor-
diale dont il aura BtB aiteint :
(Horace, Satires, livr. I, epitre ii.)
En risume : il est un ordre pathologique, compose d’un groiipB
morbide, qui tanlPlrestelui-mBme, contenant engerine tons les gen¬
res d’aliBnktion ; — Ikhtdt dBgBiibre en folie sysiBrtiatique, en folie
instinctive, en folie gBuBrale ; — tantdt aussi s’associB tin de ces
Ordres de dBlire.
Je proposerai de I’appeler stcechimnanie, ou foUe rudimentaife ;
parce qu’il estl’ordre psycho-cBrBbral le plus simple, c’est-a-direfon-
IM. RERTHIEB. — FOLIE RAISONMANTE. 95
damental ; parce que, 4 I’exception des aiili'esj il existe oil a toujours
exisliS Chez I’alidne. Le mot pseudo-monomanie ou dMire partiel
diffus, r.rde par M. Delasiauve, ne s’harmoniserait pas avec ma doc¬
trine, qni voii dans I’ordre vdsanique en question; un dial diffus; U
est vrai, mais universalis^.
II est consliluiS — psychiquement ; par une modification maladive
do la sensibility, de I’inieliigence et de la'volonty ; — somatiqnenienl:
par des perturbations nerveuses, pures ou congestives, ordinaire-
ment periodiques, et ob (je I’ai souvent observy) pi-ydomine I’hypo-
chondrie.
11 .se distingue des autres vdsanies, en ce qu’il n’olire pas de dy-
lire dans les propos, en ce qu’il n’opfere pas comme perversion
instinctive seule etidentique.
Je conclus, en disant que « pour analyser un malade atteint de
» cette allection il faut, avant tout, rechercher les ordres de dyiire
» qui composeiit son yiat; afin de savoir si elle est unique, prd-
II einiuente, ou si elle n’est que sympiomatique, combinye, compli-
II caiive, II— selon la mythode (lu’indique Barthez le Ghanceliier
dans ses Nouvmux elements de la science de I’homme.
IN’agit on pas de inyine, en face de toute maladie; la ftfevre jiar
excmple, qni pent etre essentielle on libe 4 une lysiou organique; en
face de I’hydrophubie, le plus souvent rabique; mais souvent atissi
ypigenytique de la manie, de la myiancolie, du dyiire aigu fybrile ?
La patlrologie mentale n’entrera dans une voie foncibrement fy-
conde, que iorsqu’elle sera ytudiee comme une branchede la paiho-
logie gynyrale ;que, iorsqu’au lieu de voir toujours des entitys psycbo-
logiques, on sera d’accord pour dygager neltement les yiyments des
symptdmes, distinguer les dyiires engendrys par un trouble du
fonctionnement de ceux produits par uue altyration du raycanisme
ou de I’agrygat, pour proclamer enfin ce principe : I’homme est une
duality indivise et solidaire.
Question medico-legale relative a. I’apaplexie.
M. Legrand du SaMle. Puisqb'e i’ateence de pMsieiirs dy bds
coliygtfes crye 5 la Sdciyty d'eS loiSirs inalted'duS, je dysireSbumetlre
4 votVe ekaibeb uhe 'question d’un intyryt prUtique considyrable 'bt
d’une importance mydico-iygale vraimentsaisissante. Je serAlb hWu-
reux de fair'e mon profit de Vos bous avis.
'/bici ce doiU il s’agit : the Veuve; Sgye db soixeiue-hetif Abs, A en
une attaque d’apopiexie il y a trois anS ; elite test restyte lltefnlpl'y-
gique, inais, relative ment, trtes-'bieii portante; et 'elite b’a jAttiaispVy-
senty l ien d’auormal du cUtte des faculttes de I'intelligen'ce.
96 SOCifiTli MEDICO-PSYCHOLOGlQUli.
Sui'le coiiseil de son notaiie, et afin de se procurer uii peu d’ai-
sance et de pouvoir prendre one domeslique & son service, elle
place sa trfes-modesle fortune <t foods perdu, puis elle meurttoiU a
coup d’hSmorrhagie cdr6brale, dans I’espace de quatre lieures, seize
jours aprfes la signature du contrat de rente viagere. Le contrat est
attaqud paries h^riliers naturels, et Ton demande au m^decin trai-
tant si, au moment de la passatioii de I’acte, la contractante etait
affeclde de la maladie it laqiielle elle a succombd ? En proie & un
certain embarras, le mddeciu m’dcrit et me prie de lui dire ce qti’il
doit repondre.
Et d’abord, permettez-moi de vous rappeler que Particle 1975
du Code Napoldon est ainsiconcu : « Est tigalement de mil ell'et le
contrat de rente viagfere cr^^e sur la t6te d’une personne attcinte
de la maladie dont elle csl deciidtie dans les vingt jours de la date
du contrat. » En Mictant cette disposition, le l^gislateiir a evideni-
ment voulu Eloigner du lit d’un moribond de coupables tentatives
despoliation. Ce qui le prouve bien, c’est que si la mort est occa-
slonn^e par unecause dilKrente et absolument imprdvue, par un
accident par exemple, la convention reste parfaitemeni valide. II
en est de mfime danslc casoii la mortsurvient apres les vingt jours.
Particle 1975 etant limitatif.
En face du problfeme pbse.j’ai dfl entreprendre lout unsystemede
reclierches, afin de savoir si des exemples analogues s’gtaient ddjii
presentes, et, le cas bchdant, quelles solutions juridiques ils avaient
recu. Les faits suivants sont parvenus a ma connaissance :
1“ Le 11 nivbse an VII, unedame E... vend a B... un domaine,
moyennant 100 000 francs. La moitie de cette somme est payable
en une rente viagfere de 6000 francs. Six mois apris, E... d&bde el
ses hdritiers attaquent le contrat comme fraudiiletix et simule, al-
tendu que la rentifere btait attcinte d'une maladie mortelle, Pliydro-
pisie. L’acqubreur demonira qu’i I’bpoque du contrat, il s’agissait
seulement d’un asthme, affection non mortelle.
La Cour de Grenoble, cbnsiddrant que, « bien qu’au moment de la
constitution d’une rente viagfere, celui au profit et sur la ifete duquel
elle est conslilufee soil alteint d’une maladie mortelle, la constitu¬
tion n’en est pas moins valable, s’il survil plus de vingt jours », a
confirm^.
Ici, vous le remarquerez, il y a eu des chances encourues de
part et d’autre. Or, c’est le risque et Pincerlitude de I’dvfenenient
qui forment Pessence des marclifes alfeatoires. Le contrat de rente
viagfere est, vous le savez, le type le mieux accuse tie ces sortes de
convenlion.s.
M. LEGRAND ftu SAUtir.. -- APOPLEXIE. 97
2° Le 20 normal an X, une damefi... passe un contrat de rente
viag^re. Elle ^tait ators atteinte de dysenterie. Sept jours apr6s elle
nieuri. L’enquOte a d^montrg que la dame fi... £tait dans uu dtat
de gravity exlrSme et que tout le monde la croyait menac^e d’une
mort prochaine, ce que I’dvdnement a justifi^.
La Cour de Rennes a annuld le contrat.
3“ Le I'"' ventOse an XIII, une demoiselle B..., malade depuis
longtemps, c6de divers immeubles au sieur M..., moyennant une
rente viagfere de 2i0 francs. La demoiselle B... meurt le iendemain.
La Cour de Rouen a annuld le contrat.
U° Le 11. mars 1809, un sieur F..., bdmipidgique depuis dix ans,
ct qui, dans cet intervalle, avail eu plusieurs petites rdcidives apo-
plectiqiies, passe un conirat de vente de sa maison. Deux jours aprfcs
la signature de I’acte et ^ la suite d’une trfes-vive altercation, il
meurt d’apoplexie.
La Cour de Colmar a ordonnd qu’il serait fait un rapport de md-
decins sur la question de savoir si le vendeur dlait atteint, au mo¬
ment du contrat, de la maladie qui a mis fin & ses jours. Une dis¬
cussion scientifique s’est engag4e ; des m^decins de la Facultd de
Strasbourg ont ddclard que les attaques anciennes et I’attaque mor-
telle lie formaient qu’une seule et indme maladie, tandis que Marc,
Renaiildin, Desgenettes, Chaussier, Baumes, Vigaroux et Delpech
ont soutenu avec une grande dnergie cette opinion que la pridispo-
position d I’apoplexie ne constituait pas I’apoplexie, et que I’on ne
pouvait pas appliquer.le cas de nulUtdiune affection paroxystique,
les intermittences rompant la continuitd.
Je me hate de revenir au cas parliculier qui m’a did soumis el
au sujet duquel j’ai I’honneur de consulter la Socidtd. Cette dame,
agde de soixante-neuf ans, hdmipldgique depuis trois ans, dtait-elle
atteinte, au moment du conirat, de ia maladie a laquelle elle a suc-
combd seize jours aprtsf Jusqu’a plus ample information, je suis
portd dcroire que diverses attaques d’apoplexie, dprouvdes par le
mdme individu, et i diverses dpoques, n’dtablissent pas la conti-
nuitd d’une mdme maladie ; que chaque attaque d’apoplexie est in-
ddpendanie, Isolde de I’attaque prdcddenle, le sujet seul dlant le
mdme, les causes occasionnelles seules pouvant dtre identiques ;
que toute attaque est une maladie nouvelle, donnant lieu ddes dds-
ordres nouveaux ; que la persistance de I’lidmipldgie ne prouve pas
que I’apoplexie dure encore et soil chronique ; que la loi n’a pas
parld des rdcidives, et que la rdcidive ne sauralt, a mon sens, en-
irainer la millild d’un conirat.
Tel est I’dtat de la question. Je n’ai pas encore rdpondu, et je
ANNAl,. MfiD.-psYCH. 4“ sdrie, t. IX. Janvier 1867. 7. 7
98 S0C1£t£ MfeDlGO-PSYCHOLOGlQUE.
m’en applaudis, puisque la possibililc m’«st offerle de faire appel a
YDS lumiferes.
M. Jules Falret peme qu’il ne s’agit la que d’une imminence
morbide, d’lm fait possible, mais il n’y a rien qui prouve que I’ac-
cident ddt avoir lieu dans les vingt jours,
M. Girard de Cailleux : Les circonstances et les condilions dans
lesquelles vit le raalade influent n^cessairement sur Tissue de la ma-
ladie, et specialement dans un cas comme celui qui nous occupe, la
terminaison peut 6tre prochalne ou se faire attendre longtemps,
suivant les circonstances.
M. Brierre de Boismont : Une personne ddjii atteinte d’li6mipie-
gie a une seeonde attaque ; cette seconde attaque sera-t-elle une
consequence de la premifere ? Eh bien, oui; c’est pour inoi la merae
m aladie.
M..4. Foville : Cette attaque d’apoplexie a-t-clle eu des pro¬
dromes, Themipiegie s’est-elle montree du mfime cdte ; etait-ce une
hemorrhagic ou un ramolllssement ? Ges faits doivent 6tre pris en con¬
sideration avant de forrauler une opinion aussi rigoureuse que celle
de M. Brierre de Boismont. Quant a celle do M. Girard de Cailleux,
je suppose une personne attaquee d’anevrysraede la crosse de Taorte ;
dans les meilleures conditions de calme, elle arrive an vingt et
uniemejour; dans d’autres conditions, elle aurait succombe le dix-
ueuvieme. Je ne crois pas que pour une hdmorrhagie cdr6bi aie on
puisse admeitre un raisonnement difl'drent. Pour mon compte, s’il
n’y a pas eu de prodromes, si la mort a dtd subite, si la veille de la
mort, Tdtat de cette personne ne difl'drait pas de celui qui existait au
moment ou Tacte a dtd fait, je serais portd a admettre une autre
maladie.
M. Girard de Cailleux : Dans un andvrysme, la terminaison est
toujours fatale, mais aprfes une hdmorrhagie cdrdbrale cette per¬
sonne devait-elle ndcessairement succomber a une nouvelle atteinte ?
La maladie ne pouvait-elle rdiroceder et la malade ne pouvait-elle
succomber a une autre affection ?
M. Legrand du Saulle : Si cette dame dtait morte d’une fluxion
de poitrine, il n’y aurait pas lieu a discutcr, mais ici le tribunal
pose slmplement cette question ; La dame X..., au moment ducon-
trat de rente viagdre, dtait-elle atteinte de la maladie a laquellc elle
a succombe tel jour?
M. Rousselin est disposd k se rallier en principe a Topinion de
M. Brierre de Boismont, mais il faudrait que les conclusions de Tex-
pert fussent appuydes sur des recherches d’anatomie pathologiqne.
Une premidre attaque est une menace perpdtuelle d’apoplexie ; ce-
(99
M. MHORANP »U SAULI.B. — APOPJjKXlJt;.
pendaiU cles apopleciiqaes peavent ardver a uii age.UvaiKi^. Mais les
appplexies procfedent souveut par mllanimaiion, et les accideiiis
uUdrieurs poiivaicnt dater d’uae dpoque plus ancicUue que le jour
de la passatioa de I’acte. , ■ -
M, Felix Voisin ; Pendant trpis ans cede £eip!nc s’est bien .por-
lee; elle dtait prddisppsee a ce genre de wrt, cela est vrai, mais
rien ne prpnve qn’elle dd/. spcepinbej; an . bput de quinze .ibiq’s plu-*
Ibt qu’au bout de qninze rapis apres la signature ded’acte. : ^
M. A. Foville : Je demande i faire une nouvelle hypfttbfese ; stip*
posous une pleur^sie ancienne ayapt laissd des adliPrenpea et un
aplaiissement du tborax. La personne qui ep est affeclPe fait un acte
et ineurt le seiziPme jour aprfes Payojr s.igne. Qa pas n’estTil ; pas
assimilable a celui que nous soumei M. Legraod flu Saulle? Suppo-
sons encore un liomme habitue i des piieumonies chaque, annde
comme cela arrive i certaines personjues agges, if en .serait encore
de mepi®- El* Eien, un coutrat sigpe par une de ces persOunes poutv
rait-i) fitre invalid^, si ellesuccombait a une pleu.idsle ou i uue pneu-!
monie ; je ne le pense pas.
M. Brierre de Boismont : A quel accident deyra sucGOinber wie
personne allectde d'lniraipldgie ? Les probabllitds les plus grandes
sont pour une nouvelle congestion. L’apoplexie est un piSril immi¬
nent qu’on doit toujours redouter.
M. Mesnet : Pour cbacun de nous, tout apoplectique est sous I’.im-
niinence d une nouvelle attaque, et la seconde attaque est par conse¬
quent solidaire de la premiere. , ,
M. Legrand du Saulle ; Croyez-yous que la loi ait pr^vu le peril
imminent, la predisposition a une maladie, I’imminence morbide et
la solidarile pathologique dopt on vient de parler 1 En aucune fapon,
et par la raison tpute simple que I’pn pe meurt pas d’un pdril im¬
minent ou d’nne imminence morbide.
Comme condition expresse de nullite. Panicle 1975 stipule que
Pindiyidu sur la t5te duquel la rente a ete crdde> soit ddcddd dans
les vingt jours de la date du coptrat d’une maladie qu’il avaii d
I’epoque ou U a pontracte, II faut done, dans Pespritdelaioi, qu’ll
y ait eu, a partir du jour de la passatiop de Pacte jusqu’ii celui du
d^efes, contiimite de la maladie qui a pccasiound la mori. .Or, Papo-
plexie exis,tait-cllc le jour du pontrat ? Non,
M. Bourdin : En revanche, Plidmiplggie existait biem
M, Legrand du Saulle': L’appplexie est une maladie aigue, et la
pcrsislance.de I’hemipldgie prouve seulementqu’un ddsordre fonc-
tioimel existe. L’hdmipldgie nlest qu’un .efl'et de ,1a maladie, voiia
tout. Comme le disait si Men M. F.oyllle ■lo.utii Pheure, les adhd-
■SOCIfiTf: MfeWCO-PSYCHOLOGtQtlE.
e ; ^^jVences dp| plfetre t^moignenl-elles de la pei'sisiance de I’^panche-
pl^Yptique 1 Aprfes une pleurtsie, les adhdrences de la plfevre
i / i;^|tTOen|fun kat consicutif; eh bien ! apifes une apoplexie, la per-
^ sistanqp ^ I’hemipl^gie constitue au meme litre un etat eonseculif.
iff Falret ; Si la malade dont vient de parler M. Legrand
du- Saulle avail iti dpileptique, et si elle fdt morte d’une attaque
d’dpilepsie on h la suite d’une sdrie d’attaques d’^pilepsie, est-ce
que le conlrat n’eiit pas 6td nul ? Cette fois, tout ie monde sera
bien d’accord.
1VI» Legrand du Saulle : Qu’un dpileptique vienne & trouver la
mort au milieu de vives eonvidslons, dans le d41ai de vingt jours,
et nous aliens tous 61re d’accord pour faire annuler foreSment le
contrat de rente viagfere? mais, pas du lout. De deux choses I’line :
ou le malade avail eu, i une dpoque antdrieure au contrat, des acefes
assez frequents et assez graves pour que son intelligence ait pu en
subir de notables et passagferes alterations, el alors il y a lieu de se
demander et de rechercher s’il avail, au moment de la signature de
I’acie, une capacite suflisante pour contractor ; ou bien, le malade
n’a jamais eu que de rares et legferes atiaques, qui n’ont en aucune
faqon retenli sur sa raison et sur sa volonie, et alors 11 ne sera pas
possible d’admettre qu’il y a eu fraude, captation, absence de libre
arbitre, trouble mental, etc., etc. Les risques encourus rdpondronl
parfaitement au caract&re al^aioire du contrat.
Comment contestefait-on d’ailleurs la validity du contrat d’un
^pilepiique, dans le sens de I’anicle 1975 du code Napoldon ? L’in-
tervalle d’un acefes it un autre ne constitue pas I’dpilepsie, mais la
disposition it I’tipilepsie ; or, I’imminence morbide n’est pas la ma-
ladie, G’est avec intention que le Idgislatenr a assign^ le terme si
court de vingt jours, pour la vescision du marchS, et il ne viendra
it I’idee de personne qu’il edt flx6 un terme aussi limits, s’il avail
formellement voulu designer la disposition 5 une maladie.
Celui qui place son bien h fonds perdu est guid^ par des vues
d’lnt^rfit. Comme le taux de la rente qui va lui fitreservie est d’au-
lant plus dlevd que son age est plus avanc6 et que ses chances de
mort paraissent plus probables, il a bien soin de faire valoir loutes
ses inflrmitas, et, au besoin, de sp^culer sur elles. S’il est 6pilep-
lique, il a tout intdr6t a le proclamer, aiin de faire augmenter son
revenu. Une compensation est done dtablie. Que la cupiditd soil
mauvaise conselllfere et que ses calculs soient assez frdquemment
ddjouds, je vous I’accorde, mais des risques ont dtd courus de part
et d’autre. Comme i’alea est le caraetbre distinclif du contrat de
rente viagbre, le voeu de la loi est satisfait.
SfiANCE DU 26 NOVEMBBE 1866. 101
M. Brochin : La question a deux aspects. Au point de vue patho-
logique, une seconde attaque est solidaire de ia pvemifere. On peut
prdvoir une seconde attaque, mais & quei moment ? line seconde
attaque est au contraire une maladie nouveiie, au point de vue pra-
tique.C’est une rdcidive, si vqus vouiez, ce n’est pas lamfiine maiadie.
En pareille matifere, on ne peut pas poser de principes absolus, il
taut considdrer cheque fait ; dans ceiui qui nous occupe, ii ne s’agit
pas ii mon sens d’une mdme maladie.
La sdance est ievde it six heures moins un quart.
Seance du 20 novembrc 1806. — Presidence de M. FflUX VoisiN.
Lecture ct adoption du proces-verbai de la prScddente sdance.
Correspondance ;
Le docteur KralTt-Ebing, mddecin adjoint de I’asile des alidnds a
Illenau, dcrit pour demander le litre de membre associd dtranger
(Commissaires : MM. Luys, Motet et Jules Falret).
Le docteur Kraffi-Ebing adresse i I’appui de sa demande les OU'
vrages suivanls :
Die Sinnesdelirien, Erlangen, 1864 ;
Die Lehre von der mania transitoria. Erlangen, 1852. Beitrdge
zur erkennung und richtigen forensischen Beurtheilung krank-
liafter GemUths Zustande fUrAerzte, Richter und Vertheidiger, Er¬
langen, 1866.
M. Legrand du Saulle fait hommage 4 ia Socidtd d’un mdmoire
imprimd'ayant pour tilre : Etude medico-legale sur la paralysie
generate (folie paralytique) ; Paris, 1866.
La Socidtd reqoit le Bulletin medical de I’Aisne ; Laon, 1866,
troisifeme trimestre, numdro 3.
M. Lunier propose de combiner avec le congrds international de
mddecine une rdunion de mddecins alidnistes de tousles pays ; cette
proposition, appuyde par MM. A. Maury, Moreau (de Tours) et
Fournet, est renvoyde 4 une commission composde de MM. Morel,
Lunier, Foville, Legrand du Saulle, Moreau (de Tours), Fournet et
Brlerre de Boismont.
M. Legrand du Saulle : Je prie la Socidtd de vouloir blen me
pennetlre de porter 4 sa connaissance plusieurs choses importantes ;
1“ La santd de notre honorable et savant collfegue, M. Delasiauve,
devient meilleurede jour en jour, et nous avons tout lieu d’espdrer
iM SOCi^Tfi UltbidO-PSYCHOLOGlOtJE:
qu’ll poUrra SSsi^ftir k notre pI'ocHaine r^uhfon. Si. Dijlasiaiivc a eld
tf6S-to'Mii5 des Hlarqdcs dc sytiipalhie que ndlis aVoris etd lui
exprlrner aU nblii de la Soci^td ;
2° En I’absettCfe de M. tJaillarger, j’ai i’honneui' d’informer la So-
ciele que VAssoeidtioti Mutuelle des midecins aliinisles de France
vient d’etre eievee, par detret imperial, aii rang des eiablissemeiiis
d’Hlilitepilblique. Eli presence dece succ6s, veuillez me permeltre
d’insister dc nouveau pour qiie la Socieid medico- psychologiqiiC
lasse avec activite-lCs demarches hecessaires, afin d’oblenir bieiilOt
la mCme faveur. M. Cerise a ete charge de la redaction d’un mC-
moire ad hoc sur t’originc de la SociCte, Timportance de ses ira-
vaux, etc., etc. Peut-Ctre serait-il bon de lui rappeler qu’il y a
urgeiice, el que, pour beaticoup de motifs, nous serious trfes-ddsi-
reux de voir notre existence scientifique consacrde par un ddcrct.
36 ^Jinc! veiivc Aubahel m’a fait parvenir une nouvelle sommc do
iiuit cents francs, destineeii unprix de cette valeur. II y auraitiieu,
par consequent, de nommer une commission de trois niembres,
chargee d’an-eier la question it mettre an cohcoitrs et de fixer toutes
res cohditiohs du ptogrammoi (Commlssaires : MM. Ti-eiat, Lunier
et Rousselin.)
. 4° J’al ete prie de Vous notlfler la mort d’un de nos cOllfegues, et
c’est avec un vif regret que je viens m’acquitter de cette mission pe-
iiibte. M. le docteur Schnepp, Vice-consul et medCcin sanitaire a
Djeddah, est receminetit decede a page de quarante-deux ans. Co
distingue confrere-, aprCs avoir ete membre tiiulaire de la SOcietd,
n’avait pas voulu se separer de tlous tout a fait, et, au moment de
son depart, il nous avait demande et nous lui avions cotifere avec
eiiipressement le diplOnie de membre correspoUdant.
Ii’ordre du jour appelle la suite de la discussion stir la folie rai-
sonnante, mais MM. Fournet et Treiat etant absents, la parole eSt
dortiiee it M. Aohilk Foville, a I’occasiou de la question medico-
legale soumise a I’examen de la .Societe, dans la seahCc precedcnte.
Question medico-legale relative a VapoplexiCi
M. Achille FoVille. — A la lin de la dertiifere sdance, M. Lcgrand
du Saulle a demande I’avis dc la Socidte sur une (|Ueslion medico-
legale d’uii graiiil inieret, et qiii pafalt n’etrc soumise. que pour la
secoiidd fois it I’appreciaiiou tnedicale. Je vous dcmaiideral it revcnir
eu qiielques inolssurbeqni a eiedit, a cette occasion, par plusieurs
des Inembres de la SocielS et par nlbi-meme. .
M. ACH. FOVILIiE. — APOPLEXlli. 103
Noire collfegue 6tait consult^, vous vous le rappele?, danaks cir-
constauces suivantes :
Une dame X..., Agde de soixante-neuf ans, h^mipkgique depuis
trois ans, A la suite d’une premlfere atiaque d’apoplexie, prend, sur
ie conseil de son notaire, le parti de placer sa petite fortune & fonds
perdu, atin d’augmenter son bien-6tre. Au moment oii elle passe le
contrat, elle est dans un dtat de santd physique analogue h celui qui
existe chez elle depnis trois ans, sans aucun sympidme de nature &
i'aire pr^sager quelque accident imminent; ses facultds intellectuelies
sont parfaitement intactes. Les choses restent dans le mSme dtat pen -
dant deux semaines ; puis, ie seizi&me jour apr&s celui oh le contrat
a dtd signd, M®" X... est prise d’une nouvelle atiaque d’apoplexie et
expire en quaire heores. Or, I’article 1975 du Code civii dit : « Ne
» produit aucun effet tout contrat par lequel une rente viagire a dtd
» crdge sur la tfite d’une personne alteinie de la maiadie dont elle
» est ddcfid^e dans les vingt jours de la date du contrat. »
H s’agit done, pour raaintenir ou infirmer la validitd de I’acte, de
savoirsi, au moment ou I’acteadtd passd, la dameX.,. ^iiait ou
n’fitait pas atteinte de la maiadie dont elle est [dde^dde seize jours
aprds. La question de Idgalitd est parfaitement nette et ne comporte
aucune obscuritd ; mais il n’en est pas de mdme de la question de
pathologic, la seule qui solt en discussion.
Dans la discussion qui s’est dlevde dans la Socidtd, 5 la suite de la
communication de M. Legrand du Saulle, deux rdponses opposdes
ont did proposdes : d’tm cbtd, M. Brierre de Boismont n’a pas hdsitd
d ddclarer que pour lui la dame X..., au moment oh I’acte a did
passd, dtait ddjii atteinte de la maiadie dont elle est morte ; I’opinion
contraire a did exprimde par M. Brochin et par moi.
Aux considdrations qui viennent d’etre rappeldes par le proeds-
verbal, et sur lesquelles j’ai basd il y a quinze jours ma manifere de
voir, je crois pouvoir ajouter, aujourd’hui, de nouveaux arguments
qui me paraissent ddcisifs. Permettez-moi de les exposer bridvement
a la Socidtd.
L’autopsie de la dame X. n’a pas dtd pratiqude ; il n’y a done a
tenir compte d’aucune donnde anatomo-pathologique pour rdsoudre
la question. Quelque regrettable que soil cette laciine, il fauC en
prendre noire parti et nous contenter des settles notions fournies
par la nosologic. D'apres celle-ci, et en faisant la part aux probabi-
lilds les plus Idgitimes, nous devons penser que la dame X... a eu,
. il y a trois ans, dans un des lobes edrdbraux, une hdmorrhagie edrd-
brale, causde par une rupture vasculairc et suivie de I’abolition des
mouvements dans la raojrid opposde du corps ; qu’au lieu oh s’est
•104 SOClf;'r£ MfiDlCO-PSYCHOLOGlQUE.
produite cette h^morrhagie, ii s’est form^, avec le temps, line cica¬
trice, ce qui a consiilud vine gu^rison relative, celle qiii s’observe en
pareil cas, avec persistance d’une diminution plus ou moins mar¬
quee des mouvements du c6te primitivement paralyse, et inlcgtin?,
relative aussi sans doute, de I’inlelligence. Get eiat a durd plusieurs
anndes ; puis est survenue, soil dans le m^me lieu, soit ailleurs, dans
rencSphale, une, nouvelle rupture vasculaire, suivie d’un lipanche-
ment sanguin qui, cette fois, a causd des d^sordres tels que la mort
en a did la prompte consdquence.
Cela dtant donnd, pour conclure a la nullitd du contrat, on dll :
« Entre les deux attaques, blen qu’il n’y etit pas d’diat aigu, nl de
» nonvel accident, la dame X... n’a pas cessd d’etre raalade, car
» elle est restde hdmipldgique, et elle se trouvait sous le coup d’une
» imminence morbide blen ddlerminde, avec menace de nouvelles
» attaques ; la seconde qui s’est produite n’dtait que la consdquence
» nalurellede lapremidre, une nouvelle manifestation d’une maladie
» qui n’avait jamais cessd d’exister, Les deux attaques et I’lidmi-
» pldgie persistante intermddiaire ne sont que des symptbmes suc-
» cessifs d’une seule et mdme affection ; done la dame X... etait, an
» moment oil le contrat a did passd, aiteinte de la maladie dont elle
» estmorle au bout de seize jours. » Telle est, si je ne me trompe
Targumentation de M. Brierre de Bolsmont.
Sans mdconnaltre, loin de la, les rapports qui unissent les deux
attaques, je ne {tense pas que ces rapports soient prdcisdment ceux
qui viennent d’fitre exprimds, ni qu’ils aient la signification quileur
serait attribude d’aprds cette manifere de voir. En effet, au lieu de
les considdrer comme lides entre elles par un rapport de cause h
effet, comme foredment enchalndes I’une i I’autre, au lieu de dire
que la seconde est la consdquence et comme la suite de la premidre,
il meparalt plus juste de les envisager comme deuxcffels diffdrents
d’une mdme cause. Ces deux effets tiennent sans doute it un prin-
cipe identique; ils ont une grande analogic dans leurs manifesta¬
tions, mais ils n’en sont pas moins distincts et inddpendants I’un de
I’autre. En les considdrant comme une maladie, on doit reconnaltre
que la premidre a cessd lorsque la cicatrisation du foyer a did com-
pldte, et que la faiblesse musculaire, I’bdmipldgie consdeutive dtait
une infirmitd persistante, mais non pas une maladie proprement
dite.
Qiiand le second effet s’est produit sous forme d’une apoplexie
rapldement mortelle, il ddpendait non pas de la premidre attaque,
mais uniquement de la cause commune qui avalt ddtermind celle-ci,
et qui n’avait cessd d’exister. Or, cette cause commune, on peut le
M. ACH. VOVlIil.E. - APOPLEXIE.
105
dire presque a coup siJr, a dd elre une modification dans la struc¬
ture des vaisseaux de rencSphale,et, selontoute probability, une dd-
gdnyrescence athdromateuse des arlbres. Nous pouvoiis rndmc rai-
sonner comme si cette alteration ytaitddmontrye; car, alors mftme
que nous serions dans I’erreur en ce qui regarde le genre d’altdra-
tion, notre raisonnement s'appliqueraitaussi bien it loute autre Idsion,
cause commune des deux attaques, et si, par basard, les deux atta-
ques avaient did dues it des jysions dilKrentes (la premiere, par
exemple, a une hdmorrhagie, et la deuxifeme a une embolie), notre
opinion n’en serait que plus dvidente.
Cela ctant admis, la question se pose dans son vdritable jour et se
rdduit a ceci : Peut-on dire, au point de vue mydico-ldgal en gd-
ndral, et spdcialement en ayant egard ii la lettre et A I’esprit de Par¬
ticle 1975 du Code civil, que la ddgyndrescence athdromaleuse des
parois artdrielles soit une maladie ?
Nous ne le pensons pas : en eilet, cette altdration du tissu existe i
un degrd plus ou moins avancd chez presque tous les individus
arrlvds 5 un certain age ; il est bien rare, 5 Pouverture du corps d’un
homme de soixanle ans, ou plus, de ne pas trouver les artferes, et
en particulier celles de Pencdphale, plus ou moins athdromateuses;
et cependant pourrait-on dire que tous les hommes agds de soixante
ans soient attaints d’une maladie ?
fividemment non; chaque age comporle un certain nombre de
conditions anatomiques qui lui sont propres; a moins de considdrer
la vieillesse elle-mdme comme une maladie, on ne saurait donner
ce nom a une modification de tissu qui en est le rdsultat nature],
Pexpression pour ainsi dire norraale. Au point de vue mdme des
contrats de rente viagfere, e’est prdcisdment sur les chances de mor¬
tality qui rdsultent de Page et des altdrations de tissus qui en sont
I’expressiou qu’est liasde la fixation de Pintdrdt k payer par les
acqudreurs.
Sans doute, chez la dame X... cette alldration de tissus dtait in-
diqude plus manifestement que cela n’efit dtd chez une personne du
mdme age qui n’aurait pas ddjh eu une attaque ; mais, en pared cas,
ce qui constitue le danger, ou, si Pon prdftre, Pimminence morbide,
ce n'est pas la sorte de publicity donnde a Paltdration des parois
vasculaires par une attaque prdalable ; e’est le fait mdme de Pexis-
tence de cette altdration, qu’elle soit apprdciable ou non. Or cette
Idsion existait depnis longtemps chez la dame X... ; elle existait ddja
avant la premidre attaque; alors, il est vrai, elle ne s’dtait pas ma-
nifestde encore, mais elle n'en existait pas moins, et ddjd elle en-
trainait Pimminence morbide qui en dtait le rdsultat immddiat. Si
106 SOCifiTE MfiDlCO-PSYCHOLOeiQUE.
cependant le contrat avail i!td pass^ seize jours avant ia premifere
atlaque, el si celle-ci avail Hi morleiie en quatre heures, aurail-on
pu direque X... 6lait ,alleinte, loi’s de la passaliou dii conlral,
dc la maladie doiil elle serail morle seize jours aprfes ? Sans doule
on n’en aurail pas eu I’idde, tool en saclianlque laldsion vasculaire
devail remonter au delii de ce lerme.
Aussi n’lidsilerons-nous pas Ji conelure :
Qu’au moment de la signature de I’acle, la dame X... ne pouvail
pas etre considdrde comme alteinte d’une maladie propremeni dite;
qii’ellc se irouvait, il est vrai, sous ie coup d’une imminence mor"
bide ddterminee, due a I’all^ralion atlidrouiateuse des parois dc scs
artferes cdrdbrales, altdralion signalSe par une premifere atlaque
remontant a Irois ans; mais quo cetle imminence dtait dans une
certaine mesurc commune a toutes les personnes de son age, les
arl6res dc tons les vieillards subissant la raame modification h tin
degrd plus ou moins marque; qiie d’aillenrs cetle imminence, con-
nue comme elle I’diait, avail dft entrer dans le caJcul des probabi-
lilds sur lesqueiles le conirat avail dtd basd ; que rien, au moment de
la signature de ce conirat, ne pouvait donner ia certitude que de
nouveaux accidents apoplecliques dussent se produire, ni encore
moins en faire prevoir I’dpoque approximative, et qu’enlin la lesion
des vaisseaux, cause commune des deux atiaques, ne saurail, a elle
seule, conslituer une maladie, dans le sens oft ee mot est pris dans
I’arlicle 1975 du Code civil.
A I’appui de cetle manifere de voir, permettez-moi encore une
comparaison, plus cxacte que celles de pleurdsic ou de pneumonie
a rdpdiition que j’avais invoqudes dans la dernifere sdance.
A mesure que I’ftge fait des progrfes, le tissu osseux se rardiie,
suriout dans les cellules du tissu spongieux de I’extrdmiid des os
longs, et I’angle de i dunion du col et du corps dli fdmur se rapprache
de plus en plus de I’angle droit; de ces deux conditions anatomiques
rdunies resiille la grande frequence des fractures du col du fdmur,
dans ia vieillesse. On ne peutpas dire, n^anmoins, que ces altdra-
lions anatomiques constituent ii elles seules une maladie; et lors-
qu’un vieillard se fracture la cuisse, il ne saurait venir 4 I’idde de
personne de prdtendre qu’il dlait atieint de cetle maladie depuis que
le tissu osseux de son fdmur avail commened 4 se rardfier, etque la
fracture qiii vient de se produire chez lui n’est que le symptdme d’une
affection qiii existait ddj4. llaisonner ainsi serai t confondre entidre-
ment une maladie avec une de ses causes prddisposantes. Si, comme
il y en a dc frdquenis exeraples, un vieillard, aprds s’dtre rdtabli
d’une premidre fracture du fdmiir, etdtre resld infirme colnme eela
M. BEMOC. ^ At>OPLEXIli. 107
arrive eu pareil cas, a le malheur de se casser de nouveau la ili6me
oiiisSe ou celle drt c6td oppose, on n'e dira paa davantage qu’il n’a eu
(ju’itne seule et nietne maladie, non iinerrompue, d’une fracture k
I’autre | que la seconde ti’a dte que la suite et la consequence de la
premiere, et qu’enfin, qninze jours avant I’accident il dtait deja
atleint de la meme maladie que lorsque la fracture a dte produite.
Eh bien 1 dans ces deux cas, rarefaction dii tissu osseux du femur
et degenerescence atheromateuse des arieres cerebrales me parais-
sent avoir tine signification pathologique ideiilique, et jouer exacted
ment le mfime rOle dans la production de la fracture et de I’apo-
plexie. Ni I’line nl I’autre ne constituent ime maladie proprement
dite, mais seulement des modifications de tissu pour ainsl dire nor-
males a un certain age, et favorisaut la production de certaines ma¬
ladies. Lcs infirmites persistant a la suite d’une premifere fracture
ou d’une premiere attaque ne sont pas davantage tine maladie dont
la seconde fracture ou la seconde attaque ne seraient qu’un nouveau
symptorne. Dans les deux cas, la seconde fracture et la seconde
apoplexie sont deux alTections nouvelles, resultantj il est vrai.d’nne
alteration de tissu prdexistanie, qui a dejci causd des accidents antd-
rieurs, mais ayant, ndanmoins, une individualitd niorbidedistincte,
et n’existani ai’dtat de maladies rdelles qu’aii moment oil la deuxifeme
rupture osseuse ou vasculaire s’est produite.
Aussl persistons-nous dans notre opinion que la dame X... n’d-
lait paS atteinte, le jour oil le contrat de rente viagfere a dtd passd,
de la maladie dont elle est raorte seize jours aprfis, et que par con¬
sequent ce contrat doit recevoir son pleiu effet.
: M. Bourdin : Du moment que les symptOmes de la premifere ma¬
ladie n’ont pas disparu, si de nouveaux accidents se prdsentent
comme dans le cas qui nous est soiimis, je dis qu’on a affaire ft une
seule et mdme maladie. Est-ce qu’un dpileptiqiie n’est pas dpilep^
tique du premier au centifeme aceds ; s’il vient ii mourir d’un acefes
d’dpilepsie, il moiirra d’une dpilepsie manifestde et cohfirmde aU
moment de la premlfere attaque. Quand un individu attaint d’une
attaque d’apoplexie revlent a la vie socialej jamais il hfr reprend
compldtement ses facnltds intellectuelles, pas plus qu’il ne reprend
ses facultds de mouvement. Dans I’apprdciation des cas de ce genre
il ne faut pas partir du point de vue des idsions anatomiques, il con-
vient de se borner a I’examen des symptOmeS.
M. Girard de Cailleux : Il est essentiel de distihguer si la conges¬
tion cdrdbraie n’est qu’un symptOme, ou si clle constitue une ma¬
ladie.
M. Belloc: Un asscz grand nombre d’apoplectiques restent dix
108 SOClUTfi MfiWCO-PSYCHOtOGlQUE.
ans et ragine vingt ans sans attaque nonvelle, et reprennent la direc¬
tion de leur famille et de leurs biens. Au bout de vingt ans, peut-on
leur denier la faculty de faire un acte? D’un autre c6le, je ne par-
tage pas I’opinion deThonorable pr4opinant quant h la permanence
de la maladie elle-mfeme. Quand la Idsion cSr^brale s’est terminde
par une cicatrice, la maladie est iinie. Aprfcs une fracture consolidde
vous pouvez boiter, je suppose; mais si vous vous cassez la jambc
de nouveau en vertu d’une certaine dialhdse, vous aurez une nou-
velle fracture et non pas une reproduction de la premiiire.
M. Brierre de Boismont : II s’agit d’un cas simple d’apoplexie
sans alidnation.. Nous avons une femme hdmipidgique, la maladie
est ii toujours en puissance ; c’est une maladie tout d’une pifece
qui rdcidive toujours et devient fatale. Tout homme frappd d’apo¬
plexie une premidre fois doit faire trembler ceux qui i’aiment et
ceux qui ont des intdrdts avec lui.
M. Lunier : Trfes-souvent, dans la quinzaine qui prdcdde une
attaque d’apoplexie, le malade prdsente quelques plidnomfenes avant-
coureurs. II y a Id une raison de plus, en I’absence de renseigne-
ments prdcis, pour considdrer comme devant dtre invalidd I’acie fait
pendant cette quinzaine.
M. Bousselin : 11 se forme dans le cerveau des apoplecliques des
noyaux inflammatoires qui mettent sou vent douze, quinze jours et
plus d parcourir toutes leurs pdriodes ; on pourrail attaquer I’acte,
comme ayant dtd passd d une dpoque ou la maladie existait ddjd, si
I’autopsie avait rdvdld quelque chose de semblable.
M. t&grand du Saulle : A diverses dpoques de sa vie, le meme
individu peut, dprouver plusieurs attaques d’apoplexie, sans qu’il y
ait continuitd de la mdme maladie. Par un travail bien connu et que
rappelait tout d Theure M. Achllle Foville, la nature remddie aux
troubles fonctionnels du cerveau, et les recherches modernes de nos
plus savants anatomistes ont pdremptoirement dtabli que chaque
attaque d’apoplexie dtait inddpendante, isolde, une maladie par elle-
mdme et ddterminant toujours les accidents pathologiquesqui lui sont
propres : dpanchement cdrdbral, Idsions du sentiment et du mou-
vement, etc., etc. L’individu seul estle mdme, les causes occasion-
nelles seules sont peut-dlre identiques, mais une nouvqlle atteinte
amfene des ddsordres nouveaux et qui ne peuvent pas se confondre
avec ceux qui ont prdcddd. Ne trouve-t-on pas autant de kystes qu’il
y a eu d’atlaques?
Affection essentiellemeni aigue et quelquefois foudroyante, I’apo-
plexie ne prdsente ni succession ni progression lentes dans le dd-
veloppement des phdnomdnes morbides qui la signalent, ni conti-
Mf. Le^RAWD »t] SAtJttE. — Aj>Ot>LEXlE. 109
nuation ni aggravation des syinptdmes pendant un long espace de
temps. I.a persistance de I’liSmlpldgie ne prouve pas qne I’apoplexie
dure encore et soil chronique ; elle est un effet de la maladie et elle
atteste seulement qu’un ddsordre foiictionnel lui a surv^cu. Les
adhdrences de la plfevre tdmoignent-elles de la persistance de I'dpaii-
chement pleurdtiqiie ? Elies reprdsentent un dtat consdcutif, voila
tout,
Qn’un individu atteint une premifere fois d’apoplexie, soil plus que
tout autre prddisposd H I’apoplexie, personne ne le nie ; mais quel-
que forte qu’elle soil, la prddlsposition a une maladie n’est pas la
maladie. I, a loi n’a pas parld des rdcidives. La rdcidive n’entralne
done pas la nullitd d’un contrat.
La rdponse du mddecin devait done dire et a did celled :
« Malgrd une trfes-forte prddisposition a I’apoplexie, I'attaque mor-
telle n’existait pas tel jour chez la veuve ***. »
La question posde dtait prdcise, la rdponse devait I’dtre aussi. On
ne meurt pas d’nne trds-l'orte prddisposition a une maladie.
M. Lunier : Une attaque d’apoplexie n’est pas une maladie, e’est
un Occident dans une maladie. Le travail prdparatoire qui a amend
la terminaison fatale pouvait dire commened depuis quelques se-
malnes quand Vaocident lui-mdme estsurvenu.
M. Puuzin : Chez les hdmipldgiques et chez tons ceiix qui ont eu
des accidents edrdbraux, la prdoccupation seiile d’un acte de cede
nature pent devenir la cause d’un aceds. Je m’dtonne qu’on puisse
soulever une controverse ii ce sujet. Une grande ddcision ii prendre
est pourbeaucoup de gens la cause d’un dtat congestif qui peut avoir
les consdquences les plus fdcheuses.
M. Legrand du Saulle : II s’agit d’un contrat tres-honndtenient
fait, mftrement rdfldchi, et non d’une mesurc prdcipitde.
M. Brierre de Boismont : Sans prdtendre dtablir de rdgle gdnd-
rale, je maintiens que dans Ic cas actuel cette femme a succombd
dvidemment aux suites de sa maladie premidre.
M. Legrand du Saulle: On a trop gdndralisd la question dans cette
discussion ; il ne faut pas sortir du cas particulicr. Au moment du
contrat, la dame X... dtait-elle atteinte de la maladie ii laquelle elie
a succombd? Eh bien non, elle n’dtait pas atteinte de I’attaque mor-
telle qu’elle a subie seize jours aprda.
La sdance est levde S six heures.
REVUE ANTHROPOLOGIQUE.
BuIlKlinN et M^Miiolres de la Soci^tc d'anlhropologic de 1‘ariH,
Par M. le docteur Achille Foyille.
La Soci6ld d’anthropologie de Paris, fondle en 1 859, a rapidemen l
acquis uiie importance consid&able, tant par le nombre et le savoir
de ses membres que par I’intdret attache ii ses publications.
Celles-ci se composent de Bulletins et de Memoires. Les pre¬
miers, publids par cahiers triraestriels, donnent les procts-verbaux
des seances et forment aujourd’hui sept volumes. Les Memoircs
contiennent les Iravaux originaux. Ins en s6ance, mais irop dtendus
pour etre reproduits, in extenso, dans les bulletins ; ils forment j us-
qu’ici deux volumes.
Ne pouvaiit analyser tons les U'avaux qui font I’objet des discus¬
sions de la Socidte, et beaucoup d’entre eux etant, du restc, du
domaine de I’Archdologie et de la Linguistique, plus que de celui de
la medecine, nous nous bornerons a donner une analyse succincte, de
ceux qui se rapportent aux questions gdndrales relatives aiix races
bumaines, aux elfets des croisements envisages tant dans les peo¬
ples que dans les castes et dans les families, et anx causes herddi-
taires ou autres de ddpdrissement et de perfectionnement des diverses
formes des agglomerations bumaines. Ces questions, en eflet, outre
rintdret general qu’elles doivent inspirer 5 lout homme instniit,
.s’imposent plus particuliferement a I’etude des medecins alicmistcs,
qui, par la specialite mSme de leur pratique, se trouvent journelle-
ment en presence des problfemes embrassant les causes de degeneres-
cence des races et des individus, les lois de I’herediie morbide, les
moyens d’ameiioration de I’espfece, etc.
Bien entendu, noire role dans ce travail sera celui d’un simple
rapporteur, et nous n’aurons que bien rarement a exprimer une
opinion qui nous soil propre dans des questions iraitees, aprfcs des
etudes personnelles approfondies, par des hommes dont pluiiieurs
sont arrivtis aux postes les plus eminents de la science el de I’ensei-
gnement.
REVUE ANTIinOPOLOGIQUE. 'lH
SOMHAIRE. — Eflet des croisements sur la developpenient des races
bumaines. — Etbnologie de la france; ses anoiens habitants el ses
habitants actuels. — Les races pures sont-elles physiquement el
moralemont superieures ou inferieures aux races creisees ? — Ddpe-
rissement des populations indigenes dans les pays envahis par les
Europeens. — Du dcgrc variable de perfeotibilite des diflerentes races
humaines ; en esl-il quelques-unes qui soient absolument refrac-
laires a la civilisation ? — Sterilitd des femnaes indigenes ; est-elle
due a leurs rapports avec les Europdens ? — Des manages consan-
guins ; les inconvenients qu’on leur attribue sont-ils reels, et, dans
I’afflrmalive, sont-ils le resultat de la consanguinite prise en elle-
mfime, ou celui de riiercdite morbide ?
Tonies les eludes anthropologiques sont doraindes par tine ques¬
tion sur laquelle, malheureusement, il y a peu d’espoir de parvenir
jamais, par la vole scieulifique, a une solution incontestablement
ddmonlrde et unanimement admise ; celle de savoir si tous les
liommes proviennont d’une mdme origine, ou s’ils descendent de
plusieurs souebes distincles.
Geux qui adinellent runitd du genre humain, ou monogenistes,
et ceux qui croient au coiitraire & la pluralild des origines, ou poly-
gdnisles, ii’oritpas de terrain interraddiaire sur lequel la concilia¬
tion puisse sc faire, et ces deux ihdorics paiaisseiit destindes & resler
inddfiiiiinent en prdsence, sans que ITine des deux puisse, jamais,
ramcner a ellc tomes les opinions dissidentes.
Mais, quoi qu’il en ait dtd de Torigine du genre bumain, il n’en
est pas moins incontestable, pour les monogdnistes aussi bleu que
pour les polygdnistes, que, depuis les temps hisloriques les plus
reculds, les hommes ont constitud des races plus ou moins dissem-
Dlables, et que cerlaines de ces races, par suite des migrations et
des changements survenus i la surface de la terre, se sont trouvdes
radlangdes les unes aux autres, tandis que d’autres restaient prd-
servdes de tout contact dtranger et par consdqaent sans mdiange. Il
en est done rdsulld pour les races humaines deux conditions oppo-
sdes, celle de mdiange et celle de puretd ; et Ton a dd se demander
laquelle des deux diait prdfdrable.
En d’autres termes, les mdlanges de race i race, ou croisements,
.pour employer Texpression consaerde, sont-ils favorables ou ddfa-
vorables au ddveloppemenl eti la conservation des races nouvelles
qui en proviennenl? Cette question est discutde depuis longtemps,
et des auteurs dgalement graves, dgalement dclairds, ont dmis d cet
dgard des opinions diamdtralement contraires.
•il2 BtlVtJt: tRANCAtSE ET -flTRANGiifiE.
D6s les pi emiferes stances de la noiivelle Soci4l6, deux de ses mem -
bres les plus aiitorises, M. Broca, son secretaire general, et M. Pe-
lier, medecln en chef des Invalides, ont aborde de nouveau cet
imporlant problfeme, et se son! ranges dans les deux camps op¬
poses.
M. Broca, cherchant ses moyens de solution dans I’eiude de la
population actuelle de la France, s’est propose de demontrer que
cette population presente presque parloul les caractferes d’une race
croisee; sa conclusion naturelle devait fitre que le croisement des
races ne porte pas toujours alteinie h la recondite, ii la vigueur et a
I’intelligence des peoples issus de ce croisement. (Beeherches sur
I’ethnologie de la France. Memoires, t. I, p. 1 a 59.)
Donnons uiie rapide analyse de ce memoire. L’auteur etablit
qu’au temps de Cesar deux vieilles races gauloi.sesj b caractferes
physiques opposes, souches principales de la nation franqaise, occu-
paient pt-esque exclusivement notre territoire. C’etaient :
1“ Les Galls, Gaels, plus connus sous le nom de Celtes, petits de
taille, bruns de cheveux, ayant la tfite ronde, le front large, le
nez moyen, le visage arrondi, le corps velu : ils occupaient la grande
zone comprise entre la Garonne et la Seine, depuis les Aipes jusqii’a
Textremite de rArmorique.
2“ Les Kimris, Cymris ou Cimbres, appeies par Cesar Beiges ;
ils eiaient grands et blonds, avaient la tete longue, le front
haul et eiroit, le nez long, le menton saillant, le visage allonge, les
polls moins developpes,etreraplissaient I’espace compris entre la
Seine et le Rhin.
A ces deux races principales s’en ajoutaient deux autres, d’une
importance numerique tout 5 fait secondaire : la race Aquitaine,
qui aprits avoir, occupe, jadis, la plus grande partie de la Gaule,
avail ete reieguee par les Celtes aux pieds des Pyrenees, ou die a
forme la race Basque; et la race Laline, qui avail dejA pris posses¬
sion du littoral deda Mediterranee, et allail .s’etendre du sud au
nord sur la rive gauche, du Bhdne.
A ces elements deji complexes allaient bienldt s’ajouter, par
irruptions successives, de nouveaux venus appartenant aux races
germaniques : les Franks dans le uord-est; les Burgondes dans le
bassin de la SaOne; les Wisigoths dans 1’ Aquitaine, et enfin les
Normands vers I’emboucliure de la Seine.
Depuis cette dpoque, les migrations, les melanges de toutes series
ont ete tenement multiplies, que les caraclferes des races primitives
n’ont pu se conserve!- inlacts. De nos jours on ne pent irouver.
REVUE ANTHROPOEOGIQUE. 11 S
nulle part en France, des populations appartenant exclusivement A la
race pure, sauf quelqiies regions trgs-circonscrites, telles que le pajis
Basque (Aquitains), la cOte de L€on (Kimris), et I’ancien district
de Cornouailles (Celles). M. Broca pense n^anmoins qu’au milieu de
ces melanges de races et de cet ^change decaractlsres eibnologiques,
les Celtes et les Kimris ont toujours coiiservd une predominance
numerique considerable, el imprime amc populations de nos diverses
provinces un cachet assez reconnaissable, pour qu’ll soil poskble
d’assigner, encore aujourd’hui, des limites assez exactes aux regions
occupees par les descendants de chacune de ces deux races princi-
pales.
Pour arriver & la demonstration de ce fait, I’auteur devait mon-
trer d’abord qu’il est possible de distinguer ces descendants les uns
des autres, A I’aide de caracteres taciles ii constater et A apprecier;
mais malheureusement la plupart des caracteres eibnologiques, tels
que les variations notables des traits, des formes cephaliques, des
yeux, des cheveux, du teint, dchappent ii une appreciation rigou-
reuse et <i une evaluation numerique dans une population aussi
meiangde que celle de la France.
II est pourtant un trait qui est rigoureusement appreciable, et qui
se prdte ii touies les exigences de la statistique ; c'est celui de la taille.
En rafime temps 11 a une importance distinctive trfes-considerable,
puisqiie nous avons vu que le Celtes etaient petits, et les Kimris,
au contraire, d’une stature eievee; enfm ce caracifere se irouve of-
fioiellement et exactement constate, pour tons les Frangais du sexe
masculin arrives it Page de vingi ans, dans les registres de la con¬
scription, Aussi est-ce caractfere qui a servi de base k I’argumenta-
tion de M. Broca. En etudiant attentivement ces registres et en
comparant le nombre proportionnel de consents reformes, dans
chaque departement, pour defaut de taille, il est arrive a etablir
que I'inlluence kimrique predomine encore notablement enlre fa
Seine et le Bhin, zone dans laquelle les hommes grands et blonds
sont en majorite, tandis qu’au contraire I’inlluence celtique reste
preponddrante au sud de la Loire et dans les departements de la
Bretagne, regions ob la majorite est composee d’hommes bruns et
de taille moins eievde. Eniln, dans une zone intermediaire, com¬
prise enlre la Seine et la Loire, el ddsignee par I’auteur sous le nom
de Kimro-Celtique, les deux grandes races des Celtes et des Kimris
se sont necessaireinent meides, et leur double empreinte se trouve
encore sur les populations, plus ou moins dvidente suivant les loca-
litds, plus ou moins attenude par I’inlluence relativement Idgfere des
Romains, des Burgondes et des Normands.
ANNAL. MeD.-PSveir, 4' serie, t. IX. Janvier 18(57. 8. 8
iiil REVUE FRAUgAlSE ET fiTRANGfeRE.
‘ ' t>our rendreces rtsultats plus frappants, I’auteur a dressddes carles
pittoresques, dans lesquelies diff^rents ddpartements de la France
sont r^partis en quatre sdrles teintfes de nuances plus ou moins
foncdes, suivant que les conscrits rdform^s par d^faut de taille y sont,
relativement, plus ou moins nombreux. Un seul coup d’oeil, jet6
sur cetid carte, permet d’apprdcler imm^diaternent I’influence des
orlglnes elhnologlques et eelle des croisemenls sur la taille actuelle
des Franqais.
En rapprbchani ces rSsultals des donn^es fournies par des re-
cherches historlques approfondles sur les envahissements et les
migrations dont notre sol a dt6 le thdatre, I’auteur montre que les
croisemenls ont eu pour ellet d’augmenter la taille raoyenne des
'Celtes et de diminuer celle des Kimris ; que les ddpartemenis oft la
taille est le moins diev^e sont ceux oft les Celtes ont subi le moiiis
de croisemenls ; que la taille de ceux-cl a grand! en proportion de
I’abondance des dements Strangers auxquels leur race s’est alllSe,
et qu’en rSsumS, la taille des habitants de chaque rSgion du terri-
toire franQais dfipend principalement et peut-fttre exclusivement de
la nature des croisemenls qui s’y sont produits. Enfm, comme con¬
firmation de ce que nous disions dfes le dSbut, il ressort de cette
Stude que les croisemenls qui se sont fails en France, d’une part
entre les Celtes et les Kimris, d’auire part entre ces deux races
et les races germanique et laiine, n’ont exercS aucune influence fft-
cheuse sur la population, attendu que la force, la validitS, la fScon-
ditS et la longSvltS des hommes sont les mfimes, en moyenne, dans
les dSparlements oft les races ont subi le moins de melange, et dans
ceux oft elles en ont subi le plus.
Tel est le r&umd de ce mdmoire inldressant, dont il dtail diffi¬
cile de contester les donndes, et encore plus de combattre les con¬
clusions. Quelques objections furent n^anmoins soulevdes par
IM. Georges Poucliet ; mais elles poriaient sur des points secondaires,
D’aprfes lui, les nations germaniques auraient dtfi de mdme race que
Iqs Kimris, et les Remains de mSme race que les Celtes ;ce qui rd-
duirait de quatre ft deux les races dldmenlaires de la France. Il se
demande dgalement si la population intermddiaire ft ces deux races,
an lieu de .rdsulter de leur croisement, ne consisterait pas seule-
ment en un simple mdlange. M. Broca lui rdpondii avec raison que,
dans ce dernier cas, la population actuelle des rdgions intermd-
diaires de la France, entre la Seine et la Loire, devrait se composer
de quanlitds ft peu prfes dgales d’hommes ayant conservd intacls tous
les caraclftres des races primitives, tandis qu’au contraire ces carac-
REVUE aNTUROPOLOGIqUE. '11*5
; iferes soht confondus et iniSgalemeot rdparils, cd qul doil eii'C I’elfti
‘.d'un ci'oisement et non d’un mdlaiige.
M. Pdiier s’occupe de cette question des croisemenis de races a
un point de yue tout different. {Sur les croisements ethniques, MG-
■ moires, t, I, p. 69 4 92.) 11 se demande dgalement sides croiseiRciits
dC; race son! un dldment de progrfes pour Jes populations qut eri ptb-
viennent; mais, coiitrairemcnt & I’opinion la plus gdn^rale, qiii eSt
. celle que nous venous de voir ddfendue par M. Broca, il ii’hdsiSte
pas a rdpondre i cette question par la ndgative.
11 s’attache spdcialerrient a Uexamert des rdsuitats' fbuinis par- le
. iJidlange entre ellesdes races de souche blanche qtii occupent I’Eii-
rope, unc partie del’Asl&et de I’Afrlque septentrionalc, et ihvoqde
successivement des tdmoignages empruntds a I’histoii'e deS PSrsoni,
des Georgiens et Circassiens, des Tuns, des Romains, des Juifs,
des Kabyles, dza Basques ; ce qui nel’empeche pas de faire quelques
excursions plus loinlaines, pour nous parler des Anglo-Amiritaini,
des Indians, des O'tditiens. Partout il compare, sous le rapport
physique comme sous le rapport iniellectuel, les peoples les plus
mdlangds avec ceux qui ont conserv'd la pureid de leur race; et par-
toutil croit irouver dans cette puretd une cause de supdriorltd, et au
contraire, dans le mdlange, Un dldment d’infdrloritd. Des nations il
passe aux individus, et croit pouvoir dire que les hommes illustres
de I’antiquitd, aussi bien que ceux des temps modernes, offrentles
traits qui caracidrisent les races pures, quolqu’ils soient nds soiivent
au milieu d’utte population ti'6s-radlangde.
L’auteur rdsume lui-mdme son travail en ces termes :
« En rdsumd, nous avons repoussd comme inadmissibles leS prih-
» cipaux tdraoignages que I'on apporte en faveur de Pntilitd des
I) croisements ; — nous avons dtabli, en mdme temps, que parmt les
» races blanches en particulier, les plus rdgullferement conformges
n dlaient en mdme temps, ou paraissaient les plus pures;' — nous
■)) avOns exposd des falts d’aprSs lesquels ces races auraient elt p’ar-
» tage, non-seulement molns de maladies, moins d’infirmitds Con-
)) gdnlales, mais encore plus de longdvitd, peut-fitre aussi plus
» d’aptitudes pour I’acclimatement, que les races notoirement me-
,) Ides ; — puis nous avons envisage les raisons par suite desquelles
1) plusieurs de ces mdmes races, pour faillir de nos jours a la civi-
t) lisation, ne semblent pas moins dotdes de facultds affeclives et
» intellectuelles en rapport avec leur constitution physique ; — en-
» fin nous avons montrd que souS ces divers points de vud, il en
» dtait des individus comme des races. Notts concluons done que le
446 REVUE FRANQAISE ET fiTBANGfeRE.
» d^faut de melange n'implique point I’amoindrissement des races
» humaines, et, par consequent, que les croisements, en general, ne
1) sont point necessaires 4 leurs progrSs. »
Dans la discussion qui suivit ia lecture de ce memoire, les prin¬
cipals objections furent presentees par M. de Quatrefages, profes-
seur d’anthropologie an Museum. An lieu de penser, comme
M. Perier, que les croisetnenls des races sont le plus souvent nui-
sibles et quelquefois seulement utiles, M. de Quatrefages croit, au
contraire, que ces croisements sont utiles dans la majorite des cas,
mais neanmoins nuisiblest dans quelques-uns. A cet egard, sa ma-
niere de voir et cede de M. Perier ne sont done pas absolument con-
tradictoires, et elles ne varient que par une difference du plus ou
moins. Mais il n’en est plus de mfime de I’opinion emise par M. Pe¬
rier, que d’une manifere generale, les races les plus pures sont les
plus belles, et que les types des principales races humaines sont
permanents, 4 I’abri par consequent de toute modification resultant
del’influence modificatrice des ciimats et autres circonstances am-
biantes : ici M. de Quatrefages se separe de lui d’une maniere com¬
plete et rejette absolument cette doctrine.
M. Broca expose a son tour une sCrie de faits qui lui paraissent
montrer que les lesultats des croisements sont d’autant plus defec-
tueux que les races meres sont plus eioignees les unes des autres,
proposition dCj4 admise pour les animaux,
Les principaux de ces faits sont :
1“ L’absence presque absolue de Kcondite des rapports des Euro-
peens avec les femmes australiennes et tasmaniennes. Bien que ces
rapports soient des plus frequents, les produits (mdtis) sont tres-
2° La mCme absence de fCcondite pour les unions des equipages
franqais avec les femmes neo-caiedoniennes, quoique celles-ci soient
d’une race bien moins degradCe que les Australiennes etles Tasma¬
niennes.
3" D’aprfes M. JNoit, un des auteurs du Crania americana, I’infe-
riorite des metis provenant de I’union des negresses et des Anglo-
Saxons, comparativement 4 ceux qui sont nes du commerce des
mfimes ndgresses avec ies colons franqais et espagnols, ces derniers
qui sont bruns etant moins eioignCs des races noires que ne le sont
les Anglo-Saxons 4 cheveux blonds.
Enfin, M. le docteur Rufz, qui a longtemps habite les Antilles, et
qui est, aujourd’hui, directeur du Jardin d’acclimailon, n’hesite
pas 4 penser que le croisement de la race noire et de la race blan¬
che 4 la Martinique a produit une population de mulStres bien supC-
REVUE ANTHROPOtOGlQUE. 117
rieiire & celle des nfegresj et i laquelle par consequent le ci'oisement
avec les blancs a ete irgs-favorable.
A cette discussion en succdda une autre, s’eu rapprochant A plus
d’un egard. II s’agissait cette fois du deperissement de certaines races
humaines, independamment de tout croisement. M. Trdlat avail ete
charge de rendre compte & la Societe de deux thfeses de doctoral
subies a Paris en 1860, Tune de M. Leroy, intituiee Relation medi-
cale du voyage de la Perseverante dans I’ocean Pacifique ; I’autre
de M. Michaux, ayant pour litre : De la’ Guyane et de ses itailis-
sements penitentiaires,
11 signala, cotnme principal fait d’anlhropologie mentionne dans
ces deux ihfeses, la decroissance continue des populations indigenes
de la Guyane et de la Polynesie, dans les regions ofi les Europeens
se sont etablis, mSme en petit nombre.
Ce fait, bien constate depuis longtemps par I’accord unanime des
voyageurs, n’est pas encore explique, d’une manifere salisfaisante.
On lui a altribue tin grand nombre de causes, sans doute parce que
I’on ne connaissait pas les veritables.
Les massacres, au moment de I’invasion, et les mauvais traile-
ments des Europeens, depuis I’occupation, ont sans doute dans cer¬
tains pays fait perir beaucoup d’indigJnes ; mals leur action, con-
siderablement exageree, n’a ete que parlielle ; et Ik ou elie ne s’est
jamais fait sentir, la population primitive n’en disparalt pas moins.
M. Leroy est d’avis qu’on ne doit lui atlribuer qu’une influence tout
k fait secondalre dans cette question, et cette opinion paralt gendra-
lement partagee.
L’abus des alcooliques a ete invoquee par plusieurs auteurs, el
rappeie k la Societe par M. Rufz; mais ici encore il a dtd rdpondu
que Taction de ces excks n’est que parUelle et secondaire ; que cer¬
taines peuplades parmi lesqnelles Talcool n’a pas peneird n’en sont
pas ^ins en voie de disparition ; que d’autres, au contraire, s’eni-
vraieW kvec des liqueurs alcooliques de leur invention, les Polynd-
siens par exemple avec le kawa, avant Tarrivee des Europeans, et
que cependant ce n’est -que depuis cette dpoque que leur nombre
dimlnue.
Une influence plus active, mais encore insulBsante k tout expll-
quer, doit fitre attribude aux maladies dpiddmiques et contagieuses.
M. Leroy signale la syphilis, la phthisie pulmonaire et surtout la
variole. M. Martin de Moussy Jnsisle dgalement sur cette dernikre.
M. de Quatrefages cite, k, ce propos, ce fait rapporid par Darwin,
entre beaucoup d’autres, que toules les fois qu’un dquipage euro-
118 REVUE FRANQAISE ET fiTRANGfeRE.
p^en sSjourne quelque leiups dans une lie, il y laisse certaines ma¬
ladies ^pidemiques qui sevissent exclusivement sur les indigenes, et
dont ces Europdens eux-m6mes ne sent pas affectds. M. Boudin
reponnait I’exislence de ces maladies ddveloppdes chez les indigfenes
par suite du sdjour d’un dquipage euiopden, et appeldes par les An¬
glais; maladies zymoliques (de levain) ; mais elles ne luiparais-
seht pas sulBsantes pour expliquer comment les populations indi-
gfehes disparaissent de certains pays, mfime de ceux qui prdsentent
une grande salubritd, et oil la mortality des garnisons europdennes
est,extr6mement faible.
De nombreux tdmoignages paraissent s’accorder pour reconnaitre
une influence pins considdrable i la stdrilitd des femmes, qui cat
presque gdndrale dans toutes les populations indigfenes; mais celte
stdrilitd elle-m6me n’est pas suflisamment expliqude. M. Leroy la
rapporte au libertinage effrdnd des femmes indigenes ; M. Puche-
ran a la prdcocitd do leurs amours; le comte de Slrzelecki A leurs
rapports sexuels avec les Europdens. On a encore pensd que celte
stdrilitd n’dtait pas rdelle, mais que ces femmes craignant dlavoir 5
hoiirrir leurs ehfants, avaient I’habitude de se faire avorler ou bien
d’dtrangler leurs produits, peu aprfes leur naissance, au fond des
fordts, par consdquent loin des yeux des observateurs europdens.
■Quoi qu’il en soil de ces diverses hypothbses, nous pouvons constater
et regrelter avec M. de Castelnau que celte stdrilltd n’ait pas encore
did dludide d’une manidre rationnelle et scientifique.
■ A c6td de ces causes physiques, on a admis Taction de causes
nioraies, telles que la tristesse et I’abattement resultant pour les indi¬
gfenes de Tenvahissement de leur pays par les Europdens. D’aprfes
M. Graijolet, ils seraient en proie fe une sorte de nostalgie, en sen-
tant que, mfeme sur leur sol natal, ils ne sont pips chez eux; cede
disposition d’cspril pourrait provoqucr direclement la ddpopulallon,
en muUipliant les ddces, ou bien jndireclement, en ponssant les
ipalheureux qui en sent attcints fe Tivrognerje et peut-dtre a la std-
rijitd.volQnlaire, ' .
’ Pen satisfait de ces explications, M. Broca en invoque ime plus
^d^drale. II se demande si, du moment ou les Europdens s’emparent
d’line partie du sol, les indigfenes ne souffrent pas par insulBsance
de. resBources alimentaires. En effet, ils sont presque lous incapables
de s’asireindve t>u travail el fe Tagriculture ; ne se nourrissant que
des produits natiirels du sol, sans rien faire pour les muUiplier ni
les perfectipnner, ils ont besoln d’un domaine trfes-dtendu pour as-,
surer leur npurrit,ure,'et du mopacnt oS une pavcelle de leur lerri-
loire leur est cnJevde, ils gc U'Pii.veni-rddults it des privaUpnsddbUi-,
REVUE ANTHROPOLOGIQUE. 119
tantes et a une disette relative qui d^terminent leur decroissance,'
II en rdsulte que les populations les plus rapprochdes de I’dtat de
nature semblent celles qui souffrent le plus du contact des peoples
civilisdsj etqui ont le plus de chances de disparaltre d4finllivement
dll globe,
M. de Quatrefages admet aussi que le commencement de la civi¬
lisation d’une race est une transition dangereuse pour elle. Le chan-
gement de moeurs est nuisible a un grand nombre d’indlvidus, et la
nationality tout entifere pent succomber dans cette dpreuve.
Arrivye a ce point, la discussion fut amende par une pente natu-
Velle a s’dlargir, et a porter sur lesdifldrences inhdrentes aux diverses
races humaines au point de vue de leur aptitude a la civilisation,
c’est-a-dire sur leur perfectibility.
On ne pent myconnattre a quel point certaines races sont arrid-
rdes dans ieur dyveloppement inteliectuel, moral et social, quand
on les compare aux nations europdennes. Mais cette infdrioritd n’est-
elie que temporaire ? Peut-elie faire place a un dtat de civilisation
progressive qui diminue peu a pen la distance qui les sdpare de
nous? Oubien, au contraire, est-elle ddfinltive, irrdmddiable, etdd-
pend-elle d’un ddfaut originel d’organisation, en sorte que les races
qui en sont atteinies ne puissent jamais, quelques efforts qu’elles
fassent ou qu’on fasse pour elles, s’dlever au-dessus de I'dtat sau-
vage oil elles sontactuellement?
Engagds avec ardeur sur cette question, les ddbats se prolongfe-
rent pendant cinq . sdances, et tons les arguments, pourou centre
cbacune des deux thfeses, furent a plusieurs reprises mis en avant
et vivement dlscutds. Donnons un abrdgd des prlncipales opinions.
M. Pdrler pense que les diffdrentes races sont Irds-indgalement
aptes a dtre civilisdes, et que certaines d’entre elles sont d’une infd-
rioritd telle, qu’elles ne pourront jamais s’dlever au-dessus de leur
condition actuelle ; mais, loin de voir dans cette infdrioritd, mdme
ddflnitive, de certaines races une justification de leur a'sservisse-
raent, ni des mauvais traitements exercds a leur dgard, il proclame
qu’il est du devoir des races supdrieures de se conslddrer comme
tenues a la'protection et h I’avancement de celles qui sont au-dessous
d’elles, dans les limites du possible.
M. Broca, partisan des mdmes iddes, cite I’exemple de deux races
diffdrentes de I’Ocdanie dont les destindes lui paraisseut ollrir le
contraste le plus frappant, En Australie, dit-il, tous les efforts des
, Anglais pour civiliser les populations indig6nes, soil en vpulant
changer les moeurs des adultes, soiten cherchant it faire spr, place
120 REVllE FRANCAISE ET fiXRANGfeRE.
f Mucation des enfanis, soilmemeenenvoyant ceiix-ci en Angleterre
pour etre ^levAs Si I’europ^enne, ont infructueux; les indigenes
se sent montris absolument rtfractaires & nos moeurs ; ils sont
i'est^s, et probablement ils resteront toujours compldtement sau-
yages.
Aux ties Sandwich, au contraire, les insulaires^ toujours resits
maltres chez eux, out spontan^ment adopts noire civilisation, nos
moeurs, noire Industrie, et jusqu’i la forme reprAsentalive de nos
gouvernements (Royaiime Hawaiien).
II en conclut que les aptitudes intellectuelles inggalement r6par-
ties entre les dilT^rentes races humaines, et variant de I’une Si I’autre,
sont h^r^ditaires, comme les caraetbres physiques, et ne peuvent
pas etre, plus que ceux-ci, modififies par des influences ext^rieures.
M. O’Rorke, chirurgien de I’exp^dition beige qui a fait le tour du
iiionde en 18/17-1851, apporte I’appui de ses observations person-
nelles aux exeroples cil^s par M. Broca ; aprfes avoir 4iudid avec sola
les Australiens, il ne pense pas que ceite malheureuse race puisse
jamais faire aucun progr^s s^rieux. Du reste, elle dilKr'ait d£j5 des
Polyndsiens avant I’arrivde des Europeans et etait absolument
sauvage, alors que les attires presentaient dejSi une civilisation
relative.
M. Rameau apporte egalement dans la question une experience
personnelle due a de longs voyages en Amerique. II dit que I’in-
fluence du contact europeen sur les indigfenes des deux Ameriques
a donne des resultats trfes-differents suivant les races.
Bien qu’ils aient ete souvent tres-maltraites par les nouveaux
venus, les Indigenes de I’Amerique meridonale se sont civilises peu
5 peu ; ils se sont plies aux moeurs des nouveaux fitals constitues
sur le modble europeen, et aujourd’hui ils tiennent dans ces ^tats
une place politique et sociale tres-importante. Au Canada, au con¬
traire, les indigenes, traiies avec beaucoup d’egards par les colons
franqais, sont restes, malgre tons les efforts faits pour les policer,
aussi sauvages qu’avant I’arrivee des Europeens.
M. Georges Pouchet vient 5 son tour soutenir les mfimes idees, et
s’appuyant sur le peu de progr6s de la race ethiopienne, tant en
Afrique, ofl elle a son berceau, qu’en Amdrique, oA elle etd transplan-
tee en si grande proportion, il declare que pour lui les indgalites si
considerables qui existent entre les races humaines sont originelles,
ineffaqables.
Les partisans de la perfectibilitd relative de toutes les races hu¬
maines n’ont pas manqud, de leur cdte, de citer des faits nombreux
5 1’appui de leur opinion.
REVUE ANTHROPOLOGIQUE. 121
M. Graliolet ne pense pas qiie la civilisation, qui a eu des r4siiltats
si favorables dans une panic du globe, doive fatalementen avoir de
racheux dans une autre. Si elle n’a pas eu parlout les bons elTels
que Ton fitait en droit d’attendre, c’est qu’on s’y est mal pris pour
la faire adopter et que Ton a eu le tort de vouloir imposer un brus¬
que changement de moeiirs anx adultes, an lieu d’y former lente-
ment les enfaiils.
M. Marlin de Moussy ne pense pas qu’il y ait de race absolument
r6fraclaire a la civilisation, et il cite plusieurs peuplades de I’Am^-
riqiie du Sudqui, aprfes etre resides longtemps d I’dlat sauvage, out
fini par se civiliser plus ou moins.
Mais c’est M. de Quatrefages surtout qui a ddfendu cette cause.
Aprbs avoir fait sa profession de foi monogiiniste, et avoir d^clarA
qu’il a 6t6 amend 4 adopter celie opinion par une dtiide appro-
fondie de I’aclioii des milieux sur les animaux domestiqiies, il dit
ne pouvoir admettre que certaines races humaines soient absolu¬
ment incapables de se perfectionner. Sans doute il en estquelques-
unesqui, par rapport aux autres, sonfdans un dtat d’infdrioritd bien
marqude; mais chez celles-li mdme il y a quelques didments sus-
ceptibles de ddveloppemenl. Loin de croire, du reste, que les types
primitifs ne peuvent jamais dtre modiiids, il pense, au contraire, que
par le changement des conditions d’existence et la suite des gdnd-
rations, il pent se produire une amdlioration progressive qui dlfeve
le niveau gdndral.
D’ailleurs, les exemples citds 4 i’appui de la thdorie opposde ne
lui paraissent pas ddmonstratifs. D’aprds lui, M. Broca s’estraontrd
trop sdvdre pour les Australiens et trop partial pour les Hawaiiens;
les premiers ne sont pas dans un dtat de ddgradation aussi complet
que cela a dtd dit, et les seconds n’ont pas, en rdalitd, le mdrite
d’avoir spontandment ddveloppd les germes de civilisation ddposds
chez eux. L’indgalitd des rdsultats constatds chez ces deux nations
luiparait tenir, non pas 4 des diffdrences essentielles de races, inais
4 la diffdrence des conditions dans lesquelles la civilisation s’est of-
ferte 4 eux.
De mdme, malgrd ce qui a dtd dit, il y a encore dans I’Amdrique
du Sud des peuplades compldtement sauvages, et an Canada des
trihus de Hurons qui ont entidrement adoptd’les moeurs europden-
nes ; et il est hien dvident que, pour qu’il soit acquis qu’urie race
ddterminde est susceptible de progrfes, il n’est pas indispensable que
tons les individus qui appartiennent 4 cette race soient devenus ci-
vilisds ; il sulBt qu’une Iribu ou une peuplade de cette race ait adoptd
des mceurs plus policdes que celles qu’elle avait anldrieurement.
122
REVUE FRANQAISE ET EXRANGjiRE.
En ce qui concerne I’esclavage, M. de Qualrefages parlage entie-
rement les sentiments exprimds par M. Pdrier. Le blanc n’a pas le
droit de commander an nfegre, mais il a le devoir de le prot^ger.
L’in^galitd des intelligences laisse persister I’dgalitd des droits, pour
les races comme pour les individus ; c’est la consequence naturelle
de la doctrine monogeniste. Mais si i’on se pla(;ait au point de vue
polygdnisie, les conclusions seraient bien dilTerentes : car I’espfece
supdrieure pourrait se croire autorisee & reduire en csclavage les
hommes derespfece inferieure.
<1 Je termine » , dit I’oraleur, « en rappelant une remarque de
1) M. Perier, remarque que je pourrais prendre pour un aveu. 11
» nous a dit que, dans la race u6gre, il y a quelques individus iso-
» les dont I’inielligence s’dlfeve au niveau de celle des blancs, C’est
11 la preuve de I’linitd de I’espfece, car on n’a jamais vu une espfece
» produire, mfime isoldment, un individti d’une autre esp6ce. »
La cause de la perfectibility relative de toutes les races devail
irouver encore un chaleureux ddfenseur dans M. Pruner-Bey; dans
un discours qui fut le dernier de cette longue discussion, il revint
en detail sur la question de I’aptitude, si contesiye, des Australiens
& la civilisation. 11 dydara d’abord qu’en s’en rapportant aux seuls
rycits des voyageurs, et en tenant compte des conditions qui ont
retardy ces peuplaries, il s’diait sent! disposy & croire qu’elles pour-
raient finir par se civiliser. Mais il a recherchy, en outre, un moyen
d’apprycier par lui-m6me les aptitudes intellectuelles des Austra¬
liens, et il pense I’avoir trouvy dans Pytude du systfeme de leur
langue, « ce psychomfetre presque infaillible qui reflfete le plus fidfele-
11 ment, pour ainsi dire, I’ame des individus, comme des nations ;»
et, aprfes s’ytrelivry h cette ytude, il n’bdsite pas aaccorder aux ha¬
bitants lioirs de la Nouvelle-Hollande la faculty de pouvoir se civi¬
liser.
Afin de ne pasinlerrompre I’analyse pi-ycydenie, nous avons passy
sous silence un incident qui se rapporte plus dlrectement aux sciences
mydicales, et sur lequel nous croyons devoir revenir en quelques
mots,
A propos de la styrility, qui paralt 6lre une des principales cau¬
ses du dypyrissement des races indiggnes, nous avons dit que le
comte Strzelecki ytait pony a attribuer celle des femmes austra-
liennes k leurs rapports scxuels avec les Eiiropyens : cet auteur ayant
constaty que la dypopulation ddpend de la diminuUon dans le nom-
bre des naissances, et non pas de I’augmentation dans celni des dy-
cfes, ajoute que les femmes australiennes qui ont vdcu avec des
REVUE ANTHROPOLOGIQUE. 123
Europeens, comme cela anive poui’ im grand nombre d’enire e)les,
sont par cela m6me devenues sleriles dans les rapports ulteneurs
qu’elles peuvent avoir avec des hommes de leur race, ce qui ne
les. einp6che pas de pouvoir 6tre Kconddes ensuite par d’autres
E.urop^ens.
, Quelque extraordinaires que puissent parallre ces fails, ils ont
did conOrm^s, depuis, par d’autres renseiguements, et bien que
quelques exemples aient dtd citds pour raontrer que cette loi n’est pas
sans exception, eiie n’en paralt pas moiiis exacte pour la trfcs-grande
majoritd des cas.
A cette occasion, M. Alex. Harvey a public, dans le Monthly
journal d’Edimbourg, irois articles sur les modifications que fait
subir ti la constitution de la mbre la gestation d’un foetus provenant
de tel ou tel pfere.
Ilpenseavec M. Oillevray que la mferepeulconserver,plusoumoins
longtemps, dans son organisation, I’emprfiinle de la constitution du
ptre, par une sorte d’inoculation comparable h cclle qui lui fait ga-
gner cerlaines maladies par I’intermddiaire du foetus.
Le fait parait constant pour ies animaux domestiques, ciiicns,
moutons, chfivres, vacbes; des juments, saillies une premiere fois
par un Sne, pour produire un midet, ont donnd ensuite, avec des
dtalons de leur race, des produits qui retenaient queique chose des
formes de I’ilne. Une joment de lord Morton, couverte par un z6-
bre, donna d’abord naissance 3 un mdtis zdbrd ; couverte ensuite
parun cheval arabe, elle fit suceessivement trois poulains zebrds
comme le premier male.
En ce qui concerne I’espbce humaine, plusieurs fails semblent.iu-
diquerune influence analogue. C’cst, parait-il, un fait accept^ dans
certains pays par le vidgairc, qu’une veuve peut avoir, aprfcs s’6tre
remaride, des enfants ressemblant a son premier mari tant au phy¬
sique qu’au morai. On dit aussi qu’une ndgresse, aprfes avoir eu. un
enfant avec un Wane, pent avoir avec des hommes de sa couleur
tome une sdrie d’enfants muiaires; on prdtend encore que les enfants
adultdrins peuvent, pour le radme motif, ressembler non pas k leur
pfere vdritable, mais k I’dpoux Idgitime qui a eu antdrieurement de
nombreux rapports avec leur mfere, d’oit I’adage : Filium ex adul¬
ter a exousare matrem a culpa.
Tous ces fails sont consignds avec des indications bibliographiques
ddtailldes dans un mdraoire de M. Boudin dont nous aurons k parler
plus loin {Mimoires, t. f, p. 633)> , ,
Sans nous, porter, en auenne faqon, garantde ISRi’ exactitude, nous
avons tenu -k ,les rappoftev icU parce qu’il nousparalt que les mdde-
i2a REVUE FRANCAISE ET fiTRANGtRE.
eins ali^nisles pourraient etre & mfime d’dclairer celte question. Si,
en effet, I’influence d’un premier mari pouvait s’dtendre sur les en-
fanis n6s d’un second mariage, elle devrait s’exercer dans le domaine
psychologique et inteilectuei aussi bien que dans I’ordre physique,
et dfes lors, il pourrait arriver qu’une femme, veuve d’lm premier
mari alidnd ou ndvropathique, se remariit ^ un bomme exempt de
toute disposition personneiie on hdrdditaire A ces sortes de maladies,
et edt n^anmoins avec lui des enfants tenant de son premier
mari ia predisposition S des affections graves du systfeme nervenx.
Sans doute ii faudrait im concours de circonstances bien spdciales
pour qu’un fait de ce genre efft une vaieur demonstrative evidente;
mais neanmoins, si le fait pliysioiogique est exact, il doit se mani-
fester, an moinsquelquefois, assez nettementpour fttre constate par
des observateurs atienlifs, tels que les medecins des asiles d’aUends
charges de soigner les viclimes de cette hdredite pour ainsi dire pa-
radoxalc; nous serions heureux si I’appel fait lei & nos collogues
pouvait provoquer quelques recherches a cet egard.
On se rappelle que dans un premier travail dont nous avons
parie precedemraent , M. Pdrier avait cherche h ddmontrer que
les croisements de race a race, loin d’etre avantageux an developpe-
ment des peoples issus de ces croisements, constituaient, au con-
traire, pour eux, une condition defavorable.
Dans un second memoire {Memoires, t. I. p. 187), il s’est propose
de rechercher si les alliances entre families d’une mfime caste, on
mfime entre membres d’une mfime famille, sont dangereuses, quand
ces castes on ces families sont d’un sang ptir. A cette question, qui
n’est autre que celle des manages consanguins, tellement discutfie
depuis quelques annfies, il n’hfisite pas a rfipondre par la negative.
Pour les castes, il fitudie ce que sont devenues les diverses aris-
tocraties fondees sur la purete du sang, et 11 lui parait que cedes
qui ont conserve cette purete inlacte de tout melange, sont restees
supfirieures a cedes qui ont toiere les alliances avec un sang moins
pur. Pour ce qui concerne les membres d’une mfime famille, il re-
connalt que toutes les legislations anciennes et modernes ont inter-
dit certaines unions consangulnes ; il approuve mfime complfitement
ces defenses qui constituent une prficieuse sauvegarde pour
les convenances et les moeurs; mais il pense qu’on ne doit leur
reconnalire qu’une portee morale et sociale. Rien ne lui parait prou-
ver que ces prohibitions aient eu, dans I’esprit des premiers legis-
lateurs, le caractfere d’une prescription hygifinique basfie sur les
dangers physiques auxquels ces mariages ponvaient exposer ; rlen
REVUE ANTHROPOLOGIQUE. 125
n’indique que, jusqu'^ uae dpoque I'elativement rapproch^e, les
m^decins ou aulres observateurs aient connu ni rafime soupqonnd
ces dangers, et plutftt que de supposer que pendant si longlemps
I’observalion aitdtd en defaut, it paralt legitime d’admettre qu’alors
les unions consanguines n’dtaient la source d’aucnn accident. II n’en
est plus de inSme aujourd’hui : loin de le contester, I’auteur recon-
iiait que de nos jours ces manages sout souvent stdriles, ou que leurs
produitssont alfeclds d’anomalies physiques ou intellectnelles, lelles
que diflbrmit^s, surdi-mutitd, idiotie, folie, dpilepsie, etc.
Mais, le fait eu lui-mdme reconnu exact, il s’agit d’en determiner
les causes et de prdciser la nature du danger. Pour la plupart des
auteurs, ce danger rdsulierait uniquemeni de la parenld des con-
joints, el du non-renouvellement du sang, quel que. soil du reste
retat de pureid ou d’impureid de ce sang ; le fait seui de la consan-
guinitd, ddgagd de toute autre influence, sulfirait pour rendre les
produits ddfectueux.
Pour M. Pdrier, au coniralre, le danger ddpendrait simplemeiu
des causes ordinaires de production des maladies hdrdditaires. 11
admet, nous le savons, que le mdlange des races a eu pour rdsultal
d'aflaiblir les populations issues de ces mdlanges ; les peoples con-
temporalns, rdsultant presque tous de mdlanges successifs el mul-
tiplids, doivent done prdsenler une trfes-grande proportion de germes
d’affections diathdsiques et d’dtats palhologiques propres & se trans-
mettre par voie lidrdditaire. Lorsque des raariages ont lieu entre
individus de families diffdrenles, alors mdme que ces individus ne
seraient pas exempts de toute tendance palhologique, il y a des
chances pour que les predispositions morbides ainsi accoupldes ne
sqient pas les mdmes, qu’elles se conlre-balancent au lieu de s’ajouter
les unes aux autres, et que les enfants issus de ces unions ne prd-
sentent pas des conditions de santd infdrieures it cedes de leurs
parents, si mdme, en verm de la tendance gdndrale au retour d la
puretd de I’espece, ces conditions ne s’amdliorent pas. Lorsqu'au
conlraire les conjoints appartiennent d la mdme famille, il peut se
faire que, par certaines circonstancesexceptionnellement favorables,
cette famille ait le privildge de ne prdsenter aucune prddispositiou
morbide, et alors, loin d’etre dangereuse, cette union puisera dans
la puretd de la race et I’intdgritd des aptitudes une garantie de force
et de santd pour les enfants qul en naltront; mais bien souvent
aussi il arrivera que la famille commune des deux dpoux prdsentera
des tendances k quelque alTection diatlidsique et lidrdditaire. Dans
ce cas, de I’union de prddisposilions pathologiques idenliques et de
causes de ddgdndrence semblables, devra rdsulter, pour les enfants,
126 BEVUK FRANgAISE ET ttRANGliRE.
line multiplicaiion de chances dgfavorables et une aggravation dans
les manifeslations des germes morbides qn’ils tiendront ainsi de
denx sources an lieu d’une.
La consanguinity en elle-m4nie sera done innocente ; et rhyrddiid
tnorbide, s’exerqant d’autant plus sdrcmenl que deux facteurs con-
tiibueront k transmettre les mdines germes, sera seule coupable.
Pour dtayer cetie doctrine, M. Pdrier passe en revue les opinions
ihdoriques des auteurs qui ont le pius accusd la consangulnild, Fo-
ddrd, Spurzheim, Pevay, MM. Lucas, Decliambre, G. Poiichet, el
partoutil trouve que les inconvdnients signalds par eux peUvent
s’expliquer par I’hdrdditd morbide, sans qu’il soitndeessaire d’invo-
quer la consanguinity prise en elle-mdme. II examine aussi la sdrie
des fails citds par ces difrdrenls auteurs, etleur objecie I’absence de
renselgnements sulBsants siir certaines conditions essentieiles rela¬
tives 5 Pdtat de santd des parents. En fin, pour montrer qu’il n’est
pas seul de son avis, il rapporle diffdrents passages conformes i ses
opinions, empruutds & Burdach, Iluzard fils, Michel Ldvy, Raige-
'DelOrme, Boucliardal.
De ceite longue dtude il conciut ; « d’une part, que les accidents
1) des mariages entre consanguins, quand ils doivent se inanifester,
» soul d’aulant plus a craindre, 1° que les pferes et indres sont pa-
•» rents i des degrds plus rapprochds ; 2“ que les unions sont rdpd-
» lees davantage ; 3" que la race est moins pure;— d’auire part, que
» ce n’est pas aux liens du sang, d la consanguinity proprement diie,
» mais il des causes dn domaine de I’hdrdditd morbide chez les
» dpoux, que doivent dire attribuds, en gdndral, les accidents et les
» ddsordresque i’on a pu constater & la suite des mariages consan-
1) guins; et que ces phdnomdnes, par consequent, toujours au point
» de vue physiologique, accusenl Tabus, et non I’usage bien entendn
■» de ces sortes d’unions. n
Telle est aussi Topinion soulentie par M. Bourgeois, dont la these
intitulde Quelle est IHnfluence des mariages consanguins sur les
genirations? a fait Tobjet d’un rapport hi a la Socidtd parM. Pd¬
rier {Bulletins, t. I, p. 146). Aux arguments ddja connus pour dd-
montrer que le danger de ces mariages ne tient pas a la consan¬
guinity en eHe-mdmc , mais bien aux conditions ordinaires de
Thdrdditd morbide, Tauteur a ajoutd deux sdries de fails :
1° L’histoire tres-ddtaillde d’uiie famille qui se compose de quatrfe
cent seize membres issus d’un couple consanguin au troisifeme degrd,
dans I’espace decent soixante ans, et aprds quatre-vingt-onze alliances
fdcondes, dont seize consanguines superposdes, histolre qui ne pa-
ralt laisser aucun doute sur Tinnocuitd, la fdcojiditd, et mdme les
REVUE ANTHROPOEOGIQUE. 127
avanlages de la consanguinild dans les families saines.(G’esllafamille
propie de rauteuf.)
2“ Vingt-quatre observalions particuliferes dgalement favorables b
la consanguinil^.
La Qonclusion de celte thfese est que « I’influence des mariages
» consanguins est bonne on mauvaise, suivant que les auteurs sont
» exempts ou aOectds de maladies constitutionneiles » .
Nous regrettons de prolonger davantage cet article d4j4 si long, et
ndanmoins, pour ne pas scinder I’examen d’une question a I’dluci-
daiion de laquelie les mddecins alifinistes n’ont peut-6tre pas ap-
portd, jusqu’ici, tous les dldments que Ton aurait pu attendre d’eux,
nous demanderons la permission de signaler par anticipation quel-
ques autres travaux publies dans les Bulletins des anndes suivantes
etse rapportant aux mariages consanguins. Nousneferons du resie
que les analyser tris-succlnctement; car les nombreuses communi¬
cations fades, dans ccs dernifcres anndes, aux Academies et aux jour-
naux de mddecine sont encore pr6sentes h la mSmoire de nos lec-
teurs. Nous ne mentionnerons aussique cequi a dtd dit relativement
aux unions consanguines humaines; car, si nous voulions nous
occuper de tous les documents relatifs k la consanguinitd animate,
nous serions enlrala6s trop loin.
M, Boudin {Memoires, 1. 1, p. 506) est convaincu de I’influence
defavorable de la consanguinity en elle-m6me ; inais il reconnalt que
jusqu’ici cette influence n’a pas dty I’objet d’une ddmonstration
numdrique irryfutable. Aussi a-t-il voulu apporter dans le ddbat cette
dymonstration, en substituant des faits et des chilfres 6 des asser¬
tions sans preuve.
Pour la plupart des accidents attribuds au fait mfime de la consan¬
guinity, il a dfl se conienter, nyanmoins, deciter un nombreplusou
moins imposant de faits particuliers, sans prytendre h des i-ysultais
statisliques, parce qu’il n’existe pas, 6 cet ygard, de documents suf-
fisants. Ce sont, chez les parents, la styrility et I’avortement ; chez
les enfants, I’idiolie, I’aliynation mentale, I’ypilepsie, le bee de lifevre,
I’albinisme, la scrofule, etc. ; e’est cette lacune qui pourrait ytre
combiye, en ce qui concerne I’idiotie, la folie et I’ypilepsie, par les
mydecins d’asiles.
Mats pour une autre variyty d’infirmity, la surdi-mutity, I’auteur
a pu arriver 6 des rysullats numyriques qui lul paraissent avoir une
valeur lout 6 fait significative.
11 a constaty que tandisqu’en France line se contracte en moyenne
que deux unions consanguines sur cent mariages, la proportion des
soiu'ds-muets de naissance, prov'euant de mariages consanguins
REVUE ERANCAISE Et fiTRANetRE.
est de 30 pour AOO parmi les pensionnaires des ^tablissements de
sourds-miiets de Paris, de Bordeaux, de Lyon et de Nogen l-le-
Rotrou.
En outre, le danger d’avoir des enfants sourds-muets est d’autant
plus grand que la consanguinity des parents est d’un degry plus
rapprochy, en sorte qu'en reprysentant par 1 le danger de procryer
un sourd-muet dans les mariages ordinaires, ce danger s’yigve :
A 18 dans les mariages entre cousins germains ;
A 37 dans les mariages entre oncles et nieces;
A 70 dans les mariages entre neveux et tantes.
11 rysulte de travaux publiys en Allemagne, qu’S Berlin, c’est
chez les juifs que les mariages consanguins sont les plus fryquents, et
que ce sont eux, aussi, qui oiTrent la plus grande porportinn de
sourds-muets de naissance, ptiisqu’il y aurait dans cette ville :
3,1 sourds-muets sur 10 000 catholiques,
6 sourds-muets sur 10 000 protestants ,
27 sourds-muets sur 10 000 juifs.
L’esclavage, en fac.ilitant les unions consanguines et m6me inces-
tuenses, produit des effets analogues; etl’on comptait en lSfiO, dans
le lerritoire de Howa (Etats-Unis) :
2,3 sourds-muets sur 10 000 Wanes libres,
212 sourds-muets sur 10 000 nigres esclaves.
Ges i-ysultats ont d’autant plus de valeur aux yeux de M. Boudin,
qii’il ytablit d’autre part que la surdi-mntity des enfants, dans les
unions consanguines, se produit alors mOme que les parents sont
sains et libres de tout antecydent morbide, tandis qu’elle est rare-
raent hyryditaire, les mariages croisys ou mfime les deux conjoints
sont sourds-muets donnant presque constamment naissance it des en¬
fants qui parient et qui entendent.
Ces chiffres auraient eu certainement la valeur dymonstrative 5
laquelle pi-ytendait I’auleur, s’il ne s’ytait yievy aucun doute sur leur
exactitude. Mats M. Boudin trouva un contradicteur energique en
.M. Dally, qui avail ddji dcrit, dans la Gazette hebdomadaire, un
travail important en faveur de la consanguinity.
Nyanmoins, malgry les efforts faits par M. Dally pour dytruire un
a un chacun des arguments de M. Boudin, nous pensons fitre juste
en disant, avec M. de Ranse {Bulletins, t. IV, p. 612), queses aita-
ques ne sont pas suQisamment fondyes, et que lui-myme est tomby
souvent dans les causes d’erreurs qu’ilse croiten droit de reprocher
a son adversairc, donl.les i-ysultats conservent une grande valeur a
nos yeux.
Ne pouvant entrer dans le dyiail de cette poiymique, nous signa-
REtUE ANTfiROPOtOGiQUfi. 1 23
lerons seulement deiix passages de M. Dally, parce qu’ils pr^sen-
tent, snr la question, des id^es que nous croyons nouvelles. Tandis
que M. Pdrier admet la frequence des accidents causds par les
mariages consanguins, mais les attribue a I’infliience de Thdi-ddltd
morbide et non h celle de la consangulnltd, M. Dally (Bulletins,
t. IV, p. 51Ii) «'se contente d’atiaquer la prdtendue influence de la
I) consanguinitd prise en elle-mdme, sans s’inquidler de savolr si
» les fiiits qu’il examine inflrment ou conflrment la question des
» dangers de la consanguinitd doublement maladive.
)> II n’est indme pas portd d croire que les chances de maladies
» des enfants soient plus nombreuses, quand les deux dpoiix sont
» affectds de la mdme diatlifese, que quand ils olTrent, chacun a
» part, des diatiidses spdciales ; car, si Ton supposait constantes les
» lots de rhdrdditd morbide, il arriverait, dans le premier cas, que
» I’enfant serait aflectd d’une diathfese en quelque sorte pure; dans
» le second, d’une diathdse hybride; et, toutes chances dgales
11 d’ailleurs, les maladies Tranches, bien caractdrisdes, dolvent dtre
» moins rebelles d la ihdrapeutique que celles oii se mdlent toutes
I) sortes d’dldments pathologiques. »
Ailleurs (Bulletins, t. Ill, p. 150), M. Dally indique I’iiifluence
des milieux comme pouvant expliquer, en dehors de la consangui¬
nitd, I’action Idcheuse des mariages consanguins, dans le cas oft
cette action serait reconnue rdelle. « Les proches parents qui con-
» tractent alliance, dit-il, -vivent dans les mdmes conditions so-
1) ciales, mentales, gdographiques, climatdriques, mdidorologiques,
» de telle sorte qu’il se pourrait que leurs rejetons dussent a
» I’influence combinde de ces milieux, des maladies que Ton attri-
I) bue d la consanguinitd des parents, et qui ne sont dues qu’d
» I’existence simultande des parents dans des milieux semblables. »
Personne n’ayant relevd, d notre connaissance, cet argument de
M. Dally, nous croyons devoir faire remarquer qu’il substitue id,
a la question des mariages consanguins, celle des inconvdnients qui
peuvent rdsulter des unions contractdes unlquenient entre gens
habitant les mdmes localitds, et que, pour que son raisonnemcnt
fftt juste, il faudrait qu’il eflt ddmontrd, d’abord, que les parents
qui se marient entre eux sont presque tons dans ce dernier cas, ce
qui est loin d’etre certain. En I’absence de tout document relatif
d, la. proportion des mariages conlractds, d’une part entre des
parents n’habilant pas les mdraes localitds, d’auire part entre . des
gens non parents, mais habitant les mdmes localitds, il nous paratt
impossible d’accorder aucune signification au genre d’influence
signald par M. Dally.
AWNAL. Mdn.-psvcii. 4“ sdrie, t. ix. Janvier 1867. 9. 9
130 KEVUE FRANCAISE ET fiTRANGiRE.
Quant aux inconv^nienls resultant des manages entre compa-
triotes, en donnant ct ce dernier mot le sens restreint de gens habi¬
tant la mSme locality, ils ont ddjii dtd signaliis, notamment par
M. Baillarger, a I’occasion des cretins de certaines valines des
Pyr4n6es, dont la proportion a beaucoup diminu6 depuis que les
mariages, au lieu de se faire entre habitants des mgmes valldes,
sont devenus plus frdquents entre ceux-ci et la population de la
plaine. Sans doute, on obtiendrait un r^sultat analogue en d’autres
circonstances, et nous croyons, en particulier, qu’un des meilleurs
moyens de faire cesser les accidents d’hyst^ro-ddmonomanie de
Morzine serail, si cela ^tait possible, d’y provoquer, dans une
large proportion, des mariages avee des habitants de pays plus ou
moins ^loigniis.
Pour dpuiser la s6rie des documents relatifs aux mariages con-
sanguins, soumis A la Soci6t6 d’anthropologie, nous n’avons plus
qu’a signaler un travail, de M. Auguste Voisln, sur la frequence
et I’innocuitS des unions consanguines dans la commune de Batz
(Memoires, t. 11, p. A33), travail dont il a ddji donnd une ana¬
lyse dans ce journal (t. VIII, 1866, p. 130).
Si, aprfes avoir rdsumd les diff^rentes opinions dmises dans cette
discussion, nous avions a faire connaitre celle qui r^sulte pour
nous de la lecture et de lYtude de tous les documents relatifs a
cette question, nous I’exprimerions ainsi : Sans doute il n’est pas
possible de soulenir aujourd’hui que les mariages consanguins sont
toujours et constamment funestes; au contraire, plusieurs faits, tels
que ceux fournis par MM. Bourgeois, Voisin, et quelques-uns de
ceux de M. Dally, montrent que, dans des circonstances favorables,
ces unions peuvent donner naissance a des rejetons parfaitement
sains et valides. Mais on a rapporte trop d’exemples de rOsultats
opposes, pour qu’il ne soit pas raisonnable d’avoir les prdsomptions
les plus fondles que ces unions sont fr^quemment nuisibles. Pour
un grand nombre d’accidents, il est impossible, il est vrai, de
changer actuellement ces pr^somptions en demonstrations for-
melles, faute de donn^es numeriques comparatives sulTisantes ; mais
en ce qui concerne la surdi-miitite, cette demonstration paralt
acquise par les travaux de M. Boudin, et il scrait, sans doute,
possible d’arriver au mSme resultat pour I’idiotie, la cedie, la
folie, par des recherches poursuivies pendant un nombre d’annees
sufflsant dans les etablissements consacres au traitement de ces
Infirmites.
En tout etat de choses, qu’il faille tenir en suspicion la consan-
guinite en elle-meme, ou la simple herddite morbide, il est sage
■IOmilNA.lJX FRANgAlS.
131
d’fivilei- les unions consanguines, el de les restreindre, autant que
possible, non par des prescriplions Idgales, mais par dea averlis-
seraenls i!clait(;s sur les inconvdnients qu’elles peuvent offrir, el
par les moyens de persuasion dont doivent surioul user les mdde-
cins, toutes les fois qu’ils som consullds sur de semblaWea ma-t
tiferes.
Malgrd la longueur de cel article, nous n’avons fait aucune
meulion de plusieurs communications relatives aux forrnes dd
crane et k I’organisalion cdrdbrale, bien qu’elles soient, plus en^
core que cedes dont nous avons paria, du domaine des atudes
madico-psychologiqucs.
Nous joindrons leur analyse a celle d’un grand nombre de tra-
vaux sur le meme sujet, conlenus dans le deuxifeme volume des'
Bulletins, el qul feront I’objet d’un prochain article.
REVUE DES JOURNAUX DE MEDEGESTE.
JOURNAUX FRANgAlS.
I/lTnion iu6<llcalc.
Anndc 1865 (auilo).
TOME XXVI (suite).
2° Du bromure de potassium dans le traitement de I’epilepsie, par
M. PeulevS, interne a la Salpeirifeie (service de M. Moreau, de
Tours).
' M. Moreau a choisi pour ses experiences les dpilepiiques les plus
jeunes parmi les trois ou quatre cents qui composent son, service,
et cedes chez lesquelles la maladie etait le plus rdeente ;.ce sont,
en un mot, cedes qui prdsentaient le plus de chances de gudrison.
qui ont dtd prdfdrdes. Le traitement a durd trois mois (septembre,
octobre, novembre), et les doses d« mddicament ont dtd adniinis-
tides de la faqon suivante :
Premiere
Deuxieme
Troisidme
Qualrieme
Cinquieme
Sixidme '
huitaine, 0 gr. 50 centigr. dans les 24 heures en 3 doses.
— Igr. —
^ 1 gr, 50 centigr. — —
— 2 gr. — -
— 2 gr, 50 centigr. — —
— 3gr'. ~ —
La dose de 3 grammes csi reside fixe 5 partir de la sixidme se-
maine jusqu’5 la fin du traitement.
132 REVDE Dfis .tOURNAUi DE MEDECINE.
Sur une premiere categoric de malades, le broraure n’a prodult
aucun effet, ni en bien ni en mal ; I’^pilepsie a continue sa route
sans exacerbation et sans remission.
Dans une seconde cat^gorie de malades, les accfes ont plus
nombreux pendant le traiieraent qu’avant. Mais, comme le maximum
d’accis pendant le traitement avail ddjA ^t^ atieint dans les anndes
prdcfidentes et k plusieurs reprises, cela tendrait A prouver que
I’exacerbation ne doit pas gtre altribude aii medicament.
Les fails, dit M. Penleve, nous autorisent done i conclure a I’inef-
ficacite absolue du bromurede potassium dans I’epiiepsie confirmee,
et il faut dire de ce medicament, ainsi que d’une foule d’autres
qui ont ete experimentes par notre mallre, qu’il est sans action sur
cette maladie. Gelle-ci continue sa route en passant par des alter¬
natives de haul et de bas, se metamorphosant quelquefois, puis re-
venant k ses manifestations primitives sans que rien puisse en mat-
triser la marche.
3® Observation de destruction complete des deux lobes antirieurs
du cerveau, sans aphasie, par le docteur Berger.
Cette observation n’a pas, il est vrai, ete suivie d’aulopsie, mais
les circonstances dans lesquelles il m’a ete donnd dela recueillir ne
permettent pas de douter de I’etendue de la lesion speciale qui a oc-
casionne la mort.
A la suite d’un coup violent porte en pleln front, la region fron-
tale du blesse etait comme aplaiie ; une plaie enorme la sillonnait,
a iravers laquelle on voyalt les os brises, les membranes dechirees,
les lobes anterieurs du cerveau, dont une partie avail jailli, en
bouillie; les sinus frontaux etaient detriiits, et le malade lui-meme
retirait d’insiinct, avec ses doigis, des fragments notables de sub¬
stance cerebrale par les deux narines qui en etaient obstruees.
Malgre la graviie de ces desordres, le blessd fut six jours sans
eprouver d’accidents serieux ; il buvalt, dormaii, parlait et rendait
compte de toutes ses sensations. Le septifeme jour, il eut de la fiftvre,
il rCva et parla beaucoup; les accidents s’aggraverentgiaduellement,
et le qualorzieme jour, la mort arriva sans qu’il ait cesse de murmu-
rer des mots plus ou moins intelligibles, ainsi qu’on le volt dans
tous les accidents cerebraux graves, suite habituelledes commotions
cerebrales profondes el des fractures de la base du erSne.
JOUBNAUX FRANC'AIS.
133
TOMES XXVI ET XXVII.
De la folie hystirique et de quelques pMnomenes nerveux propres
a, Vhystirie {convulsive), d Vhystero-epilepsie et d I'epilepsie
(Uudes cliniques), parle docteur Moreau (de Tours), mSdecin de
la Salpetrifere.
M. Moreau (de Tours) a voulu exposer tr^s-sommairement, mais
aveo une exactitude sincere, ce qui lui a parule plus digne d’lnt^rfit
parmi Ics fails de pliysiologie et de tlifirapeutique nerveuses qu’il lui
a donn^ d’observer depuis quatre ans qu’il est charge du service
des hyst^riques et des ^pileptiques a la Salp6tri6re.
Nous reproduisons, presque in extenso, cet important m^moire
de i’dminent aliSnisle, renvoyant, avee regret, a la publication ori-
ginale pour ies observations souvent curieuses, toujours iuldres'«
sanies, qu’il cite frdquemmcnt a I’appui de ses reflexions, surtout
quand elles ont trait a des phinomenes a I'egard desquels ses
appreciations personnelles different sensiblement des idies ginira-
lement regues.
« Parmi ces phenomfenes, il eii est un, dii-il, quia appeld tout par-
» ticuliferement noire attention : C’est la folie (ddlire) hysterique.
» L’etude approfondie, I’indication aussi exacte que possible, com-
plfete, des signes qui differencienl ce genre de deiire de la folie or¬
dinaire, ne perraettent pas de les confondre, de leur appliqner le
mfime pronosiic, moins encore la meme medication, etc. Tel est le
but principal, sinon exclusif de ce travail.
» Mes remarques porteront done sur trois choses qui, au point
de vue pratique, sont a mes yeux du plus haul interet, et mdritent
d’etre etudiees de plus pi-bs qu’on ne I’a peut-6lre fait jusqu’ici :
» 1” Sur le caractfere specifique, le diagnostic differentiel de cer¬
tains accidents nevropathiques designes generalement sous le nom
d^absences, d'etourdissements, de vertiges ou demi-acefes, etc. ;
» 2° Sur la specialite du deiire propre aux hysteriques et aux
hystero-epilepliques ;
» 3“ Sur le meilleur mode de traitement a employer conlre ces
affections.
» Auparavant, nous dirons quelques mots de leurs causes et d’un
phenomene auquel on a coutume d’attacber une importance qu’il
est loin de m^riter, suivant nous, nous voulons parler des auras.
» Causes. — On nous a souvent accuse d’avoir exagfird le r6le
des predispositions hereditaires dans les nevroses ; ici les preuves
t3/t KEVUE DES JOUBNAUX DE MEDECINE.
de cetle influence surabondent; ndvroses de toutes sortes, phy¬
siques et moraies, l&ions des centres nerveux, tels sont les ante¬
cedents pathologiqnes deTiraraense majorite de ines malades....
» C’est que, en i-ealite, il ne faui voir dans tout phenomfene ndvro-
sique que la manifestation isoiee, souvent ephem6re, d’un dtat
pathologique du systfeme nerveux tout entier, I’expression variee
de cet etat special de I’organisme que Willis appeiait si juslement
diathesis nervosa, se localisant gi et la dans telle ou telle partie des
centres nerveux, et revStant une physionomie diiierente suivant les
organes ou les systfemes d’organes primitivement atteints.
» Envisage d’une manifere encore plus comprehensible, au point
de vue de la transmission hereditaire, i’etat nerveux, le nervosisme,
suivant une expression recemment employee, appartient essentielle-
ment non pasau sujet seul chez lequelon observe une ou plusieurs
de ses manifestations, mals a I’arbre genealogique tout entier, ou du
raoins h ses principales ramifications; c’est un fait morbide propre
a.toute une agglomeration d’individus lies entre eux par les affinl-
tdsdusang...
1) Auprfes du grand fait pathologique que nous venons de rappe«
ler, que sont les causes dites determinantes ou occasionnelles? Rien
autre que ce que leur denomination indique il arrive meme-
que |e mal edate en I’absence de toute cause occasionnelle,
I) Il est evident qu’il ne s’agit ici que de ces ndvroses (hysterie,
hysteto-epilepsie , epilepsie) essentiellertient idiopathiques , dont
remergence anatomo-pathologique nous est inconnue, que rien
n’explique, si ce n’est I’etat special de I’individu qui en est alteint,
de ces nevroses que les auciens appelaient essentielles, sine materid,
et non de ces accidents nevropathiques qui n’ont du mal que la
forme, I’apparence sans en avoir le fond; de ces accidents epilepti-
formes sans epilepsie, qui ne sont qu’un incident phenomenal,
■symptomatique de I’affection dont ils emanent, destine h disparai-
tre avecelle ; tels sont ceux qui se dedarent dans I’intoxication al-
cooliqiie ou saturnine, dans les empoisonnements par I’opium, la
belladone, le datura stramonium, etc., dans certaines libvres
eruptives, dans la paralysie generale des aliends, it la suite d’un
accouchement laborieux, chez certains syphilitlques, voire mfime
chez les animaux sur Icsquels experimente le vivisecteur .
» La periode iievrosique constitue h die sciile le genre d’affec-
tions pour lesquelles on reserve geneialement le nom de ndvroses, et
c’est li eequi les dlfferencie de celles dites organiqties.
a I. Aura. ^ On attachait nagufere une importance capitale au
phenomfcne. nerveux ddsigne sous le nom A'anra. C’etait, pour la
JOURNAUX FRANgAIS.
135
pliipai't des mddecins du temps passfi, bien plus qu’uii symptOme
pr^curseur des acc6s, il en dtait pour ainsi dire le fait gdndrateur,
la cause iramddiaic . Ce que Ton est convenu d’appeler aura ne
peut etre et n’est trfes-certainement qu’un des milie accidents ndvro-
siques qui font parlie intdgrante de la maladie principale, lequel
doit a la forme qu’il revdt, dans quelques cas, d’avoir fixd plus par-
ticuliferement {’attention des observateurs, bien que, au fond, il ne
justifie par quoi que ce soit ce privildge. ..
» II. — Accidents nevrosiques liis aux grandes nivroses convul-
sives ; leur valeur au point de me du diagnostic et du pronostic.
— Tics ou conmlsions partielles. — Seoousses. ^ Mouvements
ohoriiques. — Elourdissements, — Absences. — Vertiges. — At-
taques congcstives epileptiformes. — Les grandes nevroses con-
vulsives sont toujours oupresque toujours prdcdddes, accorapagndes,
suivies mdme, dans quelques cas trds-rares, d’accidents ndvrosiques
dont il importe de connaitre le caractdre distinctif et spdcial ; parce
qu’ils sont, dans bien des circonstances, la seule source a laquelle
le mddecin puisse puiser les lumldres ndcessaires pour bien apprd-
cier la nature de I’espfece de ndvrose sur laquelle il est appeld a don-
ner son avis, ne I’ayant pas obserVde par lui-mdme, ainsi qu’il arrive
sisouvent dans la clientfele ordinaire .
n Mais peut-on, dans I’dtat actuel de nos connaissances, et guidd
uniquement par la nature, ou mieux la physionomie, la forme des
accidents ndvrosiques intermddiaires, affirmer I’existence de I’hys-
Idi'ie, de I’hystdro-dpilepsie ou de I’dpilepsie? Le peut-on, surtout,
aloi's que ces affections sont encore inddcises, imminentes, mais
non compldtement ddclardes ? Oui, dans un grand nombre de cas,
en raison des diffdrences rdelles, apprdciables qu’offrent ces mdmes
accidents, suivant qu’ils rdvdient ou annoncent I’une ou I’aulre de
ces maladies.
I) A I’appui et comme dclairclssement de ce qui vient d’etre dit,
entrons dans quelques ddtalls et commenqons par un pfadnorndne
ndvroslque exclusivement propre h I’dtat dplleptique latent ou dd-
clard : je veux parler de ce que les malades nomment leurs se-
cousses.
» Selon nous, on ne saurait mieux prdciser la nature ou plut6t la
forme des secousses dpileptiquds qu’en les comparant aux effets
produits sur la motilitd par des ddcharges dlectriques. Je ne con-
nais auciin phdnomine nerveux qui puisse dtre confondu avec elles.
Je n’en cxcepte pas les mouvements brusques, instantands, rapides,
qui s’observent dans certaines chordes dites dpileptiformes, Un ceil
exercd ne saurait s’y mdprendre; mais il ne faut pas oublierqu’ici,
136 REVUE DES JOUKKAUX DE MfiDECIINE.
plus qii’i'ii aucune autre circonstanr.e, I’application du sens de la
vue est ndcessaire et ne saurait etre remplacde par uue description
(|uelconque,quclque bien faile qu’elle soitj il fauluoir, ctapr^s avoir
vu, nefdt-ce qu’une fois, on en saura tout aulant qne les plus ex-
pdrimentds; mats il faut voir...
» Le phdnomfene, continue I’auteur aprSs une description som-
maire, apparatt concurremment avec les grands accbs d’dpilepsie,
dans[l’intervalle qui sdpare ces accfes,a des 4poques trfes-irriSgulifercs;
dans certains cas, ils annoncent i coup sdr I’approclie de ces
accbs.
1) Ge qu’il importe de savoir, c’estqu’ilslespr^cMentsouventade
longs intervalles ; auquel cas, on a I’liabitude, malbeureusement,
d’en tenir fort pen de compte. Bien plus, s’ils sont legers, on est
dispose, dans les families, plutbtiien rirequ’ii s’en alarmer...
)i Parfois, lessecousses ont constilud toute la inaladie; nous vou-
ions dire qu'elles ont (5t(i & elles seules toute I’^pilepsie... Dans quel-
ques cas, que nous avons lieu de croire fort peu nombreux, — nous
n’en connaissons qu’un seul parmi nos quatre cents maladcs, — les
secousses constituent le seul ph^nombne en survivance, pour ainsi
dire, ii de grands accbs d’dpilepsie.
» Les secousses lipileptiques ont lieu, le plus souvent, sans perte
de connaissance, malgre les efforts conscients des malades pour les
empecher. D’autres fois aussi la convulsion delate au milieu d’un
dtat vertigineux, d’une suspension absolue, mais extrdmement ra-
pide du sens Intime; I’activiid psychique et Taction musculaire sont
frappdes du mdme coup.
» Chez la plupart des malades, les choses se passent, indilfdrem-
ment, de Tune ou de Tautre manifere, e’est-S-dire avec ou sans
vertiges...
» Nous fondant sur une experience ddji longue, nous n’hdsitons
pas ii regarder les secousses comme un phdnomdne exclusivement
propre & Tdpilepsie. Ce qu’il y a de certain, e’est que nous ne Tayons
encore observe que chez les individus atteinls de cette nevrose,
jamais chez des bystdriques pures.
» Les secousses apparaissent, dans beaacoup de cas, commesignes
avant-coureurs ou dldments prodromiques chez les hystdriques.
e’est d’un facheux augure quand, soit au ddbut, soitdansle cours
d’une attaque d’hystdrie, on voit les membres, les bras le plus
souvent, ou bien encove les commissures des Idvres, devenir le
sidge de ces mouvements brusques, saccadds, qui diffdrent si com-
pldtement des convulsions hystdriques.
» Quelque Idgers et, en apparence, insignifiants que soient ces
137
.TOURNAtX 1'RAN(;A1S.
nonveaux sympiames, or peul lenii' pour cei laiii que I’epilepsie
franche n’cst pas iloignde et que bientdl, peiU-6li'e, elle dominera
toule la scfeiie palhologiqiie.
» Absences. — A quejs signes reconiiaitre que les phdnomJnes
nerveux conimunfiment ddsignes sous le nom d’a6,vences, vertiges,
Mourdissements, appartiennent pluldl 4 Thyslerie qu’4 I’dpilepsie,
et vice versd ? Cs genre de diagnostic diffdrenliel cst-il inemc pos¬
sible dans tous les cas?
» Nolle diiliculld sarieuse, selon nous, dans les cas ou Ton a af¬
faire soil a une hyst4rie simple, soil a de purs accts d’dpilepsie.
Les phdnombnes nerveux intermddiaircs aux gi andes navroses n’d-
lant en rdalita, comme cela a die dtabli prdcddemment, que des
accbs incomplets, ils devront prdsenler, au inoins en parlie, les
caractferes disiinclifs de Tune ou de rautre ndvrose. C’est I’aclivild
psycho-cdrdbiale qui en offrira I’empi einle la plus profondc.
» Je me doiinerai de garde de repdter avec tout le monde, ou 4
peu pr6s, qu’il y a perte de connaissance dans I’epilepsie, tandis
que c’est le conlraire dans rhysldrie. Ce genre d’appreciation n’est
propre qu’4 masquer la vdritd et 4 fausser le diagnostic. S’il est
vrai que certaines hystdriques ne perdent pas connaissance dans ce
qu’elles appellent leurs Mourdissements (ddnomination dgalement
employde paj les dpileptiques), il en est un bien plus grand nombre
qui la perdent.
I) La distinction 4 dtablir n’est pas 14; formulde ainsi, elle est
absolument sans valeur. Elle est dans la diffdrence des caractdres
que prdsententla perte de connaissance chez les hystdriques, et cede
que Ton observe chez les dpileptiques.
1) Les dtourdissements, chez les hystdriques simples, nous les
appcllerions plus volonliers des syncopes, des dvanouissements In-
complets, c’est-4-dire n’impliquant pas toujours la perte de la con¬
naissance. Les malades o se sentent froid aux pieds, aux jambes,
la tdte leur lourne, le coeur leur manque — Ce sont les expres¬
sions dont elles se servent gdndralemenf ; — on les voit pSIir et rou-
gir alternativement ; elles sont obligdes, alors, de s’asseoir, et mdme
de se coucher par terre, si elles ne trouvent aucim appui 4 leur por-
tde ; mil mouvement convulsif des paupifcres; de la fixitd, mais non
de I’dgarement dans le regard.
1) Les dtourdissements prennent un tout autre aspect chez les
hystdriques qui ont ddj4 did touchdes par I’dpilepsie, ou en sont
plus ou moins menacdes.
» Chez les lines, la perie de connaissance arrive plus rapidement,
138 REVCE DBS JOURNAUX DE MfiDECINE.
sans malaise gfe^ral; une certainc fixitS se montre dansle regard,
elles restent immobiles et ne s’affaissent pas sur elles-m6mes.
I) Chez d’auires, I’explosion est instantan^e, I’andantissement de
la conscience est complet.
i> Chez tomes, cependant, ces phdnomfenes rappellent toujours a
nil cerlain degi-6 les (ivanouisseraenlSj on, si Ton vent, les dlourdis-
sements des hysleriques simples.
I) Ainsi qu’oii en pent jiiger par quatre fails que rauteur rapporle
ici, A I’appui de ses assertions, les vertiges chez les hysldro-dpi-
leptiqucs se distinguent des vertiges des hystdriqiies simples par
des caractferes, des nuances, si Ton vent, quitendentii les assimilcr
aux vertiges dpileptiqnes ; perte de connaissance complfete dans cer¬
tains cas, incompifete dans d’autres ; rapiditd de ia chute; certains
troubles de la vision; quelquefois, rngme, mouvements convulsifs des
muscles du visage, phdnomfene d’ailleurs irts-fugace de sa nature
et diliicile a saisir.
» Comme Tatiaque elle-m6me, le vertigo des hystdro-dpileptiques
laisse I’esprit en suspens sur la nature rdelle ou prddominante du
mal dont il est une des formes.
» Quoi qu'il en soit, il est toujours possible, dans Timmensc majo-
ritd des cas, du moins ii un ceil exercd, de le distinguer du vdritable
vertige dpileptique.
» Celui-ci frappe avec I’instautanditd, la rapiditd fulgurante d’une
ddcharge dlectrique, 4 la maniere des grands accds. La perte de
connaissance est non moins absolue que subite...
» Altaques congestives epileptiformes. — Il nous rcste 4 com-
pldter ce que nous venons de dire concernant les etourdissements
(absences, vertiges) des hystdriques, des hystdro-dpileptiques et des
dpilepliques, par quelques considdrations sur un phdnomfene cdrd-
bral qui, en raison de quelque analogie, est trop souvent confondu
avec les prdcddents.
» Nous voulons parler de certains accidents auxquels sont expo-
sds quelques individus en raison d’une prddisposition spdciale, hd-
rdditaire ou acquise : tels sont les vieillards, les personnes de com¬
plexion dite apoplecliquc ou alieintes d’hypertrophie du coeur;
cellesquise livrent habituellemenl 4 des excfes alcooliques et vdnd-
riens, 4 des iravauxintellectuelsexcessifs; cellesque leur profession
oblige a vivre dans une atmosphdre vicide par des dmanations de
gaz acide carbonique, les cuisiniers, par example, les ouvriers en
caoutchouc, etc.
» Les dtourdissements (c’est encore, ici, I’expression consacrde),
Chez les diffdrenles personnes que nous venons d’indiquer, dilKrent
JODRNAOX FRANgAIS. 139
du venige dpileptiqne en ce que la perle de connaissance est extrt-
meraent rare etpresque toujours incomplfete; elle n’a rien d’instan-
land, ce n’est pas assez dire, d'dlectrique, comme dans I’accfes
ilpileptiqne ; sous ce rapport, les choses se passent a peu prfes de
mgme que dans les veriiges liystdriques ou Iiysldro-^pilepiiques ;
raais pour un ceil exercfi il ne saurait y avoir mdprise.
» Les malades sout rarement pris k I’improviste ; ils sentent venir
I’attaque; iis luttent et songent a en prdvenir les consequences ; ils
appellent au secours. Quelques-uns se sentent comme envahis par
un sorameil de plomb; d’autres voient les objets tourner, les pieds
leur manqucnt comme sur un sol mouvant.
» Alois mfime que I’atlaque est legfere, le malade est plus ou
nioins de temps a revenir a lui. S’il lombe prive compietement ou
incompietement de connaissance, on observe souvent des convul¬
sions partielles en tout semblables a cedes des dpileptiques ; la bou-
clie est ddvide, tout un cdtd du corps, ou seulement un des
membres llioraciques ou abdominaux, est frappd de paralysie, la-
quplle ne tarde pas a disparattre , ou se dissipe apras un ou deux
jours. Ces derniers phdnomanes, on le comprend, ont, dans bleu des
cas, contribud a fausser le diagnostic. Nous en connaissons plus
d’un exemple...
» Un fait qu’il importe de bien connaltre, et qui est ieaucoup
plus commun qu’on ne croit gdndralement, c’est que bon nombre
d’accidents cdrdbraux de nature purement congestive revdtent la
forme dpileptique. II n’y a pas seulement dtourdissement, vertige,
perte incompldte ou absolue de connaissance, mais encore convul¬
sions cloniques, dcume a la bouche, parfois sanguinolente, gon-
Uement des veines du col, bouiDssure de la face, respiration
bruyante, etc. ; en un mot, I’appareil symptomatiquc est tel, qu’il
serait impossible de les distinguer des vdrilables accds dpileptiques,
, sans information prdalable sur les causes du mal, sa marche, les
perturbations concomitantes dans I’dtat de santd gdndral de I’itt-
dividu.
» Les asiles d’alidnes sont remplis d’individus qui, plusieurs mois,
plusieurs anndes mdme avant I’explosion de la maladie a laquelle
ils devaient succomber, avant d’avoir rien ressenti qui pflt donner
I’dveil, inspirer la moindre crainte sur leur dtat de santd, ont
dprouvd de ces itourdissements qui ont pu faire croire a I’existence
d’une affection nerveuse a I’dtat latent, et dont ils n’auraient dtd que
les avant-coureurs.
» Ge sont les paralytiques gdndraux, lesqueis, d’ailleurs, chose
|)ien digne de remarque 1 sont, pour la plupart, destinds a dprouver
liO CEVDli DES JOUBNAUX DE MfiDECllNE.
dans le coiirs de leur affection, vers la terminaison fatale principa-
lement, ces memes accidents, mais alors accrus, amplifies, si je
puis m’exprimer ainsi, an point de simuler symptomatologiquement
un accfesd’epilepsie...
» Folie hijsterique. — La folie, chez la femme, estdue, ainsi que
tons les anteurs Tout constate, & des causes multiples et excessive-
ment vaiides. Elle est le rdsultat et comme I’aboulissant d’une foule
de conditions tant prddisposantes qu’occasionnelles, d’dtats morbl-
fiques dont quelques-uns, mis particuliferemenl en relief, sont con-
siddrds comme la principale et mdme I’unlque source du mal, bien
que, en rdalitd, tous y aient apportd leur contingent, aient fourni
leur appoint.
» L’dtat hystdrique, quand il s’aglt de porter un diagnostic, est
souvent mis en cause : « c’est hystirique », dit-on, dans maintes
circonstances oft I’on ne salt trop que penser de I’origine et de la
nature d’une maladie, sans attacher autrement d’importance & cette
ddclaralion, sans avoir une idde bien nette des motifs qui vous font
parler ainsi, absolument comme dans un autre ordre de faits patho-
logiques, on dit : « c’est nerveiiai » .
» Les gens du monde ont une tendance singulifere i attrlbuer a
un diat hystirique les troubles intellectuels et moraux quels qu’ils
soient, alors surtout qu’ils se manifestent chez des femmes encore
peu avancdes en Sge, i une dpoque touchant a la pubcrtd...
» Et pourquoi ne dirions-nous pas tout de suite ce qui, plus tard,
sera surabondamment ddmontrd? En tout cecl, les gens du monde
ne font, le plus souvent, que cdder 5 I’infliience de prdjugds que la
science n’est pas encore parvenue a ddraciner, parce qu’ils ont pour
propagateurs ceux-li mdmes qui ont pour mission de les combattre.
» Nous ne voulons pas dire, assurdment, que les griefs que Ton
fait peser sur I’dtat hystdrique ne sont jamais rdels. Nous tenons
prdcisdment la plume, en ce moment, pour prouver le contraire.
Mais nous craignons I’exagdration en toutes choses, et nous vou-
drions mettre en garde centre la facilitd avec laquelle on invoque
ce fantdme de I’hystdrie, alors qu’il serait facile de trouver, en
cherchant ailleurs, les vdrilables causes des maladies.
» Quels sont done les caracleres, les principaux caraetdres du
moins, du ddlire chez les femmes liystdriques et hystdro-dpilep-
tiques? 11s sont nombreux, varids, et, hatons-nous de le dire, le
plus souvent dilDciles a saisir, trfes-fugitifs. Dans beaucoup de cas,
mdme, ils dchapperont a I’oeil de I’observateur, si Ton ndglige de
remonter a I’origine des troubles psychiques, si I’on ne tlent compte
des conditions d’hdrdditd, du tempdrament, et enfln de la nature
JOURNAtlX l^RANgAtS. Hi
des causes occasioniielles au milieu desquelles ils out pris nais-
sance.
» Avant d’entrer dans les details, voyons d’abord comment se
comporlent, en quelque sorle, les uns vis-i-vis des autres, et les
phdnomfenes ndvrosiques purs et les troubles psychiques.
» II y a quelques ann^es, dans un travail insdrg dans les Annales
medico-psychologiques (annee 1852, t. IV), 6mu des tendances de
certaine 6cole psychiairiqiie assez en vogue alors, tendances qui ne
visaient 5 rien moins qu’ii supprimer compMlement, ou 5 peu pres,
le rOle de I’organisme dans le d^veloppement de la folie, nous
entreprlmes de d^montrer que tons les genres de d^llre, sans
exception, avaient pour point de depart des troubles nerveux alTec-
tant d’une manifere plus sp^dale, plus apparente, du moins, tantdt
la motility, tantOt la sensibility gyniirale, le plus souvenl ces deux
ordres de phynorniines 5 la fois.
» Que si ces troubles avaient yty myconnus, cela tenait, suivant
nous, a ce qu’ils n’avaient, dans bien des cas, qu’une existence
yphymfere, et, en vertu d’une loi de physlologie pathologique dont
nous aurons, par la suite, occasion de citer de nombreux exeniples,
et qu’on pourralt appeler loi de substitution, ytaient promptement
remplacys par des dysordres d’un autre genre, des dysordres de
I’ordre intellectuel.
» Passy cetle premifere phase, cette pyriode initiale du dyiire,
ryiyment psychique se trouve dysorniais seui en cause ; et dans la
trys-giande majority des cas, les choses restent en cet ytat jusqu’h
ce que la guyrison ou la lin mfime de I’existence vienne y mettre un
1) Voiia pour la folie pure, la folie morale, ainsi qu’on n’a pas
craint de I’appeler, comme s’il pouvait exister une modification
quelconque -de I’esprit, 5 I’ytat pathologique aussi hien, et mieux
encore, qu’a I’ytat physiologique, indypendamraent d’une modifi-
cation correspondante de I’organe chargy des fonctions intellec-
tuelles.
» 11 n’en est pas de mfime du dyiire nyvrosique.
» Dans sa forme type, c’est un vyritable myiange, une sortc
d’amalgamedephynomfenes nerveux proprement dils (mouvements
convulsifs, anomalies de la sensibility gynyrale et spyciale, etc.) et
de phynomfenes psychiques ; 5 ce point que I’ohservateur hysite 5 se
prononcer sur la prydominance de tel genre de nyvrose sur tel
autre.
» A vrai dire, cette forme est rare ; Je n’en trouve que deux
142 REVUE DES JOURNAUX DE MfiDECIlNE.
exemples paimi les malades aciuellenient prdseiites dans notrc
service.
» Presque toujours les accidenls nerveux alternent avec le ddlire,
dont la durde n’est jamais fort longue, el qui prdsente alors des
caractdres spdciaux ^ I’aide desquels il est possible de prdciser, ou
tout au moins de soupqonner sa nature particulidre, dans les cas ou,
faute de renseignements suiUsants, il serait impossible d’asseoir
sflreinent un diagnostic.
» Caractcres genirauo). — Conscience du delire. — r Un des plus
saiilants de ces caractferes, de ceux qui frappent tout d’abord, c’est
la conscience parfois tres-nette, parfois trfes-obscure (pour nous
renfermer dans les deux termes exirSmes), que les malades ont de
I’dtat de trouble intellectuel ou elles se trouvenl.
» Le naufrage des facultds n’est complei que dans des cas excep-
tionnels, et esseniiellement transiloires.
» Que Ton interroge les malades au plus fort de leurs divagations,
alors mdme qu’elles s’abandonnent & toutes sortes d’excentricitds,
d’extrayagances, que toutes leurs paroles trahissent le ddsordre de
leur esprit, qu’elles paraissent subjugudes par des convictions ddli-
rantes, des hallucinations de toute nature.... La premidre question
qu’oii leur adresse semble les reraetlre instantandment dans leur
bon sens, les reudre a elles-mdmes. Elles couviennent qu’elles ne
savent ce qu’elles disent, qu’il n’y a rien de rdel dans leurs vi¬
sions, etc.; ce quine les empfiche pas, une fois que vouscessez de
leur parler, de tenir corame en arrdt leur imagination vagabonde,
de retomber aussitbt dans I’dtat d’oii vous les aviez tirdes.
» De Id le contraste, I’espfece de contradiction qui s’observe gdndr
ralement entre leurs paroles et leurs actes, qui sont loin d’dtrc
empreinls du mdme ddsordre. Incapable, dlant abandonnde 4 elle-
nadrae, de coordonner ses iddes, de les enchalner logiquement,
I’lnlelligence que la lumidre intdrieure n’a pas compldlement aban¬
donnde, trouve encore la force de rdsister d ses impulsions.
i> Analogic avec le delire artificiel. — Par les caracldres que
nous venons de lui reconnaltre, le ddlire qui prend sa source dans
des conditions ndvrosiques persistantes et se ddveloppant paralldle-
ment aux troubles psychiques, ce genre de ddlire, disons-nous,
olfre la plus grande analogic avec celui qui est dd i Paction de
certaines substances sur les centres nerveux, du hachisch en pnrti-
culier (1).
(1) Voir notre Traite du hachisch, 1845,
143
JOUHNAUX FRAWgAIS.
» Tout le monde sail que ce qui caractdrise piincipalement le
mode d’action de I’extrait du chanvre indien, c’est la conscience
parfaite que conserve la personne qui en a pris, du d^lire qui
s’empare d’elle sans jamais la dominer d’une manifere absolue...
» Analogie aveo I’etat de somnambulisme. — Chez un bon
noinbre d’liysteriques et d’hystdro-^pilepliques, nous n’osons dire
chez toutes, si Ton suit aitentivement les ddveloppements de la
maladie, ses nombreuses variations durant les premiferes annfies,
les troubles intellectuels rev6tent d’une manifere frappante (sauf
quelques reserves) le caractfere de ceux que Ton observe chez les
somnambules.
» Contrairement a ce qui arrive dans le d^lire chronique essen-
ticl, la folie proprement dite, les malades sont eniiarement absor-
bfies en elles-mfimes ; tout point de contact avec le monde extdrieur
paralt etre an^anti; elles sont plongfies dans un 6tat de revasserie
dont rien ne peut les tirer, et qui se traduit au dehors par des paroles,
des actes mfime qu’une incoherence apparente rend inintelligibles
pour leur entourage, mais qui ont evidemment un sens pour elles-
memes. G’est, a quelques egards, Tdtat de rfivasserie d’un febrici-
tant, moins la fifevre, et aussi avec plus d’ordre, plus de suite, jo
dirais volontiers plus de raison dans les iddes. Ce n’est, a aucuq
litre, Tetat de Talidne slupide, chez lequel, en realite, et malgre
les apparences, il n’existe qu’une grande preoccupation d’idees, des
terreurs profondes, ce qui explique son mutisme et son immobilite
habiluels.
» Ces sortes de troubles intellectuels se montrent generalement
d’une mani6re intermittente, par acefes, et se jugent, ainsi que
nous le dirons plus tard en y insistant davantage, par des attaques
nerveuses, des convulsions ou de simples spasmes.
» Ils ne laissent absolument aucime trace dans la memoire des
malades, non plus que le plus simple et le plus fugitif des vertiges
^plleptiques, ou le sommeil le plus protond...
I) Mais, dit M. Moreau, la forme somnambulique n’est pas tou-
jours, il s’en faut, aussi nette, aussi tranchde qu’on vient de le
voir. Chez certaines hystiiriques, le d^lire se rapproche bien plus
de la folie ordinaire. Nous voulons dire que tout rapport avec le
monde extdrieur n’est pas rompu; qu’4 leurs id^es ddlirantes, e’est-
a-dire appartenant a un dtat mental, psychiquement parlant, iden-
lique avec un rfive, se joignent souvent des iddes raisonnables,
e’est-i-dire conques dans un 4tat de veille complet et puisnes dans
des impressions venues du dehors...
» D’antre part, enfln, 11 est des hystdro-^plleptiques dont Tdtat
hEVUE DES JOUftNAliX DE MfiDEClNE;
psychique olfce avec la melalicolie stupide de certaincs inonoffla-
niaquesjune analogie beaucoup pins frappante : lellefutM. A. R...,
Chez laqnelle la perturbation mentale sYtait definitivcment substi¬
tute aux accidents hysttro-tpilepliques et chez laquelle, encore, de
la ntvrose proprement dite, il n’ttait restt que des troubles par-
tiels de la sensibilitt gtntrale, lesquels forinaient un des tltmenls
principaux du dtlire.
» Erotisme. — Dans cette partie de notre travail oil nous trai-
tons des caractJres gtntraux du dtlire ntvropathique, on s’etonnera
sans doute, vu les idtes trfes-anciennement et encore assez gtntra-
lement rtpandues, que nous n’ayons pas mis en premifere ligne les
penchants trotiques.
» Mais on s’ttonnera bien plus encore quand nous aurons dit
qu’i nos yeux, la coexistence de ces penchants avec les ntvroses
dont nous nous occupons, loin d’ttre habituelle, est tout au con-
iraire un fait exceptionnel.
» Nous avons dans nos salles, habituellement, de trente-cinq ii
quaianle hysttriques ou hysttro - tpileptiques , dont I’tducation
laisse, assurfimenl, fort & dtsirer, et dont certains penchants, s’ils
exislaient, n’ont pu 6tre strieusement contrarits dans leur dtvelop-
pement.et leur manifestation. II serait plus vrai de dire, malheu-
reusement, que ces penchants trouvaient un aliment toujours nou¬
veau dans le dtfaut de moralitt des parents, dans leur ttat de
raistre, jusque dans I’exiguitt des lieux qu’ils habitent et qui est
telle, parfois, que pfere, mtre, enfants des deux sexes, sont con-
traints de cohabiter dans la m6me chambre, pis que cela, htlas ! de
partager les mfimes lits ou plutdt les mtmes grabats.
» Et pourtant, parrai le grand nombre de maiades que nous
avons soigntes depuis pr6s de cinq ans, trois seulement nous out
offert.ce que Ton entend communtment par I’erotisme des hystt-
liques. Chez Tune des trois, I’instincl g^ndsique avait atteint un
degr^ d’exaltation exceptionnel et tel qu’on paraltse complaire gdne-
ralement cl .se le reprdsenter,. .
» II n’en pent 6treditfiiremraent du sens gdniisique que des autres
instincts, des autres affections quelles qu’elles soient. A tons, I’exci-
tation cdrdbrale conffere non une vitality plus grande, mais ime
pi^ponddrance relative, c’est-k-dire provenant de la faiblesse, de
I’amoindrissement du sens moral, de la vdlontd consclente et
Sclairde.
» Sur I’ignorance de cette distinction est fondde, suivant nous,
I’erreur si rdpandue qui fail associer les iddes d’hystdrie et d’ero-
tisme, les confond presque, et les rend .synonymes Tune de I’auire,
JOURNAUX PRANgAlS. l/lS
)) L’liystdrie est, i nos yeux, un ^tat nei veux g^n^ral, se
laltacliant, dans sa genfese, aux causes physiques el morales qui
produisent indiirererament toutes les espfeces de ndvropathies ;
spasmes, chorde, dpilepsie, alidnation menlale, el non i une cause
unique, a un dial palhologique de Tutdrus.
» Les fonctions psycho-cdrdbrates se ressentent plus ou moins
de cet dial nerveux, ce qui explique, comme nous le disions lout &
I'heure, la faible rdsislance que certaines hystdriques opposent aux
entralnements du sens gdndsique.
» Caracteres particuliers. — 11 me resle li signaler certains fails
de psycbologie morbide, certaines iddes ddliranles qui s'observent
Chez les hystdriques el les hysidro-dpileptiques avec des caractdres
spdciaiix. Ges caractdres ne sont tels qu’en raison de leur origine
ndvropathique, el, par consdquent, dmineminent propres li rdvdler
la vdritable nature du ddlire, el a empdcher de le coni'ondre avec
tout autre d’origine dilTdrenle.
» IdSes de suicide. — En.premidre ligne se prdsentent les iddes
de suicide.
» Chez les alidnds ordinaires, ces iddes sont, & proprement pur¬
ler, des iddes logiques, nous voulons dire qu’elles sont la ddductiou
naturelle (sinon sensde) de convictions fausses, ddliranles, qui con¬
stituent comme le fond de la maladle, sous quelque forme nosolo-
gique qu’elle se prdsenie, gdndrale ou partielle.
» Les iddes de suicide, d’origine essentiellement ndvropaihiques,
ont un tout autre caracldre.
1) Ces iddes semblent, en quelque sorte, ne relever que d’elles-
radmes ; sans connexion logique, sans rapport de cause it effet avec
d’autres iddes, d’autres combinaisons de I’esprit. Elies sont Isoldes,
sans antdcddents, sans but; elles sont! il n’y a rien a dire de plus.
C’est comme un fait d’ordre physique; comme un phdnomfene, une
expression de lois gdndrales, organiques; comme une secousse
dlectrique, un vertige, un accfes dpilepllque. C’est une dpilepsie
intellectuelle.
» Comme les iddes de suicide, les impulsions & frapper, dd-
truire (les phrdnologues diraient : I'inslinct de la destruction), sont
empreintes d’un caraclfere d’instantanditd, d’automatisme, qui ne
s’observe gudre chez les alidnds ordinaires.
» C’est sous I’inDuence, la pression d’iddes de vengeance, de ter-
reur ; le plus souvent, dans le but de prdvenir un danger imagi-
naire, de repousser regression d’un ennemi, etc., etc., que ces
derniers se livrent d des actes dont ceux qui les enlourent, les
soignent, sont trop souvent viciimes.
AXN*L. MF.n. -PSYCH. 4® sdrie, 1. ix. Janvier 1867, 10.
10
146 REVUE DES JOURNAUX DE MfDEClNE.
» II n’en cst pas de ni6me des liysldriques el hysl^ro-^pilep-
liques. (Jnlrrdfeislible besdin d’tSlfeindre fortenient les objels qui se
tbouvefit 4 leUt portde, de frappfer, de'mordfe m^tne, de ddchirer
ieurS v6lemelits, Ou tout simpleinent d’injurier, de cheixher que-
feile, de taqulnfei’, d’exdtei' I’impalience et la coldre, etc., s’em-
pare d’elles brusqueraent, satis cause et, comme on dit, sabs rime
at raison. Elies h’en veulent aucunement aiix personnes contre les-
quelles elles s’emportent, ne sont mues ai par la haine ni par la
vengeance; I'iuipulsion, I’acte", senibient n’avoir aucune raison
d’etre et etre gouvernds par les m§mes lois que les mouvements
ddsordonhes qui constituent lettrs attaqUes...
1) PhinotnineS nerveux el psyehiques riunis. — Enfin, le ddlire
hystdrique et hySterO-CpileptiqUe se distingue encore du diSlire
Simple par un caraCtfere lellemeni accuse, evident, que nous nous
dtSpenserions de le meniionuer, si nous ne tenions it ne negilger
aucun des moyens propres a empecber que Ton ne confonde ces
deux genres de deiire.
» Void Ce Caractdre :
» II est des malades dont les allaques presentent, invariable^
ment, des accidents nevropatbiques et des troubles intellecluels,
non plus isoies, mais dans Uhe sorle de melange, tantOt alternant a
de brefs iniervalles, tantOt si intimement confondus, qu'il est diffi¬
cile d’y voir autre chose que les elements divers d’une settle et
mSme individuallie morbide : les uns et les autres ne forment,
en diet, qu’une seule et m6me individualite morbide.
» Nous avons deja dit qu’en dehors des cas, peu nombreux, oft
I’on Volt les troubles psychiques el les accidents nerveux se mC-
ler, se confondre dans un mCrne accfes, il en etait un beaucoup plus
grand hombre oS I’apparilion de ces deux ordres de manifestations
patholOgiques n’avait lieu qu’a des intervalles plus ou moins longs,
mais parfaitement limlias.
» Des accidents nerveux, de formes trfes-variaes, peuvent se siib-
stitUer les uns aux autres ; le fait n’est ignorC de personae aujour-
d’hui. Un mddecin des plus distinguCs de Geneve, M. le docteur
DuhaU, aUcien interne de noire service b la Salpfitriere, a fait, sur.
ce sujet, un travail remarquable qui mCrile d’etre consultC.
» Nous y reviendrons plus tard; pour le moment, nous voulons
insister sur cette particulariffi bien moins connue, a savoir, que les
perturbations intellectuelies et affectlves n’dchappent pas a cette
loi de substitution.
» C’est ainsi qu'on volt, chez un assez grand nombre d’hystd-
riqufes et d’hystero-dpileptiques, ces perturbations prdeeder, mais
• ••JOBRNAUX ;iig
4e; plus ordinaireiRent suivre. les. accidents npcveux , ipiefvje^at
ainsi, taiiiOt comme jugds pin- la criae n'erveuse, tantdt .la jugeant,.
.Bes mpdilicaiioas plus qu: mpius profondes, plus ou iiidius appa-
rentes dans les facultds ailecliyes, des iddes ^ijl}raples, une veri¬
table excitation, raaniaquej uueltiuefow un ptat de stupcur, ptc., tefs
sont lea prodromes certains d’une atiaque ou de pjlusieuiia. att^ugs
con'secuiives, ii la suite desquelles les ma^des recouvrent . ipuie
leuf integrite d’esprit. . ' ■ . .
I) llL IiHl symptomatologie de rhysiero-epilepsie offre cec-
taines particularites qui ne tonchent qu’indirectenlept k la question
principale dc notre travail, mais dont je ne puis, cependant,' me
dispenser de dire, quelques niots. . , ,
i-i) J[e ,yeux pArl,ci.' des dieinents pathplogiques qui entrent, pour
ainsi ,dice,,dans, ia composition .tie i’c^ecUon liystero-epiieptique,
de la fusion de. ces elements, iaquelle est -parfols assez intiin’e
pour constltuer, une individuaiue inorbide reelle.
1). Oubien i° il y a melange, dans un meme accSs, de pbenp-
rafenes hysteriques et epileptiques, et ce melange, cotnme nous le
disions tout it I’heure, pent etre tel dans quelque cas, que les tibii-
bles observes ont perdu,- eu quelque sorte, toute caracterisiique, qt
ne se presentent plus que sous un aspect commun. •
I) Ou bien 2° ces phenombnes existent isoiement, se niontrant
tour it totirsans regulariie, sans ordre determine, cbez, le meme
malade.
» Les auteurs anciens ont meconnu rhystero-epilepsie, Aujour-
d'hui, depuis Esquirol qui, le premier, I’a nettement deiinie et liii
a assigne une place dans le cadre nosologique, elle estgeneralement
admise, pardons lesmedecins du moins, qni se trouvent places dans
des conditions sullisantes d’observation, et h la tftte d’agglomera-
tioBs pips ou moins considerables de malades... : .
a Fusion des phinomenes psydhiques. — r Quand on etudle avgc
soin le deiire hystero-epileptique ; quand on se iivre a un examen
comparatif des deux sortes de lesions mentales qui sont plus pgrti-
cBlitrement propres 4 Thysterie, d’une part, del’autre it i’epiiepsie,
on constate une sorte de melange ou- de fusion des phenomitnes,
analogue it celle qui existe physiquement. G’est ainsi que cliez des
hystero^epileptiques dont la maladie qst deji ancieune, et par con- i
sequent lenace, profonde, on voit apparalire graduellement el s’ac- '
cusant chaque your davantage, la soudainete, rircesistibilite des
impulsions, , raO'aiblisscment de la meraoire, et, parfois mfime,
quelques symptpmes de demence ; comme si la plus grave des deux
maladies reuiiies sur le meme sujet (I’epiiepsie) Aendail invincib'jer
4/|8 REVUE DES JO'URNAETX DE MfeDECIISE.
nieni a se subsiituer cha(iue jour de plus en plus a cellc qiii I’est
moins (rhystSrie).
De la, on le coinprend, Texlrfime importance d’un diagnostic
exact, I’int^rfit qu’a Id mtidccin de saisir, dts leur premidre appari¬
tion, les phdnomdnes dpileptiquessurvenantdans le coursde I’hys-
tdrie, phdnomdnes dont la prdseiiceest de nature a modifier si pro-
fonddment et la mddiftition et le pronostic.
» Coexistence, chez le meme sujet, de I’hysterie et de I’dpilepsie.
Nous avons ditqu’il existaitune classede malades chez iesquels les
deux afiections se montraient coincidemment, mais nettement sdpa-
rdes, et n’envahissant le sujet qu'alternativement.
» Cette classe, il faut se garder de la dlstinguer absolument de la
premlfere dont nous avons fait mention; car, a notre sens, elle n’a,
en rdalitd, qu’une existence purement iddale ou artiflcielle ; et la
raison en est que, si chez les malades les crises hystdriques et dpi-
leptiques se raontrent parfois Isoldes, eiles se confondent le plus or-
dinaireraent, « se pdndtrent rdciproquement, » comme s’exprime
avec tant de justcsse M. le docteur Ounan.
» L’un de nos prdddcesseurs, Georget, a dmis I’opinion que I’hys-
tdrie el I’dpilepsie n’dtaient qu’une seule et radme maladie envisagde
a des degrds d’iniensitd diffdrents.
» Une foule de raisons militent contre cette manifere de voir ;
mais il est un fait que nous ne pouvons omettre de signaler, II est
d’expdrience journalidre que, chez le plus grand nombre des hysld-
riques simples, la ndvrose a une tendance exirdme a se convertir
en hystdro-dpilepsie, et, d’autre part, que, chez les hystdro-dpilep-
tiques, les accfes dpileptiques francs, ddgagds de tout mdlange,
finissent, le plus souvent, mais aprds une certaine durde dont il est
mpossible de fixer la longueur, par se subsiituer entiferement a
I’hystdrie. Nous avons dans nos sailes bon nombre de vieilles dpi¬
leptiques qui y sont entrdes hystdro-dpilepliques, quelques-unes
simplement hystdriques.
» Comme I’dprlepsie, enfin, I’hystdrie (convulsive) peut se conver¬
tir brusquement en une ndvrose d’un caractdre dilldrent, laquelle,
a son tour, pourra, plus ou moins de temps aprds, disparaitre et
cdder la place k la ndvrose primitive...
» Ajoutons, pour clore cet article, que, dans queiques cas, la
ndvrose, que j’appellerais volontiers intercurrenle, en se substituent
d’une manifere perraanente, ddfinitive, aux crises hystdro-dpiiepti-
ques, simule une bonne et solide gudrison ; tandis qu’au fond, il n’y
a rien de changd que la forme de la maladie, dont les apparences
symptoms tologiques ne sont plus les mdmes.
JOURNAUX FRANCAIS. 149
» Traitement. — Nousavons employ^ la rafime medication conlre
les ditferentes ndvroses dont nous nous sommes occupe precedcm-
ment : epilepsie, hysteric et hystero-epilcpsic.
» Tout en admetiant, avec la Irfes-grande majoriie des auteurs,
line distinction radicale entre ces maladies, principalement entre
ia premiere el les deux derniferes, au point de vue symptoraatolo-'
gique, au point de vue, surtout, du degre de curabilite; cependant,
en raison de leur coraratinauie d’origine envisagee sous le double
rapport de I’herediie et des causes occasionnelle.s, nous ne saurious
etre aussi absolu quant 4 leur nature essentielle, bien que celle-ci
nous soit4 peu pieslnconnue fauie de donnees sufOisantes sur son
substratum organopathique.
» Voilit pourquoi nous avons jugd 4 propos de soumettre au meme
traitement: eplleptiques, hysteriques et hysiero-epilepliques.
» Disons tout de suite que nous aurons trfes-peu 4 nous occuper
des premiers, pour une raison que nous regretlons d’avoir a signaler;
c’est que, ici, nous ne comptons que des insucc4s ; quelques ame¬
liorations momentan4es, si Ton veui, mais rien de stable, rien
qu’on ptiisse, de pr6s ou de loin, prendre pour de vdiitables gud-
risons. Et encore, est-il .infiniment probable que ces ameliorations
devaient 6tre altribudes bien plus 4 ce que la medication mise en
usage etait nouvelle, qu’4 son eiBcacite reelle et intrinsbque.
» A ce propos et ineidemment, qu’on nous permette de revenir
sur un fait dont Timportance est considerable, au point de vue
pratique, fait generalement ignore des medecins qui n’ont pas une
tris grande experience des maladies nerveuses.
u Esquirol a fait le premier, je crois, ia remarque que les accbs
d’epilepsie — nous ajouterons les attaques d’hysterie et d’hystero-
epilepsie, — eprouvaient un temps d’arret plus ou moins long,
chaque fois que le raedecin trailant faisait usage d’un nouveau re-
m4de, ou meme faisait semblant.
» II suifit encore, pour que le meme effet se produise, que le
medecin habituel soit remplacd par un autre rnddecin.
» Ces fails nous sont connus, et nous avons Toccasion presque
journaliere de les observer dans notre service. Une remarque qu’il
importe de consigner ici, c’est que, lorsque cette suspension des
accidents nerveux a lieu, les accfes acquiferent, tout d’abord, une
gravite qu’on ne leur avait jamais vue auparavant, gravitd qui
crolt en raison direcle de I’espace de temps qu’a durd leur suspen¬
sion, et qui peul aller jusqu'4 comprometire la vie des malades...
» Gela dit, nous exposerons les moyens de traitement que nous
avons employds ; mais auparavant, disons quelques mots de cer-
150
KEYUE DES JOnRNADX DE MfiDECINE.
mine mfithbde curative toiijonrs fort accr^dil^e parmi les gens du
nrahde etin6me (cela du .mom.s r^snltedes renseignements fournis'
par les malades et les parents des malades) pr^cpnisde par quelques
praticlens;
'» Kons VonloDS parler du MARiAGE.
- » Nousne pouvonsnous expliquer, vraiment, comment I’ldde de
reCdurir au manage (et sons cette appellation nous entendons desi¬
gner Pdefe que le mariage legitime et la grossesse qui, dans la pin-.
part des cas, en est la conseqnence ordinaire) comme h un moyen
de traitement, a pu gernier dans les esprits, el se popularlser au
point od nous la Toyons encore aujourd’liiil.
» Gela se comprend, sans doute, pour I'liysierle et rndme I’liys-
tdro-epilepsie, en raison des opinions longtemps regnantes stir la
nature dcces maladies que Ton voulait, i louie force, rattaclier 4 je
lie sais quelle surexcilation genitalc; mais pour I’epilepsie I
; » €e qui est certain, absoiument certain, h nos yeux du moins,
(Pest que mil fait bien constate n’a jamais fourni le plus Idger pre-
texte h la propagation de ce prejuge.
« Stir on total de 287 malades, qui composent notre service, nous
en Comptons environ 187 qui ont use du mariage (legal ou illegal),
la plupart dans le but exprfes de se debarrasser de leur terrible
maladie. Parm! elles se trouventS hysteriques, 17 hysiero-epilep-
tiiines, et 162 Cpileptiques. <
« Or, non-seulement aucune d’elles n’y a trouve la guerisou,
tbais encore le plus grand nombre, sinon toutes, y out puise une
aggravation immediate de i’affection dont elles etaient aiteintes.
n n en est done, du mariage envisage comme moyen tfierapeu-
titjde, comme de ces mille Temfedes qui, ainsi qu’on i’a dit un peu
crftment pent-6tre, mais fort juslemeni, neguerissent qu’entre les
mains de ieurs iriventeurs. Pins rigoureusement encore que toutes
ces panacees, il doit etre proscrit par lout uiCdecin edaird et cons-
ciendeux, eii tant que moyen de propagation par vole d'heredHi;
de la plus affreSse des maladies qui puissent affliger respice bu-
niaine.'- ■
-1) MedieeAions jdiverses. — A Pimitolion de mon iilustrc maltre
Es^irdi, je m'''etais Halt et je me fais encore aujoord’hui une regie
d’experimenier par moi-metne la piupaf t des rembdes qui ont etd
prbnes, lour a tour, CftBtre 1’epilep^e...
s raiTlve done de suite an mode de traitement qiti, sans nous
satisfaire edmpictement, loin de IS, nous a, lontefois, para digue
d'etre pTM eh sdrieuse coiisidAratiott par les pra tldetis. '
>i "nijdroMraphJ—‘t>H''mm 'entree ii'.la SaipeU'ibre, jiavais eu
JOURNAUX FRANC AIS. 151
la pens^e d’essayer contra les ndvroses qua j’dtais appall h soigner,
un renifede, ou plut6t une medication qni, bien qu^admise depuis
pen da tamps dans ia pratique ordinaire, etait pass^e rapidement ^
I’diat... est-ce trop dire? da panacea presque universelie.
» Je veux parler da riiydrotherapla...
1) En 1861, dans mon service d’aiiends, 6 Bicfitre, j’avais obtenu
d’excelients resultats da simples douches pratiqueas exclusivement
le long da la colonne vartebrala.
I) Dans un voyage qua j’avais fait en Aliemagne, pen da temps
auparavant, j’avais vu cette methode empioyea avec gucefes par la
docleur Ideler, medecin en chef de I’asile d’aiienes da Berlin (1)...
I) Depuis cette dpoque, ia douche vertibrale est le mode da trai-
tement, je ne dis pas exclusivement, mais presque exclusivement
employe dans le service dit des dpileptiques 6 la Salpfitrifere.
» Quels en ont ete les resultats? e’est ce qu’il me reste 6 exposer
sommairement ; je dis sommairement, parce qua si nous vouHoiJs
relater ici dans tous leurs details, in extenso, les nombreuses peri¬
peties du traitement comma elles ont dte notees par les eifevas du
service, MM. Dunan, Duguet, Peuleve, Monod, jour par jour, acefes
par acefes, nous lomberions inevitabicment dans (las rdpetilions fas-,
lidieuses, et un volume n’y sufflrait pas.
- » Voici d’al)ord de quelle manifere les douches ont dte adminj$-
trees : La malade, apris avoir ete, prealablemant frotieepar toutle
corps avec une eponge grossifere imbibee d’eau, puis placee dans;
une baignoire vide, un jet d’eau frpide est dirige exclusiveniepi.le
long de la colonne vertebrale. La duree de la douche n’exc^n p@s
ordinairement trois 6 cinq minutes. La force de projection etaut
irfes-energique, ce temps sufiSt pour determiner sur les legumeijls
une rongeur plus ou moins vive, comme erysipeiateuse.
» Chezcellesde nos maladas (et le nombre enest trfes-grand) dont
la menstruation presente des irregularites, la douche est portee en¬
core pendant une ou deux minutes sur le pubis, moyen dont nous
avons plus d’une. fois cpnstai^ refBcacite pour retablir les choses
dans leur etat normal,
» Au sortir de la salle de bains, quand le temps le permet, les
malades se rendent au gymnase, oh elles se livrent, pendant une
demi-heure ou une hence, aux exercices d’usage.
» Le nombre des malades qui ont ^td soumises, jiisqu’ici.autraiv.
(1) Voyez Notes sur. les 4tctblissemetiM d’altshds de Siegiwg, Halle,
Dresde, etc, {Ionian medicale, annee 1853,)
152
KEVUE IJES JOURNAUX CE, MEDECINE.
tement piir les affusions viu-iebrales esl de 66, sur lesqiielles nous
cbmploiis 32 bpilepliques, 19hysibro-epilepliques,et 15 hysldriques.
» Parrai les premiferes, one quiiizaine, environ, oul dprouvii une
Ibgbre amtilioralioii qui se mainlient encore h I'lieiire qu’il. est;
c’est-5-dire qiie lesacces ont perdu delenr violence, en inbme temps
qu’ilssonl devenusplus rarcs. Lereste a eprouvb une ambiioration
beaucoup plus marquee, tant au point de vue de la frequence que
de-l’intensitd des crises. C’est ainsi que telles malades quiavaientun
ou plusieurs accfes par seuiaine ct mbme par jour, el, en plus, des
vertiges qui duraient de dix 5 vingt minutes, sent resides un mois
et plus sans rien ressentir, ni vertiges ni acebs.
1) Hystero-epileptiqiws. — Les douches vertbbrales pnl eu sur les
malades de cette catbgorie, des rdsiiltats, sinon compibtement salis-
faisants, du moins de nature 5 faire concevoir de siirieuses espb-
rances, I'orsqu’elles seront adminislrbes 5 des malaxes placees dans
des conditions de curability moins ddfavorables que ne I’ytaient les
ndtres.
■> Sur 19 malades traitbes, nous comptons 2 guerisons vraies, in-
contestables, 2 sur lesquelles nous n’oserions nous prononcer avec
la m6me assurance, une enfin que nous sommes obligbs de gralifier
du pseudo-guerison.
» Des 16 autres malades, 9 se sonl trouvyes plus du moins bien dp
traitement, mais pas assez, jusqu’a ce jour du moins, pour que nous
puissions les dire gudries, 5 sont resides 5 peu prds dans le
statu quo...
» HysUriques. — Sur 15 hystdriques traitdes par les douches ver-
tdbrales, nous avons obtenu 7 guyrisons;6 malades ont dprouvd
une grande amyiioiation, dquivalanl presque h une guerisoncorapifete
pour 2 d’entre elles ; les deux autres n’ont dte que faiblement
amdliordes... Berger.
{La suite prochainement.)
JOURNAUX ALLEMANDS.
AIlKemcine Zeitscbrlft fur Psyctalatrlp,
Analyse par M. le D’' Kdhn.
Annde 1864 (suite).
6® Quels sont les avantages du systdme de Gheel pour la guerison
des alidnds, par le docteur Fr. Wiedemeister, 5 Hildesheim.
Le docteur Wiedemeister n’a pu mieux rdpondre 5 cette question
qu’en comparant les rdsultats divers obtenus dans quelques asiles
d’Allemagne avec ceux obtenus 5 Gheel. II s’est servi d’un rapport
JOURNAUX ALLJiMANDS. 153
du docteur Bulckens sur la colouie de Gheel (amides 1856, 1857,
1858, 1859).
L’auteur prouve, dans une com-le descriplion, que la colonie de
Gheel e.sl dans de trts-mauvaises conditions pour le malade. D’abord
le terrain est pen propre h la culture; ensuile les maisons n’onl
qu’iin diage et consistent ; I" en une cuisine oCi un feu de tourbe
couve continuellement. Cette cuisine sert non-seulement 5 la prdpa-
ralion des aliments, niais encore elle est un lieu de rdunion pour
tons les gens de la maison : liommes, femmes, enfants, servants,
sains et malades, propres et raalpropres, Iranquilles et agitds, dpi-
leptiques, maniaques, etc. Elle sert en mdme temps d'atelier, d’au-
berge et d’eslaminet. 2" A c6td de la cuisine se trouvent, en gdndral,
les chambres 5 coucher. Ces pieces sonl incompidtement fermdes.
Dans ces localltds, on comptait, au 31 ddcembre 1859, jusqu’5
■ei-V nourrioiers ; 698 malades pauvres ; 102 pensionnaires, qui, en
gdndral, sont mieux logde. II y a en outre un certain nombre de
pensionnaires libres. Mais, ce qu’avant tout on vante de ce paradis
des alidnds, c’est la libertd dont ils jouissent en vivant au milieu
d’une population saine d’esprit ; ce qui leur perinet de prendre part
aux joies et aux peines que peuvent dprouver les families qui les
entourent. Dependant une partie des malades, 68 sur les 800 sus-
nommds, sont enclialnds, comme cela se pratique aussi dans les
autres asiles. Ces malbeureux portent aux pieds une chaine Ibngue
de 30 centimfetres, qui paralyse leurs mouvements. D’autres ont des
courroies de force qui leur lient les mains jour et null. Les agitds
sont surveillds 5 I’infirmerie. Enfln quelques-uns, par mesure de
sdcuritd publique, sont dloignds de Gheel. Dans I’espace de quatre
ans, 8,3 pour 100 sur les admissions ont dfl ainsi dtre dloignds.
On cite 5 Gheel, comme avanlage sur les autres asiles, I’occupa-
tion que les malades y trouvent. C’est vrai, beaucoup aident les
paysans dans les champs, d’autres travaillent avec les ouvriers on
s’occupentau mdnage. Sur 800 malades, 501, c’est-A-dlre 5/8, sont
employds au travail, pendant que 3/8 sont oisifs. Dans ce nombre
sonl ceux qui font ies moindres travaux (peler des pommes de terre,
par exemple).
Le docteur Wiedemeister compare le chiffre des gudrisons de
Gheel avec celui d’autres asiles d’Allemagne, el il oblient pour
rdsultat :
Garrisons. Ainoliorations.
A Gheel . 18, »7 p. 100 . 8,10 p. 100.
A Siegburg . . . , . 30,8 p. 100 . 8,81 p. 100.
A Tienne, 35,8 et 35,9 p. 100 ....... 15,28 p. 100.
A Hildesheim . . . 37,3 p. 100 ....... 11,7 p. 100.
A Illenau . 05,5 p. 100 . 26 p. 100.
15a REVUE DES JOURNAUX DE MfiDECINE.
, L’^norme. dilKrence que nous remarquons dans les gu4risons est
encore plus frappanle dans les dec6s. II meurt li Gheel presque trois
fois plus do malades qu’il n’cn gn^rit, et six fois plus qu’Il ne s’en
ain(iliore-;ainsides admissions, lien meurt /i8,76 p. 100 A Gheel, pen¬
dant qu’il n’en meurt que . 33,09 p. 100 iHildesheim
33,06 p. 100 i Vienne,
13,00 p. 100 hlllenau,
8,81 p. 100 k Siegbourg.
. Le nombre des Evasions est aussi lu6s-consid^rable, 3,ai p. 100
a Gheel, tandis qu’il n’y en a que 0,48 p. 100 k Vienne. Gheel I’em-
porte encore pour le meurtre, les grossesses, le suicide.
, La mfilancolie est la forme d’alidnalion qui donne le mellleur r4-
sultat k Gheel; il esta peu prfes le mOme que dans lesautres asiles;
mais il n’en est pas de mOmede la maiiie qui est de 48,8 p. 100 a
Gheel et de 60 p. 100 k Vienne.
Il est certain qu’il exisle dans le sysiemc de Gheel un empfiche-
ment k la gudrison de la manic. Celle affeciion est, en g^ndral,
reconmie parlout pour fitre la forme la plus propice k la gukrison.
Gheel reqoit plus de maniaques que les aiilres asiles et il en gudrit ,
moins.
Il s’agirait de savoir malntenant quelle en est la cause. Le doc-
teur Bulkens Pexpllque par le rayonneraciit vif du soleil, qui exerce
sur I’inhervallon une Influence favorable au ddveloppement du
ddsordre menial et occasionne des exacerbations, des exaltations
chez les alidnds. L’inconvdnient des rayons du soleil exisle dans.les
autresaslles; el, k part cot inconvdnient, il est toujours prdfdrable
de faire travailler les malades en plein air.
Pour ce qui regarde la grande quantild de ddeks k Gheel,
48,76 p. 100 series admissions, on ne'peut draellre k ce sujet que
des soupqdns. Deux causes peuvent dire relatdes ; 1“ qu’il n’’y a pas
assez de malades gudris; 2" que le traitement et les soins ne sont
pas suflisanls aux malades. Le mauvais logement y est pour beau-
coup. Les paralyliques, par exemple, ne trouvent pas Ik les soins
qui lour conviennent dans leurs derniers moments. Ces malades
prdsenient des plaies profondes, sup^ul'autes, des eschares larges,
la gangrfene; ils constituent alors daw la maison du nourricler un
foyer d’infeclion. Que les malades soient aussi bien solgnds par les
paysans de Gheel qu’ils le sont dans les asiles, c’esi fort douieux.
Pour he pas pousser plus loin la recherche des causes dq la mor-
talitd, nous dirons, en rdsumd : que rexpdrienqe a prouvd qu’k
Gheel, un tres-petit nombre d’alidnds sqrtent gudris, et qu’une
grande quanlild y- meurent ; que le syslkme de Ghqel n’est pas
J0URM4UX ALLEM41N0S*
155
favorstble &; Ja::gii6rjson; ea g^o4i'al, el qu’il est uia obstacle 5 la
ga^fjsoa de la naaie, la forme la plug frdquenle du trouble meatal.
- 3* fascicule.
5? Fait intdresgaat pour I’^tude deg maladies mentales douteuses,
. par le docleur Wille, i Goeppingen.
L'anteur rapporte dans tons ses details une observation d’une
lypdmanie pdriodique, et insists surtout sur les anl^cddcnis du
malade comme moyen de reconnaitre le trouble mental el son.
caractfere.
6® Soustraciion de calorique, comme moyen curalif, dans la
melancholia agitans, par le doctenr J. F. H. Albers,
An nombre dtis mddicamenis employes contre la melancholia
agituns se Irouvent, en premifere ligne, Ics calmants et les excitants ;
au premier groupe appartiennent I’opium, les bains lifedes, le re¬
pos; au det;nier, le vin, la vaMriape, le castordiira et le muse; mais
il est reconnu qne I’emploi de ces mWicaraents reste spuvent sans
r^sullat, et que Ton se volt alors obllg^ d’avpir reconrs It d’autres.
moyens. II exisie une forme de mdlancolie, oCt Ton remarque une
dilatation gdndrale des veines, surtout aux extrdmitds Infdrieures,
aux joues et dans les conjonctives; Ig m€rae dilatation se remarque
dans le ceryeau, elle constitne le stimulus et cause une excitation
continuelje,
Les ma)ades soujt d’une maigreur excessive, jls sent insensibles
au froid el IfP temperature de leur corps est dlevde. L’appdtit est
bon etpiutbi augraentd, les sderdtions sent actives, mais avant tout
il existe une grande insomnie. Plus longue est la durde de la ma-'
ladle, plus grande devient ragitaijon, an point que le, malade se
ddebire et brjse tout ce qui Venloure, Ces malades deviennent plus
tard gSteux, mglpropres, etc. Cet ^tat egt gendralement accompagnd
d’iddes trisieg ; les malades se croient coodamnds, ne voient que
malbeur partout, mdme' dans Je. bonbeur, etc. Pans ces cas, I’auteur
a obtenu du repos.et la gudrispp complfete en soustrayant au malade
une tempdialure dgale, rdguiifere, au moyen des bains prolongds.
a JO® it. La mdlancolie ayec agitation se remarqiie sonvept cbeg les
femmes a la suite de couches, surtout, cbeg celles qui, pendant la
gestation, olfraient des varices aux meipbresinfdrieurs,
7® Du trouble mental eansd par le ddveloppement d’dchinocoqiies
dans le eerveau de Pbomme, pour servir it I’etiologie.des maladies
psychiques, park docteur J. Koch, Saint-Pdtersbourg. .
Les (ichinocoques ont tile pea etudks par les ikvropalholdgistesj
1'56 KEVUIi MS lOtIBNAUX M MfiMCINE.
soil au point de vue do ieur importance, soil A celui de ieur fre-
quente pr^sence dans le cerveau el la moellei dpinifere. Les recher-
ches anxquelles le docleur Koch s’est livrfi soiU d’un grand int€r€t
pour la psychiatrie et I’^tude des maladies nerveuses.
Get auteur ^tudie particnliferement les dchinocoques du cerveau,
que Linn^ avait dgji observes dans cet organe et auxquels 11 a donn^
le nom de Tmnia cerebralis. Aprfes Linnd, Zeder et Goeze les ont
appelgs polyciphales. Le docteur Koch d^crit avec precision le dia¬
gnostic dilldrentiel des diverses tumeurs du cerveau ou I’on ren¬
contre des parasites.
Sympidmes : Au d^but, cSphalalgie, puis verliges. Les maux de
tete augmentent d’inlensitd et deviennent persistants. La mtimoire
dimintie progress! vemeni ainsi que rinlelligence. Les verliges .se
iransforment en convulsions dpileptiformes, qui ont le caractfere
propre de jeler le malade en avant, sans lui laisser la faculty de
pouvolr dviler les objels qui se trouvent devant Ini et qu’il heurte.
A la diminution de I’intelligence s’ajoutent.au d^bul, de I’aneslh^-
sie, de rhdmipl^gie etde I’hypercstMsie des organes sensilifs; plus
tard les facultds se perdent compl^lement, la d^mence est la conse¬
quence de cet eiat et la moi l en est la terminaison forcee.
Les signes pathognomonlques et caracterisliques de la presence
des echinocoques dans le cerveau sont surtout : une forte et conli-
nuelle cephalalgie, une diminution rapide de la memoire et du reste
des facuUes intellectuelles, le trouble fonctionnel des divers organes
des sens, surtout de la vue, de I’ouTe et du tact, etc. De plus, les
convulsions propres el caracieristiques qui ne se voienl dans aucune
autre alTeciion c^r^brale; ellcs ont beaucoup de ressemblance avec
le tournis des moutons, qui Iui-m6me reconnatt pour cause la pre¬
sence d’un ver, le Ccenurus cerebralis.
Les cas d’^chinocoques dans le cerveau, qui suivant Ieur carac-
tfere appartiennent Si la categorie des neoplasmes, et qui ont des
symptOmes commons avec les tumeurs et les hydatides du cerveau,
comme, par exemple : le sarcome, le fongus mddullaire et les cysti-
cerques du cerveau, se distlngnent essentiellement de ces derniers
par les caractferes suivants ; le cyslicerqiie n’entraine pas I’homme
dans la ddmence comme les dchinocoques ; il occasionne pliltht des
accfts d’^pilepsie qui durent jusqu’i la niort. Le sidge du Cysticercus
celluloscB se tronve, comme il paralt, plus souvent dans les parties
periph^riques du cerveau, dans la substance grise, dans les circon-
voluiions; tandisque les gcbinocoques n’ont did tronvds, jusqu’ici,
que dans les cavitds et siirtout dans les hdmisphdres, dans les troi-
sidme et quatrieme ventricules.
JOURNAUX ALLEMANDS. iS?
Pendant le d^veloppement des ^chinocoques dii cerveaii, on
irouve consiamment un affaiblissenient de la memoire et des aiilres
faculids, en un mot, tons les signes de ia d^mence. Les cysiicei ques
n’offrent pas cette dernifere particularity ni celle de la cyphalalgie.
Done, rychinocoque se distingue facilement des autres tumeurs
du cerveau par un symptdme caractyristique : une marche progres¬
sive jusqu'a la mort.
*• fascicule.
8" Tabes dorsualis (dygynyrescence' grise des cordons postyrieurs)
et Paralysis universalis progressiva, par le docteur Westphal.
— Suite.
a® Du traitement de la myiancolie par I’opium, par le docteur Tigges,
5 Marsberg.
L’auteur allemand rapporte tienle-neuf cas de , myiancolie ,
hommes et femmes, soumis h I’opium. Ce mydicament, administry
a petites et fortes doses, a yty continuy pendant plusienrs mois, Le
docteur Tigges n’a pu oblenir qu’une seule guyrison complfete par
cette mydicaiion. Le rysullat a pliitOt yty facheux dans le plus
grand nombre de cas; dans d’autres, il est resty indiiTyrent oti
nul. ■
10" Instrument simple servant a difiyrencier la dilatation des
pupilles, par le docieur F. Obernier, mydscin assistant, &
Siegbourg.
L'inygaliiy des pupilles est souvent tellement marquye chez les
aliynys, que de loin elle frappe dyja les yeux. aiais cette dilfyrence
est quelquefois si peu sensible, que nous ne pouvons la distinguer.
On ne dolt pas pour cela adnietire qu’elle n’existe ryellemcnt pas.
On la remarque surtout cbez les paralytiques. D’autres affections
peuvenl offrir cette particularity, et I’instrument bien simple du
docteur Obernier pent alors 4tre d’lin grand secours, etpour recon-
naitre qu’il y a dilatation inygale, et pourjuger en m4me temps de
la plus petite diffyrence.
Get instrument se compose de deux petits miroirs i-yunis par une
griffe de nlani6re a former un angle de 200 a 210 degrds. 11 est sur¬
tout indispensable que les deux surfaces reiiatent exactement les
images. L’action de ce petit Instrument repose sur les lois les plus
simples; les rayons lumineux se rellfetent et se ryunissent dans
Tangle mfime formy par les deux surfaces ryflecteurs. L’lnstrument
placy devant les yeux, on remarque un ceil dans chaque miroir. On
rapproche alors les deux plaques, de maniare qiTelles ne prd-
.sentent plus que la moitiy de chaque ceil, ryunie par la partie md-
158
EI5VUE .Ma JaUKNAUX DE MtDECINE.
.aiaEQi.cll’on n’aperfioil,plu§:qii’uB.seal (Bit. g’it y A dUTdrenfaedins
la dilaiallon ties pupi|l@s, ,e)le;est .facile ia' reconnaitret. car .UDeales
.mojiidsiseta .pLoa petile qu? rauivek G’calia le Jbut principal de , I’in-
stfiinJeftii L’jnyemeilfcse propose d^y jouidre iin appareil desiiad ii
mesurer ’en, di^rae .temps Igs piipilles, afiii ,de; pouvolr reprdsenter
par deaiCjMffsea.la lUff^ifeace de ,ce?,d«ds organesj .
11“ Suppldment, 4 I’article Tabes dorsualis, etci* p4r ledoCtSOr
G. Westphal.
. , ■ ; - , • 5- et 'O' fascicules. • • ,
12“ SubMattte grise de nouvelle formaiion dans les parois des veu-
iricules laidraux, et d’une slruclure anormale, non encore ddcriie,
des- membranes du cerveau par hyperpldsie de snbstaiiCe cdrtf^
cale grise. . ■■
La fotroalion de snbshnpe, grise. dans les ventHcules du cerveap
esi une des maladies Ips p'|us‘rares et les"" pi us singuliferes chez le's
alidnds., C*esl ,1c ptpfesseur Virchow qui. Id premierj a fait les rd-
chercheS les plus exacies.sur ceue anomalie. ddtte alTection est pen
conuue,- et ran est.encore 4 se demander si ce ddveloppement anor-
mal de substance grise est congdnital, ou bfen s’il est possible qu’il
puisse se former pips lard., Les opinions sont, partagdes sur^ce
sujet. .
L’auteur rapporte uh cas de ce genre de maladie, qu’il a pu
observer chez un idiot dpileptique. Gette observation offre assez
d’ihtdrdt pour qtiej’eh donne une descripiionsommaire.
Michael Schattkowski, garijon de dix-neuf atis, dpileptique de-
puls son enfance. Le pfer.e dtait up Ivrogne 'et s’est suicidd. A six
mols, Schattkowski eiit une forte convulsion, suiVle de paralysie de
la langue, et 4 parlir de ce moment les membres du cOtd'droit son!
restds atrophids. Ni I’intelligence ni la parole ne se sont ddvelo'p.-
pdes. Vers I’Sge de neuf.aus, Schattkowski commenija seulement a
prononcer quelqiies mots trfes-imparfaits. Vers dix ans, it eut des
accfes d’dpjlepsie plus frdquenis, qui n’oftt fait qu’augmeiifer de
jour eit jour; la diarrhde s’ensuiyit, puis les tubercules putmonafres
et enlin la moil.
Autopsie. — Vodle du crane petite, symdtrique, trds-dpaisse ;
sutures normales, front aplati, prodminence de la parile posld-
rieure, face interne du crane lisse, sans nervures, adhdrences le
long du sinus longitudinal avec la dure-mfere; mdninges minces,
friables et adhdrenles a la dure-mfere Vers la partie Infdrieure et
froutale; quelques granulations de Pachioni; dpaississement a la
partie supdrieure et par plaques de Tarachnolde. Le cerveau rem-
lOURNAUX . ALtEMANDS, : ; <159
plit exactemenl la cavii6 de la dure'-mJire, les deux veniiicules laddr
raux soiu ufes-dllat^s, les plexus choroides spnt Je siege de cystoides
de la gi.osseur de grains de moulardei Ala face exlernp,, supilneure
et posi^rieuie de ces ventricules, vers la partie la plus recuide de la
come poslerleure, on irouve.en grand nombre, de petjts corps roods
et ovaiaires de substance grlse, pale, l^gfirement; jaune rouge ef
brillanle, de la grosseur de 1 a 10, millimetres dp diamfetre. C’est
vers la partie posterieure qn’ils sent le plus abondanls, surtout od
la partie supdrieure s.e rdiinit a la partie externe. Ces corps sont eo
gdndral Isolds, etleur sommel ddpasse a peine le niveau de la paroi
dn ventricule. On remarque a la pdriphdrie de ces corps un rebord
blanc et mince. lls sont recouverls par I'dpendyme. On voit par la
section qu’ils sont formds de masses arrondies de substance grise.
Plus on s’approcbe vers la partie posidrieure des ventriciiles, plus
ces corps deviennent nombreux et serrds les iins centre les autres-,
de sorle qu’il ne reste plus qu’une petite quaniltd de substance
blanche pour les sdparer. Par diverses sections, on a pu remarquer
que ces masses n’ont aucun rapport avec la substance corticale,
elles forment ainsi des corps Isolds de substance grlse.
La substance Corticale des deux lobes postdrieurs du cerveau
n’oilre pas moins d’intdrfit. Elle n’est pas d’une dgale dpaisseur et
prdsenie des musses sinueuses comme formdes de deux et parfols de
trois couches superposdes, dont la superposition coniinue seule avec
les circonvolulions, tandis que les couches internes sont plus on
moins Isoldes, entourdes de substance blanche et formant des masses
rondes de substance grise. Elies envoient des prolongements dans
la substance blanche et s’y perdent Insensiblement ; de sbrte que,
par la section, on remarque des masses de substance grise enclayde
dans la blanche. Cette disposition offre heaucoup de ressemblancC
avec la structure du carcinome. La couleUr est plus fonede, d’un
gris plus jaune que la substance grise normale, sa consistance est
celle de cette derniere. Le cervelet est hypertrophid.
D’aprds ce que nous venons de voir, cette anomaiie est une
espfece d’hyperplasie locale de substance grise, et en outre une hdtd-
rotopie. Cette hyperplasie locale dans les lobes postdrieurs et I’hy-
perU'ophid du cervelet expliquent la prodmiiience occipitale, et
peuvent donner quelqiie indice pour le diagnostic. L*auteur prd^
sume que ce ddveloppement anormal de substance grise a pris,
naissance pendant la vie intra-utdrine et a continud it se ddvelopper
peiidant la vie.
Les recherches microscopiques apprennent que les cellules uer-
veuses contenues dans ces masses grises sout analogues aux petites
160 REVUE DES JOURNAUV -DR MfeDECINE.
cellules de la coBche siiperticielle de la substance grise, et aiix pe-
tites cellules que Ton trouve pendant les premiferes pdriodes de la
vie du cerveau. Elies sont petites, ont tin germe bien net de granu¬
lation, un corps cellulaire irfes-mince et sont compMtement exemptes
de pigment et de graisse. L’auteur compare ces cellules que I’on
trouve comme type dans les premiferes ann^es de la vie et qui ne
sont pas encore compl^tement ddveloppdes; tandis que cedes de la
couche corticale sont plus grosses, tnieux formdes et plus ricbes en
graisse et en pigment. L’auteur suppose que cette anomalie ddpend
d’un exces de formation du cerveau en forme d’hyperplasie iocale.
13“ De I’emploi des bains froicls chez ies aiidnds, par le docteur
Finkelburg, a Godesberg.
L’hydrolhdrapie doit 6tre placde au premier rang dansla tlidrapeu-
tique de I’alidnation mentale. Le docteur Finkelburg cite un grand
nombre d’exemples oft il a pu se iouer des bons rdsullats de cette
mddication. Ce.sont les bains froids qu’il a surtout expdrimentds; il
fait ressprtir les contre-indicalions, qui sont : disposition aux rbu-
matismcs, hydrdmie ou oligainiie, parce que dans cette dernidre
affection il y a k craindre des hdmorrhagies aprl's le bain. Les obser¬
vations sont rapportdes avec beaucoup. de clartd et pronvent une
fois de plus que ies bains froids employes sagement sont d’une
grande utilitd dans les affections nerveuses.
14“ Recherches sur I’hdrdditd dans I’aliiination mentale,
par le docteur W. Jung, k Leubus.
Le travail du docteur Jung pent se rdsumer ainsi qu’il suit :
1“ La predisposition herdditaire est plus grande chez ia femme
que chez I’homme.
2° La cause dccasionnelie la plus influente pour le developpemeni
du trouble mental herdditaire est I’^poque de la pubertd chez les
deux sexes.
3“ Sur 1300 habitants au-dessus de quinze ans, il y a un alidne,
et suV quatre aliends il y en a un par herddite.
4“ La population dvangdlique donne plus de malades que la
catholique, plus de rechutes, mais aussi plus de gudrisons.
5“ Les cas avec prddisposition hdrdditaire offrent une liaison
plus favorable 4 la gudrison et 4 la niortalild que les cas sans prd¬
disposition hdrdditaire, etdemandent un traitement moinslong.
6“ Les cas avec prddisposition hdrdditaire donnent plus de re-
chutes, mais aussi plus de gudrisons.
7“ Les lois communes appartiennent aux cas avec prddisposilibn
hdrdditaire comme a ceiix oh Cette prddisposition n’existe pas.
BIBLIOGRAPHIE.
Traits de la pellagra et des pseudo-pellagres, par le D'' Th. Rodssel,
ancien interne et laureat des hdpitaux de Paris (1).
Lorsqu’un homme consacre toute son aclivild & I’achfevemenl
d’une oeuvre sdrieuse, lorsque, ne reculant devant aucune labo-
rieuse investigation, il accepts les fatigues de longs voyages, les
sacrifices de toute nature, et qu’il vient un jour soumettre son tra¬
vail au jugement de ses contemporains, il a droit ii I’estime de
tous; et, quand cet ouvrage est un traitd prdcis, net, complet, sur
une maladie rare sous notre climat, peu connue dans son Evolution,
dans ses phases diverses, c’est un veritable service rendu i, la
science. On n’a plus qu’4 louer de pareilles oeuvres, et la critique
se tait devant d'incontestables mdriles. Le livre de M. Ilqussel
sur la pellagre et la pseudo-peliagre, a dtd, d{;s son apparition,
accueilli par un Idgitime triomphe ; il a Std le couronnement d’une
vie d’dtudes, Tune de ces oeuvres consciencieuses qui font dpoque :
si nous en parlons un peu tard, c'est que nous n’avions pas besoin
d’Sclairer I’opinion h son sujet, nous n’avons qu’a la suivre aujour-
d’hui, el il nous associer sans reserves aux jugenients qui ont con-
sacrd la valeur scienlifique de cet important travail.
En lisant ces pages, riches ii la fois d'observations et de vues
Slevdes, nous nous somnies souvenu d’une visite que nous ayions
faile nous-infime i I’Ospedale Maggiore de Milan. G’dtait it la fin du
prlniemps de 1862, la pellagre avait envoys dans les salles du grand
hOpltal un nombreux contingent de malades. Toutes les formes se
irouvaient rdunies, el lii, dans I’espace de quelques lieures, nous
vlmes se dSrouler devant nos yeux un sombre tableau : nous ne
conuaissions alors la pellagre que par les descriptions que nous en
ayions lues, et nous 4tions loin de supposer quelque chose d’aussi
special, d’aussi net dans I’expression symptomatique. L’impression
qui nous resia fut profonde, nous I’avions coilservde; elle s’ est
comme rajeunie par la lecture d’un livre qui r^pond a noire propre
sentiment. Il nous a semblii revoir ces matheureux au teint have,
au regard h4bdtd, cliez lesquels I’intelligence s’engdurdit, s’alldre,
disparait a mesure que la cacliexie les pdnfelre plus profonddment.
Nous avons revu ces accidents a forme ataxo-adynamique, ces dials
(1) tin vol. in-8, Paris, 1866. J.-B. Bailliere et Fils.
ANNAt,. MdD. -PSYCH. 4® sdrie, t. IX. Janvier 1867. 11.
162
BIBLIOGHAPHIE.
typhoidcs, dans les pdriodes ultimes, qu’involontaircraent nous
rapprochions du marasme danslequel succotnbent certains aliSn^s
paralytiques. La description, peinte pour ainsi dire, par iin obser-
vateur sagace, nous rappela tout ce que nous avions entrevu, nous
dottua I’explication de bien des fails rest^s obscurs jusque-lii pour
nous; et ce fut avec une satisfaction vive que nous senllmes pdnd-
trer en nous une conviction sincfere. M. le docteur Roussel doit
Ctre arrivfi & la vdritd ; et, sans esprit de dSnigrement, sans vouloir
amolndrir les travaux d’autres mddecins, hommes d’une valeur
scientllique rfielle, nous pensons qu’ll n’y a pas lieu d’admettre
cotnme pellagres la plupart des observations recuelllies en France
dans ces derniferes ann^es. Pour nous, com me pour M. Roussel,
la pellagre est une entltS pathologique nettement ddtermin^e ,
ayant son ^tiologie sp^ciale, et ne devant pas 6tre coiifondue avec
d’autres maladies qui n’ont avec elle que des analogies plus ou
moins Sloign^es. C’est « une maladie primitive toxique, dont la
marche et les degrtfs sont ddtermimis par la rdpdtition des intoxi¬
cations qui la produisent. » Intoxication, tel est le fait primordial,
ndcessaire, dont M. Roussel s’est attachd ii faire ressortir I’impor-
tance. 11 domine toute I’dtude de la maladie, et la question d’dtiolo-
gie est, sans contredit, la plus intdressante de tout I’ouvrage. C’est
li le point qu’il fallait le plus soigneusement dlucider ; c’dtait aiilour
de lui que s’accumulaient les objections, que se produisaient les
interprdtations les plus diffdrentes. Cherclier dans ralin;entalion
des pellagreux les causes qui avaient prdsidd an ddveloppement de
la maladie, prouver que la cachexie toute spdciale, qui en est I’un
des caractSres les plus saillants, dtait due a des intoxications rdpd-
tdes, ce n’diait pas, sans doute, une vue nouvelle, mais apporter
des preuves, les aller chercher partout, et constitner enfln dans
son ensemble I’ouvrage que nous avons aujourd’hui entre les
mains, tcl a did le but qu’a poursuivi le savant observateur. Nous
pouvons dire qu’il I’a atieint, et que jamais les distinctions qui sont
venues rdcorapenser ses palientes recherches n’ont dtd mieux md-
ritdes. ,
Nous ne voulons que prdsenter une rapide analyse du iraitd de la
pellagre et des pseudo-pellagres. Tout s’y tient, s’y enchalne d’une
tnanidre trop dtroile pour se prfiler a une dtude abrdgde. C’esl une
vue d’ensemble que nous essayerons de dunner; chercher a pdnd-
trer dans les ddtails serait nous exposer a faire perdre au travail de
M. Roussel I’une de ses qualitds les plus dminenies, son unite : ce
serait en affaiblir I’intdrdt.
La pensde dorainante, celle qn’on retrouve aussl bien dans la
BIBHOeBAPHlE,
163
preface (jUe dans les conclusions . du livre, c’esi que la pellagre est
une maladie d’oi'igine raceme, qui h’est apparue en Europe qu’a
partir du moment ou le tnais o introduit dans i’alimentation. Cc
n’estdonc pas seuletnent une question de pathologie qui se trouve
ficlair^e dans le traitd de la pellagre, c’est anssi, et bien plus, encore i
une question d’liygl&ne publique, L’air, les eaux et les lieux n'y
sauraient fire inis en cause; Zartetli, le premier peuMtre, car ilfut
plus prdcis que Casal, ddclara que I’une des sources du mal r^sidait
dans la nourriture des paysans, et en panicnlier dahs le grand usage
qu’ils faisaient des aliments tirds du mals ; on fut pen dispose, tout
d’aliord, & accueillir cette opinion, et ce n’est pas un des points les
moins curlcux do I’histoire de cette affection que les phases diverses
par lesquelles passferent les meilleursespriis. 11 fallutque IMvidence
Vint las contraindre pour les decider h admetlre enfin I’lnfluence
nuisible du mais aiierdi Fanzago, qUi avait et^ I’un des adversairea
du zeisme, en devint I’un des propagaleurs les plus ardenls ; Mar-
z&ri, en 1810, affirma nelteraent « qu’une nourriture exclusivement
formde par le mais, et privSe de gluten pendant tout I’hiver et le
printemps, engendre la pellagre ; que I’insolalion en provoque le
d^velopperaent, et que la misere, qui condamne a ce regime fu-
nesle, est le point de depart de tons ces maux. » Guerreschi parle
d’uiie action toxique du mais altere, analogue a celle du seigle er-
gote ; mais malgre des travaux appuyCs sur les observations les plus
serieuses, cette doctrine rencontre encore des adversaires, et de
1810 a 18^5 les affirmations les plus opposees se produisent, rame*
nant parfois le doute. C’est a cette epoque que M. Roussel entra
dans la lice, 11 comprit, comrae I’ecrivait M. Tardleu (1), « qu’il
fallalt appuyer de nouvelles preuves la doctrine du zdisme ebranlde
par tant d’objections. Cellos qu’il a presontdes, et qui, outre la sfl-
retd d’di'udilton, le talent de discussion et ia chaleurde conscience,
asstireiit I’orlginalitd deson livre, lui ont dtd prinoipalement I'ournies
par les rapports qu’il a pu dtabllr entre la maladie observde a la fois
en Iialie, en Espagne et en France, et par ce fait que, dans ces trois
pays, I’apparition du mal a coincide avec I’lntroduclion de la culture
du mats, et qu’il est restd bornd aux provinces off cette cdrdale
forme la prlncipale nourriture des habitants. » En mdme temps :
Balardini conilrmait ces vues par ses rechercties dans la Haute^
Italic, et la maladie se localisait peu a pen dans des zones gdogra-
phlques ddlermindes, dans des lieux off les conditions climatdrlqaes
ne permellaient pas a la plante d’arrtvei- a une maturlid complfeie,
(1) Annates d'hygtinepubUgue, t. ItXiV.
464
BlfitldGRAPHIfi.
6u encore, dans celles oii la cullui’e ^tait ddfectueuse, oil les pro-*
c^d^s de preparation, trop rudimentaires, introduisaient dans I’ali-
menlation une farine alterde. On pent suivre M. Roussel dans scs
voyages; partout ou la pellagre lui est slgnalee, il en va constaler la
yeelle existence, il la retrouve dans les Astnries, en Aragon, dansla
region sub-pyrendenne, oil le docieur Cortallatlui prfite I’appuide
son experience et de ses observations ; dans la Galilee, le docteur
Batalla la revfele; presque en mfime temps elle est reconnue en Mol-
davie, en Valachie.et en 1856, le docteur Zambelli, d’Udine, adepte
convaincu du zeisme, suit pen 5 peu les transformations qui s’o-
pSrent chez des individus dejii touches par la pellagre, sous I’in-
fluence des precautions hygieniques, dont la premifere est la sup¬
pression presque complete de la farine de mats dans I’alimentation.
Ce n’etait pas assez encore, deux theories se trouvaient en presence,
laquelle adopter? Le mats constituait-il une alimentation insufflsante,
la pellagre etall-elle due seulementS une reparation incomplete par
une substance peu nutritive, ou bien la cereale pouvait-elledevenir
toxique par suite d’une alteration speciale? La reponse fut falte de
bien des c6tes h la fols, mals personne ne I’appuya mieux que
M. Roussel de preuves convaincantes. L’usage du mats est sans in¬
convenient aucun dans un grand nombre de provinces ; on ne voit
apparaltre la maladie que 14 ou la plante miirit mal ; elle disparait
quand des precedes difierents de preparation, et entre autres la
tori-efaction prealable de la graine, ont ete adoptes. Elle n’est cepen-
dant pas encore k I’abri de toute objection, cette opinion qui a pour
elle tous les faits serieusement discutes, et encore aujourd’hui, e’est
au sein du zeisme lui-mfime que se produisent les discussions aux-
quelles I’etiologie de la pellagre pent donner lieu. MM. Lussana et
Frua, se rattachant aux idees de Marzari, admettent encore « I’in-
suffisance de la reparation nerveo-musculalre, par suite de rinsnffi-
sance de Taliment proteinique dans le mais. » Pour nous, nous
adoptons exclusivement I’opiniOn que M. Roussel a si savamment
developpee; ce n’est pas d’ailleurs une simple vue de I’esprit, ni
mfime un de ces aperqus heureux de I’empirisme. La chimie, le
microscope ont donne raison 5 MM. Baiardini, Costallat, 5 M. le doc¬
teur Roussel. Il existe dans le mats altere un champignon, le ver-
derame ou verdet, auquel doivent etre rapportes tous les accidents
d’intoxication. C’est une vegetation parasite frequemment constatee
par MM. Roussilhe (de Castelnaudary) et Malleville (de Villefranche) ;
qes moisissures commencentpar une tache vers le hlle, et, dans le
Lauraguals et dans les Landes, les paysans eux-mfimes les connais-
sent, iis savent fort bien que dans lesanudes humidesellesabondent,
BXBLIOKRAPIUE.
165
que la nourrilure fuuiaie par le mals a mauvais goilt, devient
echaullante, qu’elle force a boire de grandes quantiles d’eau, el
produitdes ((derangements de corps ». Telle est aussi Topinion de
M. Bouchardal, bien plus serieuse d’ailleurs que celle de I’abbe
Rozier. Ce savant agroaome considfere I’eau de veggialion comme
essentiellement nuisible ; pour que les cereales fournissent un ali¬
ment salubre, il est, selon lui, de loule necessiie que les grains
soient convenablement desseches, et quand leur maturite a dte in-
complfete, comme il arrive pour le mais dans certaines contrdes, il
faut que la lorrefaciion eniave Teau contenue encore dans la graine.
Si cede opinion n’est pas appuyde jusqu’a prdsent par une demon¬
stration rigoureuse, eile n’a rien qui choque, et elle n’est pas aussi
eioignee de la doctrine du parasitismequ’on le pourrait croire.
Mous avons resume aussi bridvement que possible cet historique,
auquel M. Roussel aconsacredeuxchapitrespleinsd’interet.ilnous
reste a fairexonnaltre une phase que nous pourrions appeler con-
temporaine. De viyes discussions, de part et d’autre habilement
soutenues, s’etaient engagdes en France. Dans I’un des camps se
trouvait Landouzy, si prematurdment enlevd d la science, dans
I’autre, tons les partisans francjais, espagnols et italiens du zdisme.
La doctrine de la pellagre sporadique tentait de s’dtablir, M. Cos-
tallat releva vigoureusement le gant, et niaintint haul et ferme le
drapeau ddjli arbord depuis 18^5 par M. Roussel. M. Billed vint i
son tour, essayant de renverser, avec des observations recueiliies
par lui dans I’asile de Sainle-Gemraes (Maine-et-Loire), rddifice si
laborieusement dlevd. La question dtait de savoir si Landouzy et
M. Billed avaient eu affaire & des pellagres vraies, etsi plutbtils ne
s'dtaient pas trouvds en presence de cas de pseudo-peilagres, n’ayant
de common avec la maladie type qu’un drythdme plus ou moins
dtendu. Les deux savants mddecins que nous venons de nommer
ont dte, d’aprds IM. le docteur Roussel, victimes d’illiisions. lls se
sont irop hatds de conclure, ils n’ont point eu affaire a des pellagres,
et toute leur argumentation pdche par la base. Nous verrons plus
loin, a propos des pseudo-peilagres, ce qu’il faut conclure de leiirs
observations.
Qu’esl-ce done, dans son expression symptomatique, que cede
maladie qui n’apparait que dans des conditions hygidniques spd-
ciales? G’est un ensemble de pbdnomdnes qui, tout complexes qu’ils
paraissent au premier abord, peuvent se rattacher a trois pdriodes
bien distinctes. Pouf les ddcrire, M. Roussel, reprenant les opinions
de Skambio, Zanetti et Gherardini, reconnalt un premier degrd, oii
pellagre coramengante, un second degrd, oil pellagre paralytique,
166
BIBLIOGBAPBIE.
folie pellagreuse, etc., et cn6n un troislfeme degr^ ou pellagre ca-
ohecllque : S chacim d’eux correspondent des troubles nombreux et
varids qu’il imporle d’examiuer.
On se Jerait une id^e bien fausse de la pellagra si I’on suppo-
'Salt qua les alterations de la peau, qui plus tard devlendront si
caracterisiiques, marquent la ddbut de I’airecllon. Zaneitl, Ghe-
rardini, Gasal, ont tous notd un temps d’incubation plus ou moins
long, prdcedant I'druption cutande. Dans les provinces danubien-
nes, M. de Thdodori a reconnu, lui aussl, que I’exanthbme pella-
greux n'apparalssait pas sans que des troubles du cdtd de I’ap-
pareil digestif, de I’apparell nerveux ne se soient produits : tous les
observaleurs sent d’accord pour affirmer qu’il y a constamment de
la langueur, de I’abattement, de la tristesse et des vertiges bien
avant qu’on remarque rien a la peau. Nardi donnait le nom de
debolezza fisiologica & ces troubles preiimlnaires, auxquels vien-
nent le plus souvent se joindre de I’inappdtence, de la dlarrhee.
Pour M. Roussel, ce qu’il y a de plus constant, ce sont du cbtd de
la bouche une sensation de chaleur et de secheresse pdnible, se
propageant vers le pharynx, vers I’oesophage ; du c6te de I’estomac
des renvois acides, un veritable pyrosis ; leur nature n’est pas in-
llammatoire comme on I’a cm longtemps, ce sont des troubles d’in-
' nervation, preludes des spasmes qui se developperont plus tard.et se
traduisent par de la boulitnie, de la cardialgie, des vomissements et
des diarrhees d'apparences dysentdriques. Les choses peuvent en
rester le, mats il aura fallu pour cela une intervention medicaie,
une modiOcation dans le regime, sinon la pellagre va se confirmer,
et rerytheme des regions de la peau exposees au soleil va se deve-
lopper. Skambio a decrit cet erythfeme en faisant voir que loin d’etre
tout le mal, comme Pont pretendu bien des medecins, meme encore
de nos jours, il n’etait qu'une expression symptomatique, variable
dans son aspect, il reeonnaissait trois formes de I’erytlibme : 1“ I’ery-
thfeme simple, 52’ Perytbfeme phlyctenoide, et la desquamation
simple : I’influence des rayons solaires n’est point douteuse pour
lui. A la pdrlode de la pellagre Gonfirmee appartiennent les trou¬
bles du c6td de I’appareil digestif, les vomissements, la diarrtide;
ils sont asse? constants pour n’avoir ecbappe Ji aucun observateur,
nien italie, ni en Espagoe, ni en Moldavie. L’un des plus impor-
tants de tees plidnomenes a requ le nom de « Salso «, il est caractd-
lisd par ia saveur acre et brfllante qui se deve'loppe dans la ijou-
clte ; etie est suivie de roogeur, puis d’excoriation de ia muqoeusc
Unguaie, ’d^aplitlies, de vesiciries an pourtour des tevres -; une awg-
. tnpnwSon.de jseordaion du®n« saMvaire qui preadungoflt saild. Les
BIBLIOGRAPHIE.
167
dSsordres du c6ld dii systfeme nerveux, auxquels M. Roussel n’hd-
site pas a donnef le premier rang, sont les veriiges, Ics troubles de
la vision, des douleurs vives a I’dpigastre, dcs spasmes, des sensa¬
tions ddsagrdables a la plante des pieds et a la paume des naains, et
chose curieuse, c’est surtout au printemps qu’ils put did le plus frd-
quemment observds.
Ce serait ddpasser les limites que nous nous sommes, volontaire-
ment d’ailleurs, imposdes, que de ddcrire les troubles qui appar-
tiennent a la seconde pdriode ; il nous siifflra de dire que dans les
chapitres du traitd de la pellagre, oil les sympt6mes sOnt minu-
tieusement exposds, il se ddgage une opinion nette, prdcise : c’est
quo les troubles nerveux sont de tous les plus importants ; si carao
tdrislisque que soil I’dtat de la peau, si constantes que puissent dtre
les Idsions du cdtd des muqueuses linguale et buccale, cela n’a
point pour M. Roussel I’importance des accidents convulsifs toni-
ques ou cloiiiques, des troubles cdtdbraux dont I’ensemblc [con-
stitue la folie pellagreuse, de la ddbilitd ddsignde sous le noin de
paralysie pellagreuse. ‘
La folie, enlre autres, a laquelle 11 consacre une longue dtude, est
ramende par lui a une forme conslante, et, voyant mieux que ses
devanciers, il a reconnu que le ddlire lypdmaniaque avec prddomi-
nance d’lddes de persdculions, impulsions suicides dtait un premier
degrd de la folie conduisant a la ddmence, Idsion terminale, et non
pas comme I’avaient cru quelques observateurs Idsion primitive de
I’intelligence. C’est encore au printemps que le ddlire devient plus
manifesto, et dans tous les cas aigus il prdsenle ce caractfere parti-
culier que la tendance au suicide par immersion est presque la loi
gdndrale. Faut-il atlribuer cetle impulsion a la soif ardenle dont les
-pellagieux sont parfois tourmentds, ou bien ne voir la qu’un sui¬
cide en quelque sorte automalique, et par le moyen qui exige le
moins de combinaisons et d’elforts? M. Roussel ne tranche pas la
■question, il constate un fait, et se sdpare compldiement de I’opi-
nion de MM. Baillarger et Billod qui n’adraetteijt pas que la mdlan-
■coUe chez les pellagreux conduise plus frdquemment au suicide quo
les. autres mdlancolies. L’cxplosion d’accds de manieaigue setpble
se rattacher aux chaleurs de I’etd, a une insolation prolongde, C’est
vers la fin de cctte seconde pdriode que les forces baissent rapide-
ment, que I’amaigrissenient fait d?s progrfes, et que s’dtablit le pas¬
sage au troisitme dcgid, c’est-a-dire a la eachexie pellagreuse.
TantOl die se ddveloppe en conservant quelques-uns des carac-
tdrcs appqrlenant aux deux pdripdcs prdcddentes; lant6t, il n’y a
:pl«s rien de la pellagre .proprement dite. C’est un dlat.d’affaiblisse-
BlBLIOGRAlPHlli.
ftienl extreme, une deterioration telle des forces physiques et mo¬
rales que I’indlvidn atteint est reduita Timpuissance la plusabsolue,
qu’il s’epuise par des diarrhees sereuses incoercibles. M. Roussel
s’est livre h une etude approfondie de ce que Ton appelle le typhus
pellagreux, ou encore, d’aprfes une expression rdcemment acceplde
en Italie, la periode 'd’acutisation lyphoide de la pellagre. Signa-
lant les confusions commises, selon lui, par M. Billod et par Lan-
douzy, qui ne voulaient voir la qu’une fievre typholde entde sur la
pellagre, II les refute par des arguments qui nous semblent de la
plus grande valeur, et il conclut « qu’on lie saurait douter qu’il n’y
ait, en dehors de la complication de la flavre typhoide, en dehors des
fifevres ataxo-adynamiques, un eiat particiilier, mal separe jusqu’ici
de ces complications, mais survenant dans des conditions diffe-
rentes et exclusivenient propres a la pellagre. » Cette distinction
n’avait pas ete faite par Skambio, ni par MM. Lussana et Friia, et
la parlie vraiment neuve du travail de M. Roussel pour ce qui se
rattache a ces accidents aigus, est cede ou 11 cherche a les inter¬
preter. Pour lui, ce sont des accidents toxiques, et quand ils se
montrent chez des individus jeunes, non encore compietement
dpuisds par la cachexie, ils lui ont paru revfilir quelques-uns des
caractferes qui appailiennent a I’intoxication alcoolique aigue. Dans
I’un et I’autre cas, meme mode d’apparilion, mSme impregnation
par la maiitre toxique, dans Tun et I’autre encore, meme brusque
disparilion. « II ne faut pas perdre de vue, dit-il, que les individus
chez lesquels surviennent ainsi des accidents du delire alcoolique et
de I’aeutisation typhoide pellagreuse, sont loiijours des siijetsim-
pi-egnes fortement et en general de longue date, par la cause toxi¬
que qui n’a plus besoiii que de certaines conditions organiques
pour donner lieu k la manifestation d’une sdrie particiilibre de phd-
norafenes.
Tout ce qui se rapporte ii la marche, g la durde, aux terminai-
sons, au diagnostic differentiel, n’a pas ete traite avec moins de
soin. Les observations a I’appui sont nombreuses, et partout une
critique de boii aloi, une erudition elendue sont mises au service
d’une cause qui ne poiivait 6tre mieux defendue. La preoccupation
de M. Roussel apparalt, pour ainsi dire, k cheque page : il n’a pas
eu la pretention d’eriger ses opinions en systfeme, ni de se poser en
novateur qui reclame la priorite. Il a fait h chacun sa juste part;
son principal merite, c’est d’avoir condense les iravaux de ses de-
vanciers, d’avoir scrute les annales scientifiques de tous les pays oil
sevit la pellagre et, quand il a formuie une opinion difierente de
celles qu’on acceptait avant lui, ce n’a jamais ete sans s’appuyer
BIBLlOGluraU.
sur des fails, sans doiinei- la raison des inlerpielations nouvelles
qu’il propose, filudiant tour & lour la pellagre en France, en Es-
pagne, en Italie, il rappelle ce qu’on avail vu avanl lui, ce qu’il a
observe lui-meme, et il n’esl pas une parlie de son livre qui ne se
soil pr&entde a nous avec les caraclferes d’une entifere bonne foi.
Lorsqu’il a rencontre des adversaires de ses iddes, il ne les a pas
traitds avec ce dddain trop commode, sous lequel s’abrilent parfois
lesesprits passionnds que la discussion embarrasse; il a fourni des
arguments et des preuves, et dans la seconde parlie, consacrde & la
pellagre des abends, il n’est jamais sorti des bornes d’une rdfutation
moddrde, Landouzy avait vu trop vite, il s’dtait empard comme ii la
hate de faits qui, plus sdrieusement observes, eussent dtd bien vite
rdduils i leur juste valeur. M. Billed, de son c6td, s’diait peut-dtre
laissd entrainer par un zdle, louable, sans doute, raais qui le con-
duisait a une confusion contre laqueile M. Bazin se prononqa catd-
goriquemenl. La lutte ful vive : nous en retrouvons la trace dans
le livre de M. Roussel ; nous ne voulons pas revenir sur les phases
qu’elle prdsenta, et qui n’eurent pas, il faut bien I’avouer, de rdsul-
tat heureux pour la doctrine du raddecin de Sainle-Gemmes.
Pour nous, qui sans parti pris d’aucune sorte, avons voulu juger
un livre et nous rendre compte de son but, de I’esprlt dans lequel
il dlait dcrit, nous avons rencontrd dans le traitd des pellagres de
M. Roussel une de ces oeuvres qui se recommandent i tous aussi
bien par le fond que par la forme. Son auteur savait bien qu’il avait
peu a ajouter aux descriptions si fiddles que les mddecins italiens
avaient donndes d’une maladle si frdquemment observde par eux ;
toutefois il restait a mettre en ordre des matdriaux nombreux mais
dpars ; il restait a faire ressortir de tant d’observaiions les consd-
quences pratiques qui en pouvaient fttre lirdes. Jusqu’alors on s’dtait
bornd a des inlerprdtations plus ou moins dloigndes, 11 fallait les
mettre en prdsence, les comparer, et substiluer a cedes qui ne rd-
sistaient pas a nne analyse sdvdre, une doctrine mieux d’accord avec
les faits; la doctrine du zdisme, ddfendue avec autant de chaleur
que de talent, rallie aujourd’hui de nombreux partisans ; et I’une
des consdquences les plus fdcondes qui en ddcoulent, e’est que la
pellagre n’est pas I’un de ces fldaux devant lesquels la mddecine ait
a s’lncliner impuissante ; e’est une intoxication contre laqueile il est
possible de lutter, une maladle qui doit disparaitre. Il appartient au
mddecin de signaler le danger partout oil il existe, mais seul il ne
pent le combattre ; il y a la toute une question d’hygifene pubiique
qui appelle sdrieusement I’atteiition des gouvernements ; a propos
de la prophylaxie, M. Roussel a indiqud les mesures a prendre, il a
170
BIBLIOGRAPHIE.
traltd cetle quesliou comme elle m^ritait de r^lre, sans entiaiue-
ment irr^flechi, sans illusions d’aiicune sorte. « Si la France, dit-il,
qiii a 6le plusd^une fois le pays des iiiilia lives saliitaires, devait en¬
core rendie, dans la question qui nous occupe, un nouveau service
a rhumanit^, c’esl par la voie des mesures pratiques qu’elle y riius-
sirail. La pellagre a cliez nous un champ pius limits qu’en Italie,
elle y est moins grave, et les iniluencesde I’hdrddiid y sont inoins
nianifesles; ce sont lit des motifs de plus de couper court aux pio-
grfes du Oeau. Les autorit^s publiques el le gouvernement central,
dout on reclame si souvent I’intervention, auraient leur part, mais
raisonnablement limitee dans cetle oeuvre, » On voit tout ce qui
reste a faire a I’initialive individuelle; c’esl ce qu’avait ddja d’ail-
leurs parfaitement compris le docteur Zambelli, d’Udine, comme
avanl lui Zecchinelli. C’est a I’aide de consells donnds aussi bien aux
propridtalres du sol qu’aux paysans cullivateurs, c’est en faisant
appel a leurs inidreis, en faisant adopter des mesures varices, sul-
vant les situations diverses, qu’on peut arriver progressivement ala
suppression de la pellagre. Ajoutons que c’est avec des travaux de
la nature de celul dont nous venons de faire une rapide analyse que
Ton peut cspdrer d’etre dcould, d’etre uiile. Nous y inscrirons volon-
tiers apres I’avoir lu, cette annotation dont Montaigne illustrait les
bons livres : « Ceci est une oeuvre de bonne foy. »
Saris, novembre 1866.
L’alicne devant lui-meme , I’apprecialion Idgale , la legislation , les
systemes, la sooieie et la famille, par Henry Bonnet, medecin en chef
a Tasite public d’alienes de Maroville, etc. 1 vol. in-8, Paris, Victor
Masson et fils.
La mddeclne mentale semble, depuis quelques anndes, avoir le
privilege de fixer I’attenlion publique. Des voix plus ou moins auto-
Tisdes ontcfu devoir se faire entendre et se donner la satisfaction
de soulever de pretendus voiles derrifere lesquels s’abritcraient toutes
sbrtes d’abus. Si les personnes qui ont prls place dans le camp de
nos adversaires avaient toujours garde cette moderation ct cette
justice que dicte la recherche du vrai et du bien, le corps medical,
panic, uliferement intdresse dans le ddbat, n’aurait point rdcusd cette
intervention, se bornant 4 1’accueillir avec une certaine rdserve. Car,
pour s’immiscer dans une telle question, mfime en ne la consldd-
rant qu’au point de vue de la morale ou de la lol, il seralt d’abord
ndeessaire de savoir ce que c’esl que I’alidnation meptale, ,el de bieq
BIBUOGBAi>Hlli.
171
copnaitre les ali^n^s. Loin de revfitir ces formes amines et cour-
toises, les dcrivains auxquels il est fait aiiusion ont Scarld toute nie-
spip, et il semble qu’ils nMent voulu entrer dans le d^bat que pour
lapcer les foudres de leur critique et d^rerser le bl&me sur I’admi-
nistration et sur les m^decins sp^cjalistes. Aussi la violence avec
laquelle s’est traduite leur intervenlion ii’a-t-elle about! qu’4 des
aildgatiops sans fondement el sans valeur. Leurs attaques, particu-
librement dirigdes centre la loi de 1838, sent demeurdes sans effet
et n’ont pas mdme dmu I’opinion publique. Piusleurs mddecins dis-
tinguds uvaient ddjli repoiissd ces attaques passionndes, ces rdci'imi-
uations blessantes dirigdes contre les dtablissements d’alidnds et
centre ceux qui ont la mission de lesdiriger. M. le docteur Bonnet,
mddecin en chef d’un grand asile et ddjli honorablement connu par
diverses publications affdientes k I’alidnation mentale, vient, dans
un onvrage qui cat le fruit de son expdrience, apporier son appui
S cet ddifice que I’on voudrait battre en brfeche.
Le litre seul de cet ouvrage ddnoie I’esprit gdndralisateur ot philo-
sophique de I’dcrivain k qui sontfamllidres les connaissances varides
que commande i’organisation des asiles et qui, fort de ses convic¬
tions, n’a pas craint d’aborder de front toutes ces attaques, qui
n’pnt plus pour guide que la passion el pour mobile que celte es-
p6ce de besoin d’opposilion qui, dans noire pays, se manifeste en
toutes cboses, imputations malheureuses qui, de provenances di ver¬
ses, ne se seront dlevdes si haul que pour reiomber plus lourde-
ment dans le ndant.
L’onvrage dont il s'aglt tient-il bien tout ce qu’ll promet par son
litre? La rdponse 1) celte question se trouvera dans ceite analyse,
que j’aiirais ddsird faire plus longue, et dans laquelle je me suis
effored de traduire, aussi exactement que possible et d’une faqon
tout impariiale, les impressions que sa lecture m’a fait naitre,
Dddid & Parchappe, ornd d’une belle prdface due S un de nos md¬
decins alidnistes les plus dlstinguds, ce livre, en entrant dans le
courant scienlifique, ne pouvalt se prdsenter sous de plus heureux
auspices, en mdme temps que se produire dans un moment plus
opportun. 11 est divisd en sept chapitres qui n’oifrent pas tons le
mdme intdrdt. Dans le premier, Intituld : L'aliinS devant I'isole-
ment et devant le libre arbitre, M. le docteur Bonnet fait ressortir
les avantages de la sdquestration ou de I'isolement Idgal pour I'alidnd
et pour la socidtd. Les solns spdeiaux, les mesures hygidniques, les
attentions de toute sorte que le malade trouve dans I’asilesontindi-
quds avec des ddtails pleins d’intdrdt que les gens du monde, qui
ont de si fausses iddes sur ce sujot, llraient certalnement avec plai-
BIBLIOGRAPHIE.
172
«ir et avec fruil en m6iiie lemps. II semble que les impressions lais-
s6es dans I’esprit par le r6cit de ce qu’dtaient autrelois ces asiles de
la charild ne puissent s’effacer, et Ton se repr^senle encore les
ali^nds lels qu’on les voyait avant les r^formes considerables inlro-
duites dans ces etablissements par les progr^s de la science et de la
civilisation.
L'utiliie, la necessild de rinlernemeni entourd de toules les garan-
lies apportees par la legislation de I’an XI, d’abordj et puis parcelle
de 1838, ressortent, pour ainsi dire, d’elles-memes, et Ton ne con¬
ceit pas qu’il se soil dleve des partisans aussi enihousiastes des sys-
ifemes opposes. L’auteur expose, avec cette clarie et cette precision
que dicte la veriie guidee par I’experience, tons les inconvenienis,
tous les dangers de la liberte laissee h I’aliene. S’appuyant de I’au-
torite d’un homme qui a tant fait pour I’alienation, il cite avec
a-propos ces paroles de Parebappe : « L’alienation mentale exige,
pour son''traitement, des conditions spedales d’habitation...; parmi
ces conditions, il en est une quisuffirait a elle seule pour moliver la
fondation d’etablissenients speciaux, e’est la necessite de I’isole-
ment. »
L’isolement de I’aliene, e’est-a-dire la soustraction a ses habitudes
de vie, aux consequences facheuses du milieu oil il se tronvait, I’iso-
lement, aide du travail bien enteiidu el approprie a ciiacun, tels
sont, ajoule ai. ie docteur Bonnet, « les deux grands leviers dont on
se sen dans les asiles pour obtenir guerison, amelioration, modifi¬
cation avantageuse ou reglementation de I’exislence. »
Si les adversaires de la medecine mentale n’etaient pas aveugies
par la passion, ils ne pourraient s’empedier de reconnaltre que,
loin d’etre un interneraent.cellulaire, one Bastille au petit pled, cet
isoleraent est une mesure sage, prevoyante et humanitaire. Au lieu
de deverser la calomnie sur les medecins qui se consacrentau sou-
lagement de pareilles infortunes, ils devraient juger avec plus de
moderation, de convenance et de justice, ces medecins spedalistes
dont toute la vie n’est que devouement, abnegation, sacrifice, ces
medecins redlement philanthropes dont M. le docteur J. Falret
depeint en si beaux lermes la vie de labenr dans une lettre au doc¬
teur Evrat, lettre dont M. Bonnet a fait la post-face de son livre.
La legislation, appliquee aux.alienes, est, dit-on, attentatoire it la
liberte individuelle. C’est la le grand cheval de bataille des adver¬
saires de la medecine mentale. — Demandez la liberte pour les
sains d’esprit; mais, par charite ne la demandez pas pour les alie-
nes. Car ce n’est pas les aimer que de les vouloir fibres. Si ces cham¬
pions de la liberte connaissaient un peu mieux ce dont ils se croient
BlSUOGRAPliti ‘I'js
apleS a jHger aveciant d’auioritd, ils tiendraient sans doiita un auire
langage. L’alifin^ libre, sans parler des dangers qn’il courraii lui-
infime et qu’il ferait courir h ceux qui I’approchent, lra!nerait une
existence de raisfere et d'abandon. II faiil au pauvre foil une surveil¬
lance incessante, un appiii qui ne se demente jamais. Oil irouverez-
vous rdunies ces conditions indispensables a sa silretd.et a lasdret^
publique? Dans la famille de I’ali^n^? 11 est permis aux utopistes
de penser ainsi; mais cenx qui ont fait de I’ali^nation inentale I’ob-
jet de leurs Eludes et de leurs meditations, ceux qui ont longtemps
vdcu avec les alienfe, sont convaincus que I’asile peul seul 'olfrir
louies les garaniies desirables.
M. le docleur Bonnet n’a pas la pretention de trailer ce sujet de
premiere main. Les citations assez nombreuseseraprnniees a Esqui-
rol, Parchappe, Renaiidin, Falret, Billod, etc., prouveni que d’au-
tres avant lui avaient eiudie la question. Fort <le ces autorites,
M. Bonnet intervienl en apportant le fruit de son observation el de
son jngement edaire. 11 est des verites qui ont besoin d’etre remises
sans cesse stir le lapis et d’etre corroborees par de nouveaux deve-
loppemenls. Celles qui regardent I'alienation meniale sont de ce
nombre ; il est necessaire de les rcnouveler pour les oiiposer aux
attaques dirigees avec tenacite conlre (d’enfermemenldes alieneset
les tortures qu’ils souffreni. »
Ces iristes recriminations sont refutdes comme il convient par
M. Bonnet, dont le langage reste toujours mesure et digne vis-a-vis
d’adversaires qui, pour se faire ecouler, sont obliges de recourir ii
des expressions ou douiinent la passion et la violence. Je voudrais
pouvoir citer mainls passages de ce chapitre oft I’interet rfegne
d’un bout <i I’aulre; j’y renvoie les nombreux lecteurs qui, a divers
litres, ont a s’occuper de cetle question.
Dans le chapitre suivant : L'aliene devant I'appriciation legale^
I’auteur a reuni el coordoniie de nombreuses citations empruntees
a des pbilosoplies (Leibnitz, Descartes, Mallebranche, Diderot, Cou¬
sin, etc.), a des medecins alienisles (Pinel, Georget, Esquirol, Bail-
larger), a des physiologistes et des ecrivains (Flourens, Dally, Albert
Lemoine), citations qui ont pour biit de prouver que seul le mdde-
cin est competent pour bien juger de la folie. On ne saurait don-
ner de trop solides fondements a cetle verite, quand on voit I’oppo-
sition que les jurisconsultes manifestent devant les decisions des
medecins alienistes appelds comme experts. Au milieu de loutes les
preventions et de toutes les attaques dont ils sont I’objet, on est
heureux de trouver un jurisconsulte eminent partager leur doctrine.
Void I’opinion consolanie de Bellard, cite par M. Bonnet : « On voif
17a BIBLIOGRAPHIE.
des fousque la naliire a condamn^s a la perte ^icrneilc dela I'aison;
et d’autres qui ne la perdenl qu’inslantanSment par I’elTet d’unti
grande, doiileur, d’une grande .surprise oil de louie autre cause pae
reille. 11 n’esl de difference entre ccs deux folies qiie cede de la
duree, et celui dont le ddsespoir tourne la I6te pendant quelques
heures ou pour quelques jours, est aussi compietcment fou pendant
son action ephemfere que celui qui ddlire pendant beaucoup d’an-
ndes. — Lorsque le maniaque a causd quelque grand malheur, Ten-
fermer, c’est justice et precaution, IVnvoyer a Pdchafaud, ce scrait
cruaute 1) (page ea).
Ainsi que le dit avec beaucoup de raison M. Bonnet, les juris -
consultes « en ne s’appuyant que sur une meiapbysique des pins
speculatives, avec abstraction des fails » se soul cree dans les
formes de la folie une division & eux, et ont donne de chaciin de
leurs types, imbicillite, fureur, demence, une interpretation tout a
fait fausse.
« En dehors de ces cas d’insanite et de ddmence selon la loi, dit
M. Bonnet (p. 67), que d’alieraiions de I’iirtclligence et du moral...
reconnaissant pour cause une lesion quelconque des centres ner-
veux genent el enlravenl compietement le libre arbilre et deman-
denl, par consequent, le benefice de I’irresponsabiliie.,. »
INolre confrfere ajoule avec raison que les folies partielles, la demi-
imbeciilite sont encore un eciieil contre lequei se briseront toule
I’experience et la sagesse des magistrals sans I’assistance du specia-
llste. Mdme observation pour ces cas de folie raisonnante et de de-
lires des actes qui sont loin d’etre rares.
Dans le cllapilre III, qui a pour litre i Uatieni devant Vital
mental, se relrouvent encore les memes ddbats sur i’intemement
des alienes d’une part et sur leur liberie absolue oil parlieile de
I’autve.
A I’occasion du livre de M. de Castelnau {De V interdiction des
alienis, Paris 1860), sorte de requisitoire centre les maisons d’a-
lidnes, off I’auteur posail en theorie la conservation des faculie.s
affeclives et de I'intelligence dans la folie au debut, M. Bonnet
passe en revue toute la paibologie mentale, suivant chaqite forme
morbide tine ff une, depuis la manie aigu6 jusqu’aux nevropathi-
ques de Morzines, pour combatlre cette assertion et demonirer dans
tons ces cas la necessite de la sequeslraiion et de I’isolement. Pas
n’etait besoin d’un si grand renfort de preuves vis-i-vis d’urt fait
generalement accepie par les alienistes. Mais, comme I’ouvrage ne
s’adresse pas d’une maniffre exclusive aux medecins, ce long expose
a sa raison d’etre.
BIBLIOGBAPHIE.
475
Je ferai la mfime rcmarque a propos d’une autre assertion de
M. de Castelnau, encore plus imprdvue et plus Strange que la prd-
cddenle. Get auteur n’a pas craint d’avancer qu’il n’y a pas d’incoA'-
venient li ce que les alidnds cherchent daps les pures consolations
du mariage un adoucissement h leurs maux. A cette assertion, qui
sonltve la question de riierdditd dans la folie, M. Bonnet a cru
devoir opposer nombre de citations enipruntdes a Esquirol, Leuret,
Aubanel, Moreau (de Tours), Trdlat, et rappeler mfime I’opinion de
Montaigne et de Willis a cet dgavd, pour prouver un fail qui a, pour
ainsi dire, force de ioi en patbologie menlale.
Le chapitre IV : L'aliene devant la Ugislation, nous montre les
Stapes diverses de la loi au sujet des aliSnSs, depuis I’Sdit de fon-
dalion de rhdpilal gSndral en 1656, qui .enjoinl aux direcleurs
d’avoir a leur disposition, pour renfermer les folsol les folks, des
poteaux, des carcans, prisons et basses- fosses, un bailli et des
ser gents avec des hallebardes et autres armes convenables, jusqu'a
la loi de juin 1838.
Les traitements inhumains, primitivement mis cn usage, devaient
cesser a la voix de Pinel en 1792. Mais, pendant longtemps encore,
la ISgislation appliquSe aux aliSnSs denieiira trfcs-iinparfaite, et la
jurisprudence administrative a pen prfes nulle. 11 appartenait a
Esquirol de prendre I’iniliative pour mettre un terme a ce dSsordre.
C’est en 1819 que cet iilustre aliSniste prSsenta au ininistre de. I’in-
tSrieur un naemoire dans le.quel il demandait la erSation d’un asile
dans chaque circonscription impSriale. Je ne m’engagerai pas dans
la longue exposition que fait M. Bonnet des diverses phases qu’ont
siibiesla ISgislalipn etla rSglementation administrative des Stablisse-
menls d’aliSnSs. Prenant la loi actuelle a sa naissance, le 6 sep-
tembre 18'37, il la suit dans lea Spreuves qu’elle eut 5 traverser au
conseil d’fitat, a la Cbambie des dSputSs, a la Chambre des pairs, ou
elle fut prSsentSe, le 28 avril 1837, par le comte de Montalivet, et
ou elte fut adoptSe a la majoritS absolue le 26 mai suivant.
Toute la matifere de ce chapitre, un pen aride pour le mddecin,
sera particuliferement intdressante pour les Idgistes. La meme obser¬
vation pent s’appliquer au chapitre suivant inlitulii : Legislation
comparative, qui n’est qu’nn long recneil de lois. La loi franqaise
du 30 juin 1838 y figure tout au long avec ses quarante et un arti¬
cles, compldtde par les ordonnances du 18 ddeembre 1839. Viennent
ensuite les lois de Genfeve, des Pays-Bas, de la Belgique, le rfeglement
de Gheel. Ce chapitre, qUi n’occupe pas inoins de 126 pages, forme
le vdritable code de I’alidnation mentale.
Dans le chapitre VI : ValiM devant I’erreur systimatique,
BlUtlOGRAPHiE.
176
M. le docieur Bonnet nous fait assister aux attaqiies dont la loi
de 1838 a 6t6 Tobjet. Je ne puis ni’empecher de reproduire id un
passage emprunld J Parchappe. Ceslignes, qu’on lit au commence¬
ment dll chapitre, r^pondent parfaitemcnt 5 toutes les recrimina¬
tions qui, dans ces derniers temps, n’ont pas fait defaut i la mdde-
cine men tale.
(i Des critiques, souvent peu mesurees, dit M. I’inspecteiir general
Parchappe, n’ont nianque ni i la legislation elle-mfime, au moment
oil la loi a ete discuiee, ni it ses applications depiiis qu’elle a eie mise
en vigueur. — On s’est ffequemment attache it la representor comme
insuffisante on abusive dans ses principes el ses prescriptions, au
double point de vue de la liberte individuelle et du traitement des
alienes. — L’experlence de la loi a ete faile sur une large echelle ;
8000 alienes, en moyenne, sont admis, chaque annde dans les eia-
blissements publics et prives de France. Sur 200 000 admissions
d’alienes, qui ont eu lieu depuis vingl-cinq ans, complez, je vous
prie, les cas d’abus; consultez les anuales de la Justice, et mSme les
publications qiiotidiennes de la presse, vous n’y trouverez pas une
infirmalion ii ce quo je suis en position et en droit d’aiBrmer ; c’esl
que, sous le regime de la loi de 1838, en France, il n’y a rien de
plus rare qu’une sequestration moiivee par un dial reel d’aHdnation
meniaie, si ce ii’est une prolongation de sequestration non justiliee
par la perslstance de I’etal de maladie. » Cette prolongation, ajoute
M. Bonnet, dietde par la prudence, a parfois son caractfere esseniiel
d’utilitd vis-5-vis de I’intdret individuel et de I’intdret social (p. 265).
Notre confrere ne pouvait rester impassible devant ce toUe sys-
tdmatique qui s’dtend, depuis quelque temps, sur les asiles, leurs
reprdsentanls et radministration. Je ne le suivrai pas dans la croi-
sadequ’il ehtreprend centre les adversaires de la mddecine men-
tale: Les attaques de M. de Caslelnau, du docieur Lisle, d’AlineLe-
maire et de ses protecteurs de la grande presse, du docteurX... et
du docteur Turck, sont aujourd’hui connues de tous par le trisle
reientlssement qu’elles ont eu. Les arguments employes par M. Bon¬
net pour les repousser, rdduisent 5 leur juste valeur tout ce tissu
d’alldgalions' blessantes pour I’lionorabilite mddicale. J’ajouterai
seulement un mot h I’enseigne de celte pldiade pseudo-philanthro-
pique, qui a produit tout I’effet qu’elle pouvait produire. II me parait
impossible que I’autoritd, metlant en doute I’lionorabiliie de la
science d’hommes tels que Parchappe, Baillarger, Falret, Brierre
deBoismont et'tant d’autres, ne tenant aucun compte de I’expd-
rience d’inspecieurs generaux aussi lionorables que recommanda-
bles par leur talent, il me parait impossible, dis-je, que I’autorite
BIBLIOGUAPHIE.
177
pi'6te I’oreille aux lici iis de quelques fanatiques de systfemes en de¬
cadence, plus soucieux peut-fiiie de faire du bruil aulour de lenr
iiom, coinme le dit M. le docieur Bonnet, que de defendre la noble
cause de riiiiniiinite.
Ce chapilie se lei-mine par une poletniqiie dont les motifs ne me
sont pas bien conmis, el It laquelle, par consequent, je veux tester
eirangcr. Je ne sals jtisqo’a quel point sont fondes les griefs qu’im-
pulc M. Bonnet it tin homme qui se recommande parsa haute posi¬
tion et par ses litres scientiiiques. Ces lulles entrc bommes d’lm
merile reconnu sont toujours fichcuses et ont un resullat qui tonrnc
ioujonrs au prejudice de la profession.
J’ajouterais que noire devoir est de nous unit- au lieu de restcr
divises. En presence des altaques dont ia medecine mcntalc est
aujourd’hui I’objct, ces discordes fournissent des armcs it nos enne-
mis, et, en mfime temps qu’elles deviennent nuisibles pour nous-
niemes, elles portent atteinte a la cause d’infortunes A qui nous
dcvons nos soins et que nous avoiis mission de defendre et de pro¬
tegee.
Arrive au dernier cliapitre, qui s’intitule : L’aliene devant la
verite, je crois devoir faire ure observation qui s’etait dejit pre¬
sentee cl mon esprit, mais dont ropporlimite me parait plus marquee
ici que partout aillenrs. Je m’eiiipresse de reconnailre que toules les
grandes questions traiiees clans cet ouvrage se lienl entre elles, ct
qu’il est dilTicile d'envisager rune sans cmpieier en mfime temps
sur I’aulre. De lit des repetitions dont mon analyse elle-mSme add
sc rcssenlir. Je crois qn’en operant (piclque fusion, on auraii pu
loiirner cello dilliculte. Ainsi, par exemple, je trouve que lessujets
des chapitres 1, 111 et VII ont entre cux Iteaucoup de ressemblance,
et qu’il edt eie possible d’eiuder recueil quo je signalc par une meil-
leurc disposition des materiaux.
Dans ce cliapitre sont examines les divers modes d’assistance i
I’egard des alienes (asile, colonie agricole, syslfime familial). Ce
siijei n’esl encore que I’edio de publications anlerieures dues it
divers auteurs, et surlout des discussions qui ont eu lieu sur ce
point cl la Societe niedico-psychologique (Ann. mM.-psijch. 1865).
L’cxperience vient de plus en plus conlirmer le jugemenl porte
sur celte matlfcre par des bommes qui, pour cela, ont toute com¬
petence et toute autorite. Les colonies agricoles, y compris Gheel,
qui a passe longtemps pour un modeie dn genre, le .systiiine familial,
ont fait leur temps. 11 est prouve aujourd’hui que les colonies agri¬
coles et le placement des alienes chez les paysans sont la source
d’abus honleux. C’est I’exploitation du malheureux insense. Quant
ANNAL. MfiD.-PSVCH. 4' sArie, t. IX. Janvier 1867. 12. 12
178
BmLIOGRAPHIE.
an mainlien de ralidin; dans la famille, les nombreuses impossibililds
de ce mode d’assisiance se prdsenteiit spontandment a I’psprii de
tous, a I’exception de quelques rfiveurs qui sont dans one ignorance
complete dn sujet, ou qid veulent se poser cn rdformateurs quand
mdme.
M. Bonnet, appoi tant dans cetle question le fruit de son expd-
rience ddja longue, fait, pour ainsi dire, lonelier du doigi les obsia-
cles de toutessortes qui se dressent devant ce syslfeme de libertd
absolue. On lira avdc un intdrdt soutenu ces pages empreinies de
vdrild et de force, et dcriles toujours avec mesure cl moderation. Je
me bornerai a en extraire quelques lignes. — « Si done I’intcrne-
ment doit exister, et, dans presque tous les cas, a qui la faute? —
Bile ne doii certes pas incomlier aux Idgislaieurs qui ont pensd,
dans la fondation et la rdglementation des asiles, agir dans I’intdrdt
de leurs habitants comrae dans celiii de la socidtd. — L’absence
d’affection de la majoritd la plus nombreiise des parents pour cenx
qui dprouvent des alterations psychiques, la negligence, I’indilie-
rence, I’amour-propre mal place, I’audite, la misare, font que les
creatures desheritees en tout ou en partie par la nature, se irouve-
ront dans I’abandon. I.a cliarite liospitaliare, prenant, en fin de
comple, leur cause eh main, les dent soussa sauvegarde. » (P. 336.)
Plus loin, I’autcur demontre, avec des developpcments qui de-
vraient convaincre les plus difficiles, que I’augmenlation du nombre
des alienes dans les asiles tient a des causes multiples que les md-
decins qui vivent avec eux sont seuls en position de connaltre. II
me semble qu’a cet dgard 11 eflt did bon d’attirer plus fortement I’at-
lention sur les conditions dtiologiques de la Me. Ces conditions me
paraissent plus nombreuses, ou du moins elles me paraissent
s’exercer aujourd’hui avec plus de force que jadis. Les progrds de
la civilisation, les exeds de tout genre, et surtoiit les abiis alcooli-
ques, touies ces influences morales diverses qui maintiennent I’dco-
nomie dans uiie sorte d’etat febrile, contribuent puissamraent I
I’augmenlation du nombre des alidnds.
Quant aux garanties qui prdsident a rinternement, quant au con-
trble dont les admissions sont I’objet, la loi donne toutes les sdeurh
Ids ddsirables, quo! qu’en disent les adversaires de la Idglslation
actuelle, qui, tout rdeemment encore, ont renouveld leurs rdcriiiii-
nations d roccasion du rapport de S. E. M. le ministre de. I'agricul-
ture, du commerce et des travaux publics sur la situation des alidnds
en France. Leurs injustes accusations s’dcroulent devant I’exposi-
tion exacte et loyale des faits. Aussi, persuade que I’ddifice de 1838
vdsistera intact ii ces altaques pdriodiqucs, je rdpdterai, avec M. le
BIBtlOGRAPHIE. 179
docleur Bonnet, ces mots de M. I’inspecleur gdndial Lnnier : « II n’y
a rieii de tel pour les alidn^s qu’un bon asile. »
Cel oiivrage se lermine ’par un norabre considerable d’observa-
lions, dont I’ensemble n’occnpe pas moins de 16i pages. Elies
oirrent loutes de I’inierei, i dilierents points de viie; maisj’en com-
prendrais mieiix I’importance dans un ouvragc qiii iraiierait de la
folie et de ses diverses formes, que dans un livre exclusivement
consacrd i la li^gislaiion, & la morale et a loules ces questions de
I’ordre social que soulbve I’assistance des alklnfis. Elies formeni
comme les pibces juslilicalives de deux propositions capilales ddve-
loppdes dans le corps de I’ouvrage, b savoir, la ubcessild de rinler-
nementd’une part, et de I’aulre le dblaisscmenl prol'ond dont les
alidnes sont I’objet de la part de leiirs families, dont les sentiments
affectifs diminuent peu a peu el finissent par s’eieindre complbte-
ment. La lecture de ces fails n’apprendra rien aux medeciiis alld-
nistes en gbndral ; mais elle pourra bire utile aux enthousiastes de
I’assisiance 4 domicile, en leur dbmontrani que I’assislance en dehors
de I’asile esl illusoire, dangsreuse, impossible.
Arrive au lerme de cette analyse, je dirai 4 M. le docleur Bonnot
que les imperfections, les desiderata que prdsente son livre, ne
I’empbclieront pas d’obienir le siiccbs qu’il mbrile. Car les grandes
questions dont 11 traite sont 4 I’ordre du jour, et elles inldressent
non-seulement le corps mbdical, mais en mbme temps les Juriscon-
sultes, I’adminisiration, C'Etat enfin. Ce n’esi pas uniquemeni un
recueil de tout ce qui a dtd ditetfait d’iraportant sur un siijel dmi-
nemment humanitaire. Get ouvrage double de valeur par les dclair-
cissenients et les developpements nouveaux auxquels onl dtb sou-
mises plusieurs questions. L’auteur mOrite, en outre, des dloges
pour avoir su rendre toujours atiachante la lecture d’un sujet par-
foisabstrail etaride. Mais je n’o,se lui promeltre que ses efforts el
que le faisceau-de pre lives qu’il a accumuldes parviennenl encore 4
bbranler la foi robuste de quelques amants platoniques de la libertd
appliqube 4 Tassislauce des aliOnbs et au trailement des maladies
meniales. D'' Espiau de Lamaestre.
BILLETIN BIBIIOGRAPHIQVE
Neuvifeme rapport dela commission permanente d'inspection des dta-
blissemenls d’alidnds, 1863, I86Z1 el 1865. Bruxelles, 1866.
Etude mddico-ldgale sur la paralysie gdndrale, par le docteiir Legrand
du Saulle, mddcciii-expert prEs le tribunal civil de la Seine ; chcz
Savy, libraire-editeur, 24, rue Haiitefeuille. Paris, 1866, in-8"
de 32 pages. Prix : 1 fr. 25.
Casiclinici psicliiatrici, del prof. Cesare Lombroso. Bologna, 1866,
brocb. in-8" de 25 pages.
Bechtrclies clinlques sur le bromin e de potassium el snr son em-
ploidans le irailement de I’lipilepsie, par le docleiir A. Voisin.
Paris, 1866, in-8° de 46 pages.
THESES DE LA FACUt.TE DE PARIS.
(1865-1866.)
La Facultc, dans sa sdance annivelle du 3 niai 1866, a decernd des
mtidaillcs et menlions bonornbles, aux auteurs de Irenlc-sept des
thtses souienues devant elle, dans le coins de I’annde scolaire
1865-1866; parini les thfeses rdcompensde.s, c.elles qui concerneiu
I’analomie, la physlologie ou la patliologie du sysifcmc nerveiix, sont
Ics suivantes ;
!’■" CLASSE, liors ligne. Medailks d'aryent. — Thomas (A.-L.-C.),
Du pnenmatocMe du crane, — Gouguenheim (Ach.), Des tiinieurs
andvrysmales des artferes du cerveau. — Polaillon (Z.-F.-B.), Bliido
sur les ganglions nerveux pdriphiiriques. — - Galezowski (X.), Elude
oplithalmoscopique sur les alterations du nerf opiique, et sur les
maladies cdrdbrales donl elles dependent.
Deoxiiime CLASSE. Medailks d’argent. — De Font-P.eaux (L.-J.),
Localisation de la facullti sptfcialc du langnge arliciile. — Poumeau
(J.-Y.), Du r61e de I’inflammaliun dansle ramollissemcnt cerdbral.
TaoisifcME CLASSE. MedaUles debronze. — Dusart (0.), Hdrtidild
de I’dpilepsic. — Boussc (A.-L.), De la douleur provoqude cliez Ics
c.liordiqucs.
QCATRiitME CLASSE. Mentions honorables. — Goudel (H.-P.),
Considdrations sur la chorde.
VARIETES.
LISTE DES MEMBRES DE U SOCIETE MEDICO-PSYCHOLOGIQUE.
COMPOSITION DU BUBE/IU POUR L’ANNfiE 1867.
President : M. Paul Janet.
Vice-president : M. Brocliiii.
Seerdtairo gdndral : M. Loiseau,
Secretaire : M. Motet.
Secretaire adjoint : M. Ach. Foville.
Archimste-tr6sorier : M. Legrand dit Saulle.
Membres du comilc de publication ; MM. Jules Falret, Brierre di
Boismont et Auguste Voisin.
Membres hon ora ires.
MM. Belliomnio, ‘jS;, Carriero, Dechambre, tjSs, Cliaules desEtangs.
Membres titulaires.
MM.
Baillarger, ^Jfc.
Berthier.
Blanehe,
Bourdin.
Brierre de Boismont,
Broehin,
Calmeil, 0.
Cerise, -ft.
Constans, tft.
Dally.
Delasiauve.
Falret, 0. tfi;.
Falret (Jules).
Fournet, .
Foville (Achille).
Girard de Cailleux, 0. .
Janet (Paul), tft.
Legrand du Saulle.
Legrand (Maximin).
MM.
Loiseau.
Lunier, tjS*.
Luys.
Maury (Alfred), 0. ft .
Mesnet.
Mieliea,
Mitivie, tft.
Milivie (Albert).
Moreau (do Tours),
Motet.
Ott.
Peisso, *.
Puuzin,
Rota.
Roussolin.
Seinelaignc.
Trelat, ift.
Voisin (FolLx), *.
Voisin (Auguste).
Membres corre^pondants.
MM.
Boileau de Castelnau, ^ , a Itirnos.
Morel, tfii, a Rouen.
Macario, a Lyon.
Billod, a Angers.
MM.
Marcband, a Toulouse.
Veron, a Rouen, ■
Teilleux, a Grenoble.
Sauze, a Marseille.
VARlfiTfiS.
182
MM.
Azam, a Bordeaux,
Rousseau, a Dole.
Kiepce, ^ Allevard.
Dagonet, a Strasbourg.
Auzouy, a Pau.
Etoc-Demazy, au Mans.
Baume, a Quimper.
Lannurieu, a Morlaix.
Desmaisons, a Bordeaux.
Brunet, a Dijon.
Hospital, a Clermont-Ferrand.
Bonnot, a Marcville.
Fuzier, a Chambery.
Belloc, .a Alengon.
Blondin, a Montpellier,
fivrat, a Paris.
Labilte, a Clermont (Oise).
Laurent, a Marseille.
Membres asst
MM.
Ramaer, a Zutplien (HoUande).
Monlau, tft, a Madrid.
BilFi, a Milan.
Castiglioni, a Milan.
Rich, a Aoste.
Pi y Molist, a Barcelone.
Pujadas, a Barcelone.
Bucknill, a Londres.
Forbes Winslow, a Londres.
Tuke, a Londres.
Munoz, a Cuba.
Girolami, a Pesaro.
Gambari, a Ferrare.
Dambre, a Courtrai.
Bulkens, a Gheel.
Bonnucci, a Perouse.
Freze, a Kazan (Russie).
Herzog, a Saint-Petersbourg.
Salomon, a Malmo (Suiide).
MEMBRES DE LA
MM.
Combes, a Mayenne.
Dumesnil, a Qualre-Mares.
Ronnefous, a Leyme (Lot).
Dumont(deMonteux), a Rennes.
Duriant, a Geneve.
Tissot, a Dijon.
Lalfitte, a Rennes.
Artliaud, a Lyon.
Garreau 0. a Bayonne.
There , a Sceaux.
Petit, a Nantes.
Kuhn, a Morzine.
Renault du Motey, a Blois.
Christian, a Bischwiller.
Campagne, a Montdevergues.
Payen, a Orleans.
FougAres, a Limoges.
Grangers.
MM.
Livi, a Sienne.
Monti, a Bologhe.
Azzuri, a Rome.
Berti, a Venise.
Ponza, a Alexandria (Italic).
Lockart Robertson, a Londres.
Maudsley, a Londres.
Harrington Tuke, a Londres.
Mundy, a Brighton (Angleterre).
Roller, a lllenau (g.-d . do Bade) .
Flemming, a Schwerin (Me-
klembourg).
Griesinger, a Berlin.
Mongeri, a Constantinople.
Benvenisti, a Padoue.
Tonino, a Turin.
Webster, a Londres.
Mittermaier, a Heidelberg.
Miraglia, a Aversa.
‘sociiTb d6c6dAs.
Membres lilulaires : MM.Lemaitre, 0. Lallemand, 0. Gerdy,
Sandras, -ft, Reboul de Cavalery, ijfc, Ferrus, C. Londe Ar-
chambault, Adolphe Gamier 0. MarcA, Buchez, Parchappe, 0.
Pinel (Casimir), ift.
Membres correspondants : MM. Gosselet, Fabre, Aubanel, Renau-
din, ijjl, Bazin, Schnepp, .
Membres associes etrangers : MM. Giiggenbuhl, Berroni, Conolly,
Damerow.
yari6tEs. 183
■ ASSOCIATION MimiELLE DES MtoECINS ALIENISTES DE FRANCE.
Napoleon, par la grace de Diou et la volonte nationnle, Empereur
des Fran^ais,
A tous presents et a venir, saint.
Sur le rapport de notre ministre secretaire d’Etat au departement de
I'intdrieur ;
Vu I'avis du conseil d’Etat du 17 janvier 1806 ;
La domande fortnee au nom de 1’ Association des medecins alienistes
de France ;
Les statuls do I’oeuvre et gdneralement les documents fournis a Tap-:
pui de la deinande ;
Notre eonseil d’Etat entendu,
Avuns decrete dt deoretons ce qui suit :
Art. 1, — L’oeuvre de bienfaisaiice fondee a Paris sous la denomina¬
tion d’Association mutuelle des medecins alienistes de France, est recon-
nue commc dtablissemcnt d’utilile piiblique.
Art. 2. — Sent approuves les statuts de cette oeuvre, tels qu’ils sent
Art. 3. — Notre ministre secretaire d’Etat au departement de I’intd-
rieur est charge de I’execution du present decret.
Fait a Saint-Cloud, le 7 novembre 1866. NAPOLEON.
Par I’Empereur :
Le ministre seerdtaire d’Etat au departement de I’interieur,
Signe La Valette.
STATUTS.
Tithe premier. — Bui.
Art. 1 . — L’OJuvre charitable fondee a Paris sous le titre : Associa-
lioii. mutuelle des medecins alienistes de France, a pour but de venir
cn aide a ses membres fondateurs oil societaires et a leurs families tombes
dans I’infortuno.
Art. 2. — Les secours accordes par I’CEuvre, bien que temporaires en
prineipe, peuvent etre renouveles.
Tithe II. — Organisation et administration.
Art. 3. — L’ Association se compose :
De fondateurs ;
De societaires ;
Et do membres bonoraires.
Art. 4. — Tout fondateur est tenu de verser annuellement une
somme de 25 francs au moins.
Art. 5. — Chaque societaire s’oblige a payer une cotisation annuelle
de 10 francs.
Art. 6. — Toutmembre honoraire doit verser chaque annde au profit
de I’OEuvre une somme minimum de 20 francs.
Art- 7. — Sent admis comme fondateurs ou socidtaires :
Les mddecins attachds a des asiles publies ou privds d’alidnds, et en
m
VAR1£t£s.
general Ions les medecins qui s’occupent specialement d’etudes medico-
psychologiques.
Toutes autres personnes peuvent dire admises comme membres hono-
Art. 8. — Un Conseil, compose do quinzc membres, administro
I’OEuvre.
Art. 9. — Le Conseil, elu cn assemblce generale, par bulletin de listc,
au scrulin secret et a la majorite des membres presents, osl nommc
pour trois ans et se rcnouvelle chaquc annee par tiers.
Les deux premiers renouvellemciits auronl lieu par la voie du sort et
Ics suivants a I’anciennete.
Art. 10. — Apres cliaque rcnouvellement, lo Conseil choisit dans son
scin, el a la majorite absoluc des voix ;
Un president;
Un secretaire;
Et un trdsorier.
Ces fonctions sent graluites ; les membres sortants peuvent e.tro rcclus.
Le president reprdsenle I’OEuvre en toule circonslance.
Art. 11. — Le Conseil est charge de la gestion morale ct matorielle
do rCEuvre.
Ses decisions sont souveraines.
Toute deliberation, pour Stre valable, doit dtre prise au moiiis par
sept membres et a la majorite absolue.
En cas de partage, la voix du president est preponderante.
Les deliberations relatives a des acquisitions, alienations ou eclianges
d’immeubles et a 1 acceptation de donations et legs, soot soumiscs a I’au-
lorisalion du gouvernement.
Art. 12. — Le Conseil se reunit lous les trois mois; il pent d’ailleurs
etre convoque extraordinairement, soil par le president, soil sur la
demande do sept au moins de ses membres.
Titre Ill. — Ressources et comptabilile.
Art. 13. — Les ressources de I’fflluvre se composent des biens et
revenus de toute nature lui appurtenant ct du produit :
1“ Des colisations anniielles ;
2“ Des dons voloiitaires ;
3“ Des donations et legs dont I’acceptation aura ele autorisec conl'or-
mement aux dispositions de I'art. 910 du Code Napoleon;
4“ Des subventions qui pourraient lui etre accordees par les institu¬
tions charilables, les villes, les deparlements ou r£lat.
Art. 14. — Le Iresorier est charge de la perception des recettes ct
du payemeiit des depenses.
II fournit, tons les trois mois,’ un bordereau constatant I’etat de la
oaisse et la situation financiere ; il rend compte de sa gestion a la fin do
chaque annee ; mais il ne pout assister a la seance d’examen.
Art. 15. — Les fonds disponibles de I’Association seront deposes dans
une caisse publique jiisqu’a leur emploi definitif.
•Les excedants de recettes qui ne seront pas indispensables aux besoins
ou aux developpements de I’CEuvre seront places sur I’fitat ou en obliga¬
tions de chemins de fob fran(ais4
VABifiTtS. 185
Art. IG. — ho tiers au moins des cotisations, les dons et autres pro-
duits eventuels sont capitalises.
I/assemblee gdncrale pent seulo, pour des motifs d’une gravite excep-
tionncllc, apporter un changement a cette disposition.
Titre IV. — Dispositions generates.
Art. 17. — L’ Association est placde sous I’autorite du ministre do
I’intcrieur.
Art. 18. — Un reglemcnt arrdte par le Conseil d’adminislralion deter¬
mine les conditions d’admission aux secours, I'administration interieure et
toutes les dispositions de details propres a assurer I’execution des statuts.
Art. 19. — Chaque annde, au mois d’avril, tons les membres de
I’OEuvre sont convoques en assemblde gendrale ; les dignitaires du Conseil
d’administration Torment le bureau.
Le seerdtaire prdsente I’exposd de la situation morale et financicro, lo
compte de I’exorcice clos et le budget de I’exercice suivant.
L’asscmblde proedde ensuite au remplacement des membres du Conseil
dont les fonctions sont expirdes.
Art. 20. — Le compte rendu et le proces-verbal de la sdance sont
publids ; des exemplaires en sunt transmis a chacim des membres de la
Socidtd, aux administrateurs des institutions oliaritables, des villes et des
ddpartements qui accordent a I’fffiuvre des subventions, et au ministre
de I’intdrieur.
Art. 21. . — En oas de dissolution de TfEuvre, les biens meubles,
immeubles et les capitaux lui appartenant, recevront, avec I’autorisation
du ministre de I’interieur, un emploi conformc a I’esprit des prdsents
statuts et aux intentions des bienfaiteurs.
Art. 22. — Aucune modification aux presents statuts ne pourra dtre
proposde au gouvernement que d’apres I’avis de I’assomblde gdndrale,
sur la demande du Conseil d’administration.
Titre V. — Dispositions transitoires.
Art. 23. — Les administrateurs en exercicc, lors de la promulgation
des presents statuts, seront soumis a lelection dans rassemblee genorale
qui sufvra la reconnaissance legale de I’tEuvre.
— Le Bureau et le Conseil d’administration de I’Association pour
I’annee 18(J7 sont composes comme il suit :
Pr6sident, M. Baillarger;
Scerdtaire, M. Legrand du Saulle;
Tresorier, M. Lunier.
Membres formant avec le bureau le Conseil ■ d' administration :
MM. Blanche, Brierre de Boismont, Constans, Dumesnil, Falret (Jules),
Labitte, Mesnet, Mitivid, Moreau (de Tours), Rousselin, Semelaigne et
Trclat.
Le nombre des membres, au 1'”' janvier 1867, etait de :
Fondateurs . 48
Socidtaires . 25
Honoraires . 2
Ensemble . 75
186 VARlfiTSS.
Prix dc I’Acadfimle lmp£riale de m^declne de Paris.
L’Academie, dans sa seance du 11 decembre 1866, a decerne les
p'rix pour I’annde 1866, et arrete le programme des questions proposees
pour 1868.
PRIX DECERNfeS EN 1866.
• Prix fond6 par madatne de Civrieux (800 fr.). — L’Academie avail
propose cetle question : De la migraine. Dix memoires onl ete envoyds ;
mais la commission, tout en rendant liommage a I’instruction dont ils
ont faitpreuve, n’a cependant distingue que trois memoires. L’Acadomie
a ddcernd a M. le docteur Merland de Chailld une recompense de
500 francs, un encouragement de 300 francs a M. le docteur Beni-
Barde, et une mention honorable a M. le docteur Fajol.
Prix Lefevre (1500 fr.). — La question posee par le testateur ctait
celle-ci ; De la mdancolie. Des dix memoires envoyds, I'un, dit le rap¬
porteur, ne comprend absolument rien qui merite d’dtre notd ; le second
a traitd non la question de la mclaneplie, mais celle de la folie en gdne-
ral, de telle sorte que la commission a dO renoncer a en donner mOme
une analyse. L’Academie, en consequence, n’a aucune espdee de rdcom-
pense a'ddeerner celte annde. Mais, aprOs une aussi triste expdrienoe,
i’Academie, tout en respectant les intentions du testateur, et sans sorlir
du sujet qu’il a proposd, e’est-a-dire la melancolie, dont le litre reslera
toujours en tOte du programme, cherchera desormais, en le developpant,
a pousser en quelque sorte les concurrents dans des voies cheque fois
nouvelles et a provoquer des Iravaux qui auront ainsi, du moins, quelque
chose d’original. En consequence, le sujet du prix Lefevre pour 1869
sera conpu de la maniere suivante : De la melancolie, considdree dans
ses rapports avee la mddecine legale.
. Prix Godard (1000 fr.), accorde au meilleur travail sur la palhologie
interne. — L’Academie decerne ce prix a M. le docleur E. Lancereaux,
pour son travail sur Valcoolisme, et elle accorde, entre autres, une men¬
tion honorable a M. le docteur Becquet, pour son memoire sur le delire
d'inanition dans les maladies.
PRIX PROPOSfo POUR 1867.
Prix Civrieux- — L’Acaddmie a propose pour sujet de prix : De la
demence. Ce prix sera de la valeur de 1000 francs.
PRIX PROPOSfi POUR 1868.
Prix Portal. — L’Academie pose la question suivante : Des lumeurs
de V encephale et de leurs symptdmes. Ce prix est de la valeur de 600 fr.
Prix Civrieux. — L’Acaddmie propose pour question : Des pheno-
mcnes psychologiques avant, pendant el apres I’anesihesie provoquee. Ce
prix sera de la valeur de 800 francs.
N. Ji. — Les mdmoires pour les prix a decerner en 1868 devronl
etre envoyes a I’Academie avant le 1 “■ mars de la mdme annee. 11s
devront Otre ecrits en francais ou en lalin.
Tout concurrent qui se fera connailre directement ou indirectement
sera, par ce seul fait, exclu du concours.
VARlfiTtS,
187
Nominations. — Viennent d’etre nomm^s :
Direcleur-medecin de I’asile de Bonneval (Eure-et-Loir), M. le doc-
teur Teilleux, directeur -raedecin de I’asile de Saiat-Robert (Is6re) .
Directeur de I’asile de Saint-Robert, M. Pinot, ancien chef de bureau
do la prefeclure de Maine-et-Loire.
Medecin en chef de I’asile de Saint-Robert, M. le docteur Corlyl,
modecin en chefderasile do Cadillac (Gironde).
Medecin en chef de I’asile de Cadillac, M. le docteur Espiau de l.a-
maestre, medecin adjoint de I'asile de Quatre-Mares.
Medecin en chef du quartier d’alienes de Saint-Brieuc, M. le docteur
Grosvallet, en remplacement de M. le docteur Rault, ddcede.
Medecin prepose responsable du quartier d’alienos de Kiort, M. le
docteur Charriere, medecin du quartier de Pontorson.
— M. le docteur Fougeres, directeur-medecin. de I’asile de Naugeat
(Haute-Vionne), vient d’dtre elu membre corresporidapt do la Societe
medico- psychologique.
— M. le professeur Monlau(de Madrid), membre associd dtraiiger de la
Socidtd medico-psychologique, ddcord do I'ordre de la Legion d’honneur,
lors de la premidre rdunion du Congres international a Paris, et delegue
par I’Espagne pour le second Congrds, qui s’est tenu rdeemment a Con¬
stantinople, a rec-u les memes distinctions honorifiques des gouvernements
person, turc et russe. 11 est a priSsumer que son gouvernement qui I’a
nomme commandeur dans sa prdeddente mission, reconnaitra convena-
blement ses nouveaux services.
— M. le docteur G. Girolami, medecin-directeur de I’asile de Pe-
saro, membre associe dlranger de la Socidtd, dont if est bien connu par
son premier volume, contenant les memoires sur la systdmatisatiori des
asiles d’llalie, I’appreciation dcs prmcipaux asiles de I’Europe, I’expia-
tion pdnale, les limites de la folie et de quelques types qui I’avoisinenl,
la determination de la capacity el de I’incapacile civile et ciiminelle, vient
d’dlre nommd mddecin-directeur du manicome de la Piela a Rome. Cet
asile, qui, avec le concours de M. Azzurri, archilecte et membre de la
Societd, a dte considdrablemenl amdliore et rdeemment agrandi par
I’adjonction d’un commencement de ferme agricole, ne pourra que ga-
gner sous la direction eclairee de M. Girolami. Lorsque nous I’avons
visitee en 1862, il y avail une vingtaine de malades qui travaillaient au
jardinage. II n’est pas douteux que notre collegue ne donne a ce grand
etahlissement tons les developpements dont il est susceptible.
N^crologie. — ■ Nous avons le regret d’annoncer la mort de M. le doc¬
teur Casimir Pinel, directeur de I’asile prive du chateau Saint-James,
a Neullly-sur-Seine, chevalier de la Legion d’honneur, deeddd le 6 dd-
cembre 1866, a la suite d’une trds-longue maladie. A ses obseques, la
Socidtd mddico-psychologique dlait reprdsenldo par MM. Delasiauve ,
Belhomme, Girard de Cailleux, Midida, Legrand du Saulle, Loiseau,
Berthier et Linas, el I’Associaiion mutuelle des mddecins alidnistes de
France, par M. Baillarger. Au cimetidre, M. Legrand du Saulle s’est
exprime dans les termes suivants :
« Messieurs,
I) Un douloureux dvdi
3mble. Chargd de reprdsenter la
188
vari£t£s.
Societ6 tiled ico -psycholopque. et de prendre la parole, an nom de mes
collegues attristes, je viens adresser tin dernier adieu au savant mo-
desle, au medecin zel6 et au ciloyen honnete, dont nous aliens confier
a la terre la depouille mortelle.
)) Jean-Pierre-Casimir Pinel naquit au moment oil le siecle dernier
allait expirer. Neveu de I’lllustre reformatcur du sort des ali^nfis, do
celui qui sut si courageusement faire lomber les chaines qui meurtris-
saient les membres de ccs malheureux malades, Casimir Pinel ne pou-
vait pas hesiter dans le choix d’une profession : il se fit medecin. Enrolc
d'abord sous le drapeau de la chirurgie mililaire, il ne tarda pas a renori-
cer a une carriere pour laquelle les pacifiques evenements de la Kestau-
ration crcaient Irop de loisirs : son esprit le porlait a mtude, son activite
reclamait des labours plus soutenus, et son coeur le eonduisait, par uno
peiile toule naturelle, au soulagement de la plus cruelle des infortunes
bumaines. Son nom ne lui creait-il pas, d’ailleurs, un blason gloricux
et respecte?
» Casimir Pinel fonda done une maison d’alienes et se consacra tout
entier a sa lourde taohe. Le succes repondit a ses efforts intelligents et
consciencieux, etla prospdrite vint progressivement s’asseoir a son foyer.
Chacun applaudit a la recompense meritee qui couronnait ainsi une vie
consacrce au bien.
It Malgre ses incessantes occupations, malgre les longues heures qu’il
employait cliaque jour au traitement de ses chers malades, Casimir Pinel
trnuva le temps d’enrichir la science de travaux importahts. 11 a public,
nolamment, un memoire tr6s-considerable sur le mode de traitement de
I’alienation mentale aiguii par les bains prolonges et par les irrigations
continues sur la tete. L’Academie imperiale de medecine donna sa pleine
et enticre adhesion aux ingenieux aperfus Iherapeutiques de I’auteur, et
inscra, dans le tome XX de ses Memoires, I’oeuvre remarquable de notre
distingue confrere.
» L’un des membres fondateurs de la Societd medico-psychologique,
Casimir Pinel assistait tres-exaclement a nos seances et prenait une part
active a nos travaux. Il y adouze ans, lorsque nous discutames la ques¬
tion si controversee de la monomanie, notre savant collegue entra d’a-
bord le premier en lice, puis, avant la cldlure d’un debat reste memo¬
rable, il prononqa au milieu denous un discours magistral, danslequel,
apres s’etre efforce de demontrer I’existence du delire parliel, il envisagea
la monomanie au triple point de vue de la psychologie, de la pathologic
et de la mddecine legale.
» Un peu plus lard, nous enlendimes encore sa parole autorisde dans
la discussion sur la paralysie generale des alienes, puis a I’occasion du
secret medical dans ses rapports avec I’alienation mentale, et nous nous
aperfumes tout a coup que la place occupce a la Societe par Casimir
Pinel restait frdquemment vide ! Sa santd, en proie a des alternatives
chancelantes, le relenait chez lui, et I’une de ses plus grandes privations,
dans les dernieres et si penibles annees de sa vie, fut certainement I’im-
possibilite de reparaitre parmi nous.
» Malgre son etat de souffrance, notre affectionne collegue ne voulut
point se condamner au repos. Devenu I’actif collaboraleur du Journal
de mddecine mentale, il publia sur I’isolement des alidnes, sur les asilcs
VARlfiTfe, 189
ouvcrls a la folie et sur la loi du 30 juin 1838, 'une serie d’etudes qui
dOmontrent que son intelligence, loin d’avoir ilOclii, dlait parvenue, au
contraire, an summum de son eldvation.
» D’un abord gracieux et distingue, Casimir Pinel dtait bienveillant, bon
ct genOieux. II se concilia de solides amitids, vecut dans I’inlimitc de
llostan ot de Ferrus, et sut toujours s’attirer la sympathique estime de
scs confreres. Honneur, messieurs, a one carriere si utilement remplie,
lionneur aux prOcieuses qualiles de I’homme superieur dont la science
va prendre le deuil.
» Adieu, Casimir Pinel, la Societe mddico-psychologique el I’Associa-
lion des medecins alienistes de France deposent leurs supremos bom-
mages au seuil de voire demeuro derniore ; adieu, mon cber confrere, si
voire coeur a cossd de baltre, du moiiis voire souvenir sera pieusement
garde par la science et par vos amis, ii
— 11 est mort, il y a peu de lemps, un de cos Iiommes qui ont e-xerce
sur la jeunesse medicale de leiir dpoque une grande influence. £leve de
Pinel, Uoslan publiait, fort jeuno, des Ikcherches sur le ramolUssemcnt
du cerveau, qui font presscnlir les qualiles qui devaient faire sa rdpu-
talion et altcstent en mOme temps sa predilection pour les maladie.s de
I’encephale. Personne de nous n’a oublie ces brillanles legons de la Salpe-
triere, oil il exposait avec une si grande clarte les priuc.ipes de I’organi-
cismo et etonnait ses auditeurs par la precision do son diagnostic,
auquel on n’elait pas accoutumd. Des debuts aussi iemarquables lui ou-
vrirent les portes de 1’ Academic et de la F.iculle do medecine. Inddpen-
damment de son Trailti du ramollissement, il a fait paraitre un Cours
de medecine cliniqae, im Cours didmenlaire d'liygiene, une Exposition
des principcs de I'organicisme, ot de nombreux memoires. Piostan etait
un des praliciens les plus repandus de Paris et complait de nombreuses
amities qu’il devait a son affection pour la jeunesse studieusc, a ses talents,
il son amenite, aux charmes do ses maniores, a la varietc des connais-
sances do son esprit et a une parole qu’on ne se lassait pas d’ecouler.
— M. le docteur Damerow, fondaleur du journal I’d i/ffmeine Zeil-
schrift fiir Psychialrie, qu’il a longtemns rddigo avec MM. Flemming et
Piollcr, et aujourd’hui sous la direction do M. H. Daebr, vient de mourir.
Medecin-direcleur de I’asile do Hall, il est tombe victime de son zcle pour
les rnalheureux aliunfis de son dtahlisscment, atteints du cholera. C’est
une perle pour la science et I’humanile. Renaudin a fail conriaitre dans
les Annates medico-psycitologioues un grand nombre des travaux do
ce medecin distingue. II sera public, dans le journal, une notice sur
Damerow, qui etait membre associo dtranger de la Societe medico-
psycliologique.
Asiles de la Seine. — Dans son rapport presenld le 3 decembre 1806
an Conseil gcner.al du ddparlement, le prefet de la Seine propose d’affecter,
en 1867, la somme de A 800 530 francs 73 centimes .a la creation d’.a-
silcs d’alienes, au sujet desquels il s’exprime en ces lermes :
« La reorganisation du service des alienes va recevoir, en 1867, un
commencement d’execution. Le bureau d’examen ct de repartition des
malades, ainsi que I’asile Sainte-Anne, sent termines ct ouvriroiit Id’
!"■ janvicr. - . ,
19b VARlfexfiS.
» L’ach^vement de I’asile de Ville-Evrard est prodhain. Les travaux de
I’asile de VauolUse, bien cjue relardes par les difflculles imprdvues que
la nature du terrain a suscitees, seront neanmoina termines avant la fin
de 1867, et I’duverture de I’asile pourra avoir lieu auplus tard au com¬
mencement de I’annde 1868.
» Nous serons alors en mesure, chacun de ces trois asiles comprenant
600 places, d’y recevoir 1800 alienes. »
Asiles pour les attends buveurs. — M. le doctour Forbes Winslow
vient de publier dans le Pall Mall Gazelle, un travail interessant sur
la necessite d’ avoir un dtablissement special pour les fous alcooliques.
Ce genre d’asile existe ddja aux Etats-Unis, et il y a lieu de croire quo
I’assistance privCe, qui a fait tant de choses en Angleterre, mettra bientflt
a execution la pensee du docteur F. Winslow.
Suicides en public dans des asiles. — Guislain raconle, dans le troi-
sieme volume de ses Ucons orales, qu’un alidnd se pendit devant lui,
pendant qu’il faisail sa visite. Ce fut un autre aliCne qui s’en aperjut et
cria : o Voyez, il est mort». 11 avail eu le soin de rabatlre la visiere de sa
casquette au devant de sa figure. — Le docteur C. Livi, medecin-
direcleiir du manicome de Sieriiie, vient d’en consigner un nouvel
exemple dans une letlrc au docteur Callego. L’alidnd qui avail, deux
jours auparavant, fait une tentative de suicide, etait I’objet d’une ac¬
tive surveillance. On rarigeait dans une cour les malades pour les
envoyer au travail. Profitant de ce moment, il se dirige rapideraent
vers une imposte derriere laquelle se trouvait une porte a barreaux de
fer ouvrant sur un passage, tire a lui legeremeiit fimposte, en ayant la
precaution de laisser une partie de son corps en debors, toiirne son
visage corame s’il regardait quelque chose dans le passage, se place sur
la poinle des pieds et se pend a fun des barreaux. Ce ne fut qu’a I’appel
de son nom que I’accidcrit fut decouvert; malgrd le peu de temps qui
s’etaU ecoule, tous les secours furent inutiles.
Un bal excenlriqae. — Cn grand bal a etc donne jeudi aux alienes
de I’hospice de Flatbush, dans Long-Island. Cette fete, prdparee par les
soins des autorilas mddicales, a pleinement reussi. Les malheureux pen-
siuiinaires ont retrouve assez do luoiditd pour dariser aussi follement que
des gens raisonnables. L’orcheslre, compose de musiciens apparlenant'
aussi a I’institiilioii, malgrd quclques notes hasardees de temps h autre,
n’a pas trop manqud de mesure. En somme, cette tentative a donne raison
a ses iniliateurs, et sera probablernent renouvelee.
(Courrier des Elals-Unis.)
Superslilion musulmane. — Les musulmans ont une grande vdnera-
tioii pour les fous, qu’ils regardent comme des saints; e'est pour leur
bonheur, croient-ils, que Dieu les a prives de leur raison. Cette maniere
de voir est quelquefois juste quand on pense a I’emploi que certains
hommes font de Fesprit qu’ils tiennent de la nature.
Parmi les fous {medjnoun) de Constantinople, il en est certains qui
jouissent d’une telle consideration qu’on attache de I’importance a une
de leurs paroles, a un de leurs regards, a un de leurs sourires. Mustapha,
dit Deuirneli Uddd, etait un fou tout a fait inoffensif ; il demeurait dans
VARlfiTfeS.
191
un petit rtdiiit pres de Sainte-Sophie et reeevait chaque jour des cen-
taines de visites. II portait un habit recouvert de mille boutons, de la son
nom (Deutmd, bouton). II portait le mdme vdtement depuis quarante
Depuis trois jours, Mustapha etait malade , il vient de mourir. La
Valide sultane a ordonne de faire a ses frais les funerailles du saint : un
beau cachemire recouvrait le cercueil et prds de trois mille personnes
suivaient le cortdge; en outre, on dislribua plus de 20 000 piastres
d’aumflne
La reputation de Mustapha a tenle un autre fou, qui n’est peut-etre
pas si fou qu’il en a fair et qui vient de s’installer dans le rdduit laisse
vacant par la mort de Mustapha. {Monileur du 22 ddcembre 1866.)
— D’aprds rAlmanach statistique, il se commet en Espagne annuelle-
raent 223 suicides en moyeiine, un par 100 000 habitants. En France,
ce chilTre s’dldve a 11, et a 29 en Danemark- Des suicides enregislros en
Espagne, 71 pour 100 sont des hommes. C’est en juin et en juillet qufc
le plus grand nombre do ces suicides se produit ; janvier el levrier sent
les mois ou il y en a le moins. Les moyens de suicide les plus frdquem-
rnent employes sont la strangulation et les armes a feu pour les hommes,
le poison parmi les femmes. Les causes sont generalement la folie, les
souffrances continues et la misero.
— On nous ecrit de Saint-Nazaire en Royans, le 9 novembre :
Saint-Nazaire vient d’etre mis en dnioi par une scene dpouyanlable.
Vers neuf heures du matin, nn fou furieux parcourait en chemise les
rues de la ville. Arme d’une hache, il en frappait les portes. M. Vial,
entrepreneur, n’a que difficilement echappA a cet insense, mais son
chien a eu la jambe coupee. Le fou s’est dirige vers un cafe oil il a
fiappe les tables avec fureur. Son arine faisait reculer tout le monde. On
prevoyait une scene de meurtre et de carnage, car ce n’est pas la pre¬
miere fois que le nomme B..., de Rochechinar'd, dpileptique des plus
dangereux, a la suite de ses attaques, a epouvante Saint-Nazaire, Saint-
Jean et Rochechinard.
La situation devenait, comme on le voit, dangereuse, quand le courrier
estarrive amenant le nouveau marechal des logis de gendarmerie Charles-
Frederic Nde. Ce niililaire a inaugure son commandement par un de ces
actes de courage et de devouement auxqnels cette arme nous a habitues.
Le fou etait assis sur le banc du cale qu’il taillait a coups de hache.
M. Nee s’est approche doucement ; le foualeve sa hache, pour I’en frapper,
alors ce mililaire tirant son epee I’a fait flamboyer ; la fou a abandonne
la hache el a saisi I’Apee nue pendant que son adversaire le saisissait lui-
meme de sa main libre. One lutte s’en est suivie; le marechal des logis,
ayant glissd sur le trottoir, est tombe, mais la population, se precipitant
sur le malheureux B..., I’a garrotte et emmeni a Saint-Jean.
— La commune de Saint-Martin-Lautosque (Alpes-Maritimes) a ete,
mercredi dernier, dit le Journal de Nice, le theatre d’un drame san-
glant. Le nomme Antoine Martin, age do quarante-huit ans, s’etait cou-
che tranquillement, lorsque, vers onze heures du soir, il se lAve, s’armo
d’un dnorme coutelas et crie qu’il va Agorger toute sa famille pour la
192
VARlfiTfiS.
d^livrer du demon. AussilOt il frappe sa femme au cou ; ses trois enfants
se sauvent dans la rue ; il les poursuit, atleint le plus jeune, age de huit
ans, et le blesse a la lete. Aux cris des voisins, deux gendarmes, les
sieurs Geoffroy et Raybandi, accourent. Ce dernier degalne pour desar-
mer Martin, dont I’exaltation est a son comble ; une lutte s’engage,
dans laquelie Geoffroy est grievement blesse ; Raybandi est profonde-
ment mordu au pouce de la main gauche ; enfin le fou est maitrise et
conduit en lieu de sArete. La femme Martin est morte le jour mSme.
{Petite Pressc du 27 dccembre 1866.)
— M. le docleur Jules Falret a commence son cours sur les maladies
mentales, le lundi 3 decembre, a quatre heures, dans I’ampliilhealre
n® 1 de I’Ecole pratique, et le conlinuera les vciidredis et lundis de
cliaqiie semaine, a la meme heure.
— M. le docleur Luys, mddecin des hOpitaux, a commence son cours
sur les fonctions et les maladies du systiime nerveux, le mardi 11 de¬
cembre, a bull heures du soir, dans I’amphith^atre n" 3 de I’licole
pratique, et le conlinuera les mardis et samedis de chaque semaine, a la
mfime heure.
CORRESPONDANCE.
— Algcincinc SKcitsclirirt fur Psycliintric. — Le quatriemo
fascicule de I’annde 1863 ne nous est pas parvenu.
— Woclientolatt der Zcitsclirift der K. K. Hcsellscliart der
JOVRlIfAIi
DE
L’ALIENATION MENTALE
ET DE
LA MEDECINE LEGALE DES ALlfiNES.
PATHOLOGIE MEIVTALE.
DES RELATIONS QUI EXISTENT
ENTRE
LES MALADIES MENTALES
AUTRES AFFECTIONS DU SYSTfiME NERVEUX
DISCOURS PRONONCE
k L’OUVERTURE DE LA CLINIQBE DES MALADIES MEMTALES ET NEBVRDSES
A LA CHARITY; DE BERLIN, LE 1'='' MAI 1866
Par HI. Ic professenv W.
TRADUIT PAR
M. le doctcnr JULES FilLRET (1).
Messieurs,
Je coniraence aujourd’hui line s^rie de lecons et de demons*
trations cliniques dans lesquelles, pour la preraifere fois, les ma-
(1) Nous avons cl^ja public dans ce journal, il y a deux ans fjanvier
1865), la traduction d’un discours prononcd par le professeur Griesinger
a Touverture de sa clinique psychiatrique, A Tuniversitd de Zurich.
Depais cette dpoque, ce savant medecin a etd charge, a I’universite de
ANNAL. MfiB.-psvcH. 4° serie, t. ix. Mars 1867 1. 13
194 r.liLATWNS. ENl'BE lES MALADIES MENTALES
ladies iiientales et les autres maladies iierveuses vont devenir
I’objet d’uii m6me enseignement. Ainsi se trouvera r6alis6e prali-
quement cette pens6e feconde que les affeclious du systeme ner-
veux ferment en r6alit6 un tout inseparable, dout les maladies
ajjpelees mentales ne constituent qu’une portion assez restreiute.
Cette pens6e esf loin jusqu’ici d’avoir ete generalement acceptfie.
e’estune acquisition scientifique du temps present, etson admis¬
sion aura pour rfesullat de modifier bien des id6es, de redresser
bien des erreurs et d’ouvrir la voie a de nouveanx progres
dans toutes les directions.
Nous ne rencontrons, messieurs, dans les asiles d’ali6nes
qu’une portion tres-limitee des maladies iierveuses; elles ne
s’y trouvent plac6es que par suite des consid6rations lout a fai*^
6trangeres, puisees dans les ndeessites du traitement ou de la
protection, telles que le besoin de separer ces malades des con¬
ditions ordinaires de la vie, de les isoler, de les occuper, etc.
La periode du specialisme propremenl dit, dans laquelle on
ne regardait eomme apparlenant 16gitimement & notre domaine
que les malades renfermfis dans ces asiles, est maiiitenant passee,
et le temps ii’est pas 61oignd ou I’on ne considdrera plus comme
Berlin, a la fois d’une cliniqne medicale et d’une clinique speciale sur les
maladies nervenses et mentales, et c’esl pour inaugurer ce nouvel ensei¬
gnement qu’il a prononcS le discours dont nous donnons aujourd’hui la
traduction fransaise. Ce second, discours, confu dans le mSme esprit
que le premier, mais contenant beaucoup d'aperfus nouveaux, nous a
paru le complement naturel du precedent. En faisant- connaitre aux lec-
teurs frangais les opinions si sagement exprimees de I’liomme eminent
auquel notre specialite doit ddja tant de reconnaissance pour son remar-
quable Traite des maladies mentales, nous avons ecu servir utilement
les interdts de la science. Rendre de plus en plus etroits les liens nom-
breux qui unissent la medecine mentale a la mddecine gendrale, tel a
ete le but constant des efforts du professeur Griesinger, et telle est,
en effet, la voie dans laquelle doit s’engager chaque jour davantage la
patliologie mentale pour rdaliser de nouveaux progrds. Sur ce terrain
commun, nous pouvons tons nous rencontrer, et quelles que soient les
divergences d'opinioiis qui nous separent sur des points secondairos,
nous devons tons nous trouver d’accord avec le savant professeur de
Berlin sur cette direction fondamentale qu'il conyient d’imprimer a notre
science speciale. {Note du traducleur.)
LKS AFFECTIONS NERVEUSES.
195
de vrais spficialistes en psychiatrie tpie ceux qui auront parcouru
toot entier le vaste terrain des maladies nerveuses et qui le cul-
tivcront dans toute son filendue.
On avail suppos6 jiisque dans ces derniers temps que
r^tude des maladies mentales Se distinguait par des difQculles
d’une nature toute spficiale, que la mMecine ordinaire n’avait
avec elle que des rapports dloighes, en un mot, que la psy-
cliiatrie avail pour entrde les portes obscures de la mdtapliy-
sique. Et pourtant, messieurs, il me semble que les autres
maladies du cerveau et du systfeme nerveux, qui forment avec
Ics maladies dites mentales un tout inseparable, n’onl pas dte
jusqu’h present tres-notablement eluciddes par la mdtaphysique.
En Allemagne, en particulier, le temps est maintenant lout a
fait passe ou I’on ne croyait pouvoir connaitre la psycliiatrie
qu’en se plagant a un point de vue philosophique ou psycholo-
gique. L’dtiologie, le diagnostic, le pronostic et la thdrapeutique,
tels sont en rdalite les objets qui doivent fixer notre attention
et nous conduire a de vdritables rdsultats. La thdrapeutique
surtout retire les plus grands avantages de I’etude indivise de
tomes les maladies nerveuses, et chaque acquisition nouvelle ob-
tenue dans Tune des branches de ce vaste sujet exerce sur
I’ensemble une influence favorable.
Relativement a la mddecine Idgale, peut-on concevoir un
dome sur celui qui est le plus competent pour prononcer un
jugement dqnitable sur les conditions morbides de I’esprit?
Celui qui n’a pas fait des dispositions herdditaires des mala-
(Ues mentales I’objet principal de ses dtudes, celui qui n’a pas
appris, par un grand nombre d’observatious particulieres, a
reconnaitre les individus prddisposds a ralidnation, celui qui n’a
pas une connaissance approfondie de I’dpilepsie, celui enfin qui
ne connait pas les changements si intdressants qui surviennent
dans les Idsions du systeme nerveux, celui- la ne peut que jouer
un Iriste role, comme expert mddico-ldgal, dans des cas dou-
teux de maladies mentales. £u procddaht a I’aide de propositions
196 RELAKONS EOTRE LES MALADIES MENTALES
abstraites, par exemple en supposant un conflii perp^tuel eiUre
les bons et les rnauvais principes dans I’humanite, ou en dirigeanl
son altention sur des questions subtiles, on ne pent parvenir
a faire son devoir en mfidecine 16gale. Celui-la seui qui ap-
porte a I’^tude psychique de I’individu tout entier des connais-
sances pratiques positives (et ceci n’est possible qu’ii la condition
d’etre tout ii fait S son aise dans la totality du sujet), celui-la
seul, disons-nous, peut voir notre specialite se d6rouler comple-
tement a ses yeux.
Si done, messieurs, nous voulions indiquer par un seul mot
le point de vue auquel il convient d’envisager les maladies mcn-
tales, nous dirions que e’est le point de vue de la pathologic
cerebrak ou de la pathologic nerveuse. Mon intention est au-
jourd’hui de diriger votre attention sur une partie du sujet quo
nous allons aborder ensemble, a la lueur de cette conception g6-
nfirale, de mettre sous vos yeux une serie d’exemples indiquaut
la d6pendance mutuelle de tontes les maladies nerveuses et de
vous introduire ainsi immediatement dans quelques-uns des
faits les plus int^ressants de notre science.
Parmi les alifines que vous allez voir dans cette clinique, vous
pouvez, messieurs, a un point de vue (5tiologique et pathog6-
nique, distinguer deux groupes principaux. Les uns consistent
dans des affections du cerveau pour ainsi dire acquises ou acci-
DENTELLES, qui preseiitent une telle predominance de deran¬
gement mental qne nous les appelons maladies mentales.
Une blessure ii la t6te est souvent suivie, corame resultat ulte-
rieur, d’une maladie mentale. On pent etre amen6dans un asile
d’alienes pour avoir avaie des oeufs de tenia. Les maladies syphi-
litiques, les degenerescences atheromateuses des arteres du
cerveau, les affections de I’oreiile interne, une attaque ante-
rieure de typhus, ou une suppression subitc des regies peuvent
aussi produire une maladie cerebrale accompagnee de trouble
mental. Une terreur forte et subite peut encore devenir la cause
d’une maladie mentale intense, ainsi que d’autres sympt6raes
ET LES AFFECTIONS NERVEUSES. 197
de inaladie cdi'fibrale, et les personnes qui tombent aiasi lua-
lades ne sont pas n6cessairement caract6ris6es par quelque
trait parliculier. Elies peuvent elre sans dducation ou bien
61ev6es, inlelligentes ou non intelligenles, et appartenir a toutes
les categories de caracteres, de dispositions et de maniere de
vivre.
Mais un second groupe, beaucoup plus considerable que le
precedent, consiste dans des malades chez lesquels le derange¬
ment du cerveau survient d’une maniere beaucoup moins for-
tuite et chez lesquels la predisposition a existe, iion-seulement
eneux-memes, mais dans leur famille. Oui, messieurs, c’eslune
grande verite qu’une grande partie de la deslinee humaine est
deierminee avec une grande fixite par des influences qui se sont
exercees sur le germe des son origine; que des milliers
d’hommes, sans aucune faute de leur part et sans pouvoir y
remedier, portent le lourd fardeau de cetle predisposition et que
les fils desherites de la nature deviennent en meme temps les
fils abandonnes de la destinee. Au premier aspect, cette verite
semble profondement trisie et decourageaute. Mais la science
qui nous fait connaitre ces faits nous indique en m6me temps les
remedes. Elle nous enseigne par quels moyens nous pouvons et
nous devons prevenir un mal aussi grave et aussi inevitable en
apparence, comment enfm la predisposition hereditaire peut
etre vaincue, combattue ou du moins diminuee, en renouvelant
le sang des families et en ordonnant moraleinent la vie des indi-
vidus. Neanmoins, sous ce rapport, la medecine ne peut que
donner des conseils et non des ordres. Mais lorsqueson influence
s’exercera sur ces diverses conditions, alors seulement son
but eminemment social sera reellement accompli. — Eh bien,
cette predisposition que nous retrouvons chez la plupart
de nos malades, doit 61re concue, non pas seulement comme
psycbopathique, mais comme n6vropathique, et elle ne peut
etre compl^tement comprise que par un coup d’oeil d'ensemble
iei6 sur tout le dotnaine des maladies nerveuses. Ce ne sont
198 RELATIONS ENTRE LES MALADIES MENTALES
pas seulement des maladies menlales, on bien des bizarreries,
des excentricitfis de caractere qu’oiit presentees les parents ou
les collateraux de eeux qui arriyent dans nos asiles, mais bien
de I’epilepsie, de I’liystdrie, de I’hypochondric, de la chorde, des
cephalalgies chroniques d’origine inconnue, des paralysies ou
des irritations nerveuses, et nous devons rechercher toutes ces
conditions si nous voulons connaitre reellement la veritable
predisposition de nos malades.
Les personnes qui sont ainsi, predisposdes peuvent encore
elre subdivisdes en deux sections :
1“ Les malades atteints d’une simple predisposition heredi-
laire ou de farnille. Les parents ou les ascendants de ces indi-
vidus peuvent avoir eie affectes de maladies nerveuses ou
mentales, mais il n’y a eu encore, ni chez eux, ni dans leur fa-
mille, aucune trace de difformile physique remarquable, aucun
signe de ce que nous pouvons appeler, avec rexcellent alieniste
Ic docteur Morel, une degenerescence, c’est-a-dire une dete¬
rioration de la race. Ces cas ne sont pas aussi frequents qu’on
le suppose, mais ils existent. Je possede Tarbre genealogique
d"une famille pendant deux generations comprenant vingt-six
individus. Parmi eux, neuf sont alienes, cinq ont accompli un
suicide, plusieurs autres ont eie regardes comme excentriques
et comme d’un temperament irritable. J’ai moi-meme dernie-
rement fait cbnnaissance avec plusieurs membres de cette fa¬
mille, et la situation de plusieurs autres m’a ete decrite par
ecrit. Le plus grand nombre de ces individus sont bien consti-
tues, forts ; quelques-uns m6me sont vraiment de belles per¬
sonnes ; plusieurs d’entre eux sont intelligents, utiles dans la
position qu’ils occupent, et quelques-uns meme sont tenus en
haute estime. Ils ne portent aucune apparence de degendres-
cence. La tendance, evldemment hereditaire, n’a pris chez eux
aucun des caractferes de ddterioration de la race, et chose qui
me parait tres-digne de remarque, quoiqu’il y ait dans cette
famille plusieurs individus atteluts non-seulement de maladies
ET X.es affections NERVEESgSi (199
meiUales, mais d’affections uerveuses, il n’y a pas paiMiii eux un
seul dpilepiique.
2“. Plus Wqueinment cependaiit nous trouvons les per-
sonnes frappdes d’une predisposition hfirfiditaire ndvropatliiquen
prdsentant quelque chose dans leur organisation qui les distiiir
gue de la inajorite des homines, et qui par certaines formes ou
par quelque partie de leur corps sont marqu6es et comine af^
nig^es speciaiemenl par la nature. Ces signes de degeudresceuce
peuvent consister dans des changements tr6s-16gers et peu
importants. On peut faire figurer parirti eux, par example,
plusieurs deformations particuliercs de I’oreille externe (1).
Quoique nous trouvions ces alterations chez des personnes qui,
sous tons les autres rapports, sont norinales (auquel cas elles
out par consequent peu de signification), nous ne deyons pas
neanraoins considerer leur apparition parmi les gens affectes
de maladies nerveuses ou mentales comine accidentelle, attendu
qu’il semble prouve que ces anomalies dans la structure de
roreille externe sont plus frequentes dans Cette classe de ma-
lades que parmi tons les autres (2).
Je suis porte a croire 6galement qu’il existe une certaine
anomalie des yeux, qui peut etre considCree comine un signe
de predisposition nerveuse, mais non de deg6nerescence ; car ces
yeux peuvent etre ti-es-beaux. Je ne decrirai pas actuellement
cette disposition frequente des yeux chez les alienes; lors-
qu’elle se presen tera a nous chez nos malades, je ne manquerai
pas de diriger sur elle votre attention.
(1) Morel (De la formation du type dans le^ variMs ddgenllf-des, 1863,
p. 30) considero la mauvaise formation de I’oreille externe, non pas
comme un .signe ndcessaire de degenereseeiioe, liiais cotiitne prdsque
toujours assoeide a unB condition flevi’Opdthique des parents.
(Note rie I’atttmr.)
(2) Parmi les cent quatre peisonnes ali6n6BS qUe nous avoHS actiielle-
ment dans noire section d’aliends, il n’y ell a qile Vingi-detix donl les
orcilles soient com|pieiement et jiatfaitemenb conformdes.
(Note de I’auleur.)
200 RELATIONS ENTRE LES MALADIES MENTALES
Mais la maniere la plus frappante et la plus ^videute dont se
manifeste le caractfere d6g6n6ratif, consiste dans la Mquente
diminution de la taille, TarrSt de dSveloppement sexuel, les de¬
formations des organes genitaux (1), ledeveloppementincomplet
des dents, I’actiou unilaterale exageree de I’un des nerfsfaciaux,
ou en general I’inegalite de developpement de la face, enfin et
surtout les anomalies les plus diverses dans la forme du crane.
Dans ces families, on voit survenir les combinaisons les plus
interessantes et les plus bizarres des maladies nerveuses.
Dne jeune fille epileptique, ayant une conformation vicieuse
de la face et du crane, avait une sceur qui etait venue au
monde avec une atrophie du crSne et probablement du cerveau
et qui mourut dans la deuxi6rae ann6e sans aucune trace de
developpement psychique ; son pere et son frbre sont des indi-
vidus bizarres qui recoivent de toutes choses une impression
p6nible ; enfin, chose plus remarquable encore, un autre frere
du p^re est mort du diabete.
Ce n’est pas lii du reste le seul exemple de la production du
diabete dans ces conditions ; car cette maladie doit etre envisa-
gee corame une maladie nerveuse primitive qui se produit dans
les families predispqsees aux maladies nerveuses ou men-
tales (2).
Lorsque Ton trouve des signes 6vidents de d6g6n6rescence
dans une famille, ils’y rencontre presque toujours aussi, a c6t6
(1) Nous avons un cas tres-extraordinaire de ce genre dans noire
service ; c’est celui d'une femme sans utdrus. Elle a de temps en temps
des acc^s accidentels de delire drotique ayant une certaine duree.
{Note de I'auteur.)
(2) J’ai observd dernidrement le premier exemple que j’aie rencontrd,
de diabdte sucre, chez un individu rdellement aliene, avec un penchant
tres-intense aux dispositions anxieuses et la pensde constante de se jeter
par la fendtre. Le professeur Seegen (de Carlsbad), qui a beaucoup
d’experience sur le diabdte, me racontait, dans une visile rdcente, qu’il
avait souvent observd I’alidnation coincidant avec cette maladie.
(Note de I'auteur.)
ET LES AFFECTIONS NERVEUSES. 201
des ali6nfe, des epileptiques, et meme il y a plus d’6pileptiques
qur portent ces signes de deg6nerescence que d’ali^nfis.
Il convient d’ailleurs d’appliquer li l’6pilepsie comme a I’ali^-
nalion la mfime division gengrale en deux classes ; il faut ad-
inettre des cas d’epilepsie acquise, survenus en quelque sorte
accidentellement, et d’aulres qui reposent sur des dispositions
internes et portent souvent aveceuxle caractere d6g6neralif. Je
me suis d6jii explique longuement sur ce sujet dans le semestre
pr6c^dent de tna clinique sur les maladies nerveuses.
Mais, jusqu’a present, nous ne ddcouvrons encore dans la
forme et le mode de dfiveloppement de I’fipilepsie, aucune
difference bien d^terminee, entre ces deux ordres de faits ;
les alidnes, au contraire, prddisposds a cette malaclie nevro-
pathiquement , prdsentent trds-souvent , mais non pas lou-
jours, quelque chose de spdcial dans la forme de leur trouble
mental, de telle sorte que chez un assez grand nombre d’entre
eux, sans connaitre positivement leurs antdcddents, nous
pouvons, par le seul fait de la nature speciale de leur folie,
conclure avec quelque certitude k I’existence d’une disposition
ndvropathique anldrieure. Ge fait a dtd encore ires-bien dtabli
par le docteur Morel etj’aurai souvent I’occasion de vous en
montrer des exemples. Celui-la seul qui s’est habitue k fixer
son attention sur ces manifestations et sur ces signes de la pre¬
disposition ndvropathique pent arriver, soit en mddecineldgale,
soil dans la vie ordinaire, k comprendre beaucoup d’individus
qui sans cela seraient des problkmes inexplicables. Nous ren-
controns souvent en effel des individus de cette caidgorie dans
le monde, ou bien la ou conduisent les delit’s et les crimes,
c’est-k-dire sur le banc des accuses ou dans les prisons ; beau-
coup d’entre eux poursuivent, du reste, dans le monde, le
cours de leur existence, sans que jamais une veritable maladie
menlale fasse chez eux explosion. Les uns nous etonnent par
leur nature excitable, passionnee, extreme et excentrique en
toutes choses, qui parait tout a fait incomprehensible k ceux
202 RELATIONS ENTRE LES MALADIES MENTALES
qui soiit eii 6tat de sant6. D’autres me rappellent toujours les
individus qui n’oiit pas la faculty de reconnaitre les couleurs,
De mgme qu’il est des homines qui no peuvent distinguer ni le
rouge, ni le bleu, ui le jaune, mais voient tous les objels de
couleur grise, de meme il eu est d’autres que certaiiies parli-
cularites organiques rendent 6galeraent incapables d’appr6cier
I’infinie varl6t6 des tons et des nuances du monde moral, et
chezlesquels toutapparait d’une teiule grise uniforme it I’oeilde
leur esprit.
D’aulres ne sont pas priv6s des facultes receptives ou per-
ceplives, maismanquent compl^lement des faculty de reaction,
dans le domaine du sentiment comme dans celui de la volonte.
II est des etres calines et tranquilles ; dans toutes les circon-
stances de la vie, dans les plus trisles comme dans les gaies,
ils restent 6tonnamment impassibles, non pas par suite d’une
liarmonie ou d’nne direction parfaites de leurs facultes, mais par
I’effet d’une veritable froideur int6rieure de I’aine qui est abso-
lument incompr6hensible pour les autres homines doues d’une
sensibility normale et qui leur semble raeme tout a fait deses-
pyrante. C’est la une dyfectuosity de la sensibility de la plus
etrange nature ; de meme qu’il existe des gynies au point de
vue esthytiqiie et moral, de meme il existe, a ce meme point
de vue, des absences de facultys qui peuvent aller jusqu’ii une
vyritable dymence, et les exemples de ces lacunes pourraient
ytre augmentes k I’infini.
Mais, dira-t-on, a quelle doctrine peuvent conduire de pa-
reilles notions ? Ges individus sont-ils done reellement des ma-
lades ? Sont-ils aliynys? Et puisque la folie est une maladie cy-
rebrale, sont-ils done atteints d’une affection du cerveau ? Les
homines ne peuVent-ils done pas diffyrer les uns des auires et
doivent-ils tous etre tallies sur le meme patron? Ne doit-on
pas considerer les medecins aliynistes eux-memes comme des
fous (je I’ai entendu dire bien souvent), puisqu’ils veulent voir
partout des anomalies intellectuelles et qu’ils fmissent meme
EX LES AFFECTIONS NEBVEUSES. 203
par declarer que I’originalite et le genie ]ui-m6rae lie sent qu’une
folie? II est utije de poser tout de suite ces questions, afin de
pouvoir y repoudre immfidiatement. Tous ces individus ne
sont pas, dfes Tabord, ali6n6s ou atteints d’une ijialadie du ceiv
veau, Beaucoupd’entreeux n’ont, pendant loute leur vie, qu’une
simple predisposition, et il faut de nouvelles circonstgnces popr
que cette disposition devienne une maladie veritable,
Mais on doit reconnaitre que c’est d6ja une evideiite anoma-
lie, quand un homme opeie sur les impressions du monde ex-
lerieur et sur cedes qui lui viennent deson propre corpSj d’une
maniere diff^reiUe de cede des autres hommes ; quiind il en
tire des impressions g6iierales diff6rentes sur le monde qui
I’entoure ; lorsqu’il manque en quelque sorte d’uu sens pour
apprdcier certaines regions de la pens6e ou de la sensibilit6 hu-
raaines, de telle sorte qu’il ne peut pas arriver au developpement
complet de toutes ses faculties ; lorsque enfin il surgit chez lui des
sensations, des instincts ou des passions ^trangiires a Timmense
majorite des hommes et qui s’imposent facileraent a lui sans
auciine resistance de sa part.
Nous avons de 16gitimes raisons de croire que de parejlles
lacunes dans I’^quilibre moral reposent sur des anomalies cor-
respondantes dans le mecanisme psycbique de Tappareil ner-
veux ; car I’auginentation de ces 6tats psycbiques anormaux
est presque toujours accompagnee de manifestations somaliques
morbides. Une attaque de convulsions ou I’irritation p.eriphe-
rique de certaines parties du systeme nerveux, par exeniple.
du nerf honteux, peuvent prficeder ces anomalies on les provo-
quer, une anestli6sie pfiripherique peut les accompagner, les
aiigmenter ou persisler et disparaitre avec elles.
Le inMecin aliiiniste, dont le regard est exerc6 par I’habitude
il voir de pareils hommes, lesquels ddlirent plus dans leurs actes
que dans leurs paroles, et dont la luciditS etoniie telleinent le
public qu’il ne peut croire que ces manifestations psycbiques
soient anormalcs ; le m(5dccin alifiniste, disons-nous, ne con-
204 RELATIONS ENTRE LES MALADIES MENTALES
fond pas, pour cela, I’originalite el le gfinie'avec lafolie. Pourles
dislinguer, il a un seui et mSrae criterium qui ne peut le trom-
per : il reconnait les uns et les autres Ji leurs fruits, .^lais lors-
que plac6 au point de vue n^vropathique, il regarde derrifere
les coulisses pathologiques, alors il arrive a des rfisullats vrai-
inent surprenants. L’un des parents ou des ascendants de ces
fitres singuliers ou originaux, 6tait ali6n6, epileptique, profon-
d6ment hypochondriaque, ou bien est niort du diabfete ; un de
ses frferes ou soeurs est alteint de verlige et un autre de c6phal-
algie chronique ; enfin, I’individu lui-meme a d6ja eu des ac-
ces convulsifs ou veiTigineux ; peut-fitre n’en a-t-il encore
6prouv6 qu’un seul, mais un seul acces epileptique suffit pour
rendre un individu different de lui-meme et pour transformer
rhomme en original et la femme en femme nerveiise. Et si
I’un de ses freres ou soeurs en a 6prouv6 d6ja un semblable, la
famille tout entiere forme comme une seule nnit6 patholo-
gique, et I’acces Epileptique ou la profonde nevralgie de I’un se
trouvent rEpercutEs pour ainsi dire dans tous les autres mem-
bres !
Voila, messieurs, ce que je voulais vous dire aujourd’hui
sur la disposition aux maladies mentales, envisagEe a un point
de vue nEvropathique gEuEral. T1 me sera Egalement facile main-
tenant devous montrer, pai' les manifestations meme des affec¬
tions dites mentales, leur union intime et indissoluble avec les
autres maladies du systeme nerveux et partant la vErite du
point de vue nEvropathique auquel je me suis place.
Dans les maladies du cerveau, que nous appelons maladies
mentales, les anomalies du mouvement et de la sensibilite
jouent un tres-grand role ; ces dernieres meme constituent
souvent le premier fondeinent et I’occasion veritable du dEve-
loppement du trouble mental, de telle sorte que ce dernier
manque totalement ou disparait, lorsque I’anoraalie de la sensi-
bilitE tombe elle-niEme ou vient a etre EcartEe. Je ne parle pas
encore ici des hallucinations ; car dies ne sont autre chose que
ET EES AFFECTIONS NEEVEUSES. 205
de simples sensations, ainsi que nous le verrons plus tard. Je
veux aujourd’hui vous parler plus sp6cialement de certaines
formes de maladies menlales, qui se trouvent li6es avec les
auomalies les plus habituelles de la sensibility d’une facon si
directe que toute la maladie n’est en realite au dSbut qu’une
sensation anormale, sans aucune aberration veritable dans la
sphere de la sensibilite morale ou de rinlelligence, maladies
qui vous prouvent de la manifere la plus claire la connexion in¬
time qui existe entre les anomalies psycbiques et les autres
affections du systbme nerveux.
Vous savez, messieurs, quel role important joue Vaura dans
I’epilepsie. Dans on grand nombre de cas, elle precfede I’altaque,
qui delate ensuite en convulsions, etnous avons de bonnes raisons
d’admettre qu’elle peut etre quelquefois rdellement pdripberi-
que, tandis que plus souvent au contraire elle a dvidemment
une origine centrale. Eb bien , il existe des cas A'aura perma-
nente et ne faisant pas explosion, qui ne sont autre chose
qu’une maladie mentale. Ges fails, tres-intdressanls et non pas
tres-rares, que je considere comme tout a fait spdciaiix et jus-
qu’a prdsent comme presque entierement inconnus, et qui
constitueront un chapitre tout entier de la pathologie spdeiale
des affections cdrdbrales, se manifdstent d’une facon tres-diverse,
selon la partie du corps, ou selon I’organe duquel Vaura part ou
semble partir (car id encore elle peut avoir certainement une
origine centrale).
Les fails les plus connus, parmi les malades des maisons d’a-
lidnds, sont ceux chez lesquels une sensation anormale dans la
rdgion de I’dpigastre joue le role principal dans la production
de la maladie. II semble, disent ces malades, qu’une pierre ou
un poids de cent quintaux repose sur le creux de leur csto-
mac. Cette sensation, disent-ils, leur remonte vers la tSte, leur
trouble les iddes ou bien leur impose certaines sdries d’iddes
particulidres ; si elle avait disparu, ils n’dprouveraient au¬
cune anxidtd et ils se senliraient bien portants. Ces fails so
206 relations entre les maladies mentales
g6neraltiment connus sous le iioin d’anxi^te prficordiale, mol
par lequel on dfisigne aussi quelquefois aulre chose (1); Par-
fois, cette sensation prend le caraclfere franchement ascen¬
dant, eomrae une veritable aura qui seulement n’arrive pas
jusqu’lf faire explosion. J’ai sous ce rapport un fait qui est fbr-
teinent grav6 dans ma iri^Woire. C’est celui d’un paysan soli-
dement! bati qui, durant des mois entiers, se promenait de long
en iRrge, presque d&e^6r(5, pleurant et joignant les rtiaiiis
pendant la plus grande paftie du jour. « Deux grands fleuves,
disait-il constamment, coulent incessamment de I’estorriac ters
ma tSte, et me causent one atlxifitfi indescriptible et un trodble
profond des idfies ! »
fl y a encore un autre 6fat singulier du fiiefne genre, qoi n’a
pas et6 speciaFement dfeit, et que je pourrais ."(ppeler anxicti
frontale on dysthymie frontale. ties malades se plaigUentd’iine
sensation S la partie antfirieure de la tSte, et dans cette sensa¬
tion, disenf-ilsi consiste tout feur inal-. Ils chercheiit touteS
sortes d’expressions pour designer cette sensation. Ce n’est pas
une doulenr, diseiit tons ces malades. SI au inoins e’Stait tiUe
douleur, disent quelques autres F Us rappellent un tourraent,
uWe angoisse, un poids. One pesanteUr, ou empibient toutaufre
mot semblable pour en rendre compte. Plusieors d’etitre eui
peuVent meme prficiser avec exactitude j'usqu’ci qUef point
s’btend cette angoisse qui n’est pas une dbuletir, par exerilple
jusqu’a quelques lignes au-dessus de la racinP d*u' ne2, Ce qui
indique dvrdemment que c’est bfen la une sensation tCellb et
local'isCe (2): Tant que Cette sensation persiste, ces fna'ladeS Sont
(1) L’expression de dyslhymia epigastrica serait peut-dlre plus con-
venable. {Note de I'aiUeur.j
(2) 11 y a. encore des cas dans lesquels une sensation maludive, dans
la region du vertex, qui va el vient, et qui est quelquefois comparee
a une plaque chaud'e, est' lied cliaque fois aveC 1’ apparition de certaines
sdries d’iddes, avec un certain, desordre d’idees et avec le sentiment
qu’cprouve le malade de ne plus pouvoir se retrouver au milieu do
toutes ces pensdes disparates. {Ndte dV Vauim-.)'
ET LES AMEmOMS NERVEUSES. 2fr7
presque incapables de psnsei-, et I’auxi^te les toui-meute dans
toutes les directions. L’irapression morale parliculifere que pro-
duit cetle sensation inaladive penetre plus profondfiment dans le
mficanisHae psycbique in time de I’individu que ne le ferait toute
autre doulenr quelconque.
Un monsieur age, qui me consullak pour un second acces
de cet6tat maladif, me racontaifilni-meme que I’anxidle morale,
lirovoqu6e uniquement par eelte seasaiiGii special© a la partie
ant6rienre de ia tdte, I’avait conduit a une tentative de suicide
qui, heureusemeut, avail pu etne conjur6e.
Des sensations maladives analogues partent sowveut de* la
region des organes du bassin (probablemeut, mais pas loujours
d’une maniere certaine, des organes g6nitaux)i, et provoquent
directement un veritable etat de trouble mental. Pour ne rlen
prejuger, on pourrait doniier provisoirement ci cette situation
morbide le nom de dysihymia hypogastrica. Cette forme devrait
etre consid6r6e comme presque exclusivemeut propre aUi sexe
Kminin, du moins lorsqu’elle est fortement caracterisee. Une
jeunelille de vingt aiis, qui6tait ici I’aimee deruiere, a’expliquait
clairement sur ce sujet. La menstruation habituellement comr-
mencait par une sensation de brulure> et d’augoisse dans la r6gion
liypogastrique. De la cette sensation s’filevait comme une chaleur
et frappait tout a couplatete. C’dtak alorsque survenaitl’ansi^td ;
il semblait qu’elle dut s’6tendre a toutes les id6es, et radme
donner naissance a de mauvaises idees. II lui semblait, disait-
elle, qu’elle’ devait tout faire contre le bom Dieu el lui pi-fiferer
le diable ; elle avait alors beaucoup plus d’idfees qu’auparavant,
et tout ce qu’elle pensait, elle pouvait se le representer comme
exterieur par I ’imagination, En Affirmant les yeux, elle voyait
tout ce qu’elle pensait devant elle et elle se sentait transport^e
partout oil sa pensee'la' dirigeak. La tSte Ini' parait dans eesmo-
menls lourde et iroubl6e ; elle se promene eir pleurant et en
gemissant et se plaint a chaenn de ses tourments. Get 6tat pent
durer huit jours ou plus longtemps. Sr la- sensatiom ne se' pro-
208 RELATIONS ENTRE LES MALADIES MENTALES
duit pas, les idees ne vienneiit pas non plus, I’anxi^te elle-
rneme n’existe pas et la inalade redevient gale et raisonnable.
Elle a en gdndral une sensation d’engourdissement dans la region
des parties g6nitales et s’est pgrae de temps en temps niasturbee.
Malgrg cela, cette aura qui nefait pas explosion {aura avortge),
peut trfes-bien etre entiferement centrale; car cette malade eut
plusieurs fois des vertiges et parait 6tre tombde une fois de son
sigge, signes presque indubitables d’un 6tat gpileptique.
Chez un homme quo j’ai eu rgceminent & examiner comme
expert, Yaura a fait explosion, non pas en un accfes gpileptique,
mais en une horrible violence d’action. Ce malade, buveur
d’eau-de-vie, gtait conchd dans une chambre avec ses cinq
enfants qui dormaient tous le matin. Il lui vient alors tout a
coup la pensge qu’il devait tuer ses enfants ; mais comment
cette pensge s’est-elle produite? Voila ce qu’il raconte : « II
me monta a la tete comme une dcume ; il passa a travers la
chambre comme un coup de fusil ou comme un violent coup de
vent; une forte odeur de marjolaine remplit la chambre et me
fit perdre les sens ; mes iddes s’dvanouirent a tel point que je
tombai par terre. » Mais tout aussitot il se releve, prend la
hache et frappe alternativement a droite et a gauche sur les
enfants, dont trois deviemient victimes de sa violence. Si Ton
n’avait rien connu que I’acte et la narration faite par le malade,
on aurait pu affirraer avec certitude qu’il gtait gpileplique;
mais I’enquete medicale dgmontra ensuite d’une manifere incon¬
testable chez lui I’existence de vgritables accgs gpileptiques
caractgrisds.
Il y a encore d’autres alignes qui presentent des anomalies de
la sensibilite tres-gtendues, des sensations spgciales de traction,
de pincement, de vibration, de tremblement, reposant gvidem-
ment sur des anomalies du sentiment musculaire. Ges sensa¬
tions ggngralisges sur tout le corps entrainent h leur suite un
gtat d’anxigtg ggngrale, d’inquigtude, de mobilitg pennanente
et des idges dglirantes correspondant & ces dispositions ggng-
ET LES AFFECTIONS NERVEUSE?. 2C9
rales dc la seusibilile : si ces sensations disparaissaient, on ver-
rait, an moins dans le commencement de la maladie tons les
autres pheiiomenes disparaitre avec elles. Dans d’. utrcs cir-
constances, ce sont de v6ritables nfivralgies ordinaires qui
entrainent imrafidiateraent a leur suite un veritable trouble
mental. Ces fails ne me paraissent pas extraordinaireinent rares,
quoique le sujet soil encore irfes-peu explord. L’hiver dernier,
j’ai soign6 un monsieur chez lequel une nfivralgie occipitale
bilatdrale avail amene une profonde prostration mfilancolique.
Dans la clinique medicale, il in’est venu I’annee derniere p!u-
sieurs cas oil ce mode de production de la maladie etait trfes-
clair et qui par cela meine sont tres-instructifs (1).
Mais un fait de ce genre m’a surtout frapp6 de la mauiere la
plus vive, et le malade avec lequel j’fitais lie m’a donne de si
inleressants details sur son comple, qu’il est rare d’en obtenir
de pareils. Ce malade 6tait affeclS d’une n6vralgie de la cin-
quieme paire : apriis une vive emotion morale, il lui viut un
jour un nouvel acces qui bientbt se transforma en un 6tat de
violenle anxi6t6. A partir de ce moment, les acces nfivialgiques
prirent un caractere paiTiculier. Apres avoir dur6 un certain
(1) Une femme de quarante ans a, depuis plusieurs anndes. une
nevralgie du c6te droit de la premidre branche de la cinquieme paire
et du nerf occipital, qui semble Stre survenue pour la premiere fois a la
suite d’un erysipele. Depuis deux ans de nouveaux phenomenes se sont
produits. Les douleurs commenceiit dans le fond de I’orbite et il s’dtend
alors corame un voile sur toute la tete. Si la malade ferme les yeux
pendant I’acces de douleur, clle voit alors toutes les figures les plus
absurdes que Ton puisse imagines, et elle a aussi des idees insensfies.
Elle voit despersonnes passer en voiture ou en couraiit; elle voit aussi
des jardins ou toutes autres choses auxquelles elle ne songe jamais autre-
ment. De temps en temps aussi elle apercoit des objets eflrayants,
comme des squelettes ; quelquefois elle eprouve la sensation d’une chute,
ou bipn une sorte d’angoisse, comme si on voulait lui faire quelque
chose, ou si elle avail elle-meme fait quelque chose de mal. — Dans
un autre cas observd a la Charite, il survint chez une jeune fdle de
dix-huit ans des accAs rApetds de trouble menial , de profonde alteration
du caractere et d’excitation gdnitale, qui common?aient cheque fois avec
une ndvralgie sus-orbitaire gauche. Les acc6s de trouble mental duraient
ANNAL. MflD.-PSVCtt, A' serie, t. IX. Mars 1867. 2. 11
210 RELATIONS ENTRE LES MALADIES MENTALES
temps, la doulcur disparnissail et il siirvcuait mcme un senti¬
ment de bien-elre ; puis arrivaient des sensations anxieuses, qui
s’accompagnaient chez ce inalade d’une sorte d’illusion qui lui
faisait croire que I’espace lui manquait, que tout autour de
lui devenait plusetroit, etque les objels convergeaient tous vers
lui : il lui semblait alors que les murailles se rapprochaient et
que les plafonds s’abaissaient ; etait-il dans la rue, il lui sera-
blait aussi qu’il entrait dans une impasse et qu’il devenait le
point de rencontre d’une grande affluence d’individus.
L’anxidtfi ddbute lentement, jusqu’h ce qu’enfm une sensa¬
tion extfirieure, ou bien une |iens6e qui surgit, produise une
vive impression ; alors I’etat monte progressiveraent et I’anxietd
se fixe stir un but determine. Alors, dit le malade, se d6ve-
loppent comme en cercle, autour de ccs pensfies premieres, des
masses d’idees nouvelles dans toutes les directions ; de nora-
breuses pensees accessoires viennent se grouper tout autour
avec une incroyable rapidite; il sc trouve ainsi obligd de discuter
sur chacune d’elles avec des etres imaginaires ; les images de
personnes connues ou amies lui apparaisseiit, mais tout a fait
defigurees et avec des expressions de physionomie hideuses et
de dix u quinze jours et its etaient suivis d’une periode de remission
d’une quinzaine de jours a Irois semaines. Lorsqu’a la suite de trois ou
quntre acefes de ce genre, la relation evidente avec la ndvralgie I'ut
parfaitement dtablie, on donna, dans la periode d’amdlioralion, de la
solution de Fowler, et tout disparut. — Un homme de quarante-cinq
ans, sans disposition heredltaire, a depuis un an environ une sensation
de brdlure entre les deux cpaules. Cette sensation cst devenue de plus
etl plus forte, puis 11 s’dtablit une Irds-forte nevralgie dans la moitie
droite de la face, principalement dans la machoire inferieure, qui dura
pres de quatre semaines. En mdme temps, on a observe chez ce malade
une grande volubilllo dans le langage ; liuit jours apros, survint I’explo-
sion rapide d’un acces de manie- avec idees de grandeur. Bientot appa-
rait une admission durant laquelle le malade nous raconte que pendant
sa ndvralgie il a remarque en lui une excitation psychique incoercible ;
qu’il lui dtait venu I’idee que son fils devait etre tuc et que lui-m6me
devait dtre empoisonne par le mddecin : I’excilation maniaque dtait tou-
jours precedee d’une augmentation de la sensation de brdlure dans la
region des dpaules. (Nole de I’auteur.)
ET LES AFFECTIONS NERVEDSES. 211
grimacaiUcs, elc. Souvent Sussi survient le besoin irresistible
de courir devant soi, et le malade ne pent plus elre mailre de
sa personne. On est force, dit-il, de resler fixe devant sa pensee,
avec le sentiment p6nible que Ton n’a plus la force de lui resis¬
ter : penser le contraire devient impossible. Le contenu des idees
est toujours d’une nature sombre et efl’rayante : sa propre
culpabilile, le soup^on centre ceux qui nous entourent, le
besoin de se precipiter d’un lieu eiev6 ou de sauter a bas
d’une toiture, etc., telles sent les idees qni nous assaillent. De
temps en temps un notable soulagement et un veritable, calme
resultent de la destruction d’un objet quelconque ; il semble
que par cet acle, les liens qui nous oppressent se trouvent
momentanement rompus. Ces acces, horriblement penibles, se
terrainaieni par le retour de la faciliie et de la liberte dans la
respiration. La cbloroformisation est le moyen qui a procure
pendant quelque temps le plus de soulagement ; mais bienlfit
les bienfaits do cette medication se sonl epuises. Apres de longs
essais infructueux de tous genres, j’ai reussi enfiu, en faisant
renifler une solution fortement narcotique par la narine cor-
respondante, a faire disparaitre la uevralgie et avec elle, pen¬
dant longteinps, I’etal d’angoisse ; mais malheureuseraent elle
n’a pas disparu pour toujours.
Par ces exemples, nous apprenons a connaitre des fails vrai-
ment remarquableSj dans lesquels ralienation se trouve dans la
connexion la plus etroite avec une uevralgie, etats que Ton
pent appeler dysthymia nevralgica ; mais le mecanisme par
lequel s’diablit cette relation n’est pas toujours le meme. Dans
le dernier cas, le trouble mental apparait comnie un 6tat conse-
culif, comme une esp6ce de transformation de I’accfes nevral-
gique, lequel est completement passe, de meme que nous
voyons quelquefois survenir un acc6s de trouble mental apre;
la termiuaison d’un acces dpileplique. Dans le premier et
peut-fitre en partie dans le second et le troisibme exelnple,
e’est la douleur elle-raeme qui engendre directement le trouble
215 REr.ATIbNS ilNTilE LEfe MALAOIES MENTALEs
mental. Ce rftjiillat n’est pas produit par rinleiisite de la doit-
leiir ; mais, de meme cpi’iine iievralgie pent faire nallrc des
sensations concomitantes dans d’autres parties du corps, de
mfiine elle fait snrgirici, en provoqiiant I’irritalion de certaiiies
parties du cerveau qui ne sont nullemeiit alteintes par la n6-
vralgie elle -meme, des conceptions concomitantes [\) d’uue
nature maladive, conceptions qui, par leur contenu, ne sont
nulleraent en rapport avee la donleur, mais qui, provenant
de I’irritation causec par elle dans certaines parlies du cer¬
veau, sc meuvent dans unc sphere d’iddes tout a fait 61oi-
gnee.
Dans une grande quantity de maladies nerveuses, nous avons
sous les yeux de semblables etats dans lesquels de iiombreuses
sensations coexistantes oudes raouvements reflexes et concomi¬
tants constituent lea principales manifestations, dans des parties
du systfime nerveux qui n’6taient nullement le sifige de I’irri-
tation primitive. De meme, dans les maladies mentales, il existe
un mficanisme pathologique que Ton pent envisager comme
une exageration de la distraction ou comme une extension suc¬
cessive du cercle du premier ^branlement. Des regions etran-
geres et tout a fait eloignees, qui a I’fitat normal resteraient
completement intactes, font 6cho it celles qui ont 6t6 primiti-
vement 6branlees, et de iiombreuses conceptions secondaires,
ou des repercussions d’id^es sur les impulsions, sont provo-
qufies, tantot par d’autres id6es, tantot par de simples sensations.
Ce sont lit des precedes qui sont entierement coiitraires a I’as-
sociation normale des id^es. 11 se produit alors, dans des direc¬
tions tout a fait inusitdes , de nouvelles associations et de
nouvelles combinaisons d’iddes extremement singulieres et
inexplicables & I’Stat normal. C’est ainsi que, dans certains dtats
(1) Cette notion des idees concamitanles, ou idfies simultanees, que
j’introduis ici dans la physiologic pathologique du cerveau, peut seule
expliquer une foule de phfinomenes incomprehensibles dans les malaSies
mentales, (Note tie I’auieur.)
FFECriONS NERVEUSES.
213
d’irritalion du cerveau, les sensations et les iddes les plus dilT6-
renles peuvent relentir dans le champ des id6es et des sensa¬
tions sexuelles; on voit alors retenlir dans cette direction
des dbranleinents qui a’auraient jamais pu y parvenir & I’etat
de sante : des conceptions qui n’ont pas le moindre rapport
avec la sphere sexuellc se trouvent ainsi accompagnfies de sen¬
sations, d’idees on d’cxciiations sexuelles, et souvent associfies
avec elles de la facbn la plus bizarre.
]1 existe une foule de fails tres-importants quo Ton coinprend
habituellement sous le nom A' hypochondrie (mot qui dans la
pratique est souvent pris dans les sens les plus differcnls et par
lequel on dfisigne frOqueinment la premiere periode des affec¬
tions mentales les plus graves) ; or, ces fails reposent IrOs-
souvent sur un processus palhologique analogue. Des sensa¬
tions venues de I’intdrieur du corps, qui, dans I’elat normal,
ii’arrivent jamais jusqu’au centre ou s’dlaborent nos idOes et qui
sont entiOrement soustraites a notre conscience (quoiqu.e les
nerfs qui les apportent paraissent pOnOtrer assez profonddment
dans le cerveau), ces impressions, dis-je , provenant de la
sphere de la circulation, de la digestion, du moiivemcnt intesti¬
nal, etc. , dcviennenl en quelque sorte vivantes et depassent
alors leurs liraites naturelles. Elies font invasion cl penOtrent
direciement, soit comrae excitant, soit comme materiel d’dlabo-
ration, dans le cercle habituel des iddes, et deviennent ainsi la
source de conceptions et d’images interieures conipletement
incomprdhensibles pour ceux qui sont dans I’etat de santd. Cette
intrusion tout a fail insolite et immddiale des functions infd-
rieures au milieu du for intdrieur de ces malades, produit chez
eux une sensation toute particuliere quileurparait comme dtran-
gere a eux-memes, et plusieurs d’entre eux parlentde lour corps
d’une maniere vraiment singuliere, comme d’une puissance
dtrangere et distincte avec laquelle ils auraient affaire. Les
obstacles qui s'opposent, a I’dtat normal, a la transmission de
ces sensations, sont-ils ddtruits par I’effct de la maladie, obsta^
214 RELATIONS ENTRE LES MALADIES MENTALES
cles qui, dans I’etat cle sant6, couvrent d’un voile noir et impd-
nelrable, pour nos operations iutellecluelles et conscientes, tons
les phfinomenes qui se passeiit, par exemple, dans la sphere de
nos fonctions digestives ? On bien ces sensations soat-elles d'une
origine cerebrale, et avons-nous encore affaire, dans ces cas, a
de nouveaux exeinples d’une sorted’awm centrale, n’aboiitissant
pas jusqu’a I’explosion, et qui provoque des series anonnales
de conceptions? Ce sonl la des questions auxquclles de nou-
velles rechcrches pourront seules permettre de r^pondre.
Dans les pages qui precedent, j’ai nioiUr6 par des exeinples
comment les maladies mentales peuveut se trouver liees, de la
maniere la plus intime, avec des sensations maladives, et com¬
ment ces dernibres peuvent devenir la base etla veritable ori¬
gine des precfidentes. Mais la psycbiatrie a egalement beau-
coup a s’occuper des maladies nerveuses qui produisent des
troubles profonds de la moiilite, a c6t6 des anomalies psychiques.
A ces 6tats appartiennent, par exemple, les formes dites joara-
lytiques, ainsi que la chjsthymia ou dementia tabetica {tabes
dorsalis), etat dans lequel une degenerescence grise des cordons
posterieurs de la moelle fipinibre, accompagnee quelqiiefois
d’acces epileptiformes (que d’apres les experiences de Brown-
Sequard je crois pouvoir considdrer coinme d’origine spinale),
coincident avec des troubles trbs-graves de la sensibiiit6 mo¬
rale et de I’intelligence ; mais je ue puis aujourd'hui entrer
plus avant dans I’exaraen de ces questions.
Plus nous arriverous a bien connaitre les symptomes de
I’ordre sensitif et moteur dans les maladies appelees mentales,
plus nous sortirons enfin de ces divisions purement psycho¬
logic) ues des formes cle ces affections qui donnent aujour-
d’hui, meme aux inities, de moius en moins de satisfaction.
Nous arriverous alors a la decouverte de nouvelles formes,
cre6es ii un point de vue sp6cialement nfivropatbiquc et bashes
sur I’ensemble des lesions caracteristiques du inccanismc psy-
cbique sensitif et moteur, veritables especes morbides de la
ET LES AFFECTIONS NERVEU3ES. 215
psychiatrie, auxquelles les malades enfermfis dans les asiles
d’alifinfis fourniront sans doiite un contingent considerable,
mais non la totalile de leurs elements. Si, de pins, nous ajou-
tons a ces donnees, coinme nous I’avons dejh indique an com¬
mencement de ce discours el dans un travail precedent (1), les
differences tlrees du point de vue pathogenique, nous parvien-
drons alors it donner a ces formes nouvelles un fondement plus
etendu et plus solide encore. Les troubles psychiques ne doivent
en aucune raanibre, dans cette appreciation, elre places au
second plan. J'avoue mSine tres-volontiers qu’ils restent tou-
jours ct mes yeux les plus int6ressants de tons; mais je crois que
ces troubles eux-memes devront 6tre dorenavant etudies d’une
maniere dilierente et plus concrete que par le passe, plulot dans
leurs pbenomeuesi6iementaires (tels que I’anxiete, la disposition
it la col6re, I’absence de volonte , la succession rapide des
idees, la fixite rigide de certaines series de conceptions, I’in-
coherence des pensees et du langage, etc., etc.) que dans les
etats complexes deja coordonnes et denommes , tels que la
manic, la melancolie, etc. C’est dans I’etude combinee de ces
troubles psychiques eiementaires et des anomalies sensitives et
inotrices que j’entrevois les progres les plus considerables it
accomplir dans notre science speciale. Ge n’est pas une simpli¬
fication des formes, mais une etude ponssee plus loin dans le
detail, conduisant it la decouverte de formes nevropathiques,
qui nous rapprochera do but que la pratique, c’est-it-dire le
cl a c t la iherapeulique, exige suriout aujourd’hui.
Vous voyez done, messieurs, qu’il nous reste beaucoup it
faire en psychiatrie. Abandonnez-vouscompieteraent, messieurs,
dans les heures que vous passerez ici, a la direction des fails.
Recherchons avec attention ce qui cxiste reellement dans la
nature; ne songeons pas, des a prdsent, h loutes les applica¬
tions possibles : elles vous arriveront d’elles-memes lorsque
(1) Voy. Annates medico-psychologiquos, numero de janvier 1865.
216 RELATIONS ENTRE LES MALADIES MENTALES, ETC.
vous aurez d’abord convenablement observe. Caspci-, dans son
Traile de medecine legale, a rejetfi la nianie transitoirc parce
qu’on en avail fait un deplorable abus. Parmi les mddecins anglais,
on entend aujourd’hui des voix s’filever dnergiquement contre
la folie morale {moral insanity], que I’un de leurs compalrioles
a pourtant 6tablie conforniement a la nature et au profit de
la science. Cesont lii, messieurs, selon moi, de verilables devia¬
tions de la droite voie, qui ne peuvent etre 6vit6es que par une
6tude complete, conforme a I’experience et sans pr6juges de
tous les fails soumis & notre observation.
Vous trouverez id, messieurs, les bases des connaissances
iiombreuses qui sont indispensables pour arriver a la solution
de ces questions difficiles. Par robservalion des malades que
vous verrez dans cette clinique, vous pouji’cz dfija acqu6rir
comme un petit tr^sor d’experience personnelle, auquel vous
ajouterez plus tard vos observations et vos reflexions ult6rieures.
Que le principe du point de vue nevropaihique vous serve do
guide, messieurs, pour vous diriger dans ce nouveau domaine,
el de fil conducteur pour p6n6trer dans la plus grande partiede
ce labyrinthe. Chaque pas en avant accompli par la pathologic
cer6brale et nerveuse fait figalement progresser la psychiatric,
et chacun d’eux la rapproche de plus en plus de la m6decine
gen6rale, en la faisant apparaitre comme une simple partie dans
ce grand ensemble !
SYMPTOMATOLOGIE DE LA FOLIE.
DU POIDS DU CORPS CHEZ LES ALlfiNfiS ,
Par MiM. Ics doclours CiiSARE LoMBiioso, cliarje do la cliniquo des maladies menlalcs
a I’Univorsilc do Pavie, cl A. Laurent, mcdocin eii clicf do I'asilc do Marseille.
En pendant compte d’un m^moire de M. le docteur Cesare
Lombroso : La medicina legale delle alienazione mentali stu-
diata col inetodo experimentale {Anndles mcdico-psycholo-
giques, 1S66, t. XXXIV. p. 309), j’ai resumd les riSsuUal.s
obtenus par ce pralicien an sujet du poids des ali6nes. Dans une
note qu’il m’a adressee dernibrement par I’intermfidiaire de
M. le docteur Brierre de Boismont, ce savant confrere insisto
sur I’importance m6dico-16gale de ce point de symptoinatologic
pbysique; Mais avant de transcrire ce document clinique, je
crois qu’il coivfiehl de le faire pr(5c6der de quelques reflexions
historiques. Elies me sonl d’ailleurs fournies en grande partie
par M. Lombroso lui-meme [Risposta all' autore dell’’ esame
critica, 1865, p. ‘iO).
En France on ue s’est pas occupe de la recherche du poids
du corps chez les abends. Depuis Esquirol, on rdpete que quand
la folie tend aia ddmence, I’individu presente pour caractere de
manger davantage et de prendre un certain embonpoint ; en mgine
temps ses idees ddlirantes n’dprouvent que de Idgeres ameliora¬
tions.
En Allemagne on a pousse plus loin I’etude du syinptome
physique qui m’occupe en ce moment. Schulz et Erlenmayer
out prouvd par des pesdes pdriodiques hebdomadaires et men-
suelles que I’augmentation du poids du corps est en raison de
I’amdlioration de I’affeclion inentale. Albers a trouvd que sous
1’ influence des opiacds, I’alidnd en gudrissant augraentait d’une
deini-livre a une livre et deime par jour, et qu’il n’dtait pasvrai
218 SYMPTOMATOLOGIE DE LA FOLIE.
qiie raugmentation cle poicls coinciclat avec I’invasion cle la
dfinience.
Nasse, avec des experiences continuees pendant cinq ans sur
500 nialades, dont 78 gueiis, a pu prouver que sur un quart
des cas raugmenlatioii de poids des gueris etait de 10 livres, et
que, dans un grand noinbre de cas, elle s’etait eievee jusqu’ii
20 el 22 livres.
Dans 22 cas (dont 7 femmes), raugmentation dtait dans la proportion
de 10 pour 100, relativcrnent au poids du corps.
— 27 — 13 femmes, cetle augmentation allait de 11 a 22.
— 17 — 10 — — — de 21 a 30.
— 7 — 4 — — — de 31 a 40.
— 3— 2— — — de41a 108.
Les femmes en gudrisant augmenlfereiit en general de 21,6 el
les homines de 15,8.
Trois hornmes en moins d’un mois gagnerent de 1 9 a 22 livres ;
et trois femmes de 19 a 26 livres ; parmi les individus ameliores,
un en un mois augmenia de 20 livres. 1
La plus grande augmenlatiou fut de trois quarts de livre pat-
jour.
Les individus cliez lesquels raugmentation fut petite (de
10 livres), surtout si cette augmentation survint trop soudai-
nement, rScidiverent presque tous; ceux qui, en s amelioranl.
surpasserent les 10 livres, rficidiverent moins fr^quemmenl et
plus tard.
Ceux qui n’augmenlerent pas de poids, Ctaient dejii rdcidives
d’aulres fois et etaient atteints d’autres maladies c6rebrales.
Differents maniaques dans la pdriode furieusp perdircnt
dO a 32 livres en pen de jours.
En outre, sur 500 individus dont les deux tiers dfimenls, it
peine 12 dements offrirenl-ils uiie augmentation de poids du
corps, et cette augmentation etait arriv66 avec une ires'-grande
lenteur, tandis que chez les maniaques gudris elle etait presque
SYMPTOMATOLOGIE DE LA FOLIE. i219
Enlin, Erlenm<iyer a iiotd que le poids augnipnlail dans la
premiere periode de la paralysie generale et diminuait dans la
seen tide.
Ces donnees out fividemnient uue certaine imporlance dans
I’etude Clinique de la folie.
Void maintenantla note queM. le docleur Lombroso a r6di-
gee en fraiifais, note qni confirme les rfisultats precedents obte-
nus par les mdlecins allemands.
« En alienation mentale, on use depuis assez longtemps
du nonibre pour savoir dans quelle proportion tombent alie-
nfo les homines et les femmes, les riches el les pauvres, les
jeuncs et les vieux, les ce.libalaires et les mari6s, raais bien
pen de fois on a su se servir do ce pr6cieux instrument de la
science pour penetrer dans le'^ pbenomenes plus inlimes de
la folie. e’est peut-6tre pour cela que la psycbialrie n’a pas
fait des progres auspi rapides que la clinique des maladies de
poitrine, etc.
En pb6nomfine, par cxemple, qui inontre rimportance et
I’ulilile du nombre dans I’etude des maladies mentales, e’est
rauginentalioM du poids du corps dans la giierison.
1) Combicn de fois, sans cette lienreuse coincidence, ne s’ex-
pose-l-ou pas a do graves dficeptions, lorsqu’on vent recon-
nailre la guerison par la seule observation des pbenomenes qui
peuvent elre dissimules par les maniaques raisonnants ou inter-
mi Itents.
i> IV’est-il pas bien plus rassurant de pouvoir s’appuyer sur
tin pbenomene physique aussi facile li vfiriQer que raugmenta-
lion du poids?
» Or, cette augmentation pent etre donn6e comme certaine
a|)res la gufirisoii ; en voici des cxemplcs :
220
SY.MPTOMAror.OGlE DE LA I'OLIE.
M. M., maniaque, pesail au ,
R.
L. V.,
L. V.,
C. C.,
B. V.,
C.,
B.,
R.,
melaticoliquc.
son entree 40,300
— 42.000
— 34,500
— 32,500
— 54,000
— 42,500
— 50,200
33,500
— 32,000
— 35,100
Gueric kil.
en 3 mois 48,200
6 — 55,900
2 — 43,700
2 — 35,000
8 — 64,200
3 — 48,200
2 — 54,000
3 — 35,200
8 — 40,000
8 — 43,700
C., maniaque, pesait aujour de'Von
R'.’
yi,
A. , melancolique,
B. , —
M., —
F.. —
kil. Gudri kil.
entree 53,200 en 5 mois 58,200
— 41,500 2 — 45,900
— 59,900 6 — 68,000
— 67,000 7 — 72,800
— 54,200 3 — 58,400
— 52,900 5 — 68,000
— 54,000 8 — 64,000
— 41,000 4 — 45,000
— 40,000 6 — 48,000
— 48,000 6 — 64,500
— 41,800 8 — 44,500
» L’augmentation maximum de poids a(5t(5 de 10 it 12 kilogr.
chez les femmes, et de 4 it 24 cliez les horarae.s. Aucun d’eux
ii’a encore rficidive. Au contraire, ceux qui paraissaient gueris
quant aux manifestations psychiques, mais qui n’ont pas offert
de variations dans le poids, ont recidive tout de suite ou quel-
ques mois apres :
» M.. . , pellagreuse, pesait 52 kilogr. it son entree, lors de son
appareute gu6risou le poids ne depassait pas 5a kilogr. Elle a
r6cidiv6 peu de temps apres sa sortie.
» L..., femme maniaque, pesait 38"“, 200 it son entree;
lors de son apparente gudrison, 39"“, 800 seulcment, elle a
rdcidive.
SVMPTOjtATbLOGtE Ae LA i^OLIE. 221
» M..., maiiiaque, pesait 59''",90() ason entree; am(5liore, il
pesait 61'‘",300 : il a recidive.
» Celle augmeiUalion extraordinaire du poids des gufiris ne
pent s’expliquer que par raugmentatioii des forces assimila-
trices, car chez beaucoup d’enlre eux, la quanlitd d’alimeiils
ingerfis a la meine dans les premiers jours du mal et dans
les derniers.
.1 J’ai lentd de voir si le poids pouvaitelre de quelquesecours
pour distinguer les formes de I’alienation, mais le nombre de
mes malades esl encore Imp petit pour pouvoirsuffire a fixer des
lois certaines. Senlement, grace a I’obligeance de M. le cheva¬
lier Castiglioni, j’ai pu peser dO dements de la Senavra. Cn
ajoiiiant ces nouveaux resullats h ceux que j’avais obtenus par
I’examen des malades de raon service, je me suis assure que la
deiiience diininue le poids du corps plus que toutes les aulres
formes d’alienalion iiientale.
3 maniaques hommes, de la laille de
8 — femmes —
5 melancol. hommes —
1 — femmes —
7 monoman. hommes —
9 — femmes —
4 pellagreux hommes —
G — femmes —
5 demences epilept. hommes, taille
6 — — femmes —
i — paralyt. hommes —
3 — — femmes —
8 — ohroniq. hommes —
1,66 pesaient 59,440
1,60
42,401
1,65
52,740
1,54
—
45,163
1,64
—
56,356
1,51
43,922
1,60
50,353
1,52
44,815
1,65
53,200
1,55
—
54,450
1,62
_
51,225
1,49
—
47,520
1 ,65
51,817
1,58
47,607
1,45
42,310
1,42
“
40,401
» On a done observe le minimum du poids absolu du corps
dans le cretinisme, dans la pellagre, dans la melancolie et dans
la di5mcnce ebronique.
» Le minimum du poids du corps, mis en rapport avec la
taille (comtne le vent la physiologic), a die observe dans la
222 SYMPTOMATOr.OftTE DE EA EOEIE.
(lemence chroniqne, pnis dans la ni6Iancolie, dans la pellagre.
Vicnnent ensuile les inonoinaniaques, les paralytiques, les ina-
iiiaques, les epiiepliques el les cretins.
i> La (lenience pr^seiUe loujours line diminution du poids du
corps; cela pent .‘(’entendre aussi de la demence congiinitale
qu’on d(5signe sous le nom de creiinisme, qui lie se IrOLive cn
premiere ligne dans le poids rapporK* a la taille, que jiarce qii’il
se Ironve en derniere ligne dans la mfime laille qni est vrai-
ment patliologique chez ces eires mallieureux.
» Pavie, 20 dOcembre ISOti . »
On ne pent s’emp0cher de recoiinaitre que les conclusions
auxquclles sont arrives Schulz, Erlenmayer, Albers, Nassc ct le
docleur I.ombroso ne soienl tres-inleressantes et ne pri'senlent
line certainc uiililA clinique. 11 ii’cst aucun spdciaiisic qui
n’ait remarque (jue chez les convalescents le corps prenait plus
d’emhonpoint, que les acces maniaques et m0lancoliques ame-
naicntde ramaigrissemciil. Mais nousn’avionsbion ccrlaincment
qn’iin controle approximatif taut quo, pour I’habitus general et
la physionomie, nous nous en rap|)ortionS seulemcnl ii noire
simple coup d’ccil el que nous ne nous aidions pas d’un moyen
plus precis. J’ai dfijii signahi couibien la pliolograpliie rendrait
de services au point de vue clinique (1). La recherche pre¬
cise du poids du corps ii’esl pas d’une utilitfi moitis grande,
puisquela quantile doiit s’accroit I’agrfigat materiel permet do
juger d’avance si une convalescence est plus on moins franche,
et quel degr6 de coiifiance on doit accorder ii la disparitioii du
trouble mental. Cette meme persistance du poids ou sa diminu¬
tion nous met encore sur la voie d’une Iransformalion ; elle
pent nous indiquer qu’il s'opere quelquc lesion raal(5ricIlo
plus ou moins localisee, nous averlir qn’une diathesc lend ii
(1) De la physionomie chez les oiienes {Annales mddico-psychologiqucs,
1863).
SYMPTOMATOLOGIE DE LA FOEIE. 223
d(5g6ii6rer el que nous devons nous attendre a quelque pheno-
in6ne cacheclique.
Mais quelle peut etre riinportance du poids du corps en ine-
deciiie legale?
Telle cst la quesiion que Ton peut se |)oser apres avoir hi les
details pr6cwleiiLs el a laquellc jc vais repoiidre pour ler-
miner.
lillanl etabli d’une maniere positive quo Talifine en etat do
convalescence augmenle reelleinent de poids, on peut se servir
de ce fail avec fruit surlout quand Texpertise inddico-legale doil
avoir une certaine duree. On coiifoilqu’il sera possible dans nu
laps de temps considerable d’observer cerlaines modifications
corporelles qui iie seront pas sans utilil6 pour juger des relations
r6ciproques du physique et du moral. Ce mode de coiUrole perd
de sa valeur quand il faut au conlraire apporter un jugenient
aussi prompt que possible, et que le delai accordea rexamen du
medecin expert est tres-court. Aussi les cas les plus frequents
oil la recherche du poids du corps puisse s’oCTrir en inedecine
legale nous paraissent etre ceux oCi Ton sonpcoiinc la simulation
dela folie. he dclire ne saurait disparailre sans une auamciita-
tion corporellc. Si les experts ont cu soiii do peser Tindividu
soupconne aussitot qu’il a 6t6 soumisa leur examcn, si cot iiidi-
vidu au bout d’un certain temps delire de inoiiis en moiiis et
va raieux sous le rapport menial, on devra reelleinent irouver
iin accroissement do poids proportionnel. La non-augmentation
de poids accroitra les soupcons relatifs a la simulation.
U’un autre cote, un poids considerable cn rapport avec la
stature peut faire soupconner des la premiere visite, et meine
sur-le-champ, qii’oa n’a pas affaire a un alieiiA Cest ainsi que
M. Lainbroso a pu reconnaitre immediatcmeut la simulation
chez un galfirien d’une hauteur de et pesant 80 kilo¬
grammes. Il siraulait la inanie avec rautisme.
,J’ai cite ailleurs (1) Topinion qu'avait Sinisc Louyer-Viller-
(1) A’tttde mddico-legale sur la simulalio/i de la folie, p. 130.
22/| SYMt>rOMAtOLO&Iii t>E I.A FOLIti.
may, dans I’allaire Cornier. Ce inedeciii ne pense pas que les
deipnus sous le poid.s d’une accusation capitale puissent acqufirir
do I’embonpoinr. Cette maniere de voir s’explique tres-bien par
des pbeiioraenes physiologiques. Les rfisultats nuraeriques des
praticiens allemauds dejJi nomines et du professeur de Pavie ne
liii donnent que plus de valeur.
L’amaigrissement maniaque el melancolique ne doit durer
qu’un certain temps, ou bien on doit trouver la concomitance
de phdnomenes morbides plus ou moins graves.
Dans les formes d’ excitation maniaque qu’on a design6es sous
le nom de manies raisonnantes, on doit renconlrer une periodi-
cile assez marquee dans les chilTres de croissance et de dficrois-
sance.
Ces considerations suffisent, je n’en doute pas, pour apprfi-
cier quel parti on pent lirer des chiffres fournis par le poids du
corps chez les alienes, et combien notre confrere ilalien a eu rai¬
son de faire intervenir la balance parmi les instruments de sym-
ptomalologie psychiatrique.
U'' A. Laurent.
.Hedeciae legale.
DES EXPERTISES M£DIC0-LEGALES
EN MATIERE D’ALIENATION MENTALS
Por m. miTXERIMAlEa ,
Coiiseiller prive, profcsseur a I’Univcrsil^ dc Heidelberg:, elc.
(Analyse par M. le dooteur Dagonet) (1),
M. le pi’ofesseur Mettermaier, au infirite duquel la Soci^td
medico-psycliologique vlent de rendre un liomraage si legitime
en liii dficernaiit le litre de meitibre correspondaiit, examine
dans line troisieme partic de son remarqnable travail dilTerenics
questions de la plus haute importance; telle est, par exemple,
la iiecessitC de bien pi eciser dans les affaires de medecine Idgale,
la forme raSme de I’aligiiation, et de ne pas admettre legere-
ment ties csp6ces qui n’existent pas en rfialitfi. Nous rdsumerons
succinctement les intdressantes considdralions qu’il develdppe
sur les formes particulieres qui peuvent etre un objet de discus¬
sions au point de vuc medico-legal.
Quelqties auteurs modernes proposent de rejeter les especes
gdndraleraent admises, et prdtendent qu’on ne doit plus, en
rdalitd, parler que des phases diverses que prdsente I’alienation.
Casper, dontles ouvrages sontjustement estimds, a le tort de
ne pas reconnaitre comme forme distincle la manie avec fnietir
(Tobsuchi), qu’il ddsigne sous le nom de ddmence furieuse. II
accepte cette malheureuse expression de ddmence (VFd/ms/nn),
sous laquelle, par une imitation regrettable du terme fraiifais,
le Code prussien croit pouvoir compreudre tous les genres de
(1) Voy. Annales medico-psychologigues, mars 1865, mars 1866.
annal. Mda.-PSYCH, 4“ scrie, t. ii. Mars 1867. 3. ID
226 DES EXPERTISES MfiUICO-LfiGALES
folie; la melancolie cl la fiii-eur sont coiisklerees parliii coniine
faisaiit partie de la d^ineiice.
La inanie doit etre regard6e comme une forme principale
d’alidnalion, elle est caracterisde par une surexcilaiion des fa-
culles et une leiidance particuliere a une activile desordonnee;
lorsqu’elle est portde ii un certain degre, la voloiUe perd toule
force de r6sistauce. Elle a sa source dans un trouble des iiartics
matrices de la vie inlellectuelle, il en resulte que ce sont les or-
ganes mo(eurs qqi sopt particulierement aHecles. Son exislence,
est altesli5e par les recberches des auteurs de loutes les nations,
des ecrivains alleinands, francais, anglais et italiens. C’est une
des formes qui se prescntent le plus frdqueminent ; elle est la
pQUsequenpe des capses les plus cbverses, morales el physiques,
I’abps dps hqisspns alcooliqucs, I’dpilepsie, etc.
Une des particulariles de cette affection c’est que, si elle
delate quelquefois subiteinent, par exemple it la suite d’une vio-
lenie spcQilsse inorple, il arrive plus souvenl aussi qu’clie se de-
yeloppe lentement. On voit alors, a cette periode de debut, le
malade devenu plus irritable s’emporter et se livrer pour les
piqiptlres motifs a des actes ridicules et a des propos incobe-
pents, mais il est encore capable dp se maitriser jusqu’au rno-
niept ou i’affection arrive a son entier developpement; celui-ci
est, dans quelques circonstances, le fail niSine des proc6des
ipalpdroils employes ppr les perapnnes qui eniourent I’alieite et
qui ne spvent pas apprecier sa facheuse situation (1).
La manie prdsenle quelques particularity dignes d’etre no-
fips; elle peut etre la iransitipn d’une forme de maladie a une
autre, elle pent se combiner ayec d’autres affections, avec la
mdlancolie, ayec !’imbecillite (2). Ebe se raontre quelquefois
sous une forme pepiodique et donne |ieu a des periodes de
(1) Dagonet, p. 253.
(2) Neumann, Traits de psychologie, p. 219. — ^im. mdd.-psych. de
Baillarger, 1862, t. YIIl, pi 10. — Girolami, dans son ouvrage : Sulla
pasta, p. 208.
EN M4TltepE |>’A(-IEI^4T1QN J!(ENTALE, 227
calme et a (les iiitervalles liicicles; I’excitalion inaiiiaque ne se
manjfeste, dans qnelques cas, que sons rinlluence de causes stir
mulantes (1 ). La fureur iie se produit d’une maniere constanle
dans aucun cas.
Elle ne se trahit souveiu que pai I’incouvenance des gestes et
des paroles, on bjen par uiie aclivite infaligable, souvenL par
des envies de briser, de detruire; par des impulsions violentes
an meurtre, au suicide. 11 est inl6ressant d’observer les dilI6-
rentes manieres par lesquelles se caracterise la manie dans les
6lablisseineuts d’alidnes.
Lc Ills d’un riche banquier d’Angleterre pousse d’affreux cris
dans I’etablissement ou il se irouve; pendant les moments de
calme il parait tout a fait bien portant. Comme il dfisire.vive-
ment reiitrer pres de sa mere, on lui promet de le faire sortir
s’il veut rester vingt-quatre heures sans proKrer ses cris. Peine
inutile, il continue ses vocifdrations iuvoloutaires.
Dans une autre circoustauce, un homme fort distingue se
presente dans un etablissement d’alienfis en demandant a y etre
admis ; il etait domine par I’envie irresistible de tuer ; il aimait
passionnemeut sa femme et la veille il avait voulu I’assassiner,
et rien ne trahissait le derangement de ses facultes dans sa
conversation.
Une autre personne, tres-bonne, tres-religieuse, est egale-
ment pourauivie par des impulsions homicides, qu’elle cherche
sans eesse a mettre a execution. Elle declare qu’elle salt parfai-
tement qu’elle commet une mauvaise action et qu’elle merite
d’etre punie.
Il est certain qu’it cette piiriode de lent ddveloppement, !ors-
que rjmpnlsion n’est pas dcvenue prMominante, il est impos¬
sible d’appr6cier cette lutte inlerieure du malade, sense en appa-
rence, et qui possMe encore I’empire de lui-meme.
Les Jiallncinations et snrtout les illusions, qui se presentent
(1) Dagonet, p. 251. — Piclijor, is/triuc/q p. lifft.
228 DES EXtERTlSES MfeDtCO-ttGALES
souvent dans la inanie, exercent particuligrement une influence
dangereuse siir la vie morale (1). II est aussi d’un haul intfiret
d’dtudier ce qui a el6 ecrit sur les impulsions maladives, el ce
que Ton a dfeigne sous le nom de manie sans dfilire (2).
Les impulsions maladives peuvent se rencoutrer dans quel-
ques situations qui ne se rattachent pas directeraent a la folie;
ch'ez les individus, par exemple, qui ont pris des habitudes
d’immoralitd, qui ont, par suite, perdu toute force morale el
tout ascendant sur eux-memes; cliez ceux qui ne s’elTorcent
pas de domiuer uiie affection qui prend sur eux-mSmes un em¬
pire de plus en plus grand, h tel point que les plus legeres exci¬
tations les portent it des acles crimioels. On retrouve encore
ces impulsions dans des acces de fievre, ii la suite d’attaques
d’dpilepsie, etc. (3).
C’est h tort que I'on considere, suivant ftl. Mittermaier, la
manie sans delire comme constituant une forme particulifere
d’alidnation (d); I’adraission d’une semblable forme est une
cause d’erreur et de confusion au point de vue Judiciaire. 11
rdsulte toutefois du tdmoignage des mddecins d’dtablissements
d’alidnds que Ton doit fitre ^ cet dgard tres-circonspect, et qu’il
(1) Brierre de Boismont, Hallucinations, p. 116 a 128, oil se trouvent
indiqufis des fails retnarquables.
p2) Voy. Carmichael, Mac Intosch in Winslow the medical critick
and psychol. Journal, 1863, p. 161, art. 8 et art. 10. — Girard de
Cailleux {Eludes, p. 77) a constate a Auxerre des impulsions irrdsistibles
cbez cent cinquante-quatre rnalades.
(3) 11 sera question plus loin de ce que Ton designe sous le nom de
folie iransiloire.
(4; Roller, dans son Rapport sur la reunion des naluralistes, p. 24,
Carlsruhe, 1858, dit que la manie sans ddlirea 4te definie avec une sub-
tilite qui porte en elle-mSme la contradiction.
Voyez encore Meier, Disserl. des alienat. ment., p. 42. — Miller-
maier, Golldammer's Archiv, I, p. 292. — Sysleme de Friederich, XIV,
p. 924. — Guntner, Vie intellectuelle, p. 113. — Wald, Medec. Ugale,
VI, p. 305. — Gasper, Manuel, II, p. 486. — Schnitzer, Responsabilitc
morale, p. 174. — Koesllin, Rdvision, p. 162. — Berner, /)/oi( penal,
p. 92. — Geib, EUments, II, p. 81. — Observations exoellentes,
Wharton medical jurisprudmee, p. 59. et p. 178 a 184.
EN MATIliRE D’a1.1£|NAT101\ MENTALE. 229
exisle des situations intellectuelles extraorclinaires dans les-
quelles on voit des indivi'dus, avec une intelligence en apparence
lucide, fitre pousses a commetlre des actes ddiaisonnables.
Quelquefois mdme ies actes de violence auxqiiels ils viennent a
se livrer ne sont que les premiers indices de I’explosion de la
maladie (1). On doit admettre, avec d’autant plus de raison,
I’existence de I’impulsioii irresistible, que Ton ne liouvera
aucun motif qui ait poussd I’individu a la perpdiration de- I’acte
nuisible (2). Quelques malades out pu radme etre portes a des
actes regrellables ii I’dgard de personnes aoxquelles ils dtaienl
tendrenient attacbds (3). II estdu reste d’observation commune
que de tels individus ont ele en butte a une lutte intdrieure,
qui a pu passer inapercue aux yeux d’obseryateurs inexpdri-
menlds, mais qui n’en a pas moins donnd lieu k un trouble dans
les iddes et h un affaissement des forces morales (i).
Lorsqu’il s’agit d’impulsions maladives, on ne saurait trop
faire attention aux particularites suivantes : quelques alidnds
ddploient une remarquable habiletd pour dissimuler lour situa¬
tion aux yeux mdmes d’observateurs exerces (5); il arrive sou-
vent aussi que la personne rdellement maniaque se trouve, apres
I’accomplissernent du crime, dans un dtat de calme et de luci-
ditd rdelle, I’acle a mis fin lui-meme a la ciise et a did comme
(1) Tel esllecas de la servante de M. Humboldt, qui etait pouss^e par
le desir irresistible de luer I’enfaiit confie a ses soins ; peu de temps apres
qu’elle fut congidiee, elle fut prise de manie et placee dans un elablisse-
ment d’aliSnes.
(2) Sous ce rapport encore on pent 6tre induit en erreur et ne pas
apprdcier les mobiles qui ont pu agir sur la determination par suite de
circonstances particulieres. — Voyez Observations deyiinsloyf, Journal,
185A, p. 414.
(3) Boileau de Castelnau, Annates d'hygiene publique, 1863, p. 439
et 469.
(4) Observations interessantes, dans \imsloyi, Journal, 1854, p. 428.
(5) Roller (rapport cite, Carlsruhe, p. 29) fait observer que des alidnes
ont pu cacher leur maladie pendant des mois entiers, aux yeux mdmes
de mddecins experimenlds.
230 CBS EXPfitltlSES itfiDICO-l.fiGABE'S
In clerniere expression de I’acces paroxystique (1); corrihient
poiirrait-bn cotlclure, en presence de cette iiouVelle slfliitlioil,
qtie I’individil a agi en connaissahce de cause (2)?
11 en est de m6rae pobr ce que I’oii designe Sous le riolii de
demence paltielle, qui pOuitait faihe croire a uli fetatdaiis lequel
(1) Exemple Lacoste, Ann. med.-psyctu, 1862, t. VIII, p. 40.
(2) Nous partageons enlierement la maniere 'le voir de M. le profos-
seur Mittermaier, et nous ne croyons pns, comme lui, qb’il puissij a prtt-
prement parler exister une manie sans ddlire. One semblable ilenomina-
lion a en effet quclque chose do contradicloire et de paradoxal ; el c’esl
surtout en mddecine legale qu’il faut cviter la confusion dans les terhies
et tout ee qui pent ressembler a un paradoxe. Sous lesdifferenis noins dc
manie sans ddlire, folie morale, manie raisonnanle, etc., on a ddcritune
forme assez reinarquablc d’alienalion, qui se rapproclie du type manie et
qui a pour caractere prddominant une perversion profonde des sentiments
ave'e I'integrite plus ou moins apparente des facultes iiitcllectuelles. L’in-
dividu est sans oesse domine par les impulsions les plus inauvaises qu’il
est incapable de maitriser ; le ddlire, s’il n’est pas facile de le consta-
ter, n’en exisle pas moins au fond ; presque toujourson observe, lorsqu’il
est possible do prolonger Texamen, des appreciations orronees, des illu¬
sions etranges, une sorte de mobilile dans les idees ; a certains moments
de veritables acces d’agitation maniaque. Dans tons les cas, lorsque sur-
lout I’appreciatiou de I’elat maladif a quelque chose de vague et d’indeler-
mine, il importe au plus haul degre de s’enlourer de lous les renseigne-
menls qui permellent d’apprecier les conditions eliologiques, les phases
diverses, etc., que I’affection a presentoes. Nous avons adopld le terme de
manie raisonnanle, expression qui nous a paru caracteriser d’une ma-
iiibre plus nette ce symptOme de perversion morale avec I’integrite appa¬
rente des facultes. Quoi qu’il en soil, nous avons observe plus d’un exem-
ple de ce genre de folio; les individus qui en sent alteints sent un lleau
pour la sociele, comme ils sunt un embarras pour le mddecin de I’dta-
blissement; on les regarde au dehors comme de simples mauvais sujets;
il n’en est pas moins vrai qu’on parvient toujours a ddcouvrir chez eux
des signes evidents d’alienation. Un de nos malades que nous faisions der-
nierement sorlir parce qu’il avail I’air raisonnable, quoique nous ayons la
conviction que sa folie persistait, ne tarda pas, une Ibis mis en liberty, a
se livrer a des actes nuisibles et excentriques. 11 prenait surtout plaisir a
jeter le trouble dans les families par I’envoi de leltres anonymes, remplies
d’insinuations plus ou moins perfides. Un autre malade nous a ete envoye
de Marseille, avec les signes plus accentues de ce genre de folie ; il avail
tue 4 I’asile d’ou il venait deux infirinifers; dans le paroxysme de son
agitation, ses impulsions homicides dtaient porlbes an plus haul degrb, et
il cherchait tons les moyons de les mettre 4 execution. 11 est oh ce mox
ment convalescent et attache comme ouvrier a nos ateliers.
(11. D.)
EIN kATltRE D’AtifiNATJON MENTALE. 23l
une [Mi'tie de I’inteiligeiice est malade, landis qiie I’aUlre i’testE
saine. Dans ce cas, rindhidu rie saurait gli-e fegarde cOitlitld
responsabla, qu’autant que I’acte cbtomis sefait la tonsgqubtlce
directe du trouble parliel. Ces principes ont 616 admis dans
plusieurs codes allemands, dans ceuxdu Hanovrfe, de Thuringe,
du royaume de Saxe (i).
G’est ainsi qu’un homme obsedb par I’idde fixe qu’oii le pour-
suivaii, a, 6te cohdamn6 pal' uhe cbiir d’Alleinagne pout fcriilie
d’inceiidie, et on autre ihdividu hallucine a dgalettient I’objbt
d’une condamnaiion a raison d’un faux qu’il avail commis (2).
Les reclierclies les plus receiues dbinontrent qu’il ne snui ait
exister une semblable affection, c’est une erreur de pCrtset
qu’une partie de I’ame seulement peut 6tte malade. Ce qu’Oh
appelle Videe f.xe, c’est le centre autour duquel touriieiit les
manifestatioiis de la vie intellectuelle (3), ce serail uii acte pure-
(1) C’est dans ce sens que s’exprime un jurisconsuUe distingue,
M. Geib, TraiU de droit piinal allemand, 1. 11, p. 79. Il ajodte, il est
vrai, par im louable sentiment d'humanitc, qu’on doit differer I’applica-
tion de la peine jusqu’a rentier retablissement de I’individu.
Le Code de Hanovre admet une demenoe generate et une demence
particlle. Le Code Thuringien, porte, § 99j que dans le cas bu le fait
incrimine n’a aucune relation avec la Iblie partielle, il est loisible au Juge
d’abaisserla penalite.
' Suivant Krug [Comrnenlaires, voL I, p. 187), la demence partiellb
exclut seulement la responsabilite lorsque I’acte incrimine precede
d’une idee lixe, qui exerce reellemerit sur I’individu une inlluence ma-
ladive.
(2) Ces mallieureuses expressions de folie ou demence partielle et dd-
mence generate doivent ndcessairement entralner a des subtilites psycho-
loniques. facheuses surtout au point de vne de la medecine legale.
L’expression gdnerique de folie comprend toutes les formes, toutes les
nuances par iesquelles se manifestent les troubles intellecUiels, le delire
parliel aussi bien que le delire general ; du moment oil la folie existe
quelle qu’cn spit la maniere d’etre, elle a cliange les conditions morales
de I’individu, et cette Iransforination exerce sur le libre arbitre une. in¬
fluence qui doit dans tousles casexclnre la reSponsabilite morale. (H. D.)
(31 Albert,. iMdiiuet jisyrhialriq. 185. — Winslotv, Journal, 1854,
p. 409 ; 1858, p. 220. — ■ KWingei, Antliropotogie,^ 1861, p. 221. —
Ciintncr, l ie inlsllcft. , Vienne, 1801, p. 98, 110.— Falret, Logons elin . ,
p. 230. — Boecker, Medecine legale, p. 57. — Dagonet, Wilbrand,
p. 205. — Wald, Psych, judic., p. 46. — Ideler, Psych,, p. 25. —
Mair, CammeiUaires, p. 307.
232 i>iis ivXPEiiTTSES m£dic:o-l£gales
.menl arbiuaire que de pr6iendre distinguer s’il existe uiie con¬
nexion inlinie enire une action deterniinfie el tine idee (ixe. Qui
pent, en effet, savoir ce qui se passe dans rint6rieur du nia-
lade ?
II est quelquefois difficile de distinguer les cas on une idee
fixe doinine le in<ilade, de ceux on il n’y a en rdalite que de la
superstition. La superstition se nianifeste quelquefois lellenient
chez rhomme qu’il en rdsulte une vdritable alidualion; en sorle
que dans cerlaines circonstances la responsabilitd pout aussi bien
gtre exclue par ce fait ineme.
A I’alidnalion partielle se raltache la folie ambitieuse (mdgalo-
mauie), dans laquelle on constate, en dehors des idees de gran¬
deur, rintdgritd des faculty (1).
Dans ces derniers temps on a voulu eriger sous le nom de
monomanie, une forme speciale d’alienation. Cette opinion a el6
particuliferement emise en France par Esquirol, et a tiouv6
beaucoup d’adhdrents parmi les auteurs alidnistes francais, an¬
glais, aradricains du Word, italiens, mais moins chez les ecri-
vains allemands (2). Toutefois ces mddecins admettent cet dial
de monomanie avec certaines restrictions.
On ddsigne spdcialement sous ce nom une situation dans la¬
quelle I’idde maladive se restreint a un certain objet ou a une.
certaine categoric d’objets, cependant sans depression de fame,
mais, au contraire, avec une espdce d’expansion et d’exaltation;
en meme temps on observe des impulsions qui portent a com-
mcttre des crimes de diverses catdgories; I’individu qui en est
(1) Caraoldres bien decrits dans Dagonet, Malad. ment., p. 372..
(2) Dagonet, Malad. ment., p. 370. — Ray, Medical, jurisprud.,
p. 147. — Taylor, Medical, jurisprud., p. 177. — Freschi, MMecine
legale, vol. Ill, p. 1189. — Lazarelti, Medecine, p. 423. — Gandolfi,
p. 327. — Krahmer, Traild, p. 211. — Wilbrand, p. 227. — Frie-
dricli, it/cmuel, p. 555. — Wald, Psychol, judic., p. 54. — Ellinger,
p. 156. — Gunther, Vie intellect., p. 115. — Pichler, 7'raite, p. 139.
— Mair, Commentaires, p. 277.
EN MATliillE D’AUfiNATlON MENTALE. 233
alleint esL incapable cle se maitriser, mSine par les plus haut£s .
considerations de la morale et de la justice.
Les partisans de cetle forme de maladie admettent trois cate¬
gories : la monomanie intellectuelle, la monomanie raisonnante
et la monomanie affective ou instinctive (1).
J,a monomanie a eie recemmeiit I’objet de discussions im-
porlantes, et il a et6 d6montre qu’une scmblable forme ne sau-
rait exister, qulclle pouvait entrainer une confusion faclieuse, et
que dans les cas qui se sont prfeentes, il a toujours fallu ad-
mettre une autre esp6ce d’alienation. Cette opinion a ete par-
tag6e, en France et en Allemagne, par des medecins et par des
juristes dislingu6s (2).
Ce que Ton appelle la monomanie raisonnante comprend les
cas dans lesquels le malade, domin6 par son idee fixe, commet
des actes nuisibles que son id6e fixe lui fait tenir pour licitcs,
auxquels mfime il se croit oblig6 par devoir.
Un homme, observe par M. Mitlermaier, est accus6 de
meurtre sur son pere; il fut reconnu qu’il 6taitobs6de de I’idee
qu’il 6tait euvoyA de Dieu pour venger les pechfe des homines.
Place dans un 6tablissement d’ali6ni5s, cet homme declarait avec
beaucoup de logique que son pfere 6tait un grand pecbeur, et
que c’est pour ce motif qu’il avait autoris6 a le tuer, par le
fait de sa mission divine.
Les impulsions pretendues irr6sistibles qui n’6manent pas
(1) Esquirol, De la monomanie, It, p. 1.
(2) Particuliirement Morel, Afalad. menl., p. 259 et 483. — Dela-
siauve, Journal de medec. menl. , 1801, p. 348. — Falrel, Le(ons cUniq.,
p. 37. — Bonnet, De la monomanie du meurtre, Bordeaux, 1852. —
Molinier, de Toulouse, Ann. med.-psych., 1854, VI, p. 1. — Franck,
Revue contemporaine, 31 oct. 1802, p. 588. — ParticuHcrement, Pseu-
domotiomanie, Delasiauve, Journal, 1803, p. 80. — Damerow, Journal
psycliialr., 1854, p. 208-91. — Casper, Manuel, II, p. 010, et dans
son Journal Irimeslr., XIV, p. 275. — Boecker, Traild, p. 50. —
Schurmayer, Med. leg., p. 402. — Mair, Code penal bavarrois, 1,
p. 'Ill, — Ceib, Droit penal allemand, II, p. 82. — Haus, Couis de drail
criftiin,, p. 110.
234 DliS EXPERTISES ME|)1C0-L66ALES
d’uil liomme evideinment atteintde maiiie, oil qdi he se itlaiii-
feslenl pas dans les condilions ci-dessus indiqu6es, ne sauraleill
enlrainci- I’irrespohsabilit^. On he saiirait de nifiilie adniettre
rexcliasion de la i esponsabililfi fondfie sur une prdttiridue mono-
manie, a propos d’une sorte de conlrainte iri &istible qui sei-ait
le resultat d’habitudes immoi-ales, de durctfi et de perversitfi,
lorsque I’individu insehsible <i loules les idCes morales succom be
a ses entrainemenls pour les motifs les plus futiles. On he doit
pasoublier, pour I’appreciation de cede irrdsistibilite supposfic,
que les liommes les plus honndtes but souvent it coihbatlre,
dans leur vie, les irapidsioiis les plus facbeuses (1).
On se rend compte du peu de credit que merite I’adoptioil
de la monomanie, comme forilie speciale de ihaladie, lorsqu’on
examine en dfitail les espSces principales de Cette prfitendde
affection : la monomanie homicide, la clepiomahie, la iliohO-
manie du suicide, la pyfomanie.
Sans doute, il peut exister des cas ou tleS impulsions homi¬
cides apparaissent sans trouble apparent des forces int'eilec-
luelles (2); toutefois, oh doit admettre que cette contt-aintt: irrd-
sistible, pour etre innocentee au point de vue penal, doit se
rattacher a une forme d’alienation ghndralement adraise. Oil he
saurait nierqu’il n’existe de dangereuX meiiiTriers, redoutables
par leur cruautd, et un exainen miiiuLieux et proloilgh dOit
s’effoicer de ddcduvrir si Faifection mcntale h’est pas sup-
posee (3). On ne peut admettre davantage I’exislence d’une
(t) Dclasiimvc a raison de dire {Journal de nuid. idtj., 1861, p. 357) :
la socielc renferme do nombreux monomaniaques qiii, inalgru le (rouble
isole deleurs faculles senlimcnlalcs, ne derogent point aux devoirs sociaux,
veillent a leurs iiilerels et maili'isent mcnie leiirs tendances.
(2) V/ald, Psych, jud., p. 57. — Ellinger, p. 158. — Krahmer,
Traite, p. 215. — Dagonet, jWaluci. merit., p. 413. — Mair, Commen-
laires, 1, p. 281. — Parliculidremenl Bonnet, Ann. med. -psych., 18(i2,
p. 205, oil se tronvent des donnees interessantcs sur lo cas de Henrielle
Cornier.
(3) Bonnes observations dans Morel, Alidn. menl., p. 407. — Dela-
siauve, I, p. 359. — Knop, Paradoxic de la volonle, p. Cl.
EN MATIERE D’ALlfiNATION MENTALE. 235
monomanie r6elle dans la plupart des fails d^ciits sous les noms
de cleploinanie, de monomanie du suicide, de pyrmrianie, qui
tons se rattachent ii des formes d’alifinaiion Ir&s- Variables et
que Casper a justement revoqui^s en clbute (1).
Ce que Ton designe sous le nom de manie Iransitoire doit
6tre I’objetd’un examen parliculier; c’est Uii trouble qui se ma-
nifeste brusquemeiit, qui pousse t’individu qui en est alteiiita des
actes violents, dont il n’a in6me pas conscience, lorsque cet 6lat
adisparu. Casper a ni6 cette forme d’une maniere trop gbnerale.
Un des cas les plus imporlants de cette cspece est arrivd en
France en 1854. Le (ils d’un negocianl de Bordeaux se retire
subitcmenl dans sa chainbre apres avoir dejeuiie, en sort pen de
temps apris el lire sur sa beile-iiiere. Ce jeune lionune avail
mend jusque-la une vie esemplaire. Siir I’avis des m6decins, il
fut acqiiiite. Uii cas semblabic S’est jiffeehtb a Reiiiies (2).
Dans I’apprecialion de ces cas, ou la pei-peti'alion du fait est
le rbsultat d’un acees subit et de coiir'le (iuree, il faut craindre
de sc iroinper, et I’on doit pi’ocdder a un exaiiien minulieiix,
scruter la vie ant6rieure du iiialade, les circonslances qui out
agi sur la determination! etc. (3).
(1) Voy., pour ces ditferents cas ; Ealrel, Lcfons cliniquen, p. dO. —
txeellentes observations dans Morel, p. 411. — Ellingftr, p. l62. ■ —
Mail-, Comment., p. 29(1. — IVbarton, Medical jtinsprud., p. 19i. — 1
Knop, p. 90,. — Journal irimuslriet de Prague, vol. 30, 1. 11^ p. 12i.
— Ray, On insanity, p. 192, suf uile affaire criminelle ert AmOrique. —
Wharton, p. 144. — Mair, p. 292. — lessen. Journal psychiatril).
XVllI, p. 850. — Wald, Psychul. jaridiq., p. 71. — Dapnet, p. Aid.
knop, p. 05. — Schvvartzenberg, SiHoide, suite cle mi51arici)lie,duns I’ar-
ticle 135, he. cit. — Bonnes observations sur riiypocholidrie, dans
Irrenfreund, 1863, n” 3. — Eniralhoments dans I’hyiterie, Mdrcl,
p. 674, dans Vepilepsie, Morel, p. 097. — Peilagre, Teigne (Gai.
des hOpit., 1862, p. 147). — Biickher, Journal, 1803, p. 141. — Cas
reniarquable, Delasiauvc, Jaurnnl, 1863, p. 364.
(2) lies cas de manie passagerese trouveuldansla Clinigxte altemande,
1856, n" 38. — Dans Delasiauvc, Journal, 1861, p. 47. — DansAuii.
medico psych., 1802, VIII, p. 188. — Aiinales d'liyg., 1859, p. 398.
(3) Roller, modeciri expcriineiitc, crigage, dans sou liap'port dlJieie/,
Calsrulie, p. 25, 4 ne pas adnietlrc trop I'acileniont do pai'eils etats. —
236 DliS tXPliRTlSliS MfiDlCO-LlitjALIiS
La manic transitoire pent se pr^senler dans difleientes con¬
ditions. Elle pent fitre la consequence d’une idfie fixe et d’illu-
sions exisianl depuis longleraps, inais inficonnucs par les per-
sonnes formant I’entourage du malade (1); on bien elle est I’acte
prCcurseur el determinant de la folie ; mais elle se manifeste sur-
lout par le fail d’une modification cerebrale brusque, deter-
minee par des attaqucs d’epilepsie, des exces de boisson, une
violenle commotion, une congestion cerebrale, suite d’insola-
tion, etc. (2).
On doit considerer comme bien dilTerenls les cas dans les-
quels I’individu qni jiisque-lii avail dissimule la perversil6 de son
caraclere, s’est livre a des actes criminels sous I’influence de
circonstances particulieres ou de causes excitantes (3).
Dans une quatrieme partie de son reinarquable travail,
M. Mittermaier, aprfes avoir expose le mode de proc6dure gerni-
ralement usit6 en Allemagne, fait observer qu’en Angleterre il
existe une cause assez frequente de jugemenls iniques, lorsque
surtotU s’agite une question de responsabilil6. L’accusateur, par
Devergie a doniie pour cet examen de bonnes indications (Ann. d'hyg.,
1859, p. 403-dll).
(1) Ce qui cst arrive pour le cas de Bordeaux (Devergie, p. Ixi2, Ann.
d.' hygiene).
(2) Winslow, Journal, p. 47. — II est a croire qu’une disposition
semblable aeu lieu dans le cas si connu du Lemke. — Winslow a expose,
p. 49-54, d’interessantes considerations sur ce sujet. — On trouve dans
Wald {Psycholog. judiciaire, p. 83, en note) un cas tres-remarquable.
Voyez egalement de tres-justes reflexions, Ann. mdd.-psych., 1862,
p. 199, 205.
(3) L’auteur, dans le Journal Gerichlssaal, 1859, p. 89, a mentioniie
un cas arrive en Amerique, dans lequel le defenseur, convaincu de I’alid-
nation de I’accuse, veut en elablir les preuves, et ou I’accusd proteste et
declare qu’il est en etat de saine raison.
Nous nous rappelons un dpileptique aliene accuse d’attentats a la pu-
deur, qui protcsta dnergiquement, meme avec violence, centre I’opinion
emise par son defenseur, qu’il dtait atteint d’alienation. 11 demanda a
elre condamne plutOt que d’dlre considdre comme abend ; ce qui eut lieu
en effet. Les extravagances auxquelles il ne tarda pas a se livrer, dans sa
prison peu de jours apres qu’il avail dte condamnd, le firent conduire a
Stephansfeld. (H. D.)
I'N MATifeRE D'AElfeNATlON MEMtAr.E. 537
GXemple, peut ii son gre faire assignerdes homines de I’art pour
soutenir la plaintc, tandis qu’il ne peut se presenter aucun
homme de I'art pour les accuses pauvres, puisque ceux-ci ne
peuvent payer ses services.
En Francs, du moins, il arrive souvenl que, par un senti¬
ment de bienveillance, le magistral du rainistere public, sur la
proposition du defenseur, inscrit sur la liste de temoins & en¬
tendre les medecins que ce dernier d6sire voir assigner.
Dans les proems criminels de France et d’Allemagne, I’accuse
esl interrog6 par le president ; cet interrogaloire a ccrlainement
son utility, en ce que I’accuse fait souvent connaitre comment
il est venu k arrfiter son crime, les motifs qui Toni dirig6 ; inais
cet inierrogatoire, lorsqu’il s’agit d’alidnfis, peut devenir dange-
reux, car ceux-ci ddploient souvent une grande babilete devant
les iribunaux, cherchent mdme ii cacher leur dial en fournis-
sant desrdponses sensdes. Le president fera bien alors de poser
il I’accusd aussi peu que possible de questions spdciales, et de le
laisser entrer dans lous les ddveloppeinents qu’il jugera utiles.
ri arrive parfois, eii France et on Alleinagne, que le presi¬
dent fasse pa'raitre, en vertu de son pouvoir diserdtionnaire,
meme un medecin qui se irouve par hasard ii I’audience, etqui
a des lors h rdpondre au president, au rainistere public el au
ddfenseur ; on peut lui poser des questions sur ce qu’il pense de
I’dtat mental de I’accusd, lui faire des observations sur certains
fails d’ordre scientilique, lui demander si tel ou tel signe con-
slitiie un caractere de ralidnation, etc. (1).
On a dlevd h bon droit, en Angleterre et en Amdrique, des
(1) Dans un cas oCi le defenseur parlait des impulsions irrdsistibles qui
portent a commettre des actes dangereux, on posa au medecin assignd la
question ; Si, d’apres les plus recentes recherches, des impulsions irre-
sistibles de I’espece pouvaient etre admises. (Voy. Griesinger, Pathol.,
p. 46, 75. — Casper, Pelile chronique de mddecine ldgale,'p. 263.) —
Dans un autre cas, on demanda au mddecin si les hallucinations qui
affectaient une personne, pouvaient 6tre regardees comme des indices
certains d’une alienation.
238 DES EXPERTISES MfiDICO-LfiQAI.ES
objections centre une pai’eille maiiibre de procMer. D’abord les
inedecins ainsi appeles ne peuvent, d’ap.res les dispositions de
la loi francaise relativemeiil a la comparmion des temqins a titre
de renseigneineiits, etre assennentes et deposer sous la foi do
seruient; ilsdoivent ensuite, sans aucune preparation, emettre
un avis sur nil point iinportaiit, etsouvent ils n’osent pas de-
cliner cette taclie par un seiuimeiit de fausse lionte ; il y a aussi
ce danger qne les jures se laissent facileinent entrajner par I’opi-
nion que riiomme de I’art vient d’emetire d’une maniere Irop
pen reflechie. L!n medecin scrupuleux, qui corinait tonte la re¬
serve avec laquelle une opinion dou etre pos6e, refusera cer-
tajiiemeiit de rSpondre a des demandes generales de cette espece.
II iniporte soiivent aussi d’ajourner les d6bats coniniences
d’une allaire dans le but crobteiiir un rapport plus complct sur
I’etat mental d’un aliene. II serait a desirer que ces ajouriie-
nients fussent ordonnes plus souvent que cela n’arrive actuelle-
ment, afin de pr6venir lout jugement prccipite et bas6 sur des
616ments insuflisanls. Un cas iuteressanl de cette espece s’est
produit a Paris en 1862.
L’acteur Dumont conipamissait devaiit les qssfses pqur tenta¬
tive de meurire et d’anU'es dfilits ; les depositions etablirent que
c’fitait un homiiie irascible, exalte, et que sa couduite bizarre
faisait douter de I’intfigrite de ses facultes. Sur la deniande du
defeiiseur, les debats furent ajouni^s et I’accuse fut soumis,
dans I’intervalle, a I’observalion dusavaiit medecin alienisle, In
docteur Parchappe.
Dans les debats qui eureiit lieu ult6rieurement, ce ni6decin
declara qu’il ne pouvait regarder I’accuse comme aliene, mais
que son 6tat d’irrjtabilild, d’ exaltation et de yanite devait avoir
fauss6 chez liii le sens moral. Les jures rapporterent un verdict
fort mitige, et I’accuse ne fut condamn6 qn’a quatre ans de re¬
clusion (1).
(1) Les premiers dfiliats commenccrent le 14 novembre 1862, lea
tN MATifeRF, n’ALlfiNATION MFNTAFE. 239
On lie saurait trop recommander aux medecins iiUerroges,
lorsqu’ils ne peuvent conslater en realitS auciine forme d’halluci-
naiion, raais lorsqu’ils out ccpendaiit la coiiviclion qu’il existe
ah etal mental parlirulier qui doit faire admettre une respon-
sabilite veslrciiitc, d’avoir soin dc mentionner cette opinion,
alors rneme qu’il ne leur est posfi aucune question a cetegard.
C’est ce que font ordinairement les mddecins francais charges
d’un rapport sur un accusd; ils reconnaisseut ainsi que sans
ccla leur rapport, qui doit embrasser la vie intellectoelle de I’ac-
cnse, serait incomplet ct trop exclusif (1). On ne doit pas, cn
effet, mdconnailre cetle vdrite, qu’entrcla parfaite intdgritedcs
facultiis pt I’alienation qui exclul la responsabilite des actes, il
existe une in(initfi de situations intermediaircs qui determinent
egalemeiit le dcgre de responsabilite. C’est ce que pensent les
medecins experimentes ct les jurisconsultes, qui admeitent di-
verses situations mentales dans iesquelles la responsabilite dil-
fere; en gcndral, I’exallation, I’excentricitd, certaines inlluences
physiques attenuent la responsabilite, et par suite le degre de
culpabilite (2).
I/importance des resumes faits par le president, le minislere
public, le ddfenseur, leur influence sur I’esprit des jures, engage
I’auteur de rirapoftant travail que nous analysons it consacrer
mi article spdcial a I’dtude des resuuies faits par les presidents
dans les dilfdrents pays, et ii rechercher quels sont les ecueijs
contre lesquels ils viennent si snuyeut echguer, au ddtrimciit
de la justice (3).
seconds le 15 decembre suivant. (Voyez le journal le Droit, 18C2, n"® 271
et 297.)
(1) Brierre deBoismont, Ann. d'la/g. publ., 1863, avril, p. 388. —
Hqiinet, Ann, mid.-psyoli., Vlll, 1862, p. 221.
(2) Boiler, Rapport du cqngrosdes naturalistes. a Calsruhe, p. 25.^
Wald, Train med.-legal, p. 272. — Hoffmann, TAndiencc, vol. IV,
p. 97. — Mair, Commentaihs, vol. I,p. 202. — Baumeister, Idgislation
suppldin., p. 105, vol. II. — Gab., t. II, p. 105. — Mitlermaier, TAu-
dmco, 1859, p, ,51,
(3) M. Mitterinaier rappelle nn rdsume fait aux assises a Munich par
5/tO Dfis EXPERTISES JlfeDICO-liGALES
M. SliUcvmaier s-evient avcc detail sur les principes qui
doiveiit diriger le niedecin-expert, et qui ontet6 d6ja succincte-
ment exposes dans la premiere partie de ce travail. II rappelle
les propositions importantes qui ont 6te 6mises sur la responsa-
bilite, a la reunion des m^deciiis alienistes allemands li Hildes-
heim en sepleinbre 1865. Ces propositions mfiritent d’aulant
plus d’etre rapportees, qu’elles fimanent de mSdecins d’une
grande experience et qui font autorite dans la science : Flem¬
ming, Roller, Solbrig, Jessen, Lalir.
Nous les resumons de la manibre suivante :
Des connaissances en psycliologie ne suffisent pas pour juger
les etats maladifs de I’ime, qui dependent toujours d’etats raor-
bides du corps. Le mddecin seul, vers6 dims I’etude des maladie.s
menlales, pent Stre consuUe.
On doit toujours poser la question de savoir s’il y a ou non
trouble psychique ; c’est la seule chose que le medecin ait h
declarer, quelle que soit la maulbre dont le juge ait pose la ques¬
tion. — Le juge doit peser la valeur de I’avis medical, et s’il n’y
trouve aucune preuve satisfaisante, il doit provoquer une se-
conde expertise ou un arbitrage supi’irieur.
L'expert peut se baser sur le systeme nosologique qu’il pre-
fere, en admcttant qu’il est capable de caracteriser sulTisamment
la forme de maladies qui y Cgurent. II doit prendre en conside¬
ration les symptomes psychiques et somatiques, en etablissant
autant que possible leur connexite. Le diagnostic de la forme
meme d’alienalion offre une plus grande garantie de certitude.
Le medecin doit, autant que possible, donner I’historique com-
plet de la maladie, poor servir de base a I’observation, Il doit,
un president, dans lequel it donna aux jures des notions si precises et si
exactes sur la signification de Ja responsabilite, et de la responsabilite
attenude, avec des e.xemples a I’appui, que les jures rendirent dans
I’espece un jugement tres-equitable.
On trouve egalement un modele de resumd d’un president de I'Ame-
rique septentrionale dans I’affaire de Roger {Report of the trial of Abner
Rogers indicted for murder by Bigelow, Boston, 1844).
EN AiATliiRE D*ALl£NAtlOf{ MENtAtE. ' 2il
par consequent, possfider une connaissance profonde des fails
revSies par I’enquete judiciaire; le cas echfiant, il est autorise a
completer son information et a se livrer lui-m6nie it une eu-
quele.
Si le diagnostic est incertain, I’expert doit le declarer fran-
chement, sans s’inquieter des consequences qui peuvent en
resulter.
La responsabilite des alienes ne pent dtre deduite que de I’en-
semble de I’etat mental, et non de circonstances isoiees ou de
particLiIariies psychologiques.
La non-responsabilite d’un aliene ne doit pas etre rejetde par
la raison qu’il est en etat de renechir sur les consequences de
ses actions, de discerner, eu egard a I’acte incrimin6, le juste
de I’injuste; parce qu’il eprouve le repentir de son action;
qu’on ne pent decouvrir aucune relation entre ses idees, ses
dispositions, ses impulsions et I’actequi lui estreproche; enfin,
par cela meme qu’on ne peut, en general, constater cliez le
malade la presence d’aucune idee maladive.
Le medecin, ajoute IM. Mittermaier, doit avoir pour tache'de
relever toutcs les particularites qui ont rapport it la maladie phy¬
sique ou morale de I’accuse, il doit examiner I’influence qu'elle
a exerceesur le trouble intellectuel; enfm, il lui importe de re-
chercber dans quelle situation mentale se trouvait le malade
dans la perpetration du debt.
Une difficulte toute particuliere se presento dans le cas oh le
medecin ne peut pas declarer que I’accuse est atteint d’aliena-
tion, mais ou il a des raisons de croireque celui-ci s’pst trouve,
lors de la perpetration de I’acte, dans un etat de surexcitaciou
qui exculait toute reflexion, ou dans une sorte d’egarement,
provoque par des evenements qui I’ont subitemeiit boulevetse
et lui ont enlevd la conscience de sa position. Dans ce cas, il ne
doit pas hesiter it faire connaitre son opinion tout entiere.
{La suite a un prochain nimiero. )
ANNAL. MeD.-psYCH. 4' serie, t. IX. Mars 1867. 4. 16
NOTE MEDJCO-LEGALE
A L’OCCASION
DU TESTAMENT D^UN SUICIDE
Par HI. le doctcnr jLKCinAHin nil
Invit6 donner moii avis sur la queslion de savoir dans quel
6tat mental le sieur Arthur-Theodore Daire pouvait se trouver
le 22 avrill863, au moment ou il a fait son testament;
Apres avoir pris connaissance des elements d’appr6ciatioii
contenus dans le mfimoire de MM. Lemarcis, avocat, et Daviel,
avoue, j’ai reconnu qu’au point de vue m6dico-legal, la question
principale qui a etfi posfie se decompose ou ces trois questions :
1° Daire a-t-iljoui pendant loute sa vied’un etat intellectuel
irrfiprochable ?
2° De quelle lesion de I’entendement Daire 6tait-il aiTccte
dans les derniers temps de sa vie ?
3“ Daire jouissait-il de son libre arbitre du 22 au 26 avril
1863, e’est-a-dire entre sa tentative infructueuse de mort vo-
lonlaire el I’accomplissemenl de son suicide ?
PREtaifiRE QUESTION.
Daire a regu avec la vie les plus facheuses predispositions
psycliiques : son pere passait pour un bomme excentrique; sa
mere, — vraisemblablement atteinte de ddlire melancolique, —
s’est obstin6e a ne point sortir de sa deraeure pendant quaraute
ans, et elle y vivait au milieu de la plus repoussante malpro-
pret(?. Sa sceur esi morte folle a I’asile de Saint-Yon.
Daire avait contract^ I’liabitude de boire des liqueurs fortes
et s’enivrait tres-frequemraeut. L’ivresse estd6ja parelle-meme
une veritable enfance de la foLie : elle ebranle le cerveau le
plus sain et compromet rapidement I’intelligence la mieux dou6e ;
NOTE MflDICO-tfeGALE , ETC. 243
4 plus forte raison , coiisomme-t-elle aiseinenl la ruine de
I’honuue qiie de facheux iiasards originels out place sur la fron-
tifere de I'alifination de I’esprit. Daire ne pouvait point 6chapper
a Taction si connue de ccs causes pr6dis|iosanles d’abord, d6-
tenninantes ensuite. II passa loujours pour etre excenlrique,
« drole » ; il parlait seui dans les rues depuis de longues ann6es;
il faisait des armes contrc les arbres ; on I'entendait crier, et
cela d toute heure dejour et. de nuit, soit quit fut ivre, soil
quHl f'ut d jeun, etc. , etc.
La cause occasionnelle — susceptible de faire violennnent
iclater la folie, — avail seule manque ; les evenements la
susciterent. •
DEUXIEME QUESTION.
Daire, le 20 janvier 1863, perd sa mere, qu’il avail toujours
beaucoup aimfie, et dont il avail partage jusque-14 le sordide
reduit. Sans guide, isol6, aux prises avec sa propre d6bilil6 et
incapable de se conduire, Daire pleure comme un enfant, se
lamente, se frappe la tete , s’ eerie qu il est perdu, que sapauvi’e
tete ny tiendrapas ; il menace de luer sa domesHque avec un
hansard, etc.
Daire est dvidemment alleint en ce moment de mfilancolie
alcoolique. Get 6lat mental si grave est d’ordinaire constitud
par des phenomenes de troisordres difffirents : le delire triste,
les hallucinations menacantes, la tendance au snicide.
Si nous approfondissons ce qui a trait au delire, nous voyons
que le 1 1 ou le 12 avril Daire va trouver Tune de ses locataircs,
qu’il lui rdclanie 6nergiqucment le payement de son loyer, el
que sur le refus de la femme Brunet, il se met a se frapper la
tete avec les mains, dit qu’il est perdu, qu’il iTa pas ll’argent
pour payer son boulanger et son tailleur, etc. , etc. On Tinvite a
la patience, et il reprend toujours : « Je suls perdu, il me faut
de Targent. » — A ce moment-14 il |)oss6de chez lui une somrae
de 5200 francs.
f^OTfe MiOlCO-LfitiAtfe
Quelqiies jours se passent. Le niari de la femiTie Brunet vd
porter quelquc argent Ji Daire ; « Je suis un homnie perdu,
Ini dit-il, je suis fou, je medfitruirai », et cornme on Itii fait
des reraontrances, il ajoule : Ah! ga finirapar Id.
Les conceptions deliranles qui s’observent dans la melancolie
alcoolique prescntent toujours ce caractfire sombre, anxieux,
d6pressif et sinistre. L’un se croit assailli par les plus grands
malheurs; I’autre estpoursuivi et en faillite; celui-ci est trcs-
maladc etva niourir; celui-la esi victime de machinations odieu-
ses et il s’altend a 6tre assassine ; un autre, sur les indices les
plus ridicules, accuse sa femme de lui etre infidele; un dernier,
enfin, se livrc a la justice ets’accuse de crimes imaginaires.
Un fait considdrable doit etre note ici, c’est que ces malades
ne presentent pas, dans la tres-grande majoritedes cas, d’inco-
hCrence dans les paroles, de dissociation dans les id6es ; ils
partent d’un point faux, mais ils raisonnent avec justesse, el
leur conclusion est necessairement extravagante ou absurdc; en
un mot, ils sont logigties dans leur d61iie. Aussi, voyons-nous
Daire dficlarer a des temoins entendus dans I’enquele, qu’il n’a
pas la l§te a lui, qu’il ne pent pas vivre seul et qu’il se tuera.
Gel homrae est son propre juge, il s’appr6cie lui-meme, se rend
compte de son isolement et du desastrc de ses facultes men-
tales !
TROISlitME QUESTION.
Nous sommes au 22 avril. Daire, de plus en plusobs6d6 par
ses maladives impulsions, et dans un 6tat complet de c6cit6
d’esprit, met a execution son projet de suicide el se pend. De
prompts secours surviennent ; on coupe la corde et le pendii
est rappele a la vie.
En commettant cet attentat sur lui-meme, Daire a lleclii
sous I’oppression mentale et a ct6 enliferement subjugud par la
lesion cerfibrale. Il n’a pas plus resistSa la fascination morbide
de la mort qu’il n’a r4sisl6, quelques heures plus tard, aux sug¬
gestions qui I’ont assailli.
A L’OCCASION DU TESTAMENT D’DN SUlClDfi. 245
IndifTSrents, etrangers a tout, les alcoolises arriv(5s a celte
pfiriode sont exposes a ddKrer automatiquement a la premiere
impulsion' venue , et ils ne tcntent meme pas centre elle
uiie lutte inutile. A ce p6rilleux instant, la cupiditfi veille et
tons les pi^ges sont tendus aux malades par la plus honleuse
convoitise.
Quelques heurcs apres sa tentative de suicide, Daire a fait un
testament et a ddsh6rite tons les siens. Get acte de derniere
volontfi n’a dt6 ni mdrement souhait6, ni librement consent!,
car, le matin meme, Daire a failli mourir ab intesl at. On lui a
done fait improviser des dispositions teslamentaires quel-
couques et, il faut bien le reconnaitre , c’6tait tristement
facile.
Les jours suivants, I’etat mental reste aussi mauvais, et le
26 avril, quatre jours apr6s avoir fait son testament, Daire se
brule la cervelle.
Aucun commentaire n’est plus possible : la folie, arrivee a
son plus haul paroxysme, avait obIit6r6 la volontd^ I’intelli-
gence et la libertd ; elle a acheve son oeuvre en amenant vio-
lemmentla destruction physique.
CONCLUSIONS.
1" Daire, pendant toute sa vie, a presente des signes non
equivoques de faiblesse d’ esprit ;
2“ Dans les derniers temps de sa vie, il a ^te atteint de m6-
lancolie alcoolique d’un caractere grave ;
3° Il 6tait ali6ne lorsqu’ii a test6 le 22 avril 1863.
29 avril 1865.
P. S. ■ — Le testament de Daire, annule d’abord par le tri¬
bunal de premiere instance du Havre, a 6t6 declare valable par
la Cour imp6riale de Rouen.
ETABUSSEME^’TS B’AIIENES.
L’ASILE D’ALIENES DE NAUGEAT
( HAUTE-VIENNE )
l>nr HI. Ic docteiir
Dircclcur-*incdccin en chef do rdtablissoment, menibre correspondtiut
do la Sociele niddico-psycholo^ique,
L’asilede Naugeatest situe k 2 kilometres et demi de Limoges ;
bati sur le point cultniiiaiU d’un plateau generalement fertile, il
domiiie la partie sud de la viile et la vall6e de la Vienne dont les
coteanx disposes en amphitheatre laissent ii I’ceil nu un horizon
des plus varie. Le petit village de Naiigeat limite lesjardiiis
dans la direction du sud et du sud ouest.
La superficie du terrain est de 1 7 hectares, 80 ares, 90 cen-
tlares, le prix d’acquisitioii ne depasse pas 78 000 francs pay^s
jusqu’ii concurrence de li8 000 francs ii I’aide des fonds prove-
nant de la reserve de I’asile, et le surplus par le departemenl.
Le chilire de I’entreprise devait s’filever suivant I’estimation
primitive du devisa 700000 francs, puis a 850 000 francs; mais
a la suite de Iravaux supplementaires, la depense a attaint le
chift're de 954 290'^L76, y compris les honoraires de I’architecte.
Sur cette somme, I’asile a pay6 111 600 francs.
Si le conseil g6n6ral decidait que les 82 397''%25 restant dus
sur le chilTre ci-dessus seront a la charge de I’asile, s’il per-
sistait a r(5peter conire sa caisse 110 000 francs que le departe-
ment pretend n’avoir fournis qu’a titre d’avance, Naugeat con-
tribuerait h sa construction pour la sornme de 303 997fL25.
Ajoutons que, en vertu d'un contrat passe le 5 fdvrier 1858,
I’ancicn asile a (;l6 vendu 140 000 francs a la viile de Limoges.
La conliguraiion du terrain pout eire representde par uii
L’ASILE D’AMfiNfiS DE NAUGEAT. Wl
triangle irrfigulier, dent chacun des principaux c6t6s aurait un
kilometre de longueur alors que la base suivrait une ligne de
300 metres environ ; les batiments sent construits au centre du
triangle; ils occupent un espace'reciangulairede 240 mOtres de
longueur sur ISOmetresdeprofondeur. Cetlecrdationa faitdispa-
valtre les derniers vestiges de la chatellenie de Naugeat. L’assielte
de r6tablisseinent repose au milieu d’un terrain granitique sa-
blonneux, orient^ du nord-nord-ouest au sud-sud-ouest. De la
plupart des prfiaux, la vue d6couvre des sites dont la perspec¬
tive r(5ellement majestueiise forme un immense panorama ; la
haute tour de I’antique cath6drale dedi6e a saint llltienne, la
masse imposante des clocliers de I'hOpiial, des casernes, enlevent
au paysage ce caractfere de rusticity que donnent h la campagne
les grandes chataigneraiesdu Limousin. Cependant les pulsations
de la ville industrieuse ne troublent en rien le calme n6cessaire
a cette retraile ; il semble, au contraire, que la nature dans un
effort general d’barmonie, ait voulu degager les 614meiits dmn
langage simple et elev6, afin de venir en aide au jeu naturel des
facultes (itoulfees par les fictions du d61ire.
Le roi de Navarre reput I’hospitalite au chiiteau de Naugeat;
cette visiteest une legende donts’houore I’histoiredu vieuxcastel.
L’asile se compose de deux divisions parfaitement syme-
iriques ; la premiere, celle de droite, est affectee au service
des homilies; la deuxieme, celle de gauche, au service des
femmes. Ges divisions out la forme d’uii parallelogramme;
trois cotes sont couverts de pavilions, deux grilles de fer ter-
minent la facade rapprochee de i’axe. L’axe comprend la cour
d’honneur, le batiment d’administration, la cour des services
gen6raux, le logemeiit des dames de Nevers, la chapelle, la
morgue; les cotes nord-ouest et sud-est, les plus importants,
prfisenteul unp longueur de .215 m6tres, ils sent paralleles ; les
cotfe perpendiculaires a ceux-ci sont d6volus chacun a une
section dont la longueur est de 71 metres. L’elevation des
pavilions des rnalades, celle des batiments des services g4n6raui
2U8 I’ASILE D’ALlfiNfiS DE NAUGEAT.
est de 12“, 30. Seules, les sections des agitfo et des demenls
sont plus basses; dn sol h I’entablement, on inesure unc
hauteur de h metres ; chaque section a son preau exlerieur ;
I’ecarteraent des pavilions laisse libre a et6 convert! en jardins
d’agrfiment; un systeme de galeries tres-16geres, couvertes de
zinc, soutenues par des colonnes creuses de fonte, aprte avoir
reli6 les sections les unesaux autres, les rattache immediatement
aux services gfinfiraux.
L’ensemble des constructions, les preaux, les cours int^rieures,
occupent une superficie de U hectares.
AXE. — Baliment d' administration. — Placfi ii 50 metres
en arrihre de deux pavilions destines an concierge, le batiment
d’admlnistration est d’un bon style ; la facade principale, de
granit micac6, accuse une architecture sobre de details, mais
bien sentie ; les angles vigoureusement d6coup6s, les joints
ouverts, relevent la monotouie qu’entraine le dfiveloppement
des grandes lignes des ailes ; les frises, les cordons unis a une
heureuse distribution des Stages, produisent uii effet imposant;
les fengtres des mansardes 5 chapiteaux sont peut-elre d’une
sculpture un peu massive ; toutefois elles se dgtachent heurense-
ment sur le plan incling de la couverture d’ardoise. Une partie
du rez-de-chaussee repose directement sur la voute des caves ;
un large passage avec trottoirs le partage dans sa largeur ; ce
couloir tient lieu de vestibule aux bureaux de I’administration;
un portail de hois de chene massif le termine du c6t6 de la
cour d’honneur, tandis qu’une grille defer I’isole de la cour des
services ggnfiraux ; c’est I’unique ouverture faisantcommuniquer
I’asile avec I’exterieur. Ce corps de logis contienl les bureaux,
le logement du directeur, de I’aumonier, du mgdecin adjoint,
de rgconome, du secretaire et de I’eieve interne.
Batiment des services generaux. — A 20 metres en arriere
du batiment d’administralion, se trouvent gro.upgs les services
ggneraux ; cette construction de forme rectangulaire, libre sur
ses quatre cotgs, se divise en deux parties, Tune spgciale a la
L’ASItE D’ALlfiNfiS DE NAUGEAT. 2^9
cuisine, a la dfipense, aux inagasins de reconome, a la tisane-
rie, au bucher, aux caves, k la lingerie ; I’antre, h I’habitation
des dames de Nevers; chargkes de la surveillance de la division
des femmes; ces deux pavilions sont au centre de I’asile ; il esi
fScheux qu’ils n’aiciit pas ete jetes en arrieredela chapelle qu’ils
masqucnt complfiiement.
Au rez-de-chauss6e, un large vestibule facilite les communi¬
cations entre la cuisine, la cave, la dkpense et la’cour.
Le dkveloppement du premier ktage'est interrompu par deux
terrasses qui skpareiit la lingerie du logement de nuit du convent ;
Tune d’elles renferme le rfiservoir du chateau d’eau.
Cuisine. — La cuisine de forme rectangulaire prksente une
superficie de 60 niktres carets ; la hauteur entre les ponts est de
3“,55 ; un fourneau de briques rkfraclaires, arme de tolc,
dirige le feu sous trois chaudieres ; de larges foyers a plaques
conduisent la chaleur aux rechauds, aux bassines nkcessaires
a la preparation des regimes alimentaires ; au milieu de la plate-
forme du potager, directement sous la cheminee d’aspiraiion,
s’eifeve un coquemard d’une conlenance de 2k8 litres ; ce coque-
mard estsoude au bassin du chateau d’eau ; un robinet portant
flotteur le fournit constamment. Trois fenetres aerent la cuisine
dont le dallage est de pierre de granit; son cube d’air est un
peu restreint.
Defense. — Destinee a recevoir les dilferents objets du ser¬
vice de table et les provisions, la depense est etablie vis-k-vis de
la cuisine, sous la lingerie des femmes, dans une salle de 32
metres carres, ou suivant le plan prlmitif devait Otre la buan-
derie. La chambre a coucher du cuisinier et une salle de bains
pour radministration entourent deux de ses cotes.
Tisanerie. — La tisanerie est installee avec un fourneau et
des chaudikres ; elle subviendra largement a tons les besoins.
Pharmacie. — La pharmacie termine la partie nord de ce
pavilion ; d6s cette aniiee nous avons pourvu a I’achat des bocaux
de porcelainenkcessaires a la conservation des mkdicaments. La
250 L’ASILE D’ALllilNliS DE NAUGEAT.
surveillance de cet important service est confifie a inadatne la
superieure des dames de Nevers.
Cour. — La cour des services g^nfiraux est de forme carree.
Situee an centre des quatre ailes qui constituent le baliment,
elle touche an chateau d’eau; les appareils utiles au lavage des
legumes ne sauraient etre mieux plac6s.
Lingerie. — La lingerie, grande, aer6e, se divise eu deux
parties; Tune recoit le linge des hommes, I’autre le linge des
femmes. Les casiers eloign6s des murs sont paralliiles les tins
aux aulres, une bonne ventilation les met a I’abri de I’liumiditfi;
entre les deux lingeries se trouve un petit salon ou travaillenl
quelques femmes malades, habiles a la couture.
Couvent. — Le convent, tfes-coraplet du reste, a son orienta¬
tion au midi, vis-a-vis de la cbapelle, a laquelle le relient deux
branches de galei ies. Ce logement se compose au rez-de-chaussee
d’une cuisine, d’un salon de compaguie, d’un oratoire; au
premier, sont les chambres a coucher.
Chateau d’eau. — Le reservoir d’eau est raagonne au-des-
sous de la terrasse sud-ouest; il cube 28“,35; son revetement
iHl6rieur est de zinc. Si la contenance de ce bassin, rc'duite
aux previsions les plus ordinaices, est aujourd’hui en rapport
avec la quantite d’eau re^ue a I’asile, on pent dire aiissi
qu’elle ne saurait suffire a I’fitablissement pour les besoins
duquel il faudrait au moins uii deuxierae bassin de ra0me
profondeur qui viendrait en aide au premier dans le cas ou
celui-ci exigerait quelques reparations.
Chapelle. — La chapelle, d’une longueur de 22“, 40, et
d’une largueur de 8“,82, emprunte sa forme architecturalc au
style neo-grec. Sa facade estcTegranit rose, d’un beau choix; les
pilastres des angles, le portail surmont6 d’un fronton denii-
circulaire au centre duquel I’artiste a sculpt6 deux anges age-
nouilles, rchaussent le caractere de ce monument. Le campanile
ne manque pouit de legerete, les timbres sur lesquels frappent
les marteaux de I’horloge ont 6t6 fix6s it I’int^rieur do ce clocher
l’asile d ali£n£s de naugeat. 251
a jour ; sept ouverlures cintr6es, aux croisillons de fer, garois
de panneaux de verre peinls eh grisaille, hclaireiit la chapelle ;
un beau vilrail represenlant la Viergea I'enfantd^core la fenStre
de la facade principale; deux portes lateralos facililent lemou-
vementdes divisions; une balustrade de fer shpare lesanctuaire
de la nef.
La peiiUure de la coupole d’uu beau travail est due h un pein-
tre limousin ; le Christ consolalcur en est le sujet. A coup sur
on aurait beaucoup a dire de cetle fresque a peine ebauchhe sur
plusieurs points; neanmoins, lout en sigualant certains d6-
fauts, on doit reconnaitre que I’auteur, M. Gardelle, ancien
grand prix de Rome, a donne de nouvelles preuves de la vigueur
et de la surelh de son pinceau.
Le ciriire du clioeur est orn6 de culs-de-lampe en relief diver-
sement colories; hue cloison en nicnuiserie dresshe dans la lon¬
gueur de la nef permet aux alihnds des denx sexes d’assister sans
se voir aux offices. Le plafond est a coinparlimenis & caissons ;
sous le porche, a gauche en entrant, se deroule I’escalier de la
tribune rdservee a I’adniinistralion. Modesle retraite oii la dou-
leur prie toujours avec ferveur, ou la foi survit souvent aux de-
cheances de la raison. La chapelle un peu dlroile aurait pu
alfecler la forme d’line croix laliiie; c’eul die le inoyen, en isolant
les malades dpileptiques, de souslraire la population au spectacle
pdiiible et dmuuvant d’allaques que prdcfcdent soiiveiil ties actes
tie violences.
La morgue et I’amphi theatre terminent I’axe.
Distribution de ckaque division. — A Neaugeat, le classe-
raent des d,ivisions est diabli conforradment a uno judicieuse
appreciation des besoins varids de ralidnd. Isoleinent et vie en
commun, telle est la double loi qui a prdsidd an plan de I’asile.
Avec ceite pensee sdi ieusemcni raise en pratique, non-seulement
le contact etie rapprochement incessants des malades sont sans
inconvdnienis, mais encore ils aidciU ii la gudrison, au bieii-Ctre
du tons. Six sections sont ddvukies a ebaque sexe : la premidre
■252 L’ASILli d’aliEines ok naugkat.
rdunit I’inlirmerie, les convalescents, les vieillaids; la deuxifeme,
les raalades pensionnaires des trois premicnes classes; la iroi-
sieme, les alienes tranquilles en traiteraent et les alieiies
Iranquilles incurables; la quatrieme, les malades agitfo dange-
reux ; la cinquieme, les epilepliques ali6n6s; la sixieme, les iin-
b6cilles, les idiots, les dements, les paralytiques ; I’oeil le plus
inquisiteur ne saurail trouver de dilKrence dans les details des
deux divisions. Chaque section a ses dortoirs, un pr6au, des
refectoircs, unesalle de bains, une entree distincte, tin personnel
special. Cc systeme largement applique a permis de concentrer
les cat6gories, de les reunir par groupes tout en separant les
types. A part quelques imperfections que Ton rencontre dans
les divers systemes, cette organisation due a la haute experience
^le M. I’inspecteur general Parchappe, dont cbacun de nous
regrette si profondenient la perte, reflfete la derni6re expression
de la science appliqu6e au traitement de I’aliene. La medecine
a prete son concours a I’architecture pour faire de cet 6tablisse-
meut un instrument puissant de gnerison. L’absence de grilles
aux fenetres, de belles plantations, des lleurs, donnent a Naugeat
un aspect qui rejouit autant qu’il rassure. La population de
I’asile s’est filev^e a trois cent quatre-vingt-dix abends, trois cent
quarante indigents et cinquante malades au compte des families.
Division generale. — Les chaulToirs^ les rfifectoires, les cabi¬
nets de toilette, les ecoles, les ateliers, les bains, out et6 concen¬
tres au rez-de-chaussee ; la chambre du surveillant en chef, les
dortoirs occupent le premier 6tage.
Infirmerie. — L’infirmerie se compose au premier 6tage de
deux salles que separe la chambre a coucher de I’infirmier.
La premiere salle appartient aux pensionnaires ; la deuxifime aux
indigents; cette dernifere cube un volume d’air de 238™, 56,
elle contient neuf lits de fer, elle est eclairee par quatre fenStres
orientSes du sud-ouest au nord-ouest ; la salle n“l cube83“,53,
elle peut recevoir trois malades ; grace & un mode particulier
de construction, les appartements du m^decin en chef commu-
t'AStLt! D'AttErfk DE NAUGEA't. ^5^
liiquertt directemeiit aux infirmeries ; malgre ses iiicon.venienls,
cette disposition esl heureuse au point do vue de rinslantaneitfi
des secours et de la surveillance generale.
Vieillards, enfants et convalescents. — Le batiraent des
enfants, des vieillards et des convalescenls, a ete installd a cote
des infirmeries; la cour, les bains, sent coinrauns & ces deux
subdivisions ; le dortoir des vieillards est afrd par six feuStres,
sa contenance en metres cubes est de 3126'", 4 ; il a treize lits.
Le dortoir des enfants et des convalescents est moins grand,
son cube est de 240 metres, quatre fenctres servent a la ventila¬
tion du jour ; nous y avons placfi onze lits. Un chauffoir
r6serv6 aux enfants ali6nes de la division des homines a 6t6
converli en atelier de couture. L’asile iStait trop interesse ii
fabriquer les v6tements necessaires ii sa population pour qu’il
n’y cut pas nficessite a r6parer cette omission du plan ge¬
neral.
deuxiEme SECTION. ■ — Pensionnat. — ^levees a I’extremite
des ailesde la facade principale, ces deux sections, grandes, aerecs
et couvcnablement divisdes, couticndront cinquante malades au
moins. Le rez-de-chauss4e renferme : tine vastesalle de compa-
gnie situee a I’extremite la plus eloignee du pavilion, un refec-
loire, des cellules, une salle de bains, un dortoir, un cabinet de
surveillant, une rotonde ou salon d’isoleinent. Le dortoir cube
162"', 12, il a six lits; le cube de cbacune des cinq cliambres au
rez-de-chaussee est de 75'”,2I. Le vestibule sert souvent a I’ha-
bitation du jour; large et long, il constilue, en hiver, un joli
promenoir abrite, qui rend facile la surveillance des malades
auxquels le s(5jour a la chambre est impose. G’est la ou I’aliene
doit raeriter la permission de s’occuperde lecture, et conquerir
sa place au rfifectoire, a la vie commune.
Le premier 6tage est reservfi agx pensionnaires de premiere
et de deuxierae classe ; sa dimension est celle de I’dtage inferieur ;
les cliambres sont parquetecs, plafonn^es et tapissees ; cinq
d’elitreellfisrecoiventrair chaud du calorifbre, garaniie prdcieuse
254 r’ASir.E d’auMs de isaugeat.
qui met I’aliene coiiipletcinem a I’abri des accidents qu’enlraine
souvent le mode ordinaire de chaulTage.
Le chaulTage par rayonnement a lieu seulement dans le salon
de compagnie. Lc premier 6tage se compose de onze cham-
bres; une de 86'", 79 cubes, une de 68“', 79 cubes, deux de
60“,70 cubes, huit de 63'", 91 cubes. Ges chambres occupees
par les malades de premiere classe et cjuelques-uns de la
deuxieme calegorie out cliacune une fenetre d’ou la vuc dominc
la campagne; un spacieux jardin dessin6 a I’anglaise enloure la
section dans la direction du nord-ouest ; des massifs d’arbris-
seaux, utiles a I’isolement, ne genent en rien la surveillance.
Le raalade y prend un salulaireexercice en attendant le moment
on le calme des faculles inlellectuelles le mettra a meme de
profiler des belles promenades qui entourent I’etablissement,
Depuis quelque temps nous avons coraplfiteraent separ6 la
section des pensionnaires femmes de la section des femmes
indigentes: une rauraille 6levee a I’extremite du prfiau de la
ti'oisieme section lai.sse les travailleurs et les travailleuses se
mouvoir, ailer a la ferine, a la buanderie, sans troubler les ma¬
lades retires vers cette partie du pensionnat. Dans quelques an-
nees, quand le mobilier sera enlierement achete, quand les
arbres du jardin auront graiidi, iNeaugeat,^ avec quelques pavil¬
ions isoles, possedera un quartier tres-complet.
TKOiStiiME SECTION. — Malades D'anquilles, chroniques ou
en traitemcnt. — Cette section, la plus importante des six,
s’elcve perpeudiculairernent aux grandes facades ; elle abrite
soixan:e malades. Deux cliaulloirs, deux refecloires, une salle
de toilette, une, salle de bains, un atelier de menuiserie pour la
section des homines, un ouvroir cliez les femmes, deux cabi¬
nets d’aisance ont et6 menages'entre les jardins et les galeries.
Ghaque chauffoir a ses malades sp6ciaux : le premier reuuit les
maniaques en apparence tranquilles, mais de temps a autres im
pen agitds et passagerement turbulents ; le second, les lyp6-
mauiaques, les melancoliques, les fous atleints de d61ire partiel,
L’ASILE D’ALIENliS DE NAUGEAT.
255
en uii mot, ceite s6ried’alien6squi, instinctivement, recherchent
I’absence de tout bruit el chez lesquels il importe au plus haul
point de calmer I’fitat plir6nalgique. A des heures d(5lermin6es,
cet appartement est couverti eii salle d’ecole. Oriente dans la
direction de I’ouest, le preau se developpe sur une largeur de
71 metres; il a 2676 metres carr6s. Les plantations, les allies
d’un jardin que nous sorames ii meme d’(5tablir, attenueroiit le
bruit, protdgeront I’aliene centre cette anxiete dont les fondc-
ments, quoique vagues et incertains, sOnt le pr61ude ordinaire de
vives tortures morales. Un escalier it cage plcine met en coiimiu-
nication le rez-de-chaussee avec les irois dortoirs du premier
etage ; le dortoir n“ 1 contient vingt-trois bts. sa loimuenr
est de 20™, 1 5, sa largeur de 7“,80, sa hauteur de 3"', 53, il
cube 55A'",81 ; dix fenetres servent it la ventilation. Le dortoir
n“ 2 est i)lus petit ; le couloir conduisant au troisierae dortoir a
conlraintrarchitecle a 61ever iinecloison qui le resserreet rend
sa ventilation incomplete. Cette salle de douze lits cube 270™, 32;
le dortoir n“ 3 a dix-huit lits el huit fenetres, il cube 39A“,7?i.
La chambre du surveillant en chef chez les lioinmes, la chambre
des religieuses preposees a la surveillance de la troisierae sec¬
tion des femmes, out etc disposees entre ce dortoir et le dor¬
toir n" 2. La mesure prise relativement au domicile de jour est
appliqude a la r6sidence de nuit. La encore nous avons 6tabli
des distinctions reposant sur la nature et les manifestations de
la maladie ; le dortoir n° 1 recoil les maniaques tranquilles
incurables; les dortoirs n”^ 2 et 3, les maniaques, les lypema-
niaques chez lesquels la folie se complique d’cxcitation nocturne
intermittente; la majorite des lypeinauiaques couche au dortoir
n" 2.
QUATRitME SECTION. — MaladcS agites. — ComposOc uni-
qneinent d’un rez-de-cliauss6e, cette section est devolue aux
malades violents, agitds et reellement dangereux. La longueur
dn batiment est de 28 metres, la largeur de 9 metres. Le chauf-,
foil', le dortoir, la salle des bains, les loges, ouvrentsur ua ves- ;
356 r.*Asiti; n’AtifeNfis mi NAilGEAt.
libule qui riignc le long cle la facade nord-ouest ; le dortoirmesufe
one longueur de 5"’, 66, sa superficie est de 31"‘,92 carrds ;
qiioique d’apres le plan il doive contenir huit lits, il ne pent
reellement pas en recevoir plus de six.
line salle de bains a deux baignoires sdpare les loges du dor-
toir, laissant ainsi isoles pendant la nuit quelques agitds, parfois
un pen cahnes; la proportion des loges est d’environ 3,95 pour
f 00 chez les honimes et Zi,02 pour 100 cliez les femmes. Huit
de ces loges conligues facilitent la s6questration des alidnds aux-
quels il est impossible d’accorder les bienfaitsde la vie commune ;
elles presenteiil de bonnes conditions hygifiniques; la hauteur
est de 3'”, 50, la longueur, de 4“,20, la largeur, de 2'", 15, soit
un cube do 36“, 1. Des volets pieins que Ton manoeuvre du de¬
hors permettent a volontd de plonger le malade dans I’obscurite ;
les portcs d’entree deviont etre munies d’un judas armd d’oper-
cides mobiles, ouvraiit sur la galerie interieure. Il est facheux
que des credits insullisants aient empfiche de couvrir les parois
des loges de lambris de bois peint ; uii revelement de 2 m6tres
de hauteur eut restreint la sonorite et rendu moins coQteuse la
lenue des murs frdquerament sails et dfigradiSs. Disons en outre
que les cellules ne sent pas chauff5es et qu’il est urgent d’6tablir
un calorifere ii eau chaude afm de dirainuer les chances de
refroidissement auxquelles s’exposent frequerament les malades
pousses horsdu lit par I’insomnie, ragitalion, les hallucinations;
malgre ces dispositions defectueuses, la section des hommes agi-
les n’en est pas moins privil^giee en ce sens que grace a Tiri'd-
gularite du terrain, nous avons fitabli une large terrasse au-dessus
de la cour. Le peu d’dldvation du inur de clOture n’enl6ve rien
de son charrae au mouvement du paysage; enfin, I’aliend dont
I’excitation rdclame tout a la fois une certaine somme de liberte
el I’absence d’impressions trouve un abri au milieu de la
cour intdrieure ou la surveillance est d’autant plus efficace
qu’elle est moins senile. Il y a la dvidemment une nouvelle
cause cle sedation qui vient puissamment en aide a I’inlluencc
I-’ASILE D’ALlfiNfiS DE NAUGEAT. 257
de I’isolement; le passage qui sfipare la troisieme seclioii de la
quati’ifeme ne mesure pas au delk de 4“,50. Les malades de la
troisieme section, impressionnableset faciles a trouble , auraient
dcmande a etre inoins rapprocb6s de cette categoric, toujours
bruyante et agit6e.
ciNQUibME SECTION. — E pUeptiqucs. — La plus terrible
des nevroses, I’fipilepsie coinpliquee defolie, possbdeun refuge ii
I’asile de Neaugeal. Placfe enlre la section des agit6s et celle des
dements paralyliques, ces deux quartiers sont orientds an sud-
sud-ouest; chacun d’eux contient soixanle malades. Le refectoire
et le cliauffoir s’6tendent a gauche du vestibule; les loges des
6pilepliques bruyanls, dangereux, malpropres, se irouvenl a
droite. Ces loges aboutissent au preau et au couloir qui con¬
duit a la salle des bains; chacune d’elles est ficlairfie par une
feufitrc a cremone fixe; leur cube est de 32”, 11. Au pre¬
mier elage ont et6 installes les dortoirs et I’infirmerie. Le
dortoir n" 1 cube on compte vingt fits dans chaque
salle. Les preaux sont tres-suffisants ; celui des epileptiques
hoinmes est d’un stSjour d’autant plus agrfiable que passant au-
dessus d’un saut de loup habilement pratique, la vue gagne
les campagnes environnantes. Des gazons, des massifs orn^s de
fleurs, eloigiient de cette cour le caractere de tristesse inherent
a une reunion de malades aussi crnellement atteints.
sixiiJME SECTION. — Dements parahjtiques , idiots, gdteiix.
— Vis-a-vis des infirmeries, en se rapprochant de I’axe de I’^ta-
blissement, on arrive it la sixieme section, qu’un espace de
10”, 40 sfipare de la chapelle; un vestibule, un dortoir, un
chauffoir, un cabinet ou sont ranges les buffets, une salle de
bains a deux baignoires, telle est la composition de ce quartier;
le chauffoir cube 93”, 68; il sert aussi de rfifectoire. Le dortoir
est organise pour quinze fits, il a 11”, 50 de longueur, et
7”, 85 de largeur, sur une hauteur de 3”, 50, soit un cube de
297”, 90. Six fenetres aident au renouvellement de I’air;
dies prennent jour, les imes sur le jardin, les aulrcs directe-
ANNAL. iiED. -PSYCH. 4' scrie, t. ix. Mars 1867. 5. 17
258
l’asile d’ali£nEs de naugeat.
inent sous les galerics. Ges sections soul les seules ou les dortoirs
presentent cette disposition : la cour est convertie eii jardin;
bientot une partie de a inuraille sera abaissee et une large ou-
verture laissera penfitrer aupres de cette categoric d’ali6n6s
ddprimes, sans reaction, un air plus pur, plus vivifiant.
Quelque inconvenient qui resulte d’affecter le rez-de-chauss6c
aux habitations de nuit, il n’6tait guere possible d’dtablir un
premier etage dans une section destinee a des malades , impo¬
tents, idiots, gateux, paralytiques, sachant a peine se raouvoir,
indilTfirents a tout danger. Le refectoire et le chaulToir sont
r6uDis ; il semble cependant que la propretfi si difficile a main •
tenir dans ce milieu indiquait I’urgence d’une salle it manger
entierement Isolde et spdciale.
Bains. — L’asile compte douze salles de bains distinctes ; les
ones sont parquetees, les autres sont bitumdes; les baignoires,
de cuivre dlamd, entrent dans le sol a 1 0 centimetres environ :
voici leur dimension.
BAIGNOIRES D’HOHHES. BAIGNOIRES DE FEMMES.
Longueur . 1“,35 Longueur . l'",20
Largeur . 0"',58 Largeur . O'", 54
Profondeur . 0"’,45 Profondeur . O'", 45
Moyenne . O'", 352. 25 Moyenne . O'", 311. 4
Un couvercle de tole forte, dcliancrd au niveau du cou, main-
tient , les malades rdcalcitrants et retarde le refroidissement de
I’eau; la chaudiere, le fourneau, sont'reldguds dans le sous-sol.
Au pensionnat, on autilisd ces fourneaux en soudant sur un point
de leur circonfdrence, un tuyau apte a conduire I’air chaud aux
couloirs et aux cellules. Par un ingdnieux mdcanisrae, I’eau que
a vapeur chasse des chaudidres apres dtre moutde a la partie
supdrieure du pied de la baignoire retombe et se mdle avec I’eau
froide qui pdndtre par le fond. En laissant la colonne d’eau
chaude exposde a la vue, nous avons eu un double but, dveiller
I’attention du chef baigneur, tacher d’dviter les graves accidents
qui peuvent se produire alors que I’eau chaude et I’eau froide
L’ASILE D’ALlfiNeS DE NAUGEAT. 259
arrivent iiiapercues a la baignoire. Los l obiuels dissimules dans
le plancher ne sauraient etre ouverts sans le surveillant charge
de ce service.
Quoique cette organisation de salles mullipli6es permelte a
rali6n6 d’arriver aux bains, d’y rester, d’cn sortir sans etre
gene, il fa lit aussi reconnaitre que I’entretien et le chaulTage d’un
grand nombre de chaudieres deviennent irfes-onereux, et qu’il
serait d’liiie bonne administration de parer a cette lacune.
Conlrairement a 1 opinion gfinerale, qui vent que dans cbaque
asile la douche vienne souvent en aide aux moyeus inoraux,
Naugeat est depoiirvu de ces appareils; signalons figaleraent
pour la regretter I'abseiice d’etuves, d’uue piscine, etc., etc.
Fenetres. — Les fenetresdes chambres du pensionnat, cedes
des dcrtoirs des sections, sont it cremones, mats sans grilles :
des croisillons de fer reinplacenl ce mode diisagrdable de pro¬
tection ; les carreaux out une largeur de 2U centimetres; cette
dimension est calculee de telle sorte qu'un malade ne puisse daus
aucun cas tenter avec succes une evasion.
Cabinets d'aisances. — Dans tout etablissement important,
I’installation des lieux d’aisances constitue unedifficultfi d’autaut
plus grande, qii’ii cote de la question de bien-fitre et de conve-
nance, se trouve une question d’hygifene dont il faut egalement
tenir comple. A Naugeat, les latrines des sections bordent
I’etroit passage par lequel les quartiers communiquent avec les
pr6aux ; leur disposition ne pr6seiite rien de pariiculier ; les
raatieres f^cales recues dans une tinette mobile se retireut du
dehors. Ce systeme, en apparence des plus simples, a d’autant
plus d’inconvenients que partout on a neglige les tuyaux d’as-
piration, et que malgre un service actif, et I’emploi de desinfec-
tants, on ne dissimule pas toujours complfiteraent I’odeur fetide
de gaz d6velopp& par ces matieres 6minemraent fermentes-
cibles ; le seul avantage de ces latrines est d’etre d’un accfis
commode; il y aura la d’importantes modifications a iutroduire.
C/iau/fage, — Les salles sont chaull^ies avec des pofiles fixes
260
L’ASILE D’ALIfiwfiS DE NAOGEAT.
de fonle ; seul, le pensionnal a niunide caloriferes qni
rfipandent une bonne temp6raturc dans un grand noinbre de
chambres. Les celiules des agites ne beneficient point do ceUe
disposition.
En gfindral, pendant les journfies d’hiver, la temperature
est entretenue a 15 degrfo centigrades ; tontefois il arrive,
lorsquela ventilation du chanffoircstabondanle, qu’elleatteintlS
et 20 degres. Aussi pour quelques sections, aurions-nous desire
voir employer le chauffage par circulation d’eau chaude. A cote
des bdnefices du chauffage au poele, un des plus ficonomiques, se
trouve un inconvenient s6rieux: I’air de.ssdche n’ast pas sufli-
samment renouvel6 ; quant au calorifere, il concentre dans les
appartements un air bruld, propre a irriter les muqueuses et
nuisible aux inalades atteints d’affeclions organiques du poumon
ou du coeur; il serait done convenable d’accorder a certaines
categories d’alienes un chauffage par circulation d’eau chaude,
mode precieuxqui distribueraitanx salles les quantites d’air pur
necessaires.
Murs d' enceinte. — Pendant que les cotes sudet sud-oucsi du
mur d’enceinte out plus de 10 metres d’eievation, les facades
opposees mesurent a peine 2“,50; les murailles d’enceinte sont
recouvertes d’un chaperon ci deux pentes ; il en est de meme
de cedes des separations des sections ; les unes et les autres he
sont point crepies.
Inconvenients a signaler. — Nous n’avons point a nous occu-
per ici des defauts inhdrents au plan general de I’asile de Nau-
geat; Chambdry, Rodez, Saint-Robert, presentent des vices d’or-
ganisation plus graves que ceux que nous signalerious ; il en
est de mSme des lignes circulaires d’llleneau, du systeme dei
pavilions paralleles de Nantes et de celui d’Auxerre un des plus
complets selon nous. Ce que nous voulons, e’est indiquer rapi-
dement les omissions de construction que des cr6dits limitds
out imposees it I’architecte du departement.
Ventilation. — L’hygiene comrnancle de donner au domicile
l’asile d’au£n£s de naugeat. 261
de I’homaie la plus grande soinme d’air neuf. Ce principe inap¬
plicable sans une ventilation de jour et de nuit, a 6t6 perdu de
vue. Le sejour de nuit des alienes fait rapidement acquerir des
qualitcs nuisibles a I’air des dortoirs. II importe dbs aujourd’hui
qu’on iniroduise dans ce milieu une quantite d’air suffisant a
modifier les produils vicies de la perspiration et de la respira¬
tion. Le meilleur systeme comme salubrite est le systeme par
aspiration : on I’appliquant, I’asile rivaliserait avec le nouveau
pavilion de I’hopital Necker, ou les inalades regoivent un mini¬
mum de 60 mfetrcs ii I'heure; mais cet excellent systeme est
ires-couteux, et nous serons probablement obligd de lui substi-
luor celui qui fonctionne dans la plupart des 6tabli.ssements
piinitenciers.
Greniers, contrevents. ■ — La suppression des greniers, I’ab-
sence de contrevents, sonl une source de courants d’air froid
pendant I’biver, de chaleur durant la saison d’6t6'; plusieurs fois
les malades se sent plaints, quelques-uns out presentd des affec¬
tions prurigineuses auxquelles nous n’avons point reconnu d’au-
tre cause ; enfin, apres les journfe chaudes de juillet et d’aout,
I’absortion d’un air trop chaud a souvent d6termin6 une cer-
taine agitation pendant la nuit. Gertes a I’aide d’un arrosage
complet, on rem6dierait en partie a cet echauffement que produit
la radiation solaire, mais ce service possible si I’dtablissement
dtait suffisamment approvisionne d’eau, ii’a pu Stre entrepris
jusqu’ii ce jour. Les divers pavilions manquent done degreniers-
mansardes qui serviraierit de magasins et qui, dans certains cas
d’encombreraent, fourniraientquelquesdortoirssuppl6mentaires.
11 reste encore a munir les fenetres de volets de bois avec les-
quels, apres avoir plonge les sections dans I’obscuritfi, on sous-
trairait I’alifinS a certaines excitations, au trouble, a la crainte,
qu’entrainent les mille fantfimes d’une Inmierc douteuse.
Trottoirs. — Les galeries ne rempliront le but propose qu’au-
jant qu’elles seront compldtement achevees. Quoi que nous ayons
essay'd jusqu’a ce jour, le sol presenle beaucoup d’indgalitds,
262 L’ASILE D’ALlfiNfiS DE NAUGEAT.
I’absence de gi-illes protectrices emp6che de Ics livrer comme
promenoirs au moment de I’automne et du priutemps. Quand
6tablirons-nous ces troltoirs d’asphalte? Ce mastic bituinineux
joint h une ligne de granit serait d’un lavage facile et le parpaing
formant encorbellement conduirail inaperfues aux aqueducs
les eaux provenant des toitures et des baignoires.
Dalles. — L’absence de ces petiics auges bordant la loiture
des batiments n’est pas sans @tre nuisible. Du c6(6 des preaux,
les eaux pluviales arrivent directeraenl ii la base des murailles el
leur infiltration entraine sur plusieurs points une humiditd pro-
fonde.
Service des eaux. — Parmi les questions qui se produisent ii
I’occasion de I’installation de Naugeat, la question d’approvision-
nement de I’cati est sans contesle la plus importante. Depuis
longteraps la nficessite d’eaux abondantcs dans une maison desti-
nee au traitement des maladies mentales est nettement indiqu6e ;
en signalant cette lacune, on s’engage h la combler.
De diverses observations, il rfoulle les donndes suivantcs : la
source qui, du 1" novembre 1864 au 24 mai 1865, avait fourni
20 litres a la minute, n’a pas eu pendant I’fitfi dernier unemoyenne
superieure 4 14 litres, soit par an 201 hectolitres, 60 litres,
alors que I’analyse des divers besoins de I’asile 6tablit que la
quantity d’eau ne saurait elre moindre de 726 hectolitres, sa-
voir : besoins de la population 60 hectolitres; bains, 150 hecto¬
litres; lavoirs, buanderie, entrelien des bassins, trois renouvel-
lements d’eau 4 122 hectolitres, 366; horticulture, 100 hecto¬
litres ; imprevu, 50 hectolitres; total, 726 hectolitres. Les
ressources s’dievant 4 201 hectolitres 60 cent., le deficit est de
525 hectolitres; esp6rons que bientot nous aurons 4 exposer les
lieureux rdsultats que laissent entrevoir les travaux enlrepris en
ddeembre 1866.
Buanderie. — Lorsque la population de la maison de Bon-
Secours, de Limoges, a 6t6 transKrde au nouvcl asile, la buan-
dcrie n’existail pas ; pendant dix-mois environ, nous avons 6l6
l’ASILE D’ALlfiNfiS DE NAUGEAT. 263
contraints de blanchir le linge hot's de la maison, inconvenient
grave, non-seiilement an point de vue economique, inais aussi
eu egard a la suppression d’un eiementde travail, naturellement
devolu a la fetnme pour laquellc il est si difficile de trouver une
occupation enlrainant I’activitfi musculaire. Apr^s un sfirieux
examen de la commission de surveillance, I’adrainistration ayant
reconnu que la solution d’une question de cette importance
ne pouvait 6tre plus longteraps ajournfie, nous avons eu, des
les premiers jours de I’exercice 1865, It nous occuper de cette
construction qui, aujourd’hui, est entidrement achevee. .
La buanderie de Naugeal se continue parallelemeiit aux lignes
de la facade de I’asile. Elle se compose de deux corps de batiment
en forme de T ; Tun^ le plus grand, est orientfi au sud-sud-est,
I’autre au nord-nord-ouest, ce dernier perpendiculaire au pre¬
mier. Le batiment principal mesure 18“,50delongueur et 8“, 50
de largeur. Le batiment en retour presente une superficie de
ia0”’,71 carr& ; du sol au plafond, I’filSvation est de 4“,30 ; la
maconnerie est do moelloii, les angles des ouvertures sont de
gratiit lailld. La plus grande parlie du premier 6tage de bois
d6coup§ donne a cette construction I’aspect d’un Elegant chalet ;
un bassin de 9“,65 de long suv l“,a7 de large occupe le centre
de la salle du rez-de-chaussde ; ce reservoir d’eau dlev6 de 0’“,90
au^desSuS du niveau du sol est divis6 en trois vasques : la vasque
centrale offre une longueur de A“,90. Quant aux deux autres,
leur longueur rfiunie mesui-e 5“,l4 ; les vasques n"® 1 et 3 cu-
bent 3”, 22, la vasque n” 2 cube 5“,76, total 8"’, 98 cubes
ou 8980 litres. Quoique de pierres de granit, ces bassins ont
leuts parois et les separations recouvertes d’utte couche de ci-
ment romain; trois tubes jettent en dehors le trop plein ; I’eau
jaillit sur les c6t6s. Le batiment A aboutit au batiment B par on
large couloir autour duquel seront fixes des bancs de fer galva¬
nise destines a servir de support au linge avant le rincagc. La
salle 'du batiment B rcnferme deux appareils a lessive montes
sur fo'urneaux de fonte. De la salle de lavage, on arrive au se.-
264 l’asile d’ali£n£s de maugeat.
choir a air libre, a I’aide d’un escalier double ; le s6choir a air
libre est couvert ; les deux longues facades sont garnies de vo¬
lets mobiles cjui, lout en abritant le Huge contre la pluie, eta-
blissent une veiiiilaiioii des plus efficaces. Get eiendoira 93'", 48
carres. De cliaque c6t6 de I’alMe centrale sont suspendus des
fds de fer galvanise ; les tricycles servant au transport du linge
peuvent etre aclivement manoeuvres sous les cordes d’6tendage.
Sechoir. — L’etude des divers systfenies de Iniandene nous a
engag6 a preferer le sechoir fixe au s6choir mobile. Faire quo le
linge seche aussi bien qu’a I’air libre, soustraire i une cbaleur
intense rouvrier employe ii ce travail, s’eiUourer de moyens,
d’une disposition simple, peucouteuse, tels etaienl lesavantages
que nous devious rechercber ; ces avantages nous croyons les
avoir trouv6s. Un calorifere, un secboir, forment tout I’appareil;
le calorifere est 4 caisson; I’air chaud apres avoir circuit h
travel’s sept coffres de lole, r^cbauffe I’air froid aver, lequel il
esten contact. Les sechoirs ont et6 installes sur im des cotds de
la salle de repassage, leurs cases re^oivent I’air chaud du four-
neau ; deux tiroirs fabriqufe a I’atelier de serrurerie de I’asile
souliennent le linge a I’aide de tringles galvanisfies ; ces tiroirs
que supporlent des roues de fonte glissent sur des rails fixes :
quant a la vapeur d’eau sortie du linge, une pariie descend
alimenter le fourneau auquel elle sert de ventilateur, tandis que
I’aulre se perd dans la cheminee ascendanle du calorifere; une
case de sechoir prepare 500 kilogr. de linge alors que I’appareil
mobile d’un prix double ne s6chait pas au-dessus de 250 kilogr.
L’economie du combustible a lieu dans les memes proportions.
Ferine. — On a une idee assez exacte de la configuration de
la ferme de I’asile en appliquant, aiitour du soinmet d’uu pla¬
teau, deux collines, dont I’une serait franchement inclinfie vers
le nord, tandis que I’autre aurait sa pente dirig6e du c6t6 du
midi; les champs, d’une conlenance de 10 hectares environ,
sont de nature argileuse plastique ; I’^paisseur de la couche su-
perficielle varie entre 18 et 35 centimetres; c’estla ce que les
265
L’ASlLli D’AU£n£S DE NAUGEAT.
agriculteurs considerent coinme un sol au-dessus de la moyeiine.
Quant au sous-sol, la dureld de son tuf lamellaire arrele sou-
vent le laboureur ; sa qualild diffdve aulant que son aspect.
Pies de la route d’Isle se trouve une bande d’argile de couleur
claii’e fertilisee par une coucbe vegdlale que le temps et les en-
grais out dfiposde, tandis qu’a 200 metres au-dessous, on est en
presence d’un terrain abase granilique et argilo-sableuse oil
grandirent dc vigoureux cbataigmers ; enfm dans une dtendue
de 10 ares, tout pres du chateau, une partie du jardinn’a pas
moins de O'”, 70 d’une terre de premiere qualitd. Cette derniere
colline, compl6tement exposee au not'd, est dans des conditions
d’inferiorite d’autant plus nuisibles que, d’une part, en raison de
la pente, les eaux enlrainent plus facilement le principe actif
des fumiers; que de I’autre, les rayons du soleil arrivant oblique-
ment, le sol revolt une quantitc insuffisante de chaleur. IJn des
trois diements terreux manquant (le calcaire), nous avons com-
raencd la constitution du sol a I’aide d’mi melange de cendres
eide residus de charbon de terre, dout les principes rdtabliront
peu a peu I’dquilibre, tout en rendant la culture moins
exigeante. Plusieurs circonstances nous laissent pressentir que
pendant quelque temps ces champs fourniront de raediocres
rdcoltes ; I’ecorce des arbrcs fruiliers est rugueusc, le. IVoment
d’automne, les plantes tuberculeuses, out donud de mauvais rd-
sultats. C’est aux labours profonds a diviser le sol, aux composts
de chaux d I’amender, aux fumiers longs, aux litieres peu pour-
ries, ii le couper, a rorganiser. L’examen de la constitution mi-
ndralogique de ce petit domaine nous a conduit h ces conclu¬
sions. Nous avons tenu, des cette amide, a installer une porcherie
et une laiterie quirendronl de vdriiables services ; les animaux de
la porcherie sent nourris de ddbris ramassds dans les rdfectoires
aprds le repas. Perdus a I’extrdmitd infdrieure des terrains, les
batiments d’exploitaiion soni dans Ic plus mauvais diat.
Du travail d Naugeat. — Depuis bien des anndes la mdde-
cine menlale a compris qu’il importait d’imprimer a I’activitd
266 L’ASILE D’ALIfiNfeS DE NAUGEAT.
de ra!i6n6 line direction qui ieinp6re sa mobility et, par uii
essor des facult6s intellectuelles, le rapproche de rhorntne ii
I’etat normal ; mais cette loi est d’autant plus difficile h geu6ra-
liser chez le fou que les iresors chimfiriques, les crainies et les
terreurs I’exonferent des soucis de la vie ordinaire. Entrain^
par de fausses id6es, guid6 par les instincts et les niauvais rai-
sonnements, n’ayant d’autreS soucis que la satisfaction de son
delire , il tonibe d’autant plus rapidement dans rannihilation
que, nes’appartenant plus, ilne sail ni d6veIopper son for int6-
rieur, ni retrouver le goOt du travail. En vain parle-t-on de
laisser ^ I’ali^nd sa liberte ; le souhait des partisans de cette
doctrine est tout au moins, un souhait ridicule, dont le rfeullat
serait de rendre odieux, par des actes souvent irrfiparables, celui
qui doit inspirer k tous la pitid. Ce qui lui convient aprfis la
sequestration, I’agent curalif le plus sflr pour 6quilibrer ses fa-
cultds, estle travail harmonise avec ses souvenirs, avecses habi¬
tudes. En presence de ses nouvelles conceptions, quand la
fantasmagorie du deiiroreproduit comme presents des dtres qui
n’ont jamais existe, lorsque I’entendement depouille les objets
de leurs qualites pour les revetir de celles qu’ils n’ont pas, il
faut, par une fatigue musculaire sagcment calcuiee, detourner
I’aliene des preoccupations qui I’enchainent & I’idde fixe. Or,
rien mieux quo le chantier surveille ne serta atteindre cebut;
la, les sentiments moraux font retour ; lii, le plus souvent une
saine raison se subsiitue a la folie, et I’observateiir est tout sur-
pris, alors que les iddes generales out flotte pendant longtemps
comme des ombres indedses, de voir une occupation soutenue
6teindre ce feu de I’imagination, decomposer les sensations re¬
sultant de I’idde de tristesse, de inelancolie, et les regularise!-
en appliquant re,sprit a une chose finie. Ces quelques lignes
expliqueront I’interGt qui se rattache a I’organisation du travail
a-Naugcat.
Les mauvaises conditions, I'insuffisance des jardins de I’an-
cien etablissement de la rue des Anglais, avaicnt empfiche mon
L’ASILE D’ALlfiNfiS DE NAUGEAT. 267
honorable pr^dc'ccsseur de diriger dans cette voic la grande
majority des malades ; aussi nous sommes-nons irouvd en pr6-
seiice d’une population qui, sauf quelques exceptions, avail
conipl^teinent perdu I’habitude de se mouvoir d’une maniiire
utile, chez laquelle il n’6tait pas moins difficile de rdveiller
I’fimulalion que de faire vibrer le sentiment de la rivalitfi ; mais
lb, commedanslaplupart des difficultfo, la patience, la douceur,
la volontd, ont petr a peu trioinpbfi de la plupart des obstacles.
En nous reportant b ce qu’dtait Naugeat lorsque les aI16nes ont
pris po.ssessiou de ses divisions, nous voyons des inatdriaux
laisses cb et lb, des cours, des jardins sans nivellement, sans
plantations, des champs nfigligfis, des terres improduciibles, une
proprietd ouverte de tons cotes. Les changements opdrds sont
dus b I’activitd, au.v bras des travailleurs de I’asile : trois
escouades composes de dements, de maniaques tranquilles, de
convalescents, ont creusfi des tranchfies profondes et larges 116-
cessaires aux plantations : nous avons eu la satisfaction, aprfis
un apprentiss.ige .issez court, de voir plusieurs d’entre eux en
proie b cette depression, avant-coureur de la stupeur et de la
demencc, revenir b une certaine activite morale precurseur d’une
veritable amelioration. G’cst surtout dans le cas de meiancolie
ou les consolations devieuneiit impuissantes, I’application de
I’esprit une chimere, qu’un travail manuel mis en rapport avec
les forces du malade a rompu cette tension resultat de l’6lai
bypocbondriaque et de la Icnteur de la vie cdrebrale.
Excitant general, le travail n’exerce pas seulement son action
sur le sysieme musculaire; a cote de la reaction qui reveille la
moiteurde la peau se trouve egalementia reaction intellectuelle.
Elle n’eiait pas sans interfit, cette 6tude qui rdsultait do I’examen
d’individus atteinis de deiire particl, entrainant par I’exemple
une serie de maniaques ou de lypemaniaques naguere indilfd-
rents. Quelles difficultes ne rencontre-t-on pas pour obtenir
I’entrain, la regularite? Quel resultats inesperes ne peut-on
point alteudre du devcloppement de la mutualitd dans uii asilc !
268 l’aSILE D’ALIfiNfiS DE NAUGEAT.
Si i’alien6 r6siste plus au surveillant qu’a I’aliene, cela nc
lient-il pas ii ce que le langage de co dernier, mieux on rapport
avcc sa peusefi, trouve des sentiers ignords du premier.
Qui done connait assez le paysan el les delicatessen de son
idiome, pour raninier les souvenirs perdus? Qui de nous peut
ebranler d’une manierc sure une seiisibilite morale diverse-
menl douee? Vaiiiement frappe-t-ou i) cette porle, le coeur resle
fermd quand on ignore I’art do I’draouvoir.
L’asile demaiidait une barrierc protdgeant les cultures, abri-
tant sa population conire les curieux du dehors. Cette muraille,
qui n’aura pas moins de 2 kilometres, est compl6temeut elevee
sur une longueur de 300 metres. Les plerres ont et6 exlraites
sous la surveillance d’uii mailre mineur, charge de diriger
quelques alidnes alteints de folie inleriniltente, de d6lire partiel.
Ces carriers iraprovisfis ont fouill6 le sol, attaque Teperon de
granit dont ravancement perpendiculaire a la quatrieme section
des homrnes empeche I’excavation de la carribre de rejoindre
la partie basse de nos champs. Nous sommes egalement parvenus
a faire les terrassements les plus pressants, a cr6er des jardins
d’agrement, a couronner d’allees et d’arbusles le point culmi¬
nant de la colline. Les moulauts de diverses ouvertures, portes,
pilaslres, supports de grilles, taillfis, mis en place, temoignent
de riutelligeuie volont6 des malades sortis, gui5ris.
Organise sur une aussi vaste dchelle, le travail exigeail une
serie d’outils sans lesquels la tache s’accomplit peniblement. Ces
instruments, ordinairement livrds a des prix dleves, ont dte de-
mandes a un atelier special de forge et de serrurerie ; plusieurs
alifinSs, offrant soil un affaiblissemeni des facultds intellecluelles,
soil une affection meiitale a forme inlermittenle, mais sans im¬
pulsions violenles, ont coufies a la direction d’un intelligent
ouvrier, qui, apres avoir fait de bons apprentis, n’a pas tarde a
leur apprendre I’art complet du forgeron ; e’est ain.si que la ser¬
rurerie des quarliers a file r6paree, que la grille du massif de la
cour d’honneur a 6t6 confectionnde, et que cent lils de fer ont
l’aSILE D-AllliNtS DE NAUGEAT. 269
et4 fabriqufe pour remplacer les Ills vermoulusdel’ancicn asilc.
Ces occupations varices out etficle la plus grande utility ; nous
avons mgme la conviction que les changeinenls survenus dans le
caractere de plusieurs naaladesn’ont pas reconnu d’autres causes.
A coup sur, .si Ton rendait ces nialheureux a la vie sociale, les
contradictions, les besoiiis, I’absence de frein, comproinettraient
vite cette amelioration; tel qui travaillait a Naugeat refuserait
peut-fitre de s’occuper au milieu des siens : mais c’est beaucoup,
selon nous, d’avoir rendu docile celui qui etait excite, et do
tcnir ses instincts en fichec. A cotdde ces travailleurs se rangcnt
ceux qu’occupent les services gSndraux; en moyeime, nous .
employons cent vingt malades sur cent cinquante environ, soit
(ilus des deux tiers.
Tramil des femmes. — A tous les degres de I’dchelle sociale,
la femme lient de sa nature et de nos lois une condition mixte,
formde de raison, de sentiment, de force et de faiblesse, qui
llotte autour de I'liomme comme une dnigme. Ce qui est vrai de
cet etat moral dans I’dtat de sante, est encore vrai dans I’etat de
maiadie. Mis en presence des causes morbides, le systeme uer-
veux de la femme les subit avec d’autant plus de pas.sivite quo
celle-ci trouve dans ses habitudes des conditions de r&istance
moins avantageuses. Lii encore I’activite harmonisee lui rend
cette virtualitd qu’ont enlevde I’oisivetd, le repos, le ddlire ; a
Naugeat, la population femme est presque entierement d’origiue
rustique, habitude a la vie des champs ; les occupations de sa
journee ne peuvent dtre prises hors de ses habitudes ; I’ou-
vroir, I’atelier de couture^ de tricot, de repassage, sont ouverts
de huit heures du matin a midi, de deux a cinq heures du soir;
I’epluchage des Idgumes a lieu pres de Toffice de la cuisine ; les
soins intdrieurs, Tappropriation des dortoirs, des rdfectoires,
des chauffoirs, la buanderie, sont gdndraleinent acceptds avec
plaisir. Les blanchis.seuses, laveuses, etendeuses, porteuses de
huge, accomplissent leur mission avec d’autant plus d’empres-
sement que ces diddrentes opdratious leur sont plus familieres.
270 L’aSILE D’AtieNfiS DE NAUGEAT.
Lecture. — Malgre les difficultfis quinous aitendaieiil, ditti-
cult6s tir6es, soit de rSge des inalades, soit des atteintes port6es
i leur memoire, nous u’avons pas voulu ajourner I’organisation
de I'enseignement. Depuis plusieurs mois, cerlains alieinSs sont
appel6s a s’occuper de lecture, d’6crilure, de calculs ; lu mdihode
suivie est la infitliode de guerre; cette melhode, que nous avons
vue fonctionner dans quelques 6coles cominuuales de Paris,
allege la tachedu inailre, donne de I’attrait au travail de Tdleve.
D6ja de bons resultals sont obtenus. L’ann6e prochaine, nous
les signaleronsen les pr6cisaut. Nousl’avonssouvent observ6; par
le lecture, on applique I’intelligence, on la raineiie a la raison
au milieu des deductions simplifi6es du syllogisme naturel de la
pens6e.
CONSIDfiRATIONS GfiNERALES.
Ghaque jour cette v6ritese confirme : un etablisseinent public
consaci-e au traiteinent des maladies mentales n’est pas seule-
ment une maison de charitfi ouverte a I’infortune; il est aussi
un inodiGcatcur dont I’application s’fitend au plus grand nombre
de cas de folie, un agent curatif de premier ordre.
En consacrant ce long chapitre a la description de Naugeat,
nous n’avons pas eu comme butd’indiquer les divers details que
presente son plan au point de vue architectural, mais bien de
subslituer it de st6riles d(5veloppements la demonstration de tons
les progres sdrieux qiti viennent d’etre realises dans rmstallation
des manicomes.
Consideree d’une maniere geii6rale, une maison creeepour
I’aliene doit, selon nous, renfermer les elements varies de plu¬
sieurs medications, iiotamment de la medication sedative, de
la medication stimulante dont la haute influence ne saurait
6tre contestee lorsqu’il s’agit de neutraliser les effels desorgani-
sateurs des vesanies. Le calme de la retraite, reioignement
absolu de certaines causes, emanant, soit des passions, soit de
271
L’ASaE D’AUfiNfiS DE NAIJGEAT.
I’entourage du maladc, soil du milieu social; le silence profond,
l’obscurit6 de I’hospitaliere cellule, sont des 616ments hyposthfi-
nisants qui releveut fatalement de I’organisation intinie d’uii
asile. Pourquoi de la puissance surexcitante des odeurs, de la
lumiere, clu bruit, de Pagitation, des lultesde I’esprit huniain,des
froissemenis d’amour-propre, qu’entraine si souvent le contact
de I’homme, ne pas conclure que les conditions opposees
teraperont I’activile anormale du malade, calnient I’^tat plir6nal-
gique, 61oignent la pdriodicite ? Comment ne point elever a la
hauteur d’un priucipe les fails suivants, dont i’examen clinique
d6montre do plus en plus la v6rit6 : savoirque le travail approprid
aux forces du sujei, c ^>“1 * ^ actes, en elablissant un
contre-poids a ses conceptions deliraiites, en le contraignant it
dfipeuser avec methode son activite musculaire, constitue
autant un agent de sedation, de reconstitution, qu’une source
saisissante de distraction ; ne croit-on a I’effet des mfidicaments
que lorsqu’ils determineni des changemenls cbiraiques appre-
ciables? est-ce que souvent on ne se trouve pas en presence du
manque absolu de modification materielle des tissus ? les effels
physiologiques des solanees son t ils moins vrais par cela meme
que le modus faciendi est moins connu. Si nous admettous
raclion syrapathique de plusieurs agents pliarmaceutiques, si
nonscroyons qu’apres s’oitre exercee stir certains appareils orga-
niques, la puissance d’un medicament se propage k toute
I’economie en dehors d’une absorption moldculaire et par le seul
inlermediaire du systeme nerveux ; si avec Giacomoni ct I’dcole
italienne, nous pensons qu’un remede n’agit pas sur tons les
organes, mais que sa force se concentre plus ou moins dans tel
ou tel appareil, nous n’hfoitons pas a dire que par ses divisions,
ses sections, on I’iudividu s’isole, ou il se ment selon ses apti¬
tudes, ses besoins, un asile porte avec lui non-seulement une
propri6t6 active immediate, mais encore le resultat de cette
action, e’est-a-dire ce que Linne distinguait sous les noms de
vis et d’MSMs.
272 l’asiLe d’alienes de naugeat.
Le milieu d’lin asilemixte, ses lois, son mode d’organisation,
la discipline quiregne, sa vicpropre, tiennent des agents hypos-
iheniques, et, s’il n’est pas rare de, voir passer rali6n6 do I’^tat
d"hyperslh6iiie au-dessous de son niveau normal, dans d’autres
cas, la protection accordfie au malade, le respect dont il est
entomb, I’autorite qui leslimule, rel6vent aussi trfis-heurense-
raent I’energie des forces vitales opprimees par I’alTection et les
hallucinations terrifiantes : c’est ainsi que s’est r6alis6 le probleme
d’unilfi d’ordre, d’unit(5 de vue, absolument indispensables a la
cure des maladies mentales. L’examen de Thomme physique,
I’aualyse de rhommc moral, I’application r6guliere des moyens
de traitement admis au xix‘ si&cle, la possibility d’fitendre ii
I’infini les recherches dontle but est la connaissaiice des Ifisions
de I’intelligence et des lesions somatiques, les soins que neces-
site I’etat d’excitation ou de depression des facultfis devoyees, ne
veulent ni d’un systeme de sequestration comrae on I’entendait
il y a quelques annees, ni d’un systeme de liberty complete.
Autour de ces sections peuplees d’individualites morbides
impressionnables, il fant, avec I’aspect tranquille qui rassure,
I’antoriiy, la liberty limitye qui commandent le respect. Si
noire description est fidele, on acquerra la conviction que dans
cet etablissement rien n’a yte livry au caprice, mais au con-
traire, que tout a eiy reuni en pi-yvision des besoins ryels de
raliyny.
Naugeai est la refutation complete de ce systeme qui ,
gyneralise outre mesure, a laisse presque sans protection les
inalades dispersys sur de grandes surfaces. La vie en com-
mun mais surveiliye, le travail au milieu des champs avec la
discipline, le classement par catygories, se retrouvent id a
chatiue pas.
Naugeat esf une maison de santy entourye d'une ferine agri¬
cole ; hopital et ferme etroitement liys viennent constamraent en
aide l"un ii I’autre, se pretent un mutuel concours. Lh, le malade
sc Ibvc, travaille, se repose a des heures fixes ; ii chaque moment,
L’ASILE D’ALlfiNfiS DE NA.UGEAT.
273
sa raison troublfie, ses sentiments pervertis, trouvent un frein
salutaire, un appui dans I’ensemble des reglements administra-
tifs que chacun est tenu d’observer; et s’il jouit d’une liberte
moins complete que cede dont il jouirait s’il 6tait plac6 chez le
paysan de la Campine, dans ce village de Gheel on la reconnais¬
sance du coeur, la foi, crfieroutune colonie pour la douleur, la
protection qui I’environne est le gage d’une incontestable s6cu-
ritd.
En dehors de vaines considfirations humanitaires, sans sub-
stituer aux tristes pi'6jug6s du moyen age une utopie plus
dangereuse encore, la loi bieufaisante de 1838 n'a pas ordonnd
seulement de venir au secours de la plus allligeaiite des infirmi-
tfis, de preserver la soci6t6 des dfisordi es que I’homme pent
commettre dans les moments oil il est privii du libre arbitre ;
elle a voulu le garder contre sa propre fureur, le soiistraire a
tous les abus dont il pent etre victirne, garantir sa personne, ses
biens, et veiller a ce que les raesures prises pour empecher les
hearts de la folie ne deg6nerent point en atteinte contre sa
liberl6. Si done au milieu de cet ensemble de constructions
imposantes, la liberte complfele a eld refusee au malade, il n’en
est pas moins vrai que ce que commandaient I’intdret social' et
I’interet individuel a dtd scrupuleusement etudie et largement
mis en pratique.
L’asile de Naugeat reflete la pensde du legislateur francais :
charitd, protection, liberte limitde, telle est la devise a buriner
dans le granit de son portique.
ANNAL. MtD.-PSVCii. 4“ seilOj’t. IX. Mars 1867. 6.
18
SOCiKTES SA^Ai\TES.
S<»ei6t6 m<Saioo-psj'elioloj^i(|Uc.
Seance du 10 decembre 1860. Presidence de M. Bmerre de Boismont.
Lecture et adoption du procts-vcrbal , aprcs une rectification
demandde par M. Bourdin.
M, Brierre de Boismont annonce b la SoeidtiS ia mort de M. Da-
merow, meinbrc associd dtrangcr de ia Socidtd.
Brierre de Boismont fait dgalcment part ii la Socidtd de la
mort de M. Casimir Pinel, raenibre titulaire, et il prie M. Legrand
du Saulle de donner lecture du discours qu’il a prononcd aux ob-
seques de M. Pinel, au nom de Ja Socidtd.
M. Lunier prdsente au nom de M. le docieur Pougferes, directeur-
mddecin en cbef de Pasile deNaiigeat, nn travail manuscrit ayant
pour titre : Clinique de I’asile de Naugeat (ilaute-Vienne), exer-
oice 1865. M. Pougere.s adresse ce travail a I’appui d’une dcmande
dll titre de membre correspondant. (Commissaires MM. Baillarger,
A. Foville el Lunier.)
Discussion sur la folk raisonnanle.
M. Trelat : Dans inon opinion, tout a dte dil dans cede di.scus-
sion sur la folie raisonnanle ; si j’ajoute quelque chose, ce .sera I’ob-
Jel de ires-peu de mots. Les malacles diisignes sous le nom de fous
■raisonnants sont les plus incommodes, les plus gOnants, les plus per-
secuteurs que nous ayons a ob.server; ce soul ceux qui causent le
,plus de dommages autour d’eux. TautOtce sont des monomanes
■ dont Pid^e donjinante se cache souvent sous les formes les plus ai-
mables. J’en ai connu qui ne iaissaient de repos i pcrsonne, ni
ifamilie, ni scrviteurs, qui exigeaient de tons Pactivitfi la plus soute-
inuc, pour des cboses insignifiaules. Et pour tout dtrangcr survenant,
lils avaient des formes aimables et une conversation des plus atta-
'chantes. Cesont souvent des orgueilleux, metlant toutenceuvre pour
•arriver a leurs fins. Ici, c’est une jcune fdle, s’appuyant sur le dd-
vouemen t de sa mere pour parvenir a son but ; puis, ce but conquis,
devenant Pali6n6e la plus incommode, la plus tourraentante, la plus
faligante. Quelquefois ce sont des dipsomanes, ayant ce triste avan-
M. liUNlER.
FOLIE EAISONNANTE.
tage de poiivoh’ clin'ih'ei- leiir acc^s; il y a cetle dilKrence entre le
dipsomane et rivrogne, que I’ivrogne boit a loules les occasions et
que le dipsomane ne boit que pendant ses accfes. Jls peuvent dissi-
muler et dpouser une jeune fille dou^e de tous les agrdments, et
portei- la honte et le d^goflt dans une faraille. Ces gens ne se inodi-
fient pas, ce sont des 6tres non peifectibles. Ce qui constitue riioniiiie
sociable, c’cst cetle peifeclibilile qui leur est ret'usde.
La manie laisonnante ne se modifle pas, ne cfede pas a noire ac¬
tion, ne sunit pas rinnuence de I'exemple, du conseil. Le fou lai-
sonnant marche. malgrd lout it son but el rdslsle a toute bonne direc¬
tion. Je me suis servi de Texprcssion « manie raisonnantco jusqu’i
present; elle ne in’a pas salisfait, cela ne dit rien. L’etre alidmS ne
raison ne pas ou raisonne mal; mais ici ce n’eat pas cela qui carac-
liu'ise I’dtat maladif. Ce qui le caractdrise, c’est d’etre im aliend et de
lie pas le paraitre; il arrive souvent que le public le plaint et
blSme sa victime. 1.1 met une si grande habileld dans sa vie et in-
tdresse lellement en sa faveur, que le persecuKi est souvent pris pour
le persticuleur. Ce qui me paralt caractdriser ce genre d’alidnation,
c’est que I’aliend teste lucide dans ses paroles, c’est ce qui me fait
volts proposer d’appeler cetle forme de ddlire folie luoide. On a dit :
un fou ne peut pas elre lucide; mais si; ce n’est pas un hallucitid,
un etre bruyant, ddsordonne, si ce n’est qtiand il est sans tdmoin.
Ces fous sont lucides et se font facilement comprendre. Plus je rd-
lldcbis a la valeur de ce mot, plus je le irouve applicable & ce genre
d’alidnalion. Une mere s’enfermera sous trois portespour frapper ses
enfanisetreparallrasereine, sansapparencedesreprochesqu’ellea dd
sefaire;avanlsonmariage, c’dtaitunesoeiirquidtaitsaviciime. Qu’un
cas parcil se prdsente, beaucoitp chercherout a mailer leur fille et
feront le malheur d’uiie autre famille. Lien de plus digne de I’atten-
tion du pliilosophe ; rien de plus respectable que le mariage ; c’est la
clef de voilte de la socidid, et cependant le mddecin qui voit de ces
mariages, dans lesquels il y a une victime el un bonrreau, se prend
5 regretierqu’il n’y ait pasquelques exceptions cil’indissolubilitddu
mariage. Je n’avais a vous exprimer que ces quelques gdndralites,
le sujet me paraissant avoir did traild au triple point de vue de la
pathologie, de la philosopliie et de la mddecine legale.
M. Oft.- La folie lucide n’offre-t-elle pas quelques exeraples de gud-
rison?
M. Trilal: C’est bien rare assurdment; je n’en connais pas pour
mon compte.
M. Lunier : J’avais demandd la parole et je n’ai point renoncd a
la prendre ; mais la question telle qiie je I’avais d’abord entrevue.
276 SOClfiTfi MfeDICO-PSYCHOLOGIQUE.
a tenement agraiidie et d^placee, et je m’attendais si pen ii ce
qne inoii tour de parole vinl aujourd'liui, que je demandcrai ii la
Soci^t^ de vouloir bien renvoj'era une autre seance la communica¬
tion que je me propose de ini faire sur la question pendantc. Je rlirai
on mot cependant du cadre que je me sitis tracd.
Parmi les malades dontil a etd parid dans le cours de la discus¬
sion, 11 en est un certain nombrc qui sont des alidnds it la pdriode
prodromique de leur maladie, mais doni ralTection ndanmoins pent
dire rattachde it I'une des espfcces d’alidnation mentale admises par
les auteurs. Seulement, celte pdriode prodromique, on pour inieux
dire, cette maladie atldnude dansses manifestations lesplusfacilesa
saisir, — et c’est la ce qui donne une importance rdelle aux cas dont
il s’agit, — pent se prolonger pour ainsi dire inddfiniment sans clian-
gements sensibles, et de pins, le diagnostic en est souvent hdrissd
de grandes dillicultds, surtout pour le public non mddical.
Ce sont les fails de cette nature, qui d’ailleurs, il faut Ic dire,
semblent devenir ou deviennent rdcllement de plus en plus fid-
quents, et sont assez souvent I’occasion de diOicultds entre la
magistrature et les mddecins alidnistes, que M. Trdlat a fort bien
ddcriis dans son livre ; De la folie litcide. Ge ne sont point cescas
dont je me propose surtout d'entrelenir la Socidtd, mais bien de cer¬
tains fails d’un autre ordre, qui ne me paraissent point pouvoir etre
raltachds a I’un des types gdndralement admis : ces fails qu’on a
ddcrits sous les noras de manie sans ddlire, folie raisonnante, folie
morale, monoraanie instinctive, folie des actes, manie sysldmatisde,
folie du dotite, ddlire partiel diffus, monomanie avec conscience, me
paraissent, en elfet, constituer une espdce pathologique bien ddter-
minde.
Question midico-ligale relative d I’ivresse.
M. Delasiauve desire provoquer I’avis de la Socidtd sur un cas
litigieux. La question suivante lui est soumise conjointement avec
M. 'I'rdlat. On militaire coinmet un vol en dtat d’ivresse ; est-il res-
ponsable? Peut-on considdrer I’ivresse comme une folie passagfere?
La science, a cet dgard, manque de documents, malgrd la frdquence
des ddlils. En ce qui concerne le delirium tremens, la solution n’est
pas douleuse;elle estlargement dlablie dans nos annales; car le juge-
ment mddical est souvent rdclamd. Les gens ivres qui se rendent
coupablesde mdfaits sont, an contraire, presque tousjugds paries
tiibunaux sans I’assistance mddicale. C’est ce qui explique I’indigence
de nos recueils et de nos trailds. Le vol n’est pas mdme menlionnd
M. DELAIS1A.UTE. — QUESTION MfiDICO-LfiGAEE. 277
dans le livre de notre savant collfegue M. Legrand du Saulle, La folie
devant les tribunaux, oil le chapitre relalif a Tivi-esse se borne
a quelques pages.
L’aceord, suivant M. Delasiauve, n’existe point entre lesjuriscon-
siiltes, qni forment trois camps tranches. Pour les extremes, I’ivi esse,
dtant iin fait honteux, serait plutOt une aggravation qu’une excuse.
D’autres posent des distinctions correspondantes aux degrds et aux
circonstances. Un plus grand nombre pensent qu’on ne saurait exi-
ger la responsabilitd de qui n’a pas le libre arbitrc. Or, a moins que
le crime n’ait 6td radditd prdalablement et que I’ivresse n’ait dtd
qu’uu stimulant employd a dessein de le rdaliser phis sdremenl, il
est (Ivident que I’intention, qui constitue la culpability, dtant a.bsente,
il n’y a qu’un malheur, non un crime.
Toutefois, la Gourde cassation s’estmaintenue dans des errements
opposes. Sous pidtcxte que la loi qui admet la demence comme
excuse ne park point de I’ivresse, elk a presque invariabkment
refornk. les arikls des tribunaux, qui se basaicnt stir k trouble
dbrieux pour acquilter ks prevenus.
Ou est la vdrild, ou I’erreuv? Il importe deddgager le probkme
d’un dkment propre a seconder le prejugd et a fausser la perspec¬
tive. Le ddgoCit qu’inspire I’ivrognerk ne dispose point a I’indul-
geuce. On croirait, en admettant un bill d’indemnitd pour I’ivresse,
ouvrir la porte aux abus. Mais une pareilk consideration peut-elk
prdvaloir dans I’apprdciation desmddecins? Si, sous I’influence des
opiacds ou du bacbiscb, un malbeureux accomplissait un acte fid-
vreux, nul ne ferait dilBcultd de I’absoudre. Entre ks effets de I’al-
cool et ceux de ces subslances I’identitd n’est-elk pas parfaite? Les
mddecins ne sauraient se trouver au-dessous des juristes qui ont
entrevu et consacrd Idgakraent cette similitude. D’ailleurs, ks ex¬
perts ne sont-ils pas la, dans ks cas dquivoques, pour fixer la limite
separative de I’exaltaiion physiologique et de la torpeur morbide?
La jurisprudence de la Cour de cassation sembk a M. Delasiauve
insoutenabk. En Idgislation, demence est synonyme de folie. De ce
que k Code n’a point spdcifid I’ivresse a cOtd de la ddmence comme
cause d’excuse, elle n’en a pas moins sa signification Idgale. Qu’est-ce,
en effet, que I’ivresse, sinon un trouble des facultds, une folie, com¬
prise, a I’dgal de toutes ks autres varidlds, dans k vocable gdnd-
rique? Le Code n’avait a s’occuper que du fait; que lui importe
I’origine? Ajoutons, dit M. Delasiauve, qu’en ceci, il y a un juge
coinpdtent : I’opinion publique. Affligde des desordres causds par
I’abus des boissons, elk plaint plus qu’elk ne condamne ks mal-
heureux Ivrogues. Le sage, de son cOtd, appelk moins la rdpression
278 SOCtfiTfi MfiOIGO-t>SYCHOLOGIQCE.
centre de ddtestables liabitiides, que des mesures propliylaetiques et
de lempiSrance.
M. Baillarqer : En dehors de I’ivresse ordinaire, il y a des cas
d’ivresse ofi'rant des caraclftres spdciuiix et exceptionnels. Ces cas
s’observent chez des sujets prddisposds, ou ddjii alleinls de certaines
affections du cy.rfemc terveii:;. En ISdS, un soldat en dlat d’ivress’,
apri'" avoir bn dr ” ‘an-de- vie, s’dla'f bailii iivec un caporal, «t
ceiui-ci avail did seul puni par I’officier qiii cotnmandait ie poslc.
Ce soldat iaissd iibre essaya vainement de dormir pendani la nuU',
il allait duiitde camp ii la salle de rdonion etde la sallede rdunion
an 111 de camp. A quatre lienres do malin, il prit un fusil et lira ii
boul portaiit sur I’oDicier qui dormait dans une chainbre voisine.
La capsule seiile pariil. Arrdtd pendani qu’il essayait de frapper
avec sa baionnelte I’officier qui venait de se rdveiller, ce soldat
tdmoigna le regret d’avoir nianqud son coup, rdpdtant qu’il voulaii
dire fusiild comme un sergent qui, qnelques jours auparavant, dtait
inort bravement, el avail lui-mdine commandd le feu. Ce malheu-
reux lut condamnd it mort; niais sa tentative d’assassinat diaitsi peu
niotivde, qu’on deuianda pour lui une commutation de peine qui
lot oblenuc.
Quand je le vis au fort de Vanves, cel liomme me donna des de¬
tails d’un grand inidrdt. Il avail un frfcre dpilepilque, one soeiir
liysidrique; Itii-mdme, it trois reprises differenies, avail eu ce qu'il
appelail des congestions cdrdbrales, avecperle complete decounais-
I’endant son inlerrogatoire au tribunal, le prdsldent du conseil
lie guerre lui avail fail remarquer qu’il iie pouvait invoquer son
dial d’ivresse, « car, ajoutait-ii, vous dies renlrd au posie it neuf
heures, et e’est it quatre lieures seulement que vous avez cssayd de
frapper I’oilicierdu poste; vous deviez aiorsdlre ddgrisd». Ii avail did
fort embarrassd pour rdpondre, car, me disait-iJ, quand je suis ivre,
je suis dans un dial tout diffdrent de mes ramaradcs c je suis solide
stir mes jambes, je n’ai point la parole embarrassde, et, d’ailleurs je
resie dans un dtat presque complet de mutisme. II m’est impossible
de dormir, et le lendemain, nion ivresse n’est point du lout dis-
sipde.
Ddja, dans one antre occasion, s’dtant enivrd a Auxerre, il dtait
devenu furieux, avail tout cassd dans un cafd; on avail eu beau-
coup de peine 4 se rendre maStre de lui, et il a failu le teporter au
quarlier aprds lui avoir lid les bras et les jambes.
Cel homme dtait probablement un dpilepilque ; inais, dans tous
les cas, son ivresse otfrait des caraciferes exceptionnels.
M. LEGRAND DE SAEEIE. — QUESTION MfiD.-LfiG. 279
Le systfeme museulaire n’dlait point atteint, tandis qiie Tintelli-
gence litait profonddment troublde; en outre, cet dlat d’ivresse, que
le sommeil ne faisait point disparaltre, se prolotigeait au delii des
limites ordinaires.
II noussemble qu’on pent concliire de ce faitqu’ilimporte,quand
un crime a Hi commis pendant I’ivresse, de recherclier si i’indi-
vidu qiii s’en est rendu coupable ne se trouvait pas, au point de
vuedu syslbme nerveux, dans des condiiions spSciales de nature ii
modifier et a rendre plus grave I’aclion de I’alcool.
M. Lunier ; Les jurisconsulles, en gdndral, n’admettent pas que
IMlat d’ivresse puisse fiire habituellcment invoqud comme une
cause d’irresponsabiliid. Dans les cas de cette nature, nous devons,
ce me semble, agir comme j’ai dit qu’il convenait de faire i I’dgard
des dpileptiques et des hystdriques, c’est-ii-dire diudier cheque cas
sdpardment et en lui-meme, d’aprds les antdcddents de I’individu
soumis h noire examen et les fails de la cause, et formulcr nos con¬
clusions loot autremeni que s’il s’agissait d’un cas de folie. Pour
nous, en un mot, I’alidnd est toujours irresponsable ; I’liomme en
dial d’ivresse ne I’est pas dans certains cas.
M. Lerjrand du Saulle : La question du degrd de responsabillld
de I’horame ivre a causd le plus cruel embarras aux Idgislateurs de
tons les temps et de lous les pays, et la Fiance n’a rdussi a ddgui-
ser scs hdsilaiions qu’en laissant dans nos codes une omission inten-
tionnelle. En soulevant incidcmment une discussion sur ce sujel,
M. Delasiauve ne craint pas d’etendre a I’homme ivre la mesure
tutdiaire ddiclde par Partiele 6d du Code penal, et j’avoue que sa
libdralild m’dmeut un pen. La juste cldmence de la loi pour une
grande infortune peut-elle vdrilablement s’appliquer au ddsordre
fugitif et volontaiie des facultds de rinielligence ? Je pense, pour
ma part, qu’il y a lieu de faire quelques rdserves.
L’ivresse est une infraction spdciale, un fait volontaire et rdprd-
liensible, que la morale et la loi n’admetlront jamais. Aucun texte
Idgislalif ne doit prdparer un voile a tons les crimes, en proclamanl
les immuniids de I’ivresse. Mais comme I’dtre moral ne pent pas
rdpondre des actes d’une machine, le plus large pouvoir d’inter-
prdlation a did sagement abandonnd au juge. Ne sertiit-il pas au
moins temdraire de tracer des rdgles fixes et absolues ? II y a dans
till pieces crimincl lant dc nuances dissemblables. lant d’incidents
impossibles a prdvoir, que la conscience des iribunaux ne pouvait
pas dtre fatalement encliainde. Le juge se prononce done d’aprds la
nature et le caractfere de chaque individualite, d’aprds I’dclat et
280 SOCifiTf; MfiDlCO-PSyCHOLO&lQUE.
rintensitd des symptOines, d’aprfes la durde diffdrenle de ces cld-
raents, et il apprdcie s’il a devant lui un accident ou im etat.
Pour un certain nombre d’individus, I’ivresse est un fait acci-
dentel et rdsulte d’lin concours de circonstances trds-rares. Qn’iin
acte grave soit commis fous cette influence exceptionnelle, el il y a
la des motifs sdrieux d’adoucissement pdnal.
Voici maintemant un homme que I’on a inlenlionneliement grisd
pour obtenir de lui sa participation a un crime : le fait est ddmontrd
a I’audience par !cs preuves teslimonialqs Ics plus concliiantes.
Comment apprdciera-t-on cette circonslance si favorable aux iiiKi-
r6ts de la ddfense ? Sain d’esprit, il fdt reste hoiinfite ; ivre, il a
frappd. Exigera-t-on que le bagne soit pour lui le rdveil de I’ivresse ?
^videmment non. La quesiion de son irresponsabilitd ne saurait
etre ndanmoins posde au jury el adraise par les juges, puisque
I’excuse Idgale est inadmissible en cette matiere. L’accusd peut seu-
lement I’alldguer et la faire prouver par des interpellations adres-
sdes aux tdmoins. L’ivresse prendra encore dans ce cas le caraclbre
d’une attdnualion pdnale. Les jures ne doivent comple a personne
des raisons qui out dictd leur verdict, et Ton comprend tout le
pouvoir que peut exercer sur leur conscience une aussi importanle
rdvdlation.
Maintenant, si un malfaiteur s’enivre pour dtouffer le cri de sa
conscience et commetlre une mauvaise action, il y a chez lui une
prdradditalion vdrilable. L’alcool a prdtd du feu a sa lachetd. Au-
cune excuse ne doit protdger cette ivresse de commande.
Les jurisconsulles, ne voulant pas remeltre en honncur une
disposition Idgislaiive d’un autre age {ebrius punitur 'propter ebrie-
tatem), rdpugnent a dlever I’ivresse au rang des debts, et ils la
considferent seulemenl comme une imprudence. 11 est cependant
assez probable, qu’a parlir du jour ou l’ivre.sse serait prdvue et
punie par la loi, nous verrions consicldrablemcnt diminucr I’innom-
brablc corldge de calamilds sociales qu’elle tralne a sa suite.
Les tribunaux militaires francais sont en gdndral pleins d’indul-
gence pour Ics crimes accomplis pendant I’ivresse ; ils prononcent
raremenl I’acquiltement, cela est vrai ; mais comme rdchelle pdnale
est gradude, ils savent appliquer avec un louable discernement la
mesure judiciaire la plus en rapport avec une culpabibld anioin-
drie.
M. Delasiauve vient de dire que I’ivresse n’dtait autre chose
qu’un trouble des facnlids, qu’une folie. Notre savant colldgue a
raison et il a tort. Le vin bu avec excfes conduit sans doute a un
trouble passager de la raison, comparable jusqu’a un certain point
M. LEGBAAin DU SiUUUE. — QUESTION MfiD.-LfiG. 281
a rexallalioii maniaque ; mais dans ce terrible groupe de maladies
qiie I’on a rang&s sons la denomination gendrale de folie, il s’agit
d’un etat patliologique grave et digne des plus grands dgards de la
loi, tandis que le deiire ebrieux teinoigne senlement d’un acte
volontairement accompli, an miiieu de toutes les conditions nor -
males de saute. La question n’est plus du tout la mfime, et Ton
s’explique des lots pourqnoi le legislaleur s’est abslenu d’edicter
line pdnalite speciale pour le crime perpetie par riiomme ivre ; il
a laissd entre les mains du magistral ie droit de pardonner on de
punir, selon les diverses circonslances mises en lumifere par le
procfes, ce n’est pcut-Otre pas, comme je le disais tout ii I’heure,
im cmbarras qti’il a voulu deguiser, mais bien une oeuvre habile et
sage qu’il a tenu ct consommer.
En mati^re civile, la libertii du consentement est le fait primor¬
dial d’une convention. Or, si i’uiie des parties contractantes est
plongSe dans I’ivresse, tout contrat est nul. Si c’cst par le dol et la
fraude que Ton a provoqud chez elle le ddlire dbrieux, avec la
secrfele intention de surprendre, ii la faveur de cet dtat, une con¬
science rebelle et d’arraclier une signature corapromeltante, la
rescision de la convention est prononciie, sans prejudice des pour -
suites du ministfere public. Le droit civil assimile done I’liomme
ivre & I’eufant et ci I’aliene : il le met ii i’abri des consequences
qiii peuvent resuller d’actes non librement consentis. M. Delasiauve
aurait pu invoquer ce puissant argument, & I’appui de sa thfise
philanthropique ; il ne I’a pas fait, mais je suis heureux de lui
fournir contre moi une arme si courtoise.
J’ai 6te etonne d’entendre M. Delasiauve se servir indifierem-
ment des termes d’ivresse oil d’ivrognerie, d’homme ivre ou d’i-
vrogne. Qu’il me permette de lui rappeler que I’ivresse est un acci¬
dent, mais que I’ivrognerie est un lilat, et qu’il existe une ligne de
demarcation tres-tranchee entre les expressions ebrius el ebriosits.
Au point de vue medico-legal. Tabus invetere des liqueurs spiri-
tiieuses doit rester a pen pres sans inQuence sur la responsabilite,
tant qu’il ne se manifeste pas un delire confirme et permanent.
L’ivrognerie n’accroU ui n’all'aiblit les consequences de Tacte com-
mis; elle pent seulement dimiiiuerde beaucoup ou faire disparaltre
la suspicion d’une ivresse intentionnellement contraciee dans un
but coupable. Li encore, la justice est souveraine, et son arrfit doit
dependre de Tappreciation directe tie la mor.ilite du fail.
Pour en revenir au cas particulier que M. Delasiauve a sourais
b noire examen , je trouve que nous ne sommes pas sulHsamment
renseignes, que nous manquons des elements d’appreciation les
282 SOCifiTfi MfiDICO-PSYCHOLOGIQOE.
plus indispensables, el que la Socidtd mddico-psychologique ne doit
pas engager son nom et son aulorild dans une affaire qui, an point
de vue de la procedure, me paralt pdcher par la base. Je ne voudrais
pas dmetireune opinion preconQue, raais il me semble que le voi en
dial d’ivresse doit 6tre une chose tout a fait insolite. L’liomme ivre
est colfere, turbulent, violent; il menace, il insulte, frappe ou tne,
mais 11 ne vole pas! Je crois done qu’ll y a lieu de ne point se
ddparlir d’une circonspectioji extreme.
M. Delasiauve r6pond aux observations qui lui ont did fades, en-
ire autres par MM. Baillarger et Legrand du Saulle. Celni ci remar-
que avec vdritd que le vol ne figure point dans nos iraitds parmi
les acies ddliclueux commis dans Tiviesse et qui consistent le plus
souvent en menaces, outrages et votes- de fait. Il est relaliveraenl
rare et cela se conqoit, dlant le rdsultat d’une sorte de calcul prd-
mdditd peu compatible avec la torpeur dbrieii.se. Le vin poiisse, en
effet, aux actes automatiques, it la coldre aveugle et vague, qui s’ir-
rite follement ou resiste & des obstacles rdels on imaginaires. Mais
si le penchant au vol est moins commundment surexcild que les
autres, si it son dgard nos ouvrages classiqiies sont muets, II ne
s’ensuit pas que I’lvresse ne puisse quelquefois, ou en particulier
chez certains sujets, donner lieu it une semblable manifestation.
Dans les notes que j’ai recueillies pour noire consultation, j’en ai
rassembld plusieurs. M. Brierre de Boismont en a menlionnd un
trds-curieux dans les Annales et, pour mon compte, dvoquant mes
souvenirs, j’en ai retrouvd trois exemples qui n’ont pas, it la vdritd,
dtd ,«oumis it la justice, mais qui, en raison des dcarts rditdrds, ont
raoiivd une sdquestration continue.
Quant aux objections de M. Baillarger, M. Delasiauve croil y avoir
rdpondu par anticipation. Dans les considdrations ou il est enlrd,
noire confrere relate un fait oii I’ivrognerie s’accompagnerait d’une
prddisposition morbide. D’autres membres ont mis en avant des
complications analogue,s. Loin de rejeter ces circonstatices, M. Dela¬
siauve n’y voit, le cas de vol dchdant, qu’un motif de plus a I’ap-
ptii de I’irresponsabilitd. Sous le coup de rdpilepsie, les personnes
les plus sobres peuvent dprouver I’appdtence des liqueurs, s’enivrer
el commettre un larcin. En justifiant I’ivresse, I’dpilepsie justilie par
surcroit le vol. Seulement, la n’est pas la question posde. Il s’agit
non de I’exceplion, mais du principe. L’ivresse, ipso facto, la cause
absiraile, est-elle une folie passagdre motivant I’irresponsabilitd ? On
hdsiteiise prononcer. Avec Trdbutien, llossi, Damiron, eic., M. De¬
lasiauve pense que le magislrat ne sauraii avoir deux poids et deux
M. LINAS. — QUESTION MfiOlCO-LfiGALE. 283
balances et que, toutes les fois que I’acteimpul^ iSinane de I’iviesse,
il ii’y a pour lui d’autre alic native que racquiliement.
M. Pouzin : II y a (les enl'anlsqui, des leiir bas Age, ont line pro-
pen.<;ion a prendre el a s’approprier les objets, sails aucun discer-
iiement. Lorsqne I’instruction et I’ddncdlion rer.lifienl ce inauvais
penchant, il pent cependant se reproduire dans un Age plus availed,
sous I’inlluencc d’une cause d’o.'.cilatiui (,uolconque, les liqueurs
spiriiueuses ou Tabus du plaisir vdndrien. Il y a done lieu, dans le
cas cild par M. Delasiauve, de recherclier si, chez Toffleier qui a void
en dial d’ivresse, 11 y a des anlecddents, soil dans sa faniille, soil
dans sa jeunesse.
M. Pouzin cite Texemple d’un jeune ollicier, de irfes-bopne
I'aniilie, qui n’a la manie du vol que quand il est exeitd par Talcool
ou par ie plaisir veudrien. 11 esi de ceux qiTon ne veul pas appeler
des fous et qui, plus ils vieillissent, plus ils retombeut volontiers
dans leur manie. Le procuieur iinpdrialTa considdrd eomme alieint
de la monomanie du vol ; il apparlieiit, pour M. Pouzin, a la cald-
gorie de ces alidnds que M. Trdlat appelle des fous lucides, qui
ddraisonnent dans les actes ; ddraisou d’aclion sans ddraison dans
les paroles.
QuTin individu, dans ces condllions, ailalfalre A la justice, on ne
pent le sauver qu’en invoquani la manie du voi, deveniie iinpi?-
rieusesoiis Tinlluence de Texcilalion alcoolique.
M. Bnerre deBotsmojii: line chose m’dionne.De lous les homines
qui oiu dcrit sur la malifcre, aucun n’a traltd ceiie question du
vol coiiimis sous Tlnfliience de Tivresse. D’un autre c6ld, constam-
ment je vois dans les journaux judiciaires que la coudainnation
intervient toujeurs, tout auplus avec des a ttdn nations, il y a absence
(ie renseignemenis complete dans le cas que M. Delasiauve soumei
a la .Sacidid.
iM. Trelat : J’ai dtd consultd, il y a quelques auiiees, par la fainille
d’un ollicier qui voiait ses camarades chaque fois qu’il avail bn ; il
rendalt le plus souveiit le lendeniain ce qu’il avail pris la veille.
M. Lunier : SI. Pouzin nous a dit qu’i la suite d’excitations,
queilesqu’eiles fusseiit, son malade voiait : dans le fait de SI. Bail-
lui'ger, c’dtait seuleuient lorsqiTil dtail en dial d’ivresse, que le ma¬
lade se laissait ailer a des impulsions insolites.Tous ces cas out dvi-
demmenl un lien comuuiii, et celie.n n’est autre qu’un dtai uialadif
latent qui ne se rdvtle que dans des circonstances ddlermindes.
M. Linas : Je me rallie volontiers a Topiuion de SISI. Baillarger,
Lunier et Legrand du Baulle. 11 faut dtudier i’individu avec soin,
pour arriver a une solution seientilique salisfaisanle. L’ivresse
284 SOCifeTf; MfiDlCO-PSYCHOLOGIQUE.
n’est passeulement une cause d^terminante maladiye, elle peul filce
quelquefois un sliinulaiU, un aiguillon. De.s inclividiis chancelant
devani un forfait demandeni 4 rivresse un bras plus ferme, une
volonle plus ^nergique. Serait-il dquitable d’appliquer, en pareil
cas, le bSiKifice de rinipunil^? Voila pourtant 4 quelle conse¬
quence extreme pourrait conduire le princiiie de rinesponsabilite,
s’il etait adople d’une nianiferc trop absolue en ce qui concenu;
I’ivresse !
La seance esl levee 4 six heures.
S6ance du 24 d6cembre dSGG. — Presidence do M. Felix Yoisin.
Lecture et adoption du procfes-verbal de la prdeedente sdancc.
M. ledocteur Neuschler, medecin-adjolnt de I’asile de Zwicfalten
(Wurtemberg), assiste 4 la sdance.
Correspondance :
La Socidte recoil :
1" Une brochure ayant pour litre : Recherches cliniques sur le
bromure de potassium et de son emploi dans le traitement de I’epi-
lepsie, par M. le docteur A. Voisin;
2“ Le numero de ddeembre 18G6 du Journal de medecine men-
tale, par M. Delasiauve.
M. Lunier donne lecture du rapport suivaut sur la candidature
de M. Fougdres.
Messieurs,
Je viens, au nom d’une commission composdede MM. Baillarger,
A. Foville et moi, vous presenter un rapport sur la candidature de
M. le docteur Fougferes au litre de membre correspondant de la
Socidtd miidico-psychologique.
A I’appui de sa candidature, M. Fougeres a adressd 4 la Societe
un travail manuscrit ayant pour litre: VAsile de Naugeat; cUnique
de I’annie 1865.
Une panic de ce travail est 4 la fois administrative et mddicale, et
ren ferme, 4 cOte de considdrations gdndrales convenablement ex-
posdessur I’application de la loi de 1838, une description sommaire
du nouvel asile de Naugeat, 4 la erdation diiquel M.. Fougdres a
assistd. Cette notice mddico-administralive devant dtre trds-proebai-
nement insdrde dans les Annales medico-psychologiques, je n’en
RAPPORT.
M. LUNIER.
285
parlerai point ici el je passerai immddiatement & la deuxitme
partie, qni est cn mfiine lemps slaiistiqne et Clinique.
Les rapporls de nos mddecins d’asile contiennent avanttout, pone
la plupart, dcs clocunieiits statistiques, recueillis avec pins on moins
de m^tliode et dc soiii, mais sans plan d’enscmble. Presque tons, il
est vrai, out adoptd, faute de mleux, les cadres ^lablis par le bureau
de la stalislique an ministfere dii commerce ; mais nous savons com-
bien ces cadres laissent ?i d&irer et combien il est dilTicile dc tirer
qnelqiies enseignemeiiis pratiques dc documents recueillis dans de
pareilles conditions.il nous paralt done indispensable que ces cadres
soiont profondemeni niodifids : nous avons d’ailleurs tout lien d’es-
perer qn’ils ne tarderont point a I’gtre.
11 serait dgalement d ddsirer qu’en dehors des rapporls annuels
qni ne portent foredment que sur un nombre de fails relativcmcnt
restreint, les mddecins d’asile prissent rhabitude, comnie dd];! quel-
ques-uns I'ont fait, de publicr des rapporls erabrassant une periode
de cinq a dix ans. Cela serait facile aujourd’hui, que I’anicle 64 du
rdglement riu 20 mars 1857 impose aux mddecins d’asiles publics
I’obligaiion de faire rSdiger et lenir au courant par les dlfeves inter¬
nes I’observation de tous les malades admis dans les diablissenients,
et dc ddposer ces observalions dans les archives.
M. Fougdres est largement enlrd, sous ce rapport, dans ce que
nous nous permcurons d’appeler la bonne voie. Prenant la stalis-
tique pour ce qu’elle vaut, et ne la considerant que conime un dle-
ment d’observation, il a recueiili avec soin et groupd avec mdthode
les fails observds par ini en 1865. fivitant de se laisscr enlrainerii
tirer trop vile des conclusions, il ne s’est arrdtd que sur les resultats
qui lui ont paru avoir une signification toute parliculifere par rap¬
port a ceux qu’il avail observds preeddemment dans I’asile auquel il
est atlachd depuis 1860.
Nous ne ferons qu’un reproche a M.Fougferes, e’est de n’avoir point
encore adoptd, pour dlablir la proportion de la mortalitd, la md-
ihode suivic aujourd’hui par tous les stalisliciens et qui consiste a
comparer le chiilre des ddeds, non point a celui des malades Irailds,
mais bien a la population moyenne, qu’on obtient en divisant le
nombre total dcs journdes de prdsence par 365. Cette mdlhode,la
seule rigoureusement exacie, a de plus I’avantage de permellre de
comparer facilement les rdsultals obtenus par les diffdrenls obser-
vateurs.
Le travail dont je viens dc vous donner un tr6s-rapide aperqu
n’est point d’ailleurs le seul litre de M. Fougferes. Atlachd pendant
hull anndes au service de santd militaire, il a publid, en 1848, une
286 SOCifiTfi MfeDICO-PSYCHOLOGIQUE.
bonne thfese sur I’hyslerie, qii’il considfere coiiime nne afieclion
coiiiplexe, dans laqiielle les d^sordres de Tappareil musculaire ne
seraient qii’une partie de la sdrie des pht5notn6nes constitnlifs de
la maladie, et, en 1862, quelques reclie relies sur la pellagre des
ali^nes.
M. Foogfercs cst anjourd’hui vice-prdsidenlde la Socidle de m6de-
cine de Limogesj et secretaire de rAssociation m^dicale de la Haute-
Vienne; entrd, en I860, dans le service des alidn^s, en qualite de
medecin-adjoint de I’asile de Limoges, devenu plus tard I’asile de
Naugeal, il est, depiiis 1863, le (':rectenr-m^decin en clief de cet
irnporlant elablissemeul.
M. Foug^i es est done digneli tons dgards d’etre des ndlres, etia
commission que vous avez cliargde d’examiner ses litres vous pro¬
pose de le nommer membre correspondaiu de la Socidle niedico-
psycbologique.
On passe an scrulio, et M. Kongferos, ayant reuni I’unanimitd des
sullrages, est proclame membre correspondant de la Socidtd.
Renouvellement du bureau:
L’ordre dn jour appelle les dleciions anmielles pour le renouvelle-
mentdu bureau; sont successivemeiit dlus au scrulin et a la majo-
riid des voix :
Vice-prhident . M. Brocliin;
SecrUaire general . M. Ch. Loiseau;
Secritaire. . . M. Motet;
Secretaire adjoint . M. Acli. Foville ;
Tresorier-archivisie . . M. Legrand du Saulle;
Menibres du comile de publication. MM. Jules Falret,Brierre
de Loismout et Auguste Vois'ii.
M. Paul Janet, vice-prdsident dlu pourl’annee 1866,devienl pre¬
sident de droit aux termes de Farlicle 9 du reglement.
Conyres des medecins alienistes.
M. Achille Foville a la parole pour la lecture d’un rapport sur la
proposition de M. Lunier, relative a une reunion des medecins alid-
nisles de tons les pays.
Messieurs,
Plusieurs fois dSJi il a question d’organiser a Paris une rdu-
nion gdndrale de mddecins alidnistes et dd psychologues franqais
HI. FOVll/IiE.
RAPPORT.
287
et dtrangers; la colleclion des Annales medico-psyehologiques ren-
ferme plusieurs projels de ce genre, dus MM. Baillarger, Renau-
din et Morel, et ce qui se passe chaqne annfie en Angleterre, en
Allemagne, aux fitats-Unis, pour une seule nationality, montre la
possibility et I’avantage d’assembiyes de ce genre.
Lors du dernier banquet de la Sociyty mydico-psychologique,
M. Morel renouvela les vceux qu’il avait antyrieurement exprimys,
en faisant remarquer que I’Exposition universelle el le Congi-ys
mydical qui devaient avoir lieu en 1867, semblaient indiquer celte
annye comme parliculierement propice pour une ryuiiion interna-
lionalc.
D6s lors, vous avez adhyry acette proposition, et lorsqu’elle vous
a yty rappeiye, par M. Lunier, dans noire syance du 26 novenibre
dernier, une discussion sommaire, dans laquelle plusieurs de vos
membres, nolammcnl MM. Foiirnct, Moreau (de Tours) et Alfred
Maury, out piis la parole, a suffi pour indiquer le mode de ryu-
nion vers lequel se porteraient de pryfyrence les sympathies de la
Sociyty.
. Celle indication a dirigy, dans ses yiudes, la Commission que
vous avez chargye de reclierclier les inoyens pratiques de meltre ft
exycuiion ce qui, j usque-la, n’etait qu’un simple vam : celte Com¬
mission, coinposee de MM. Moreau (de Tours), Erierre de Bois-
mont. Morel, Lunier, Fournet, Legrand du Saulie el Acb. Foville,
apibs avoir tenu plusieurs syances, a rdsolu de vous soumettre plu¬
sieurs propositions que je. vais avoir ITionneur de vous faire con-
naitre.
Je ne vous cxposerai pas, Me.ssieurs, les motifs qui peuveul
plaider en faveur du projet en question ; je considdre le principe
comme approuve et admis, et je ne m’occupe que des moyens
d’exycutiou.
Une premifere question se prysentait :
Un Congr6s mydical international, embrassant loutesles brandies
des connaissances mydicales, doit avoir lieu, ii Paris, dans la se-
conde quinzaine du mois d’aout 1867, el les nombreuses adhysions,
que le comity d’organisation reqoit des diverses rygions de la
France, aussi bien que des pays etrangers, sont de nature a faire
e.spyrer que ce Congres sera nombreux etbrillant.
Nous devious nous demander, d’abord, s’il serait possible on con-
venable de cliercher ii conslituer, dans ce Congres gynyral, une
section speciale composye de mydecins alienisles, de faqon h faire,
de notre ryunion, une dypcndance ou une annexe de celte grande
assemblee mydicale. Nous avons pris des renseignements it cet dgard
588 SOClfiTli MfiDICO-PSyCHOLOGIQUE.
aiipn'is dll comity d’orijanisation, et nous avons appi'is qiie, poiii'
ties molifs que nous n’avons pas fi repiocluire id, mais qui nous
ont paru parfaitement foiid^s, le Congrts mddical n’admeltrait ni
sections, ni annexes.
A part memo celte iuipossibilile, d'autres considSralions auraieiit
dll faire dcarter cct arrangement. Eii effet, la Socidtd medico-psy-
chologiqne appelant dans son sein, et ayaiit I’avantage de compter
parmi ses membres, non-seulement des medecins, mais encore des
philosophes et des psychologues, qui, faute d’etre miidecins, n’au-
raient pu faire partie du Congrbs mddical, nous aurions irouvd com-
plelement inadmissible ime combinaison qui aurait liloignd de la
rdiinion projeide plusieurs de nos collbgues, y compris notre dmi-
nent vice-president, et qni nous aurait privds du concours de sa¬
vants dtrangers, dgaleriient versds dans les sciences qni nous occn-
pent, quoique n’appartenant pas an corps mddical par les liens d’un
diplOme.
L’annexion an Congrbs mddical gdndral dIant ainsi mise liors do
qncslion, nous devious nous demander ensuile s’il conviendrait de
provoquer, en dehors de cc Coiigrbs el en dehors de noire Socidld
elle-mcmc, un Congrbs mddico-psychologique special et inrldpen-
dant, qni se liendrait a la mbme dpoqne que le Congrbs mddical
ou a line dpoque irbs-voisine, en sorle que les mddecins dlran-
gers, vonus a Paris dans le bill d’assisler ii I’une de ces rdunions,
pus.senl dgalement prendre part aux travaux de I’autre.
Sans donte, Mes-sieurs, ce projei aurait eu qiielque chose do sd-
diiisant par I’imporiance cl le relief qu’il aurait pu dormer aux
dludes auxqucllcs nous sommes vouds ; mais, alors mfime que le
succbs en eiit dtd assurd, ee qui pouvait btrc douteux, ii aurait for-
cdment enlralnd la constitution d’un comitd d’organisalion, des dd-
niarchcs nombreiises pour obtenir une aulorisation el un local, dcs
correspondances irbs-dtcndiies, et enfin des ddpenses pour les-
qiielles ii aurait fallu troiiver des ressources spdciales qui n’existent
pas.
Nous ne nous sommes done pas arrbtds a ce projet ambitieux, mais
avenlurd, d’autani plus qu’il nous a paru possible de rdaliser tons
les avanlages qii’anrait pu pi'dsenler ce Congrbs spdeial, sans courir
aucun risque, sans erder rien de nouveau, et en nous mainienant
dans les conditions d’exislcnce ordinaires de la Socidld mddico"
psychologique.
Notre Socidtd, Messieurs, je n’ai pas besoin de vous le rappeler,
s’est toujours fait un plaisir et un honneur de faire asseoirdans ses
M. FOVULLi;. — HAPPORT. 289
rangs les miidecins alidnistes, nationaux ou Strangers, qui, de pas¬
sage a Paris, veuaicnt assister h ses stances.
Celle habitude d’hospilalile confralernelie contienlun germe qu’il
suffira de dgvelopper pour rdpondre convenablemenl, nous I’espd-
rons, a lous les ddsirs, a toules les indicaiions que pourra faire
surgir I’ann^e 1867.
Seulemenl, au lieu d’altendre que les Strangers viennent frapper
a noire porte el deinandent a Sire admis parmi nous, il serait plus
prevenanl, plus digne du rOle auquel toule la capilale de la France
va fitre conviSe I’annSe prochaine, de prendre nous-mSmes I’initia-
livc de cetle dSinarche, el d’atllrcr les visiteurs dans noire sein, en
leur falsant connailre, par une publlcltS a la fois prudente et ac¬
tive, ie plaisirque nous auroris a les recevoir, a meltre nos connais-
sances a leur disposition el a profiler nous-mfimes de leurs luraiferes,
a ctre iiiities a leurs Iravaux, a leurs Sludes lliSoriques, a leurs pro-
cedSs d’applicallon pratique.
Outre sa simplicite, cetle mSlliode aurait encore I’avantage de
pennettre d’Siendre a un plus grand nombre de conlrferes le bSnS-
fice de cette communion scientiiique, et de donner a notre hospi-
lalitS une sorte de permanence que n’aurait pas pu avoir un con-
grbs de quelques jours. En effet, c’est sans doule au moment du
Congrfes mSdicai que Paris verra aflluer, en plus grand nombre, les
mSdecins que nous serons lieureux de recevoir parmi nous, mais
tous ne seront pas fibres a la mSme Spoque, et beaucoup de savants
choisiront aussi un autre moment pour venir passer quelque temps
a Paris et visiter I’Exposition universelle.
Aiin de pouvoir se meltre en rapport avec les visiteurs de tontes
les pdrlodes et de profiler du passage des premiers venus aussi bien
que de la presence de ceux qui arriveront au moment de TalDuence
la plus gdndrale, la Socidtd n’aurait qu’a adopter les deux mesures
suivantes :
1° Avoir, depuis le avril jusqu’a la fin de juillet, deux stances
par mois, ainsi que cela se pratique chaque annde pendant les mois
de novembre et de ddcembre (sdances suppldmentaires n’entialnan
pas la ddlivrance d’un jelon de presence) ;
2“ Tenir, a une dpoque aussi rapprochde que possible de I’ou-
verture du Congr6s mddical, c’est-a-dire pendant la deuxidme se-
maine d’aodt, une session extraordinaire, composde de quelques
sdances trds-rapprochdes les unes des autres et spdcialement desii-
ndes a recevoir les mddccins attirds par le Congrds mddical.
II eiit peut-dtre dtd ddsirable de tenir cetle session extraordinaire
pendant la durde mfime du Congrfes, mais cela n’est pas possible,
AHNAL. MliD.-psycu. 4'^ sdrie, t. ix. Mars 1867. 7. 19
290 SOCI6t£ MfiDICO-PSYCHOLOGIQnE.
celui-ci devant s^voir deux stances par jour. II faudra done nous
contenter de nous en rapproclier autant que possible, et nous avons
pepse qu’il serait pr^Krable de nous rdunir imm^diatement avant,
plulOt qu’immddiatement aprfes, craignant que dans ce dernier cas,
qqs, sda,oces ne dqssent trop souffrir de la fatigue causde par le Con-
gres et ravdnement des vacances.
Telles sont, Messievirs, les premiferes bases des resolutions que
nous allons vpus proposer; si vous voulez bien les adopter, il
nous restera ii rechercher quelles devront 6tre les conditions d’ad-
mission a nos sdances tant ordinaires qu’extraordinaircs ; queiles
rbgles devront diriger nos travaux; quelles mesures seront neces-
saires pour assurer I’execution matdrielle du projet.
Voiei quelles seraienl, a ces differents dgards, les vues de votre
Commission :
Admissions, — Pour douner a ces sdances tout I’intdrfit qu’elles
peuvent avoir, il faut faire largement appel it tons ceux dont la pre¬
sence dans celte enceinte pent etre pour nous et pour eux une source
d’insiruction, et une occasion de rapports sociaux agreables.
En faisant un accueil dgalement bienveillant it tous, nationauxet
etrangers, la Societd n’aura pas seuleraent le merite de donner une
preuve dclatanle de la manifere liberale dont elle emend I’hospitalite ;
elle agira aussi daps son propre interet, car, parnii eenx qui aiuont
ete ainsi regus, par nous, k litre d’bdtes, d’une maniere passagere,
plus d’un, soyez-en sdrs, emportera le ddsir d’enlrer dans nos
rapgs d’uqe nianifere definitive, et cetle ambition, tlatleuse ft tous
egards pour la Societe, nous vaudra un nouveau contingent de ira-
vaux scientifiques et un surcrolt d’autorite morale.
Mais, en mfime temps, nous devons prendre toules les prdcaulions
n^cessa^res ponv metire la dignild de la Socidtd au-dessus de toute
altejnle, et dviter'que le prestige d'une origine dloignde ou ^absence
d’informatious suffisanles puissent rendre possible aucune immixtion
qntne serait pasjustifide par une honorabilitd, une cqmptiience, une
inoyaUte ptofessionnelles reconnues. Qqelques conditions d’admis-
sibijite sont dpnfi ipdispensables.
Ces conditions pourraiept give la possession de certaines qualifi¬
cations ddtevntindes, ou it dgfaut do ces litres, ceriaines riigles de
prgsentalion et d’acceptation,
Nous vous, proposerons done d’admettre, sur la sipaple declara¬
tion do ses noms et qualitgs :
Parmi les Eeangais, lout tngdecin attaehd it un asile d’alidnes pu-
blip QUPri^^i twt professeur titulaire, ou agregg d-une Eaeullg
fransaise de mgdecine, ,de sciences on de leltres.
M. FOTILI.B. — RAPPORT. 291
Parmi les Strangers, tout mddecln alifiniste, olliciellement attache
& un asile d’alidnfis, tout professeur d'une Universitt! Idgalement con¬
stitute, et, par une dtftience dont nous pourrions ttre heureux de
recevoir la rtciproeitt, tout membre d’une des Socittts suivantes ;
en Angleterre, I’Association des mtdecins d’asiles d’alitnts (^Isso-
ciation of medical officers of asylums and hospitals for the insane) ;
en Allemagiie, la Socittt de psychiatric {Der deutsche Verein der
Irrenaerzte); en Amtrique, I’Association des mtdecins d’asiles des
Eiats-Unis {Association of medical superintendants of american
institutions for the insane).
Quant aux savants, franqais et ttrangers, cultivant la science sans
titres ofliciels et dtsirant s’associer 4 nos travaux, ils devront tire
pi'tsentts, autant que possible, d’avance e t par tcrit, par deux mem bres
de la Socitlt ; sur cette prtsentation le prtsident prendra I’avis des
membres du bureau et d’une commission spdciale composte de trois
membres dtsignds ad hoc, et prononcera, s’il y a lieu, leur admis¬
sion.
Cette double formalitd de prdsenlation par deux membres, et
d’examen par le bureau renforcd , nous paralt mettre 4 I’abri de
toute surprise regrettable.
Travaux. — Toute personne adinlse 4 sidger parmi nous, soil de
plein droit, soit aprds prdsentation et ddcision motivde du prdsident,
pourra prendre part aux discussions de la Socidtd, lire devant elle
des mdmoires et lui faire des communications orales.
Alin de faciliter, autant que possible, 4 nos hdtes, la production
de leurs travaux, le prdsident pourra toujours leur accorder un lour
de faveur et donner 4 leurs communications le pas sur les raatiferes
inscrites 4 I’ordre dujour. De plus, toutes les fois qu’une lecture oii
une communication aura dtd annoncde quelques jours d’avance au
prdsident ou a I’un des membres du bureau, il en sera fait mention
sur les lettres de convocation.
n y avait lieu de se demander si les communications seraient laiS’<
•sdes au choix de chacun, ou bien si un programme ddtermind serait
fixd d’avance ; il ne nous a pas paru que ce dernier parti dflt dtre
adopld dans toute sa rigueur, c’est-4-dire qu’il convint de ddcider
longtemps d’avance que tel jour, 4 telle lieure, ou s’occuperait de
telle question, 4 I’exclusion de toute autre. Mais nous avons pensd
que tout en laissaut, 4 ceux qui voudraieut nous apporter leur con-
CQurs, une libertd pleine et entifere dans le choix de leurs travaux,
4 condition toutefois qu’ils ne sortissent pas du cadre des dtudes
mddico-psychologiques ni des limites de notre rfeglenient, il y aurait
avauiage 4 faire connaltre d’avance certaines questions sur les-
292 SOClfiTJE M£DICO-J>SYCHOL0GIQtE.
quelles la Soci^i.i5 aimerail plusparticuliferement i fitre dclairde, dt i
indiquei' ainsi la nature des communications qu’elle appellerait Ic
plus volontiers de ses voeux. Si vous approuvez cette mesure;
Messieurs, vous atirez h ddsigner les questions sur lesquelles vous
ddsirez que rattention soit spdcialement appelde.
Epoques, local, heure des seances. — Les siSances de quinzaine
auront lieu aux dales suivantes : 29 avril, 13 et 27 inai, 10 et
24 juiii, 15 et 29 juillet.
La session extraordinaire du niois d’aodt se composera de trois
stances tenues aux dates suivantes : 10, 12 et Id aoilt.
Dfes que nous y serous autorisds par vous, il convicndra de faire
auprds de M. le doyen de ia Facultd les ddmarches ndcessaires pour
oblenir ua local, autant que possible, celui de nos sdances ordir
nairos.
L’heure des sdances sera fixde a quatre heures.
Moyens de publiciti. — Si vous approuvez, Messieurs, les rdsoln-
tions que nous allons soumeltre 5 votre vole, nous pensons qu’il
conviendra de les faire insdrer, non-seulemenl dans les Annales,
organe de notre Socidld, mais encore dans les journaux de mddecinc
franqais, avec prifere de reproduction dans les journaux dtrangcrs
de lous pays.
En outre, nous pourrons faire imprimer les radmes rdsolutions
sur des cartes spdciales qui seront, autant que possible, adressdes h
toutes les personnes supposdes intdressdes a la question. L’impres-
sion de ces cartes et leur envoi seront les seuls frais que la Socidtd
aura it supporter pour les prdparatifs de ces rdunions ; nous espd-
rons que vous ne les trouverez pas hors de proportion avec ie but
h atteindre.
Quant it la publicitd it donner aux travaux de la session extraor¬
dinaire, elle nous parait devoir rcntrer dans ies termes de la con¬
vention conclue avec la direction des Annales medico-psychologi-
ques; voire comild de publication prendra en considdration I’dtat
des finances de la Socidtd pour apprdcier le ddveloppement qui
pourra dtre donnd it cette publication. Bien entendu, du resle, rien
ne pourra y figurer qui n’ait dtd effeclivement dit ou lu en sdance
publique.
Nous avons, de plus, le plaisir de vous annoncer que la rddaction
des Annales a bien voulu nous promettre d’envoyer gratuitement le
numdro du journal oii cette publication aura lieu, it toutes les per¬
sonnes qui auront assistd h la session extraordinaire et qui ne rece-
vraient pas ce recuell.
M. FOVIlilii;, — RAPPORT. 293
Resolutionsii). — LaSoei6t6 m^dico-psychologique invite tons les
savants, frangais ou dtrangers, mddecins on non mddecins, vouds i
I’dtude des sciences mddico-psychologiques, qui viendront Paris,
pour I’Exposition universelle et pour le Congrfes mddica), a assisier a
ses sdances, a prendre part a ses discussions, a lui communiquer
ieurs iddes el leurs travanx sur tons les sujels qui rentrent dans le
cadre de ses dludes.
Afin de pouvoir recevoir toutes les personnes ddsireuses de
rdpondre a cette invitation, la Socidtd se rdunira :
1" En sdanccs ordinaires de quinzaine aux dates suivantes :
29 avril, 13 et 27 mai, 10 et 26 juin, 15 et 29 juillet.
2“ En session extraordinaire pendant la deuxidme semaine d’aodt,
c’esl-a-dire pendant colie qui prdcddera immddiatement I’ouverture
du Congrfes mddical ; les sdances de cette session extraordinaire
seront au nombre de trois, et auront lieu les 10, 12 et l/i aoflt.
Sera admis a ces sdances, sur la ddclaration de ses noms et qualitds ;
tout Franqais, mddecin d’un dtablissement public ou privd d’alidnds,
ou professeur titulaire ou agrdgd d’une Facultd de mddecine, de
lettres, de droit ou de sciences ;
Tout dtranger attachd ofBciellement a un dtablissement d’alidnds
ou professeur dans une Universitd Idgalement constitude ;
Tout membre d’une desSocidtds suivantes ;
Socidtd allemande de psychiatric.
Association mddico-psycliologique anglaise,
Association des mddecins d'asiles des Ftats-Unis.
Les personnes ne rentrant dans aucune des catdgories prdcddentes
et ddsirant prendre part aux travaux de la Socidtd, devront dire
prdsentdes par deux membres. Cette prdsentation devra dire faite,
autant que possible, par dcrit, quelques jours avant une sdance.
Le Prdsident, aprds avoir pris, au besoin, I’avis du bureau et d’une
commission de cinq membres noramde ad hoc, slatuera sur leur
admission.
Tons les savants, admis comme il vient d’dtre dit, sidgeront avec
les membres de la Socidtd, pourront prendre part aux discussions,
lire des mdmoires, faire des communications oraies. Afm de leur
assurer toulelafaciliid ddsirable pour la production de leurs travaux,
le Prdsident pourra toujours leur donner un tour de faveur ; toutes
les foisqu’lls auront annoncd, cinq jours avant une sdance, le ddsir
(1) Nous donnons ici le texte des resolutions telles qu’elles ont die
adoptdes aprds discussion dans la seance du 25 fdvrier 1867.
294 SOClfiTl!; M£DICOHf>SYCrtOLd&IQtlE.
de faire une communication § la Soci^t^, par lettre adressde an Pi-g-
sidentj ou 4 I’lin des membres dn bureau, mention eh sera faite a
i’ordre du jour sur les lettres de convocation.
La SocWte laisSe toute libertO sur le cboiic des travaux qui lui
seront communiques, pourvu qu’ils rentrent dans le cadre de seS
etudes et qu’ils n’enfreignent pas son rfegiement ; mais elle indiqne
coinme dignes d’un interet tout special les questions suivantes :
Legislation et mode d’assistance applicable aux alienes dans les
dllierents pays.
llapports de la folie avec I’education privee et publlque.
Bases d’une bonne statistique appliquee & I’alienation mentale.
Des alterations anatomiques des centres nerveux dans les diverses
formes d’alienation mentale, et partlculiferement des progrfes rea¬
lises sous ce rapport par les etudes micrograpbiques.
Les seances auront toutes lieu 4 la Faculte de medecine, a qualre
hemes du solr.
La Societe decide que ce rapport sera imprime et distribue avant
la procbaihe seance.
Folie raisonnante,
M. Morel {de llouen) communique tt la Societe une etude retro¬
spective sur I’abbe Paganel.
Je demande la parole pour ajouter quelques considerations a
celles que j’ai deji emises sur i’origine pathologique des iUdividus
designes sous le nom de maniaques raisonnants. L’hlSloire de
I’abbe Pagahel, cite dans les Annales Comme type de ces sortes de
malades qui parlent, ecrivent raisonnablement, touten agissant en
sens mverse dans leur conduite exterieure, qui fatigUent I’autorite
de leitrs plaintes incessahtes et linissent par faire crolre qu’ils sont
persecutes injustement ; cette hisloire, dis-je, m’a fait fortement
soupQonner que I’abbe Paganel appartenait lx cette categorie de ma¬
niaques raisonnants qUi se rattachent, d’une manlere positive, a
I’etat nevropathique anterieur de leurs ascendants. Voiciune lettre
de M. le docteur Barrey, medecln-dirccteur de I’asile d’aliends de
Rhodez, qui a pu prendre des informations sur place, puisque la
famille Paganel etait de Rhodez, et qui afrirme,de la manierc la plus
certaine, qu’ati su et an vu de tous les contemporains existants, le
pare de I’abbd Paganel dtait un excentrique tout a fait extraordi¬
naire. Son fils, qui a tant ocCupd les mddecins de Bicdtre pour ses
reclamations et demandes incessantes de sortie, a donnd de bonne
heure, alors qu’ll etait encore au college, les preuves de ces aber-
ACADfiMIE IMPfiniALE DE MfiDECINE. 295
rations ct excentricitds de caractfere qui se r^siiment plus tard dans
lesplaintes injustes, dans les idte de persecution non motivees et
que I’on observe si frequeminent chez ces sortes de maniaques, qui
etonneiit les magistrals par la lucidite dont ils font preuve en ecri-
vant, mais qui ne peuvent tromper les medecins sur leur veritable
dtat mental.
II en est qui se sont fait, dans ces derniers temps, une triste noto-
ridte et qui ont su mfime intdresser, en leur faveur, une partie du
monde medical. Je fais allusion an trop faineux S . , qui me pa-
rait devoir dire placd dans cette mdme catdgorie des hdrdditaires,
Les informations que j’ai prises soUS ce rapport concofdent parfai-
leraent avec la thdorie que j’dmets sur les relations forcdes qui exis¬
tent si .souvent enlre I’diat de manie raisonnatile des ibdividus et
Votat nivropathique dedeurs ascendants. Je ne veux pas dire qitd
cela existe toujours, mais pour quiconque est an cburant de nies
iddes mrVMredite morbide progressive, il est doitstant que le ddiire
plus ou molns gdndralisd du Ills n’est souvent que le compidoient
de I’dtai d’excentricitd ou de ddiire irds-restreint du pdre ou de ia
mdre.
La sdance est levde a six lieures.
AGADEMIE IME^IRIALE DE MIiIDEGINE.
Bulletins tic rAcntleiiiio «Ic mdiiccinc (1865, tohie XXX),
Analyse par M. le docleur MoTEt.
Une discussion des plus coilipietes et des plus Intdressantes nail
d I’occasion d’lin fappol t ndgatif de M. Ldlut sur le travail de
M. Dax, ayant pour litre : « Observations tendant a prouver la
coincidence constante des ddrangemenls de la parole avec une Idsion
de riidmisphare gauebe du cerveati. » Le savant acaddmicien se
rdcuse en qiielque sorte, « son sidge est fait », dit-ilj et rien nfe
saurait modifier une opinion basde sur trente anndbs d’expdriences
cl de pratique. C’dtait, 11 faut Tavouer, ttaiter biert sdv6fdment uti
travail aiiquel M. Ldlut reconiiaissait pouriant des qtlalitds sdrieiises.
Le gant fut vivement relevd par M. BoUillaudi presque directeirtent
mis en cause (6 oetobie 1864), et a la sdance dud avfil 1865,
commenqa une discussion qui n’occiipa pas moins de deux tllbls et
deini. Bien des opinions se produisirent ; tour a tour prirenl la
parole, MM. Bouillaud, Trousseau, Parcliappe, Briquet, Piol-ry,
296 ACADfiMIE IMPlilRLALE DE BlfiDECINE.
Velpeau, J. Guerin, Baillarger, Bonnafont et Cerise. La doctrine
des localisations c&ebrales y fut tantot attaquiie, tanlOt dfil'endue.
M. Bouillaud, en presence dc la diversilii des facult^s intellectuelles,
des penchants, des sentimenis moraux, etc., ne trouve pas extra¬
ordinaire qne le cerveau, qui en est le siege, soil lui-meme un
ensemble d’organes divers, spdciaiix, determinds. C’dtait un peu sa
propre cause qne defendait M. Bouillaud, et piqud an vif par Ics
railleries qne M. Lelut n’a jamais mdnagdes a la doctrine de Gall,
il s’est attachd a rdfuter des objections qui ne lui paraissent que des
invectives peu serieuses au fond, et auxquelles il ne veut pas re-
connaltre un caractere scientifique. Ainsi engagee, la lutte, a
laquelle M. Lelut, d’ailleurs, ne prit point part, devint une vdri-
table question de physiologie el de pathologic cdrdbrale. Les lobes
antdrieurs du cerveau avaient did, dds 18125,. considdrds par M. Bouil¬
laud comme les organes qui prdsidaient aux actes divers dont le
rdsultat est le langage articuld. Sa conviction est la mdme aujour-
d’hui, ce sont les organes Idgislateurs de la parole, el a I’appui sont
rappeldes les observations bien connues de Ph. Boyer, d’Haspel,
de Bonnafont, etc. Les observations de M. Broca, et une localisation
plus spdeiale encore dans la seconde et la troisifemc circonvolution
de rhdmisphdre gauche, viennent confirmer enla ddveloppant I’opi-
nion de M. Bouillaud. M. Trousseau expose aprds lui sa doctrine.
Il fixe la signification des mots Aplidmie, Alalie, Aphasie, employds
depuis quelque temps pour nommer ces troubles de la parole. Le
mot Aphasie est celui qu’ii adopte comme rdpondant le mieux par
son dtymologie it la chose qu’ii doit exprimer, et dans un discours
dont tons les dldments sont emprunlds 5 la climque, il cherche 5
distinguer deux choses ; I" la perte compldte de la facultd d’expri-
mer la pensde par la parole; 2» la perte de la parole par suite de la
perte de la mdmoirc des mots. Dans le premier cas, conservation
de I’intelligence, mais incapacild de Tinstrument ; dans le second,
perte de Tintelligence, avec un instrument qui fonctionnerait encore
s’il dlait touchd par une main moins inhabile. Celui-ci est un para-
lytique, celui-15 est le vdritable aphaslque. Pour M. Trousseau,
« I’aphasie est un symptdme ; ce symptome rdsulte presque toujours
de la perturbation de diverses facultds de Tentenderndht, en parli-
culier de la mdmoire et de I’attention ; des fails observds, on est
autorisd it conclure que diverses rdgions de I’encdphale concoureut
k la formation du langage, bien que les lobes antdrieurs du cerveau
y prennent peut-dtre la plus grande part. »
M. Parchappe admet, lui aussi, les localisations cdrdbrales, et
dans son discours il aborde successivement les probldmcs de I’ordre
ACADfiMIE IMPfiRIALE DE MfiDECINE. 297
purement anatomique d’abord, puis physiologique et psychologique
que soulbve I’dlude de Taphasie. Sa doctrine pent se rdsumer ainsi ;
Les altdratiotis de la couche corticate dans une rdgion quelconque
des deux hdrnisphferes, entralnant une altdralion notable dans I’in-
telligence, et surtoiitdans la mdmoire, peuvent determiner la perte
de la parole, en rendant impossible I’enchalnement des iddes, la
representation des iddes par des mots, et I’acte de volontd motive
qui, pour la realisation du langage articuld, doit pouvoir comman¬
der les mouvements coordonnes pour la production des sons articu-
les qui representent ces mots.
0 La lesion de la couche corticale d’un seul hemisphere est sulH-
sante pour rendre impossible la fonction de la parole, en mettant
obstacle ait concours des deux parties symetriques du centre d’ac-
tion, qui seul peut assurer la production dans chaque c6te du corps
des mouvements synergiques indispensables k I’articulation des sons.
» Dans retat d’iniegrite de la couche corticale pour toute reten-
due des hemispheres, et dans retat de conservation de toutes les
facultes intellectuelles, une alteration de la substance blanche, qui
forme les moyens d’union des deux hemispheres, et les moyens de
transmission des determinations molrices volontaires aux organes
musculaires de la parole, peut avoir pour effet de rendre I’articu-
lation impossible, lors mfime que celte alteration n’existe que d’un
seul cOite, lors meme qu’elle serait bornee a I’un des deux lobes
anterieurs. »
II ressort de ces propositions que, pour M. Parchappe, le cerveau
est un organe qui ne saurait se preter ii des divisions dichotomi-
ques ; il est un, toutes ses parties concourent ensemble k I’accom-
plissement regulier des actes de la vie intellectuelle ou de la vie de
relation. Si certaines- facultes peuvent, avec quelque apparence de
raison, 6lre plus specialement rapportees a des regions determinees,
il n’en est pas moins vrai que leur exercice normal exige I’integrite
des regions voisipes.
L’argumentatibn de M. Briquet, refutant les opinions de M. Trous¬
seau, n’apporta pas de luraibres nouvelles dans la discussion.
M. Bouillaud reprit la parole, et dans un expose detailie des fails,
s’appuyant surtout sur les observations de M. Broca, qu’il appelle
le saint Paul de la doctrine de la localisation de la faculte du langage
articuie, il aliirme aussl energiquement que jamais « ce siege
special de la faculte speckle de la parole dans les lobes ou lobules
anterieurs du cerveau ».
M. Piorry apporte aussl son contingent d’observations ; il est aussl
localisateur que M. Bouillaud, et la discussion eflt peut-6tre pris
298 ACADfiMIE IMPfiRiALE RE MliDEfciNfe.
fin sans I’iniwvention de M. Velpeau. Un fait, oublid pendant
vingt ans et recueilli cependanl avec toutes les garanties possibles
d’autlienticitd, publid dans le Bulletin mdme de I’Acaddmie, est
rappeid i la tribune par M. Velpeau, il s'agit d’un coiffeur qul con-
serva jusqu’a la fin de sa vie I’intdgritd de la faculld de la parole,
et qui pourlant avail line ddgdndrescence compltte des deux lobes
antdrieurs du cerveau. M.Bouillaud, sans nier le fait, en rdclame au
moins uii autre avant d’abandonner des conviciions solidement dta-
blies sur I’observalion de cent quatorze rhalades. Or, ce fait Isold,
qui, d’aprds M. Gudrin, ruinerait totalement et il lout jamais la
doctrine de M. Bouillaud, pbnrrait bien lui prdterun nouvel appui.
M. Ai Voisin analyse cede observation, et il se trouve prdcisdment
que ce malade si turbulent et si gai, si loquace et si intelligent,
dtait tout simplement un maniaque, doni I’intelligence dtait dvi-
demment troiiblde, masturbateUr cynique, bizarre, soulignant ses
mots, et arrivant a la fin de sa vie a ue plus parler qu’avec peine,
et a Ue plus mdme rdpondre aux questions qu’oil lul adresse.
M. Baillarger, que ses connaissances spdciales appelaient a pren¬
dre part a cede discussion, aborda franchement le probldme pliysio-
iogique et psycliologique de Taphasie ; pour lui, il est ndcessaire
de distinguer deux dtats, I’un, qu’il ddsigne sous le nom d’aphasie
simple, est celui dans lequel il h’existe l-len autre chose qite la pri¬
vation plus ou moins complete de la patole ; I’autre, ou aphasie com¬
plete, dans laquelle existe I’impossibilitd de rendre la pensde par la
parole, quand des mots sans rapport avec la pensde sont involon-
tairement prononcds, c’est a proprement dire la peCverslon de la
facultd du langage.
Aphasie simple. Deux groupes principaux : 1“ perte de la parole
et de I’dcriture ; 2“ perte simple de la parole. Au premier Sfe rap-
portent tous les fails dont ia perte de la mdmoire des mots est la
cause principale, I’appareil musculaire agisSant d’ailleilrs avec toute
sa puissance. Au second, tous les fails qui semblent se ratlacher
exclusivement a I’amndsie des mouvements ndqessaires a la parole.
Mais toutes ces divisions que semblent avoir admises les oraieurs
qui I’ont prdcddd, M. Baillarger ne les accepte pas sans conteste.
Il nedui semble pas que les hypotheses sur lesquelles on les appuie
soient irrdfutables, et revenant a une thdoHe qul lui a si bl'illammeut
servi a dlucider le probldme des hallucinations, il fait inlervenir
I’exercice spontand, involontaire de I’intelligence, en d’auties ter-
mes, rautomatisme des facultds intellectuelles. Chez les aphasiqucs
il y a des mots qul sont nettement articulds, toujours les mdines,
il est vrai ; mais ce qu’il y a de certain, c’est que leur embarras
ACADfiMIE IMPfeRlAtE blE (nfiftEClNE. 299
augmchte quand Us font etfbrt pour ehprohohcer d’autres.M. feail-
larger en conclut qu’il y a, chezeux, perte de I’incitatibn motrice
volontalre, conservation de I’incitatioh motrice spontah^e; lalbsion,
on plulbt le trouble parait fitre dans les rapports de la volonld et
de I’inslrument. L’bpinion de M. Baillargerse trouverdsurabe dans
les propositions suivantes :
I” Chez les raalades qui ne peuvent exprimer leurs pehsdes ni par
la parole ni par Tdcriture, I’aphasie s'explique de la manibre la
plus simple par I’amndsie.
2" Pour les malades qui sont privds de la parole, mais qui peu¬
vent traduire leurs pensdes parl’dcriture, 11 semble que l^apliasie ne
pulssefitl e expliqUde, cornme on a essayd de le faire, ni par I’amnd-
sie des mouvements, nr par les Idsibns d’un oi'gane coordinateur
de la parole.
3“ L’analyse des phdnomdnes conduit ii recohnallre, dans certains
cas de ce genre, que I’incitation verbaie involontaire pdrSiste, mais
que I’incitation verbaie volontaire est abolie.
Quant i la perversion de la facultd du langage caraetdrisde par
la prononciation de mots incohdrenis, la Idsioh cohSiste encore dans
la substitution de la parole automatique d I’incitation verbaie volon¬
taire. Reslait la question anatomo-pathologique. En I’dtudlant sous
■ses faces diverses, se servant encore des recherches qu’il avaitfaites
a propos de la paralysie gdnd'ralei M. Baillarger se range ddfidili-
vement du cdtd des localisations de la facultd du langage articUld.
dans les lobes anldrieurs du cerVeau. Seulement, moins aOirniatif
que MM. Dax et Brocaj il ne peUSe pas qu’on puisse conclure absb-
lument que I’hdmispbfere gauche soitseul chargd de la parole: il y a
grandes probabilitds pour que cela soit a'insi, puisque les Idsions
anaiom’iques se rencontrent hull ou neuf fois sur dix dans les lobes
antdrieiirs, et quinze fois sur seize dans I’hdmisphfere gatiche, mais
cela n’dquivaut pas encore 4 la certitude complete.
M. Bonnafont rapporte plusieurs observations qui lui sont per-
sonnelles, et dans'l^squelles I’aphasie a constamment suivi deS dds-
ordres graves causds par des projectiles de guerre dans les lobes
antdrieurs du cerveau. Ce qu’il y a de nouveau dans sa manidre
d’inlerprdter les fails, e’est le rble qu’il semble disposd 4 faire jouer
au sens de roui'e. Dans tons les cas, mdmes conclusions. On devieht
aphasique, dit M. Bonnafont : 1“ par la Idsion de la partie du edr-
veau qui prdsiderait au langage articuld ; 2° par la ld.sibn de cede
autre rdgion qui, dlant plus spdcialement le sidge de la mdmoire,
provoque I’aphasie en raettant I’individu dans I’impossibilitd de se
300 ACADfiMlE IMPfiRIALE DE MfiDECINE.
rappeler les mots. C’est aussi dans les rangs des localisateurs que sc
place M. Bonnafont.
M. Cerise reconnalt bien volontiers toute Texaclitude des fails
rappoi t^s par MM. Dax et Broca. II ne cherche pas a en allaiblir
rimportance au point de vue anatomo-pathologique, tnais, ce qu’il
n’adinel pas volontiers, c’est qu’ii existe tin organe l^gislateur de la
parole. Pour Ini, le problfeme de la localisation de la faculty dii
langage est insoluble. Trop de details le compliquent : « la parole
est pensde avant d’etre parl^e ; et, pour qu’elle apparaisse dans ce
dernier ^tat, il y a une transmission & des organes inusculaires, un
exercice rausculaire, de telle sorte que le langage est une annexe
de la pensde.)) Pour lui, I’amndsie est le fait primordial, ndcessaire ;
et vouloir rapporter exclusivement I’aphasie i la perte de I’organe
de transmission, c’est s’dgarer; et, sans conclure dans un ddbat qu’il
est diOicile de juger, il propose toutcfois d’adresser des remerci-
ipcnts cl M. Dax pour son intdressant mdraoire.
Eludes sur les alterations produites par I’abus des boissons alcoo-
liques. Note lue a I’Academie, par M. le docteur Lanceraux
(sdance du Zi juillet 1866).
Les Idsions, dit M. Lanceraux, se groupent naturellement sous
deux chefs :
Les unes, rdsultat d’un processus actif, touchent la trame organi-
que ; elles renirent dans la catdgorie des inflammations adhdsives
de Hunter.
Les autres, qui ont un cachet tout opposd, portent directement
sur I’dldment fonctionnel propre a chaque organe ; elles consistent
dans une modification particulidre de cet dlement, modification gd-
ndralement conniie sous le nom de ddgdndrescence granulo-
graisseuse.
I’armi les altdrations que nous devons signaler, citons dans la
premifere catdgorie celles du cerveau. « Cet organe diminue peu a
peu de volume et se ddcolore, prend une consistance plus ferme ; les
circonvolutions s’alrophient, celles-la,principalement, quioccupent
la face supdrieure des hdmisphferes. Prequemment le cervelet et la
moelle sont alldrds de la mdme faqon.
» Les membranes qui servent d’enveloppe immddiate a ces cen¬
tres, I’arachnoide et la pie-mfere, sont en gdndral simultandment
allectdes, inflltrdes de sdrositd, elles sont dpaissies, opaques, 'par-
semdes de plaques ou de points blanchatres et souvent colordes par
ACAD£mIE IMPfiRIALE DE MEDECINE. ' 301
I’hdraatine. Le sidge dMlection a la parlie -supfirieilre dcs lidmi-
spliferes el i la grande circonfdrence du cervelet distingue netlement
celte alleration due a l alcoolisme chronique.
)) 2“ Celles de la dme-mfere, caract^risSes, comme cedes des
autres membranes sfireuses ou libro-sareuses, par la prdsence d’un
nSoplasme I'ormd de fibres conjonclivcs et de vaisseaux faciles a
rompre. Ainsi organisd, ce nouveau produit rdtrogradc dillicilc-
ment, aussi le pronosiic est-il des plus sdrieux.
» Les allilralions alcooliques de la seconde espbcc sont caractdri-
sdes par la prdsence de granulations protdiqucs ou graisseuses au
sein des dldmenls organiques propres. Dans ces condilions, ces dld-
ments se gonllent et souvent finissent par se ddtruire : c’est ainsi
qu’il arrive des cellules hdpatiques, de rdpillidliura des reins, des
cellules de la substance grise ducerveau ou de cellos de la grande
circonfdrence du cervelet et mdme des capillaires de I'encdphalc.
Une Idgfcre augmentation du volume de I’organc maladc ct.une
physionomie assez spdeiale peuvent en 6tre la consdquence.
» Un fait important au point de vue du diagnostic dtiologique de
ces diverses Idsions, c’est leur simultanditd et leur coexistence ha-
bituelle avec des ddpOis adipeux dans le tissu cellulaire sous-cutand,
le mdsentdre et les dpiploons.
» A chacun des ddsordres anatomiques dont il s’agit correspon-^
dent des troubles fonctionnels ayant pour la plupart une modalitd'
propre, etdont I’ensemble constilue im tout qui fait de I’alcoolismc
i’une des unilds les plus distinctes, I’une de celles, par consdquent,
auxquelles il scrait permis d’appliquer une mddicaiion spdeiale. »
REVUE DES JOURNAUX DE MEDEGINE.
JOURNAUX FRANQAIS.
Ann& 1865 (suile el fin).
li’Cnfon lu^aicalc.
TOME XXVH (suile). *
Note sur Pitiologie et Vhistoire dela Pellagre , par le docteur
Alphomse Cqrradt, professeur i TUaiversii^ de Palerme.
Le but de ceite note n’est pas de r^soudre le problfeme de I’diiolo-
giede la pellagre, mais seulement de faire connaltre aux adversaires
du zeisme, que les causes qq’ils assignent & ce fl^au des populations
rurales sont trop gfedrales pour expliquer unfaitquiestparticulier
presque Ji une seule classe de pevsonnes et bornS ii certains lieux.
La Sidle n’apas de pellagre, dlt M. Corradi, cela est certain; on
Qe trouve cette maladie ni dans les campagnes, ni dans les asiles
d’alidnds; cependant les culiivateurs et lesbergers n’ysont pas plus
riches qu’ailleiirs; ils mangent rarement de la viande, ils coucheut
pde-mde avec les fines et le bfitail; la fievre des martoges {mala¬
ria) les brflle, les hoursoufle, les tue ; les affections scrofuleuses ne
les dpargnent pas davantage, Dans |a casa de' Matti, de Palerme,
les prfiaux ne sont point ombrag^s ; ces pialheureux pourtant a’y
promenent on s’y liennent couchfis au mlljeu mfime du jour ; per-
sonne ne mettra en doute que les rayons du soldi soient, dans cette
lie, moins puissants que dansles landes du midi de la France ou dans
le nord de rilalie.
U’aprfes le P. Franqols Tornabene, professeur de boianique fi I’Uni-
versitd de Catane, le zda est peu cultive en Sidle, ou le paysan mange
du pain de seigle pur, ou melangd d’un tiers de farine de mats an
plus : il n’y est pas attaquil par le sporisorium; 11 n’est pas rare, au
contraire, d’observer les graines de I’dpi atrophi^es.
Mais cequi merite toute raitenlion, c’est que le seigle, non plus,
n’est pas attaqufi par la sphacelia.
Enfiu, on a cru, ajoute I’auleur, que la pellagre est une maladie
ancienne parce que le rfeglement de I’flOtel-Dieu de Milan, du
6 mars 1578, prescrilff’y recevoir les malades atteints depellarella,
croste 0 piaghe. Mais pellarella on pellarola n’est pas le synonyme
de pellagra; au contraire, c’est le nom d’une forme de syphilis ap-
parue peu d’anndes avant la moiti6 du xvi” si6cle, ainsi que le cdlfi-
JOUBNADX FRANCAIS. 303
bre Brasavolo nous en donne le t^moignage dans un coin de ses
volun*ineux Commentaires.
TOME xxvm.
Cas bizarre d’hystiricisme, par M. le docteur Guibout, note lue
a la SocldW mddicnle des hOpitaux (27 septembre 1865).
Mademoiselle Augustine, ag^e de vingt-trois ans, d’une sant5
parfaiie et d’uiie bonne constitution, n’a jamais eu ce que Ton ap-
pelle viilgairement me attaque de nerfs: antficddents hiirgditaires
mils ; pas )e moindre ddsordre nerveiix,. pas d’anomalies de carac-
tere chez ses parents, gens aises et Rabitant la campagne.
» La famille est profonddment religieuse, inais sans exagfira-
liou.
» Gependant, continue M. Guibout, les parents out, depiiis long-
temps, remarqu^ chez elle une imagination un pen trop vive, et
par suite mi peu mobile. Ce fut vers les pratiques religieuses que
son penchant I’entralna. Chaque jour die consacrait 5 la prifere un
lemps consicldrable, pritre qu’elle faisait seule, menlalemeiit, mficli-
lation ardeute pendant laquelle, ainsi qu’elle nous I’a dit, son ame
s’51eva queiquefois, par une sorte de contemplation mystique, jus-
qu’5 se (igurer entendre la voix de Dieii lui-meme, lui parlant et
rinvilanl 5 quitter sa famille pour enirer au couvent.
1) Des lors, I’idee de se faire religieuse tut pour ia jeune Augus¬
tine I’idee doiuipapte ; elle en fit part i ses parents qui, sans la vn-
pqussey d’une manibre absolue, en remirent I’exficution a une 6poque
ultfirieuie.
» Diijii, depnis une annee environ, elle dprouvait un phfinombnc
Ifizqrre dont elle souffrait cruellemenl , mais qu’elle avait voulu
cacher a sa famille pour ne pas I’attrister : le regard de toute per-
soppe, quelle qu’elle fftt, pere, mbre, frferes, soeurs, parents, amis,
(Itrangers, doniestlques, inconpus, lui litait absolument insupporta¬
ble. Vivant an milieu d’une fapiille nombreuse, dont les relations
^talent dteudqes, et voulant que personne ne pflt SQupqonner I’d-
trqnge infirmity dont elle se septait atteinte, ses efforts de tous les
instants cHaient concentrfis vers ce point: eviter, sans paraitrey
mettre d’ affectation, de rencontrer, devant ses yeux, les yeux el
le visage de qui que ce soil. Si malgrS toutes les precautions, soil
par surprise, .spit par pne nficessite imperieuse, elle diait obligdede
subir oude portec up regard, 5 1’lnstant m6me et par ce seul fait, elle
se sentait prise fj’un malaisp indefinissable, d’un serrement penible a
repigastre, d’impossibilite de manger ou de digerer,. et d’une ten-
301 REVUE DES JOURNAUX DE MfiDECINE.
dance il’rdsistible & la syncope, loujours accompagnde d’une suenr
froide et aboiidante inondanl tool le corps. Ces accidents dtaieiu
suivis d’un dtat general de courbalure et de soulTrance qui durait
habituellement plusieurs heures. »
An bout de deux ans de cede situation penible, Augustine U...
en fit ia confidence a ses parents ; elle obtint d’eux de porter
constamment lui voile qui cachitt compl^tement son visage, et a
parlir de ce moment elle n’eut plus ni syncopes, ni douleurs dpi-
gastriques, ni aucun autre trouble fonctionnel ; sa santd redevint
excellenlc sous tons les rapports ; son caractfere ne cessa jamais
d’fitre (igal, doux et enjoud.
M. Guibout regardc ce ddsor'dre hystdrique comme I’expression
d’un dlat maniaque engendrd par une surexcitation religieuse sou-
vent rdpdtde; mais comme il n’y a dans ia famille auenn antdeddent
de ce genre, il croit que cette jeune personne gudrira sous I’in-
fluence des excitations revuisives et perturbatrices de I’bydrotiidra-
pic combinee avec les modilicalions intellectuelles et morales qni
doivent dtre la consdquence du cliangemeni du milieu ou elle se
trouve acluellement.
Du secret dans les cas d’alienation, par M. Bmerre
DE Boismont.
Dans cede lettre qu’il adresse a M. Amddde Latour, Tauteur se
plaint de I’eclat donnd par la presse au naufrage d’une belle intel¬
ligence, dejat qui iui parait une dpreuve remarquable du nouveau
sysleme que les adversaires de la loi de 1838 et des asiles veulent
substiluer a celui gdndralement en vigueur.
» A-t-on bien rdfldchi, dit-il, aux suites de cette divulgation
de la folie ? Les rdformateurs veulent que cette maladie soil
constatde au ddbut par un jury nommd expres, et par trois mdde-
cins diffdrents. Quoi ! on nous ddfend de faire connaitre I’obser-
vation des malades qui nous ont dtd conbds et qui nous atta-
quent dans ce que nous avons de plus cber, notre rdputation et
noire honneur, et, sous prdtexte que le devoir de notre profession
nous fait une obligation du secret, il sera permis d’instruire publi-
quement le proeds d’un alidnd ? »
Et M. Brierre de Boismont de prouver sur-le-cbamp I’utilitd du
secret dans I’alidnalion mentale, en citant deux faits de gudrison
ddlinitive, I’un chez un notaire, I’autre chez un ndgociant, qui tons
les deux ont pu reprendre avec succfesle coursdeleurs occupations;
ce qui certainement ne fdt pas arrivd si le public edt dtd mis dans
la confidence prdalable de leur aO'ection.
BEYUE DES JOIJRNAUX DE MfiDECINE. 305
De I'ophthalmoscopie dans la meningile aigue', clinique
de M. Bodchut.
M. Bouchut donne id, avec les planches qui les flgurent, deux
exemples relatifs aux alterations de la meningite. L’un represente
roedfeme papillaire avec dilatation et Ilexuosites des veines de la
reiine, et I’autre une heraorrhagie retinienne dans le cours de
la meningite aigue. « Ce sont, dit-il, deux des plus beaux cas qu’on
puisse rencontrer. »
Dans ces deux observations , la meningite avait determine la
ormation de caillots, soit dans les voies meningees, soit dans les
sinus de la dure-mfere, et par le faitde cet obstacle a la circulation,
le sang vcineux de I’ceil ne pouvait plus rentrer dans le cer^eau.
Conformeinent a ce que Ton salt sur les ellets des obstacles a la cir¬
culation vcineuse, au-dessous de I’obstacle, il s’est fait une dilatation
du reseau veineux oculaire, avec cedfeme pdripapillaire, thromboses
veineuses, et, dans un de ces cas, une bemorrhagie considerable de
la reiine.
En resume, et c’est la ce que M. Bouchut veut etablir comme un
pi'incipe anatomique sur lequel repose I’ophthalmoscopie appliquee
au diagnostic des maladies du cerveau, « toute lesion cerebrale
aigue ou chronique, assez considerable pour gfiner la circulation
veineuse du cerveau, produit dans I’oeil des troubles de circulation,
de secretion et de nutrition plus ou moins prononcees ».
Fails d’impressionnabiliti nerveuse, par M. le doctcur Morel,
medecin en chef de I’asile de Saint-Ton.
Malgi-e les mystifications frequentes que nous font subir ces
sortes de malades, I’exemple de M. Guibout enhardit M. Morel 5
relater sommairement quelques fails bizarres qui, pour s’etre pro-
duits d’une manifere differenle, n’en doivent pas moins Stre rap-
pories au m6me ordre d’iropressionnabiliie nerveuse chez les byste-
riques.
« Une jeune malade, dit I’eminent alieniste, dont j’ai donne le
portrait dans mes Etudes cliniques sur I’aliination, mais que I’ar-
tiste n’a pu saisir compietement, avait un tic grimaqant, perpetuel,
qui donnait a sa figure une expression etrange et faisait d’clle une
fille affreuse, de jolie qu’elle devait Stre a I’etat ualurel.
» Une autre, d’une beaute remarquable, avait adopte un autre tic
qui consistait a teiiir releves les sourcils, a marcher en se dandinant
sur la pointe des pieds, ce qui lui donnait un air niais, ridicule, et
c’etait ce qu’elle voulait.
ANNAL, MfiD.-PSYCii. li^ serie, t. IX. Mars 1867. 8. 20
306' REVUE DES JOURNAUX ttE MfiDECINE.
» Une tioisifeine ne portait pas de voile, maia elle cachail sa
figure sous Ics draps de son lit cl dans Ses mains: il fallait la force
de plusieurs personnes pour abaisser ses mains et robligcr a ouvrir
I'es yeux. Un Iremblement conVulsif s’empnrait alOrs de tons ses
membi-es , une sueur frolde inofidait pareiilement le corps, cl la
craintede voir s’impalroniser un veritable dtat syncopal empfiebait
de continuer ces tentatives. J’ai inaintes fois etlierlsd ces maladcs
pour vaincrecet etat spasmodique volonlaire, mais le tic se repro-
duisait invariablement, car il Ctail lig a un dglire sysldmatique blen
arrfitg ; touies trois fmireht par tomber dans la ddmence la plus
abrutissante.
C’est il un dial de scrupule exagdrd et poussd jusqu’ii la folic,
que M. Morel altrlbue I’acte horrible d’une autre hystdrique de
i’asile dont il est le mddecin en chef, qui aprfes plusieurs tentalives
de suicide avortdes, fmit par s’arracher lesdeux yeux.
Quei diagnostic dolt-oii porter lorsqu’on est consultd par des ma-
lades affectCs de Ces sories de plidnorndnes nerveux qui se rappor-
tent il uneldsion des fonclions intelleclueiles, le plus ordinairemcni
lids a un dtat d’hypoebondrie ou d’hystdrie, cl que Ton ddsigne sous
le nom de tics, blzarreries, excentricilds ?
« Le pronoslic est souvent des plus graves, dlt en lerminaiit
M. Morel, et je ne crois pas pouvolr assez prdmunir mes cotifrdres
centre les erreurs que Ton est portd ii commeiire en iraitant J la
Idgere ces sories de tics ou d'habitudes excentriqucs ; ils soiu sou-
vent le symplOme d’un nial plus grave qn'il n’est pas permis de sup-
poser, et, lorsque rbysldrie se manifesie par des actes du genre de
ceux relatds par M. le docteur Guibout et de ceux que j’ai citds
moi-mdme, il faut se lenir dans une prudenie rdserve.
Ciazettc hcbdoniuduiro (1865, 2° sdrie, t. II).
Description clinique du sympMme ataxie lomotrice progressive,
par le docteur Paul Topinard, ancien interne des hdpitaux
de Paris.
Dans cetle parlie de son travail — la premidre a dtd publide dans le
nuliidro 51 de la Gazette, en 186fi, — I’auleur ddcrit les symplomes
el les modes divers d’dvolution de I’ataxie locomolrice progressive,
1° dans les muscles supdrieurs ; 2“ dans le tronc et la tdte ; et il
rdsume ainsi son opinion sur ce point de science, sauf certaincs
rdserves qu’il fait sur la nature du phdnomfene : « L’ataxie a did
reucontrde 1“ ii la face; 2“ dans les membres supdrieurs, autourdes
articulations mdtacarpienne, radio-carpienne et, peut-fitre, humdro-
‘ JOURNAUX FRAWgAIS, 307
cubitale ; 3® dans les membres inMrieurs, et, par ordre d’impor-
lance, autour des articulalions coxo-fdmorale, Wraoro-libiale ct
tibio-larsienne. Au conlraire, elle n’a pas ddmonlrde, et lout
portc a croire qu’elle n’existe pas dans les muscles du tronc, bien
que ceux du racbis se ^rouvent dans les conditions de complexltd
favorables au daveloppement du phdnomOne. »
Hecherches statistiques sur les accidents produils par I’acces epi-
leptique, par MM. Jules Renpade et Leon Reynaud, internes
provisoires des hdpitaux de Paris.
Travail qul, i roccasion, sera consulld avec fruit ; les auteurs
rontdivisO en deux parties: la premiere contient I’analyse des fails
publics dans les traitds ou les mdmoires spdciaux avec I’indication
des sources; dans la deuxifeme, ils font TexposO de leurs propres
observations, lesquelles portent sur trois cent seize epileptiques en-
trds a BicSlre, dans un laps de temps de six annOes.
L’interSt d’une telle dlude rdside, surtout, dans la faqon habile
dont MM. Rengade et Reynaud ont groupd ces accidents, pour la
plupart connus, et dans le relief qu’il leur ont dotind taut au point
de vue du nombre de malades qui enont dtd atteints (200 sur 316),
qu’au point de vue de leUr nature, de leur frequence, de leur graviid
relative et, aussi, des influences qui ont paru agir sur eux directe-
ment. D’aprOs eux, ces influences dependent : 1“ du malade ou de la
maladie; 2“ des circonstances exterieures. 11s les dtudient en detail
et concluenten proposant conlre elles un ensemble de moyens pro-
phylactiques qui, en definitive, se rdduit a un usage plus frequent
de la camisole et a I’emploi du lit de M. Lelut, raodifie par M. De-
lasiauve.
Observation pour servir a I’histoire du diagnostic des maladies
de la moelle et du grand sympathique, par le docteur Bablon.
11 resultede cette observation quela remiion des sytnptdmes dont
elle retrace I’histoire devait faire naitre, an premier abord, I’ldee
d’une ihaladle de la moelle : les phenom6nes de paralysie, de con¬
striction du thorax, de douleurs ndvralgiques generalisees,irradiant
de la colonne veriebrale, diaient nien de nature a porter I’esprit
vers cede opinion. Cependant I’absencede coniracture des membres,
I’amaigrissement toujours croissant jusqu’au rtiarasme, I’augmenta-
tion des phenomOnes du cOtedu tube digestif, ont rendu de pliis en
plus probable i’exisience d’une tumeur progressive. La nature des
douleurs,' en excluant la possibility d'une tumeltr luberculeuse ton-
REVUE DES JOURNAUX DE MfiDECINE.
jours indolente, a reporid le diagnostic vers la probabilild d’une
ndoplaslie a cellules.
L’autopsie a prouvd que le diagnostic dtait juste, et il a dtablique
tout ce cortdge de troubles fonctionnels n’clait que ie rdsultat de la
mise en jeu des actions rdflexes, lesqueiles, chose digne de re-
marque, ont pond, ici, beaucoup plus sur la seiisibilitd que sur le
mouvement.
Deux cas de maladie ou coloration bronzee dans le cours de la
paralysie ginerale, par M. A. Renard, interne des hdpitaux.
Ces deux observations ont dtd recueillies 5 la Salpdtrifere, dans le
service de iH. Balllarger; la premiere settle a dtd suivie d’autopsie :
I’auteur ne pense pas que les hiits qu’elles rdvdlent prdsentent
beaucoup d’intdrfit au point de viie de la paralysie gdndrale, mais
ii croit qu’iis peuvent dclairer I’histoire de la coloration bronzee,
« II est peu d’affections, dit-il, dans lesqueiles I’dtat anatomique et
physiologique du systeme nerveux soil aussi ddplorable que dans la
mdningo-encdphalite chronique ; si done, comme tout porte it le
croire, la coloration bronzde est due & tine perversion de I’assimila-
tion ddpendant d’ttn dtat pathologique du ndvraxe, il dtait tout na-
turel de la cliereher ou, du molns, de la rencontrer dans cette affec¬
tion ; e’est ce qui m’est arrivd par hasard. »
De I’aphasie, par divers.
Ce phdnomfene si discutd a donnd lieu, dans ce journal, it un assez
grand nombre de communications, parmi lesqueiles nous dislin-
guerons :
1“ L’etal de la question, trois articles substantiels de M. Falret
ou notre confrdre examine, avec son talent habituel, la question de
I’aphasie au triple point de vue anatomique, physiologique et patho¬
logique, en revencliquant les droits de I’inielligence dans I’expression
paride de la pensde.
2“ Un Memoire sur la pathogenic du langage articuU, par
M. le docleur de Fleury, professeur suppleant de I'Ecole de me-
decine de Bordeaux, dont void les conclusions. A- L’opdration du
langage articuld chez I’homme impliqtie des fonctions multiples.
B, Les Idsions de la parole sont done dgalement multiples. C, L’ana-
lyse psychologiqtie, physiologique et pathologique de I’acte fonc-
tionnel de la parole ramfene a trois sdries d’opdrations distinctes
I’ensemble des phdnomdnes ndeessaires pour la production du Ian-
JO0RNAUX FRANgAIS. 309
gage articuM. Phenomenes intellectuels, de transmission et d'ex-
pression : plus est bref ; moins ne suffit pas. D. Lcs falls comme la
logique, cn d^montrant la vaii^t^ du sldge anatomique des lesions
dans lcs troubles du langage, combalient vlctorieusement la doctrine
d’une lesion unique et'constante.
3“ Un travail intllulfi Lesions de la moitie gauche de I’encephale
co'incidant avec I’ouhli des signes de lapensee, lu au congrbsmd-
ridional tenu it Montpellier en 1836;, par Ic docteur M. Dax, sulvi
d’un appendice par M. G. Dax, docteur en mddecine & Sommieres.
ft” Un cas Intdressant (Paphasie transitoire, par M. le docteur
Dechambre.
5’ Un cas d’aphthongie (maladie par troubles de la motilite de
la langue), par le docteur firalle Vallln, rdpdtiteur a I’ficole impd-
riale du service de santd mililaire ; cas rapprochd par ce distingud
confrdre, du fail unique sur lequel M. de Fleury s’est foncld pour
dtablir, peut-etre, la forme nouvelle de mutitd pour laquelle il a
crdd le nom d’Aphlhongie.
6“ Enfin, une lettre de M. Bouillaud en rdponse au post-scriptum
par lequel M. Dechambre termine le compte rendu des discussions
de I’Acaddmiede mddecine, et dans laquelle le savant professeur re-
raercie notre confrfere de son loyal concours et aifirme une dernidrc
fois son opinion sur la question de I’aphasie.
Remarques sur les paralysies avec surcharge graisseuse intersti-
tielle (hypertrophie apparente des muscles).
L’dtat que M. Ducbenne (de Boulogne) a ddcrit sous le nom de
parapUgie hypertrophique de Venfance de cause ciribrale, bien
qu’il n’ait pu fixer le sidge, ni la nature de la Idsion primitive, n’ayant
pas eu I’occasion de faire d’autopsie, est, dans I’opinlon de M. Fritz,
une hypertrophie du tissu cellulo-adipeux interstitiel, et nulle-
ment une hypertrophie musculaire vraie : pour appuyer sa manidre
de voir, M. Fritz rapproche des observations de M. Ducbenne cinq
observations « analogues, malgrd qnelques dissemblances » , oft la
question anatomique a pu dtre dlucidde sur le cadavre, et il ajoute,
en terminant, que si rien ne s’oppose d’une manldre absolue A ce
qu’on rapporte ces fails A une origine cdrdbrale, comme le savant
frangals I’a fait pour les siens, rien ne prouve que dans quelques-
uns au moins — oCt I’intelligence est reside inlacte — la paralysie
suivie de surcharge graisseuse interstitielle n’ait dtd la consdquence
d’une affection de la moelle, pas mdme I’existence des contractions
musculaires synergiques etinvolontaires.
3^0
REVPE OES JOURNAUX DE MEDECINE.
Gazette niedlcalc de Paris (1865, 3” serie, t. XX).
Dipsomanie, folie alcooUque et delirium tremens,
par M. F. Lagardclle.
La dypsomanie, selon M. Lagardelle, est tanldt line cause, lan-
tOt un effet de Valcoolisme : dans le premier cas, c’est une variiitd
d’alidnalion mentale dans laquelle les malades sent poussds par
une force irresistible a absorber toute esp6ce de liqueurs ; lors-
qu’elle est consScutive 5 I’alcoolisme, el)e doit fiire considdriie Comme
une habitude invetdree qui est devenue une ndcessitd.
L’alcoolisme aigu se prdsente aussi sous deux formes diffdrentes,
la folie alcooUque et le delirium tremens : la folic alcoolique est
caractdrisde par un ddlire monomaniaque avec illusions et halluci¬
nations de I’ouie non constantes, et des symptdmes physiques pen
marquds; le delirium tremens, au contraire, est constitud par un
ddlire gdndral avec hallucinations de la vue et de I’oute trfes-in-
tenses et des symptbmes physiques caractdristiques surtout du e6td
de la myotilitd : a I’appui de cette distinction importante, I’auteur
cite une observation type de folie alcoolique gudrle aprfes un mois
de bains et de rdgime.
liecherches sur la physiologic et la pathologic du cervelet, par
le dooteur M. Leven, memhre de la Sociite de Biologic.
M. Leven dtablit que le cervelet est un organe excluslvement mo-
teur, etil se demande quel est son vrai rble dans la production des
mouvements, rdsultat d’une harmonic prdStablie entre le systdme
nerveux central et le systfeme musculaire : les vivisections seules
ne pouvant conduire a la solution du problbme, I’auieur met h
contribution I’angtoinie et la pathologic de I’organe pour mieux en
dclalrer la physiologic ; il rcconnait, toutefois, qu’entre le fait pa-
thologique et le fait physiologique, il reste une lacune qu’aucune
hypothfesc ne pent servir a combler ; « cependant, dit-il en concluant,
quand j’ai vdrifie qu’nne Idsion d’une portion quelconque du cerve¬
let on de ses pddoncules manifeste une force ddcroissante, depuis
rhdmisphfere cdrdbelleux jusqu’a la terminaison des pddoncules cd-
rdbelleux supdrietirs dans le corps strld, et qui produit comme pbd-
nomfene initial el essentiel Ventrainement latiral, puis la rotation
ou le manige, et, qu'en deruidre analyse, une altdration quelconque
de cet organe aboutit a un dquilibre instable, n’est-on pas en droit
de conclure avec une grande probabilitd que cette force aulomatique.
JOURNAUX FRANgAlS.
311
qui a sa source unique dans le cervelel, ne se manifeslantqu’i IMlat
palhologique, est, a IVtat de santfi, la cause principale d’dquilibraT
lion, et qu’elle fait du cervelet tin organe d’dquilibratiQn?
(Voir un premier rafimoire dans les Archives generales de mede-
cine, 1862.)
Etude clinique et experimentale de la commotion traumatique ou
ebranlement de I’enoephale, par le professeur Alquie, chirurgien
en chef de VHdlel-Dieu de Montpellier.
La commotion traumatique de I’encdpliale est, pour M. Alqui^,
line lesion vitalo-organique de cet appareil, caractdris^e principale-
rnent par une diminution bru.sque et plu? ou mpins prolong^e de
ses functions ; c’e.st une lesion contusive i des degrgs divers qui, par
les causes, leurs elTels et leurs suites, est en concordance manifeste
de caracieres avec les contusions en gdnSral.
Valeur semeiolique de I’aphasie dans le diagnostic de I'hemor-
rhagie du cerveau et du ramolUssement par V obliteration de
I'artere de Sylvius, par le docteur Lancereaux, chef de clinique
de la Faculte de medeoine.
L’arlfere de Sylvius envoie une de .ses brandies aux clrconvolu-
lions frontales postfirieures ; cette arlfire vient-clle 5 s’obliidrer, les
circouvolutions ces.sent d’filre alimentSes et deviennent le siSge d’un
ramollissement irop souvent incurable.
Partantde cette donnee auatomique.M. Laucereaux s’est demandd
si le symptbme aphemie ou aphasie ne pourrait pas servir i ^luci-
derle diagnostic, souvent obscur, de I’lnimorrbagie et du ramollisse-
meut cerdbral consdcutif a I’oblitdration de Tartfire de Sylvius; il a
eu recours li I’observation clinique, et dans I’espace de quelques
seraaines il a pit recueillir cinq faits dont void le sommaire ;
Observ. 1. — Alcoolisme chronique, rhumatisme articulaire
subaigu ; hemipldgic subite a droite, avec aphasie ; obliteration de
I’artfere de Sylvius gauche, ramollissement consdculif de la sub¬
stance nerveuse correspondante.
Observ. 2. — llhumaiisme articulaire aigu ; reirdcissement avec
insuffisance milrale ; hdinipiegie droite, aphasie; einbolie trbs-
probable de I’ariere sylvienne gauche.
Observ. 3. — lleniiplegie suhitc a dro.ile avec perlc de connais-
sunce, conservation de la inemoire des mots ; absence d’aphasie ;
312 RJiV0E DES JOUKNAUX DE MfiDECIINE.
^morrhagie cSrdbrale a gauche avec irruption du sang dans les
caviWs ventriculaires.
Observ. Zi. — Hdmipldgie subiteavecperte de connaissance, Ifiger
embarras de la parole, coma, mort, autopsie ; h^morrhagiedu centre
de I’hdmisphfere gauche.
Observ. 5. — Htimorrhagie cfir^brale gauche, hfimipl^gie de tout
le c6td droit; paralysiede lalangue ; conservation de la mgmoiie des
mots et de la facultd de les articuler ; Idgfere paralysie des yeiix,
resserrement des pupilles ; paralysie du col de la vessie.
En r^sumd, dit M . Lancereaux, le diagnostic du ramollissement
apoplectiforme dont il s’agit, repose sur plusieurs conditions; les
symptdmes d’une 16sion du coeur ou des gros vaisseaux, une hdmi-
plggie suhite avec aphasle. La persistance des deux derniers syin-
pidmes, en I’absence d’une affection cardiaque, permettra de soup-
conner avec raison ce ramollissement qui, cette fois, ilendrait a la
thrombose de I’artfere de Sylvius.
nullotm do <herapeutlqae (1.865).
T. LXVIII. — Choree recidivee chez une femme enceinte de cinq
mois,pas de rhumatisme antecedent; emploi du bromure de po¬
tassium; guerison.
Hbpital Beaujon, service de M. Giibler.' — La malade Hgiede vingt-
deux ans, couturifere, a commence le 28 octobrc le traitement bro-
murd ; le 6 novembre, elle obtenait son exeat dans une vole de
gudrison dvidenle. Le bromure de potassium a dtd administrd & la
dose de 2 et 3 grammes dans tin julep.
De I’hemiplegie de cause dyspeptique, par M. le docteur 0. Pihan-
Dufeillay, ancien interne des hdpitaux de Paris, professeur a
I’Ecole de medecine de Nantes. ■
II s’agit ici de deux cas d’hdmipidgie subite, simulant, au pre¬
mier abord, I’hdmipldgie lide it I’hdmorrhagie cdrdbrale, et que les
conditions spdciales au milieu desquelles elles sont survenues ont
engagd I’auteur a considerer comme lides a la dyspepsie gastrique,
au mdme litre que les anesthdsies cutandes, les vertiges, les fai-
blesses musculaires, etc.
Ce lien existe-t-il rdellement? C’est une question qui ddcoule des
deux fails rapporlds par M. Pihan, sans que ceux-ci soicnt encore
suifisants pour la rdsoudre ; « Isolds, dit-il, ils resleront a I’dtat de
JOURNAUX FRANgAIS. 313
fails curieux; conlirm^s par des observations ultdrieures, ils dcvien-
dront, au conlraire, uiie preuve nouvelle de la puissance des sym¬
pathies gastriques.
Acces de delirium tremens, traiti et gueri par la teinture
de digitale d haute dose.
Hdpital dela ChariKi, service deM. Nonat. — Observation recueillie
par M. Revilliod, interne, sur un garqon marchand de vin, agd de
vingt et unans, dontle facies dtaitanimd etqui, en outre, dtait alteint
d’insuffisaiice mitralc et aortique. La teinture de digitate fut d’a-
bord adminislrde i 12 et eonlinude i 5 grammes dans une potion ;
le troisifeme jour, la potion est supprimde ; le calme est revenu et ne
se ddment pas. L’opium, donnd, il est vrai, ii dose insuflisante, avail
dchoud sur ce malade.
Eclampsie. — Delirc entre les attaques convulsives. — Albumi-
nurie ; trailement par V opium. Guerison, par M. Spiess, interne
a I’hdpital Beaujon.
Des symptdmes assez rares dans I’dciampsie puerpdrale ont de-
cidd M. Spiess S publier cette observation, dont nous reproduisons,
au mdme litre, les parties les plus intdressanles.
« Le 4 Janvier, au ddbut de Tattaque, la malade pousse un cri
aigu ; M. Spiess la trouve couchde sur le dos, la tdte dans I’exten-
sion forcde, les muscles de la machoire contracturds, les yeux con-
vulsds; les bras dans la deml-flexion, avec les mains fldchies mais
non fermdes, dtaient rapprochds du tronc ; tout son corps dtaii agitd.
La premifere idde qni lui vint h I’esprit fut celle de I’dpilepsie; d’au-
tant plus qu’au bout d’une minute, il vit la crise toucher 5 sa fin ;
la malade, Tdcume a la bouche, se laissant aller sur le cdtd, entrait
dans un sommeil profond elbruyant ; mais quelques minutes aprfes,
nouvelle attaque plus courte que la premifere; dfes lors le doule ne
fut plus permis.
» Cette seconde attaque est suivie de ddlire et d’hallucinations ; la
malade pousse des cris perqants; elie regarde fixement au pied de
son lit ou lutte avec dnergie contre les personnes qui la maintien-
nenl. Au milieu de ces cris, quelques paroles ininlelligibles oil I’on
distingue cependant ces mots : « Ote-toi do Ife, va-t’en 1 » II est
dvident qu’elle n’entend ni ne voit les personnes qui I’entourent, et
c’est a grand’peine qu’on lui met la camisole.
B Ces phdnomfenes se reproduisircnt de mdme aprfeschaque attaque
pendant la soirde et la plus grande partie de la nuit; la dernifere
31ft REVUE DES JOUHNAUX DE MfiDECINE.
attaque eut lieu li six lieures du matin ; le traitement consista dans
un julep contenant 0,025 milligr. de sel de morphine donnd par
cuillerdes d’heurc en heure. A la visite, M. le docteur Fremy porle
la dosedu sel 5 0,0ft0 milligr., ajoute des vdsicatoires 5 lYpigastre
et aux r.uisses. La connaissance revient dans la soirde du 6, et aprfes
des accidents divers, la malade sort gudrie le 19 Janvier, affirmant
n’avoir gard^ aucun souvenir de son accouchement, ni des circon-
slances qui I’ont suivi. »
Delirium tremens, traits par la teinture de digitale, par M. le
docteur A. Voisin. (Hdpital de la Chariti, service de M. Bouil-
laud, supplid par M. le docteur Chauffard.)
Les observations se suivent et ne se ressemblent pas, du moiiis
parlesuccfes; aprfes M. Nonat, M. Chauffard, doiit I’observation pa-
ratt a M. A. Voisin diminuer singuliferement la valeur tlidrapeu-
tique de la digitale dont on a si hautement vanid les effeis dans le
delirium tremens. Bien que donate dans ce cas avec la volontd de
reussir, et adminislrde suivant la forraule et les doses d’usage par un
dminent thdrapeutiste, la digitale n’a pas, en elfei, rendu les rdsul-
tats que Ton en attendail.
T. LX IX. — Du nitrate d’ argent dans la paralysie generale pro¬
gressive avec ou sans alienation, par M. Bouchut, professeur
dgrege de la FacuM de medecine, medecin de I’hdpital des
Enfants malades.
Trois observations empruntees an traitd dc M. Bouchut Sur le
diagnostic des maladies du systeme nerveux par I’ophthalmosco-
pie, dont void le sommaire :
Observ. 1. — Paralysie gdndrale progressive; nitrate d’argent ;
gudrison pendant un an ; cessation des remtdes et rechute a la suite
de nouveaux ex'cfes.
Observ. II. — Paralysie gdnerale progressive avec alienation;
nitrate d’argent; gudrison de la paralysie, mais pas de la folie.
Observ. Ill, — Paralysie gdndrale progre-ssive, rdsultant de I’abus
des alcooliques et du tabac; nitrate d’argent; amdlioration.
La novuc luddicalo (1865).
T. I. — Localisation du sens de la parole, par M. le docteur
Damoiseau, d’AleuQon.
Dans une lettre qu’il adresse au rddacteur en chef de la Bcvue
midicale, M, Damoiseau proteste, au nom de la doctrine vitaliste.
315
JOURNAUX FR^tjgAIS.
Centra la localisation phr^ciologique on gdngral et, sp^cialernent,
contra la localisation du sens de la parole et des erreurs matfirialisles
qui en ddcoulent.
Lettre sur la localisation des facultis en geniral et sur celle du
langage articule en particuUer. lidponse de M, Sales-Girons a
M. le docteur Damoiseau, d’Alenoon.
M. Sales-Girons applique it I’aphasie sa tWorie des mouvements
par coeur : pour lui, comrne pour M. le docteur Piorry, il s’agit
d’une pure et simple question d'amnisie ; une perte de miimoire des
mouvemenls niusculaires du larynx avec inl^gritii complete des
muscles et des mouvements.
Aussi voudrail-il rassurer M. Damoiseau et le convaincre que les
vitalistes de la Revue ne repugnant pas tant a la localisation des
facullds, qii’ils ne puissant s’entendre avec M. Bouillaud, qui, d’qil-
leurs, n’a jamais renid ses convictions premieres.
La localisation cdrdbrale, pour lui, pas plus que pour I’dminent
professeur, ne suppose pas I’absurdild qu’une facultd comme la pa¬
role soit le produit d’une sdcrdlion de I’encdphale : « la pensde
dont la parole est le bruit conyenu,cetLe facultd de relation doit, de
rigueur, avoir 1 “ une anche qui rdsonne au debors ; 2“ une touche qui
soit mue oq dmue au dedans s 3“ un fil de communication ou de tran¬
smission qui porte I’dmotion vouluede la touche d I’anche sonore.
B Voili bien, diWl, un instrument, et il n’estpas besoin de spd-
cilier les parties qui dans I’organisalion humaine le composenl. Mais
les organes comma les instrumenis prdsupposent deux ciioses ;
trabord un faoteur, el puis un artiste qui en joue, c’est-ii-dire qui
rcnde par eux les sentiments et les iddes. Nous autres, vitalistes
selon Tame, nous disons que c’est Tame qui est a la fois I’artisle et
le facteur,..,,
« Non-seulement done nous pouvons admeltre la localisation de
la facultd pour ce qui est de I’organe ou de I’instrument, majsnous
le devons meme. Le corps tout entier n’est-il pas la localisation de
rame? Chqque facultd, comme chaque fonciion de relation de celte
ame, n’a-t-elle pas son organe localisd? Nous devons le peiiser. Le
point est de savoir lequel il est. Nous ne disculons pas s’ii est, car
il doit dire; nous discutons pour savoir ou il est, b
If. — Post-scriptum d la lettre sur la localisation cerebrate
de la faoulte du langage articule, par M. Sales-Girons.
M. Sales-Girons a irouvd I’occasion d’allirmer de nouveau I’opi-
nion qu’on vieijt de lire, dans I’inserlion rdeente de deux observa-
316 REVUE DES JOURNAUX DE MEDEOINE.
Hons adress^es h la Gazette des Hdpitaux, par M. le docteur Lesur,
de Reims.
Dans I’une de ces observations, a la suite d’une operation de trd-
pan, on pouvait comprimer a voiontd la pulpe c6r6brale et appr6-
cier I’influence positive de cctte compression sur la faculty d’arti-
ciiler les mots.
Le traite d' alliance entre le vitalisme anlmique et la localisation
c6rcbrale des facultes — pourquoi pas, de suite, avec Vorganicisme?
— se Irouve, ainsi, d^finitivement sign(5 et ralifld.
D'’ Berger.
Franco mddicalo (12“ annfie, 1865).
I” De I’efficacite de I’arsenic dans le traitement de la choree. —
M. le docteur Isnard, de Marseille, a rfiuni cinq observations re-
cueillies par lui-m6me, et dans lesquelles la medication arsenicale a
donne des resullats heureuxdans un temps beaucoup plus court que
tons les autrcs agents therapeutiques. La maladie a dtd jugde dans
une pdriode moyenne de vingt-neuf jours. La dose d’arsenic a varie
de 6 milligrammes d’acide arsenieux 5 15 milligrammes chaque
jour.
2° De I'aminorrhie par icauses psyohiques. — M. Raciborski
signale comme un etat pathologique ayant son individualitg propre,
I’amenorrhee produite 1° par la peur excessive d’etre grosse,
2° par le vif ddsir d’avoir des enfants. Ce sont des causes morales
qui, par I’influence du grand sympathique, exercent une aclion cer-
taine sur les nerfs vaso-moteurs. L’auteur appuie son opinion sur
d’ingenieuses considerations, les faits manquent encore pour en de-
montrer I’exaclltude.
3” Sous ce titre : Une question d'hygiene publique, M. le doc-
leur Lapeyrfere, analysant la thfese inaugurale de M. Georges Pen-
netler.de Rouen, s’eifevecontre Tabus enorme d’alcoolsde mauvaise
qualite qui, dans les grands centres industriels surtout, sont chaque
jourlivi-es ti la consummation. Les eaux-de-vie de grains, de bette-
rave, de pomme de terre, contiennent un acide, Tacide bulyrique,
qui se transforme en ether hutyrique. G’est ce principe volatil qui
agitsur Teconomie et Tempoisonne. Si la cause de cet empoisonne-
ment est tout enlifere dans la qualite des boissons ingdrees, n’y au-
lait-il pas lieu de la part de Tadministration 5 une intervention
serieuse? Grave question dejk posee blen des fois et qui n’a pas
rcQU encore la solution que redamait Thygifene privee et publique.
4” De I’alcoolisme, par M. le docteur Lagardelle. — D’une serie
JOCRNAUX FRANQAIS. 317
d’exp^riences qui ont eu d’ailleurs de nombreux prdc^dents dans la
science, le docteur Lagardelle a conclu : que I’alcool se comporte
dans I’organisme de certains animaux comme il se comporte chez
I’homme; — que, suivant lemode d’absorption et suivant les doses,
on peut produire diiKrents degres d’ivresse : qu’il peut, avant son
absorption, determiner quelques phenomfenes cerfibraiix, mais que
son action ne devient intense et grave que lorsqu’il est absorbe. A
propos de i’absorption, I’anteur rapporte I’opinion de Brodie, qui
compare I’action de I’alcool sur le cerveau h cede qui est le i-esultat
de la commotion on de la compression de cet organc ; suivant Brodie,
I’alcooi ne serait pas absorbe, mais il agirait sympathiquement sui¬
te cerveau par le moyen des nerfs de I’estomac. — Sans nier les rap¬
ports syinpalhiques qui lient les deux organes, le docteur Lagardelle
ne saurait admetire qu’il n’y ait 1& que des reactions sympathiques ;
i’alcool est absorb!-, et les accidents qu’il dcitermine sont d’autant
plus graves qu’il a ^td pris en plus grande quantite et que son eli¬
mination a dtfi plus lente. Nous retrouvons dans ce travail une dis¬
tinction qui nous paralt avoir une importance rdelle. 11 y a des
alcools plus toxiques les ims que les autres. Ceux qui sont les plus
dangereux sont les alcools contenant des huiles empyreumatiqnes.
M. Chevalller est de cet avis, les huiles gthdrdes volatiles ajoutent
aussi leur action ; I’absinthe est a juste titre considtiree comme one
des liqueurs les plus toxiques. Il faut tenir compte aussi des idiosyn¬
crasies, de la tolerance cr^de par I’liabitude, de cerlaines conditions
physiologiques qui activent ou retardent I’absorption. Quant i la
plus grande frequence de I’alcoolisme, de la folie alcoolique dans
les classes aisees, nous ne sommes pas lout 4 fait de I’avis du doc¬
teur- Lagardelle : il nous a loujours sembld, aucontraire,que e’etait
dans les classes ouvrieres que le delirium tremens, I’alcoolisme,
dlaient le plus commons ; cela lient 4 la fois 4 des habitudes de
desordre et 4 la raauvaise qualite des alcools ingeres. Les Idsions-
anatomiques n’ont pas ete etudides aussi compldtement qu’elles md-
ritaient de I’etre, car nous ne irouvons signaiees que la cirrhose, la,
nephrite granuleuse, le cancer de I’estomac. Il yen a bien d’aulres
que M. Lagardelle edt pu mentionner, telles que la degenerescence
graisseuse, les affections du coeur et, d’apres quelques medecins
anglais, les dilatations anevrysmales de I’aorte. La distinction gene-
rale, mais un peu trop vague 4 notre sens, de lesions nombreuses,
et variees del’estomac, du foie, des reins, des organes geniiaux,du
systfemc vasculaire, des organes des sens, etc!, ne ditpas assez. C’est
moins pourlant un reproche que nous formulons qu’un regret, ce
travail n’est gufere qu’une enumeration rapide ; on efft aime, avec:
318 REVUE DES JOURNAUX DE MfiUECINE.
des vues jusies sur la plupart des points, i rencontrer un dSveloppe-
meni plus complet. L’^tude sur la dipsomanie, qui termine cet
article, ne conlient rien de nouveau ; quelques fans, sur lesqiiels
insiste M. le docteur Lagardelle, ne different en rien de toutes les
observations connues ; les conclusions qui rattachent la dipsomanie
aux alienations mentales seront accept^es de tout le monde. 11 y a
dejci longtemps que les principaux traites de cette affection ont ete
deflnitivement fixes.
5“ Des deeds chez les aliinis et des moyens de les reslreindre.
— M. Berthier resume les prescriptions les plus importanles
pour I’hygiene des alienes. II fait observer, avec raison, que ia
moi'talite dlminue sensiblement dans les asiles bien instaliesj oil
Tagglomeration des malades n’est pas irop Considerable, L’encom-
brement, tel est en effet aujourd’hui Tune des causes les plus actives
de I’augmentation de la morialite. Toutefois, pour gtre juste, ilfau-
drait tenir compte surtout de la forme de la maladie. Une affection
qui est, de I’aveu de tous les medecins specialistes, beaucoup plus
commune aujourd’liui qu’autrefois, la paralysie geuerale, se termine
fatalement par la mort, dans une pdriode de dix-liult mois it deux
ans. Si I’on pent, ii I’aide de soins atteniifs, prolonger la duree de
la vie, on n’est pas encore arrivd b la gu^rison, et quoi qu’on ait
fait, on n’arrete jamais les progrfes d’un mal qui se termine par la
ddch^ance complfete des forces physiques et Intellectuelles. M, Ber¬
thier n’a pr^sentd, dans cet article, que des considerations generales;
il n’a pas voulu enlrer dans les details, ni aborder la question de la
pathologie speciale des alienes ; c’efft ete la un des Cotes les plus
interessants de la question de la folie. Ce qui ressort de son travail,
e’est que les conditions hygieniques dolvent elre, de la parr des
medecins d’asiles, I’objet des plus constantes preoccupations. Tout
le monde est d’accord sur ce point. M. le docteur Berthier a insiste,
avec raison, sur des propositions auxquelles on se rallie volon tiers.
6” Amnisie de I’dcriture avec conservation de la parole a la suite
d’un epanchement sanguin dans I’heniisphere cerebral gauche, par
le docteur Van den Abeele, de Bruges, page 614. — Cette obser¬
vation est mallieureusement un peu trop concise. Tout ce qui ap-
pariientai’accident hemorrhagique est nettement determine; mais
elle manque de precision dans les details relalifs a I’amnesie de
recriture. On y trouve cependant, comme fait extremement interes-
.sant, la possibllite de tracer d’abord isoiement, puis de grouper en
mots les letlres de I’alphabet, avec impo.ssibiiite absolue de pro-
noncer le mot, dont la signiffcatiou etait compietemeiit perdue.
L’observation ne dlt pas ce qu’etait la parole spontanement draise.
JOUBNAUX FRANgAIS. 319.
1,1 semble qu’elle devait fiire conseryde d’aprfes le litre mfime de
robservation ; mais il n’en est pas fait mention. Elle est done a com-
pldter.
7“ Paralysie rhicmatismalc du muscle droit externe, datant de
troismois; guerisonrapide par le phosphor e. — Cette observation,
publide par M. le docteur Tavignot, merite d’dtre signalde. II s’agit
d’un borame de trente-deux ans, rhumatisant depuis irds-iong-
temps. Ce malade contracte la syphilis, et des druptions caracldris-
tiques se montrent dans divevses regions. Un matin, cn descendant
de ses bureaux, M. P. s’aperqoit qu’il volt double; son mddecin,
comiaissant ses antdeddents, supposa qu’il avail li trailer un acci¬
dent sypliilitique; la mddication spdeiale resta sans effet, bien
qu’elle edt did consciencieusement suivie pendant trois mois. M. le
docteur Tavignot fut alors consulld; il prescrivit des frictions sur le
front et la trempe droiie avec le liniment suivant ; hnile d’amandos
donees, lOQ gr. ; naphte, 25 gr.; pliosphore, 25 centigr., et des pi¬
lules, it la dose de deux, puis de quatre par jour, donl void la for-
inule : huile d’amandes donees, 8 gr.; pliosphore, 10 centigr ; faiies
dissoudre dans I’huile chaulTde a ii5 degrds, et ajontez beurre de
cacao, 8 gr. hO centigr., poudre de guimaiive, 18 gr, pour 100 pi¬
lules. Sous rinlluence de ce traitement, la diplopie disparut dans
moiits de trois semaines; les laches dans les regions oil avail (ltd
appliqud le liniment s’eiTaeferent aussi, et six semaines environ apres
le ddbut du traitement, lagudrison put Otre considSrtSe comme ddli^
nitive.
Nous avons pensd qu’il dlait utile de rappeler ce fait, autant il
cause de rinldrd qu’il prdsenlait par lui-mfime, qiie du mode d’ad-
minislralion du phosphore, agent difficile it manier, et qui, dans ce
cas, ne produisitaucun accident du cOtd des voies digestives ou des
organes gdnilaux.
8" De I’ivresse, par le docteur Lagardelle, page d86. — Allude
sur les symptOmes de I’ivresse ; trois degrds principaux :
I'” degrfi. — Excitation g^nerale, sans desordres dans les fonc-
lionSj e’est it propreraent pat ler I’dbridte.
20 degrfi. — Ivresse forte, avec troubles de Tinlelligence, de la
sensibilite, de la molilitd. Les hides sont diffuses, ddsordonndes,
incoherenles, illusions et hallucinations de rouie,de la vue; verliges
et chutes. Vomissemenis, incontinence des urines et des raatibres
fdcales. — Prostration des forces. — Anesthdsie.
3' degrd. — Ivresse comateuse, pouvant conduire rapidement it la
mort. llalentis-sement de la circulation, altdration du sang, slases
veineuses. Apoplexies mdningdes. M. le docteur Lagardelle signale
320 REVUE DES JOURNAUX DE MEdECINE.
aussi les variStfis que prgsente I’ivresse suivant les terapfiramenis,
les habitudes des sujels, et laqualitd des alcools ing^r^s.
9° Etiologie du goitre, par M. le D'' Bergeiet (de Saint-L^ger).
— Ce travail, rdsiiltat d’line observation de dix ann^es, contientdes
viies tbSoriques et pratiques sur le goitre et le crdtinisme endS-
miques, dans la valine de la Dheune. M. le docteur Bergeret est
arrivd h la conviction que les sulfates de chaux et de magndsie lenus
en suspension dans les eaux, sont la cause du goitre. L’dtude des
eaux dtait done le fait capital, et I’analyse chimique & laquelle elles
ont dtd soumises a 6tabli, de la raanibre la plus nette, la plus con-
stante, la presence de sulfates calcaires et magndsiens. — L’examen
topographique a dtd fait avec le plus grand soin, et ladisposition des
couches, dans un terrain d’alluvion, a dtd dessinde dans une carte
qui sert ii la fois de plan et d’explication pour tons les ddtails gdolo-
giques. — La vallde de la Dheune est riche et fertile, ses habitants
n’y sont plus exposes comme autrefois a des eflluves mardcageuses,
aucune cause d’insalubritd n’y rdgne, et pourlant a Saint-Ldger appa-
rait le goitre. Pour rendre sa description plus claire, M. Bergeret
dlvise le paysqu’il veut dtudier en quatre zones, dont trois goitreuses
a des degrds dilldrents, et une autre qui ne I’est pas du tout.
Nous ne pouvons pas suivre I’auteur dans tons les ddtails gdogra-
phiques qu’il donne a I’appuidesa thdorie ; nous la rdsumerons en
quelques mots : partont ou les eaux de pliiie s’inliltrent dans la
montagne, elles ont a traverser une couche de sulfate de chaux peu
compacte, et qui laisse sourdre les eaux a des altitudes diffdrentes ;
toutes les fois que ces eaux sont destindes aux usages domestiques,
le goitre apparait ; si les eaux rencontrent, comme dans le voisinage
du Creuzot, par example, des sables qui ne sont que des silicates de
chaux neutres, ou encore des glsements de fer, I’affection devient
moins commune. Ce fait parait surtout ddmontrd par I’absence de
goitreux dans Tangle sud de la vallde, ou les montagnes sont mind-
ralisdes par un schiste lamelleux, du grfes, et plus profonddment par
de la houille; un seul point gypseux a dtd constatd dans cet angle,
et chose curieuse, autour de ce point reparaissent les goitreux. Pour-
suivantses analyses, "M. le docteur Bergeret a cherchdsi, dansd’au-
tres rdgions, il ne rencontrerait pas des eaux gypseuses, et le goitre
comme consdquence. Sesouvenant du travail de Macario sur Tin-
lluence du cliniat de Nice, il explore le littoral du ddpartement des
Alpes-Maritimes, et il rencontra sur plusicurs points de la c6te des
goitreux. Les eaux y sont chargdesde sulfate caicaire; mdmes obser¬
vations dans le Valais, a Saxon. Un banc dnorme de sulfate de chaux
occupe au moins 8 it 9 kilometres d’dtendue. Au-dessus de lui, pas
JOURNAUX FRANQAIS.
321
un gotireuK; au-dessous,t)resqne loiis les habil.mis snnt airectAs; jus-
qu’en 1835, les eaux que biivalent les habitants venaient tomes du
torrent ; depuis celte dpcque, pour ne jamais manquer d’eau, on
canalisa, et Ton fit deseendre dans la vallde des eaux prises au-dessus
du banc de piaire, et le goitre a diminue de frequence. — Toutes
choses dgalcs d’ailleurs, riiypertrophiethyroidiennese montreplutOt
chez les individus lymphatiques, strumeux, que chez les gens ro-
bustes et 5 tempdrament sanguin. Ces propositions semblent un pea
absolues au premier abord, et pour quiconque a etudie la question
du goitre et du crdtinisme, il semble qu’il y ait lieu de ne les ac¬
cepter qu’avec une certalne rdserve. M. le docteur Bergeret n’a pas
voulu dire cependant que la presence des eaux gypseiises dans une
contree fdt la seule cause du goitre, 11 reconnalt sagenient qu’il existe
d’autres conditions qui favoriscnt le ddvfiloppement de la maladie;
toutefois, il ne pent s’empdcher d’accorder une influence considd-
rable aux sulfates calcaires et magndsiens, et d’afflrmer qu’on doit
les trouver partout ofi le goitre et lecrdtinisme sont enddmiqucs. —
Quant au traitement, quant a la rapiditd avec laquelle disparaitiait
I’alfection, une fols la cause enlevde, nous ne saurions dtre aussi
convalncus que M. le docteur Bergeret. Nous n’avons pas vu les
choses se passer aussi simplement; nous ne voudrions pas cepen¬
dant critiquer trop vivement un travail qui nous parait conscien-
cieux, et prdpard dans les conditions les meilleures d’observation.
D"' Motet.
TRAVAOX DIVERS A CONSULTED DANS LES RECDEILS PfiRIODIOUES.
(Annee 1865.)
1“ De I’emploi de I’acide phenique dans le traitement des uloeres phagd-
deniques survenant chez les alienes malpropres. — Observation lue a
la Societe des medecins de I’Isere par M. Barrion , interne a I’asile
de Saint-Robert.
Une plaie ulcdreuse, dtendue et profonde, rdpandant une odeur
infecte et contrc laquelle on avail Inutllement employd les moyens
usitds en pared cas, fut gudrie au moyen de pansements fails avec
de la charple imbibde d’une solution composde de 1 gramme d’a-
cide phdnique cristallisd, 3 grammes d’alcool et 900 grammes
d’eau. {Bulletin midical du Dauphine, 1865, p. 318.)
2“ Crises epileptiformes et vomissements bilieux intermittents produils
par la privation de tabac a fumer. — Observation par le docteur
Pascal.
Les accidents disparurent dts que le malade eut repris I’usage
ANNAL. HiD.-psvcii. 4“ sdric, t. IX. Mars 1867. 9. 21
REVUE DES JOURNAUX DE MfiDECINE.
322
de la pipe qu’il avail dfl discontiiiuer en entrant an convent de la
Grande-Chartreuse. {Bulletin medical du Dauphine, 1865, p. d73.)
3“ Quelques cas de paralysies incurables ou temporairos, survenues dans
le oours ou pendant la convalescence de maladies aigucs aulres quo
la diphtherie, par le docteur Surmay.
(Bulletin midical de I’Aisne, 1866, n" 1, p. 2^.)
li° Note sur le traitement du delirium tremens au moyen du tartre
slibie. — Cinq observations de traitement suivi de guorison rapide,
par le docteur Desprez.
(Idem, p. /i8.)
5“ Observation de delirium tremens traild avec succes par le tartre stibid
a haute dose, par le docteur Desprez.
(Idemj n" 3, p. 17.) L. L.
JOURNAUX ALLEMANDS.
Cori-os|ion<lcn!r.-»lntt (1).
Analyse par le docteur EiiTZBiscnoFr.
Annde 18G1.
SoMMAlRE. — Pathologie et therapeutique des affections mentales basdes
sur I’anatomio physidlogique, par Schroeder van der Kolk. — Obser¬
vations thdrapeuliques sur I’dpilopsie, par Skoda. — Diagnostic de la
manie aiguo et de la lypemanie aigue, par Otto de Rudolstadt. —
Alienation mentale cbez les enfants , par le docteur Berkham (dc
Brunswick). — Influence de la lumiere sur la guerison des affections
mentales, par le docteur H... — Des injections sous-cutandes, par
Erlenmeyer. — Des alterations des fonctions psychiqu'es au point de
vue juridique, par Otto de Rudolstadt. — Mdlancolie cataleptiquc,
par le docteur Kelp.
On pent regarder ScUrmdei’ van tier Kolk, rdgdndraleur de I’alie-
naiion mentale dans les Pays-Bas, comme un auteur allemand, car,
outre plusieurs voyages scientifiqiies accomplis en Allemagno, il y
avail fait traduirc tous scs aulres ouvrages. La mort vint le Trapper
(1) Voy. Annales mddico-psychologiques, 1865, t. Vl, p. 263.
JOHRNAUX ALLEMANDS. 328
sans lui laisser le temps de metire la dernifere main a celui que nous
nous proposons d’analyser.
C’est done une rauvre posthume dont nous devons la publication
a son dltve Hai'tseu et la tfaduction en allemand au professeui'
Tlieile.
Sans parlager cerlaines maniares de voir de I’auleur, sans ad-
meltre avec lui les effets probldmatiques de I’inflainmation de la
moelle allongiie qu’il invoque beaucoiip trop souvent^ sans fitre,
enlin, pai'iisan de ceite thfirapeutique barbare, les saigndes, les
veniouses, les moxas et les sfitons, on ne peut cependant mficon-
nailre dans cet ouvi-age d’excelleutes recherches anatomo-physiolo-
giques et pathologiques.
II est divisa en deux parties.
Nous ne nous arr6terons pas a la premiere qui traitc de I’anatomie
physiologique du cerveau. Il est toutefois impossible de passer sous
silence le rOlc important que van der Kolk fait jouer a la glande
thyroidienne dans la circulation caiabrale. II la regarde comme un
diverticulum, un reservoir destinS a diminuer I’afllux sanguin trop
considdrable vers le cerveau. Par cela raSme, ajoute-t-il, sanspour-
tant en tirer la conclusion que le erdtinisme en soit une consequence,
il n’est pas invraisemblable qu’un goitre, recevant beaucoup de
sang au prejudice du cerveau, en empfeche le ddveloppeinent, ou,
du moins, en diminue I’activitd fonctionnelle.
On remarquera particuliferement I’article qui traite de I’inflam-
malion de la dure-rafere, nide par Andral et rencontrde une seule
fois par Abercrombie. I.’autcur en retrace la symptomatologie et
cite des cas de gudrison.
L’introduction a la seconde partie se rdsume en ces quelques
mots : le bon sens et la connaissance de Hiomme, dans le traite-
ment de I’alidnation mentale, sont de meilleurs guides qiie beaucoup
de ilidorios et d’exemples.
Van der Kolk passe ensuite a la classification, et,quoiqu’il ne re-
jette pas compldlement les ddnominalioiis de manie, de mdlancoiie
et de ddmence, prdfdre la division, selon lui plus pratique, en folic
idiopathique et folie sympathique.
La folie idiopathique est ou aigue ou ebronique. Dans la forme
aigue, les maladcs sont atteints de mdningite aigue, affection que
Ton doit combaltre, selon lui, parlesanliphlogistiquesetsurtoutpar
les ventousesk la nuque, Tres-souvent les vdsicatoires, au lieu de
faire naitre le calmc, produisent I’eUet contraire. L’auteur precoj-
nise le tartre stibid et rejette les acides ainsi que les narcotiques.i
Au sujet de la folie idiopathique chronique, il enlame son theme
3-24
KEVUE DES lOURNAUX DE MfiDECINE.
favori snr la moclle allongge. L'inilammatioa ou la congestion de cet
organs, qui se reconnaissent Time et I’antre par line donleur i la
pressioii an niveau des vertfebres cervicales, sont la cause de celle
affection et de la constipation qui I’accompagne frequemmcnt.
li a encore recours dans ce cas aux aniipiilogisliques, aux rd-
vulsifs locaux, el, a I’intdiieur, an tartre stibiii et au sulfate de
cuivrc.
Les ballucinaiions de la vue et de I’ouie, complicalions facbeuses,
tiennent a une congestion des nerfs optiques ou des tubercules qna-
drijunieaux. Ils cMerit a I’emploide derivalifsa la nuque.
Dans la folie sympalhique, il y a une congestion nerveuse du cer-
veau. On trouve le plus souvent des alldrations du cdlon, des rdti'd-
cissemenis, des ulcerations, des inflammations et des allongemenis
deja signalds par Esquirol et Morgagni.
Les affections des voies respiratoires sont egalemenl en correlation
intime avec les affections cerdbrales. 11 n’en est point de mfime des
affections du coeur. L’hypertropbie et les lesions valvulaires amfe-
nent plutbt I’apoplexie que la folie, et, si on les trouve cbez les aiie-
nes, il faut les attribuer a I’etat d’agitation des malades.
Les lesions du c61on donnent naissance a une folie sympathique
qui est caracterisee par riiypochondrie. L’auteur dirige le traitement
sur le cdlon lui-meme, lout en ne perdant pas de vue la moeile al-
longee, et propose I’emploi de I’aloes associe au sulfate de cuivre.
La folie dependant des lesions des organes genitaux, a c6ie de la
depression et de I’bypochondrie, engendre des idees mystiques que
rauteur attribuea ronanisme.Combatlre les hemorrhoides et les ha¬
bitudes de masturbation par les moyens appropries : tel est le trai¬
tement que Schroeder preconise.
Les observations recueillies sur les cas de folie tenant a des affec¬
tions des voies urinairessontexcessivement rares; aussi I’auteur ne
fait-il que les signaler en passant. Il arrive ensuite a la correlation
de la folie avec les affections pulmonaires, question dont il s’est
ddja occupe plus haul, et il ajoute que la phthisie laryngde se pre¬
sente aussi cbez les aliends. La phthisie pulmouaire alterne souvent
avec la manie ou la meiancolie, et la manie se developpant dans le
cours d’une phthisie .semble etre, suivant lui, le symptdme d’une
affection du nerf vague ou de la moeile allongee. Mais ce passage
de la folie a la phthisie, et reciproquement, nese presenle pas tou-
jours, et la phthisie revGt a c6te de la meiancolie la forme galo-
pantc qui amfene rapidement la mort du maiade.
La manie intermittente est toujours d’un pronostic facheux et de¬
note une lesion pro/onde do systfeme nerveux que Ton combat
JODRNA.UX ALLEMANDS. 325
diflicilement avec la quinioe ou la teinture de Fowler. Van der Kolk
conseille encore les veniouses h la nuque et les s^toas, et, a I’int^-
rleur, le tartre stibid ou la digitale. II termine par un aperqu sur les
effels thdrapeutiques des nervins et des narcoliques, parle de I’ln-
toldrance de certains estomacs pour le camphre, dnumdre les bons
effets de Topium dans la mdlancolie anxieuse, ainsi que de la mor¬
phine employde seule ou associde au tartre stibid, et dit un mot de
la belladone et de la stramoine.
Enlin 11 cite, en passant, I’emplol du chloroforme dans I’hystdrie
et de la digitale dans les cas oil I’dmdlique n’est pas supportd ; il est
parlisan des bains prolongds prdconisds par M. Erierre de Boismont.
On est arrivd, en dloignant les causes qui peuvent provoquer ou
hater les accis d’dpilepsie, en observant les lois d’une hygiene bien
entendue, a diminuer les paroxysmes de ces accds, quelquefois mdme
a les faire cesser compldtement. Mais le plus souvent, on est rdduit
a demander aux mddicaments ce qu’on ne saurait obtenir par d’au-
tres voies.
Au sujet de ces diffdrenls mddicaments et de leur eflicacitd rela¬
tive, nous tfouvons dans le Journal medical de Vienne les observa¬
tions tbdrapeutiques de Skoda.
Cette feuille, aprds avoir parld de la quinine dont elle fait ressortir
les excellents effets dans la pdriodicitd des accds, dans les cas d’d-
clampsie et de convulsions chez les enfanis, signale les rdsultats
ndgatifs de la saignde et de I’emploi de la digitale dans I’dpilepsie
qui vient a la suite d’une affection cardiaque intermiltente. Ensuite,
a propos de la mixhodt per turbans nl con f undens dans les acc6s rd-
pdtds, elle cite I’emplol de I’dmdtique. Et puis, passant aux nervins,
elle s’dtend sur I’emploi de la diciame blanche, de la rue, de I’ab-
sinthe et de I’armoise.
EnBn elle arrive aux narcotiques et dnumfere les effets du lauda¬
num, surtout dans les accds produits par une peur subite ou une
frayeur prolongde, et plus particuliferement de I’atropine, qui, a elle
seule, produit plus de rdsultats que tous les autres mddicaments.
Mais comme les effets de ce remfede varient suivant le tempdra-
ment de chaque individu, et qu’il importe surtout de donner chaque
jour la mdme dose, il faut, dit Skoda, trouver la dose qui convient
a chaque tempdrament et obtenir ensuite une soluiion d’une appli¬
cation facile.
Pour parer a tous les inconvdnients qui peuvent rdsulter de
I’emploi de ce mddicameni, Skoda fait dissoudre 5 centigrammes
d’atropine dans 500 goulles d’alcool. On doit administrer aux aduites
326
REVUE DBS JOURNAUX DE MfiDECINE.
10 goultes par jour de cetle composition, en deux fois ; on con¬
tinue ia meme dose pendant irois ou quatre jours en I’augmentaiit
ensuite gradueliement, s’il rie snrvient point d’accidents. Mais, d6s
qu’on observe une certaine dilatation ties piipilles, ou tin chatouille-
ment de la gorge chez le malade, il fnut cesser I’etkiploi dii medica¬
ment pour le rcprendre aussitOt api-Ss la disparition de ces sym-
ptOines.
Deux an'eciions qui prdsenteht ordinairement des caract6res totit
a fait distincts, ia lypemanie algue et la manic aigue, ont ccpen-
dant quelquefois entre elles une telle analogic, qu’il n’est point rare
de prendre souvent au premier aspect pour des maniaques certains
malades agitgs, loquaces, turbulcnts etqiii, en realitd, sont atteinis
de lypenianie.
La distinction 5 dtablir entre ces deux cas est le snjet d’un md-
moire dll docteur Ottode Rudolstadt.
Dans la mdlancolie algue, I’angoisse est le pivot autour duqiiel
vieiinent se grouper toutes les conceptions ddlirantes du malade ; une
gaietd anormale est au contraire le caractdre essentiel de la manie
aigue.
Ces deux alfections sont ie rdsultai d’uii trouble des sensations;
mais tandis que Tune entraine la gaietd i sa suite, I’autre s’entoure
de la plus profonde tristesse. L’agitation est tin caractdre com-
mun a toutes deux; seulement, dans la manie, cette indme gaietd
d’ou proviennent Tagitation et la loquacitd est le mobile institictlf
qui guide le malade, tandis que, dans la lypdmanie, les fausses
perceptions, qui prcnnent leur source dans une angoisse continuelle,
agissentsur la volontd, prdsldent alors & ragitation et commandent
le ddlirCi
En un mot, dans la manie, I’agitatiou est instinctive, et elle est
voiontaiie dans la lypdmanie. La manifestation de la volontd se re-
marque aussi chez les maniaques, mais elle y est toujours moins
accentude que cliez les mdlancoliques oft ragitation atteint paifois
les proportions de la fureur la plus intense.
L’alidnation inentale chez les enfants, quoique rare, se prdsente
ndanraoins plus frdquemment qu’on ne Ic pense.
Diversement mise en doute autrefois par les uns et regardde par
les autres comme une exception d la rfegle, elle est gdndralement
admise aujourd’hui.
Dependant elle est encore souvent mdconnue, el, I’on prend soit
pour de I’entdtement, des bizarries de caractdre ou des dcarts de
JOORNAUX ALLEMANDS. 327
jeunesse, ce qui n’esl en r(5alitS que de I’alidnation. En scrutant les an¬
tecedents des malades de nos asiles, on Ifouve que plusieurs d’entre
eux ont die aliengs dans leur jeune age ; on voit vaquer A leurs
occupations Journaliferes, tout en consei'vant quelques traces des
conceptions deiirantes qui ont caractedsd I’affection psychique dont
elles avaient dte alteintes dans les premiferes annees de leur vie, des
personnes vivant au milieu de la societd el que leur entourage ne
regardait point comme alidndes.
Celle maladie se prdsente sous les quatre formes suivanles :
1° La mdlancolie qiii eniraine qitelqiiefois au suicide;
2“ La manle qui prdsenie les mSmes symptOmes quechez Tadulte.
3“ One troisidme forme qni consiste dans nn dtat liallucinaloire.
L’auteur de ce mdmoire, le docteur Berckharn, rapporle uiie ob¬
servation qii’il a faite siir ce dernier cas : c’est tin enfant de irois
ans chez lequel 11 a coiisiatd line hallucination de i’ouie, etil ajoute
fort judicleUsement qu’il lie faui altiibuer qu’ii Page peu avancd de
cet enfant I’absence compldle d’aiitres symptbmes ddlirants.
d" Enfin la quatrifeme forme se caracldrise par Pimbdcillitd suite
de manie on de mdlancolle, ainsi que Pimbecillitd et Pidiotie accom-
pagndes d’excltation maiiiaque.
L’autenr, dans uli deuxifeme chaplire, rduiiit ml grand nom-
bre de cas dpars dans la science et constitue ainsi line bibliographle
assez cbraplfcte tr6s-iitile poitr Pdtude de cette affection.
Nous nous bornerons a leS reproduire sans cnlrer toutefois dans
les ddtails dont il a fait suivre ses observations.
Le docteur Berckbam cite en premifere llgne, et comme dtant les
plus anciens, deux cas consignds dans les archives de Pasile de
Brunswick dont it est le medecin. Le premier, remontant k Pannde
1750, concerne une jeune fille de onze ans atieinte de mOlancolie.
Le second se rapporte 5 un garQon de dix ans atteint de la mOme
affection. Tous deux gudrit'ent, grace 5 un traitement alorsen vogue,
le petit-lait.
Nous avons lieu d’etre surpris que le docteur Berckharn n’ait point
recueilli d’observations remontant a une dpOqUe plus reculOe. Ce-
pendant PAllemaghe, sabs compter la Prance, aui'ait pu eil fourhir
plus d’une. Ainsi, au x“ et au xiii" sifecle, On voit, sous I’impres-
sion d’une surexcitation rcligieuse maladive, se former des ras-
seniblemenls d’enfants qui abandonnent leur famille et leur patrie
pour faire le peieriuage de la terre sainte.
En 1609, les enfanis du pays de Labourd, ou regnail alolrs Une
epidemie de demonoiatrie, furent atleihts d’hallucinalions, de Irahs
ports exlatiques et autres.
328 REVUE DES JOURNAHX DE MCDECINE.
Nous pourrions encore ciler plusieurs fails du ni6mc genre qui
sonl relaliis dans I’ouvrage de M. Calmeil.
Greding (1), dans ses melanges, parle d’un enfant agd deneuf
mois qui dtait siijel ii des accfes d’agilalion. Admis ii yValdcnlieim,
il y mourut d’inanilion lors de la premiere dentition.
Perfect (2) a observd un cas de mdlancolie cliez un garqon de
onze ans, qui gufirit au bout de quatre mois.
Haslain (3) fait menlion des deux cas suivants : une bile Agile
d’un peu plus de deux ans atteinte d’alidnalion avec accoinpagne-
ment de convulsions et d’agitation ; un garcon de deux aiis, jouissant
d’une excellenle santd physique et qui fut pris, sans cause connuc,
d’agitation maniaque.
Vering (4) dit qu’une jeune fille de douze ans devint indlancolique
a la suite d’une vive frayeur.
Vogel (5) rappelle une jeune fille de onze ans qui, (Sgalement lx la
suite d’une vive frayeur, fut prise tout a coup de I’idde Dxe de tuer
sa belle-mare a laquelle elle atait cependant tras-allachae.
Dans le service de Berends (6), a Berlin, se trouvait, en 1821, un
garcon de onze ans que les privations et I’isolement avaient rendu
maiancolique. II gudrit apras deux mois de traitement.
Rush (7) parle de deux enfants Agds, I’un deonze, I’autre de sept
ans, atteinls tous deux d’alianation.
Esquirol traita un enfant de huit ans atteint de manie survenue a
la suite d’une fiavre typhoTde. 11 .soigna encore une autre enfant
agde de onze ans qui atait maiancolique et sujette a des hallucina¬
tions de la vue et de I’odorat.
Koville (8) a fait des observations sur un gargon de dix ans atteint
de manie a la suite de lectures, ainsi que sur une jeune Olle de sept
ans devenue maniaque a la suite de la petite vdrole.
Pignoco (9) a observd la manie chez un garqon de huit ans.
Guislain (10) cite une jeune fille de sept ans atteinte de manie a
la suite d’un coup qu’elle avait requ sur la tfite.
(1) Conf. Vering psych. Heillc., II, 2. Leipzig, 1818.
(2) MerkwUrd, Fall, d, Wahnsinns. a. d. Engl. Leipzig, 1794.
(3) Obs. on Madn, Ed. 2“. London, 1809.
(4) Psych. Heilhund., II, 2. Leipzig, 1818.
(5) Rust's Magaz. , XII, 1822.
(6) Rut's Magaz., XIV, p. 78.
(7) Med. unters. u. Beob. iib. Seelenkr. Leipzig, 1825.
(8) Diet, de m6d., 1829.
(9) Obs. sul. alien, ment. Palermo, 1841.
(10) Phrenop. a. d. Franz, v. Wunderlich. Stuttgart u. Leipzig,
JOURNAUX ALLEMANDS.
3.29
Zeller (1), dans son rapport sur Wlnnenthal, — 1840-1843, — fait
mention d’lin gargon de neuf ans atteinl d’abord de mdlancolie et
de manie, et qui finit par tomber dans une espfece de ddmence.
Sloll (2) .rac.onte riiistoire d’un enfant aliiin^ : bien portanl jus-
qu’i rage d’un an, il fut pris de convulsions, puis de manie a la suite
de la vaccination, et succomba sous I’effet de ces convulsions a I’age
de hiiit ans.
Fr. Engelken (3) parle d’un enfant de dix ans qui fut atteinl de
cliorde a la suite de I’extraclion d’une dent. Cette n^vrose se coin-
pliqua bientOl d’un d^iire qui ceda a radministration de I’opium.
Un autre enfant deonze ans atleint d’alidnation compliqu6e de cho¬
ree gu^rit sous I’influence du meme traitement.
Dans sa polyclinique, Romberg (4) cite une enfant de six ans qui
dtait en proie a une manie furieuse.
Le Journal de midecine psychologique de Forbes Winslow (5)
relate le cas d’un enfant de six ans qui fut pris de convulsions pen¬
dant la dentition et plus tardde manie furieuse, et qui gu^ritcependant.
Parmi les observations faites par Roesch (6) sur des enfants alteinls
d’affeclions psychiques, on remarque celle d’un gargon de onze ans
qui se suicida, et celle d’une jeune fille devenue sourde-muette a la
suite de convulsions et qui tomba clans le ddlire. Des bains chauds
et des soins attentifs amenferenl son r6 lablissement au bout de six mois.
Elle eut plus tard une rechute dont elle gugrit dgalement.
Ideler (7) fait mention d’une fille de onze ans atteinte de m^lan-
colieet dont la tate avail un volume un peu exagdre. Des douches,
des sdlons, ainsi que I’emploi del’gieciropuncture, ramenferent cctte
jeune fille a son atat normal apr^s deux ans.de traitement.
Ch. West (8) raconte qu’une jeune fille de douze ans devint, lout
a coup et sans cause connue, capricieuse et entet^e ; sa fureur ue
connaissait plus de homes lorsqu’on ne la laissait point approcher de
sa mfere. II lui dtait impossible de res ter en place ; elle coUrait sans
cesse a la garderobe pour avoir des selles. Elle mourut deux ans
aprfes I’apparition de ces symptbmes, sans que son dtat eflt subi au-
cune amelioration. Dn autre enfant de neuf ans atteinl d’epilepsie
(1) Allg. Xeilsehrifl f. Psychiatr., 1843.
(1) Med. Jahrb. d. Oesterreich. Staades, 1844.
(3) Allg. Zeitschr. f. Psychiatr., V, p. 373.
(4) Deutsoh. Klinik, 1851.
(5) Conf. Allg. Zeitschr. f. Psychiatr., VlII, p. 380.
(6) Beob. iib. d. Cretin, von ROsch. Tubingen, 1851.
(7) Ann. de charitc. Berlin, 1853.
(8) Journal f. Kinderkrankheil. , XX.11I, 1854, et XXXV, 1860.
330 REVUE DES JOURNAUX DE MflDEClNE.
fut pris d’acces de manie aigue ct dut 6tre cnvoyiS a I’lidpital. Un
troisifeme, agd de huit ans, h la suite de convulsions, olTrit lous Ics
caracifires de ralidnalion et se fit surtoiit remarquer par un penchant
a tout d^truire. Un dernier cnfiii, agd de cinq ans ct atteint de md-
lancolie, mourut seize jours aprfes I’invasion de la inaladie.
Schubert (1), dans le Correspondenz-blatt, signale chez une jeune
fille de prds de trois ans, parfaitement constiluee et trfes-iiitclligente,
un cas d’hydrophobie aigue suivie de delire maniaque ct d’dpilepsie.
Elle mourut dans un accds d’dpilepsie.
Guntz (2) trace I’histoire d’un enfant dont la lypdmanie recon-
naissait pour cause rhdrddild, ainsi que des cxcfes de travaux intel-
lectuels, et qui rccouvra la santd aprts un an de traitcmeiit.
M. Morel (3), entre autrcscas d’alidnationobservdschez desenfantS;,
cite celui d’un gargon de onze ans qui fut atteint de cliorde et de
manie aigue a la suite de rdpercussion d*une affection du cuir che-
velu. Une fille de dix ans, trds-intelligente, sous le coup d’une vlve
fraycnr, fut prise de convulsions, de perte de la parole et d’accds
d’dpilepsie. Un autre enfant de cinq ans prd.senta Ics mfiines sym-
ptbmes, sans toutefois les attaques d’dpiiepsie.
Gi'iesinger (Zi) dit qu’il a observd la manie chez des cnfabts de
six, sept, neuf et dix ans ; le ddlire aigu accompagnd d’dpilepsie chez
un gaiQon de cinq ans, et la folie simple chez un autre gargon de
dix ans.
Erlenmayer relate le cas suivant : Un gargon de dix ans, dlfeve de
sixifeme au gyinnase, fut pris, sans aucune cause connue, d’halluci-
nations qui disparurent au bout de huit jours.
Le docteur Prichard (5) fait mention d’un fait qui lul a did com -
muniqudpar unemployddel’asile de Glocesler. Une jeune fille agdede
sept ans et qui comptait dans sa famille plusicurs membres atleiiits
d’alidriation mentale, tres-douce, trds-intelligente et qui, jusqu’alor.s,
avail fait la joie de ses parents, devint tout a coup grossiere, irrita¬
ble et refusa la nourriture qui lui dtait oll'erlc. On la vitprdfdrer le
sol humide au lit dans lequei elle couchait d’habilude, recbercbant
les crudites, mangeant ses e.xcrdments, biivant son urine, frappant
les personncs qui I’entouraientet serdjouissanlensuite dumalqu’elle
pensait avoir fait. Get dial dura deux mois.
(1) 1858, n” 15.
(2) Zeitschrift f. Psychiat., XVI, p. 215.
(3) Traile des maladies menlales. Paris, 1860.
(4) Palhologie et Iherapeulique des affections mentales, 2' edition.
(5) Treatise on Insanity by Prichard. London, 1835.
331
ldUKNA.UX AILEMANDS,
Marc (1) cite un cas livrd a la publicity par Parcnt-Duchatelet :
c’est celui d’une jeune fille de huit ans adolinge a la masturbation,
et dont les sentiments affectifs avaient siibi une perversion com-
pl6te. Elle ne conservait plus aucune espace d’attachement pour ses
parents; sa grand’mbre, par qui elle avalt aid dlevde, dtait I’objet
de'la meine repulsion, et on I’entendit souvent dire qu’elle la tue-
rait volontiers pour obtenir ses veiements. Au reste, toutes ses
functions s’exdcutaient d’une faqon normale. Peu a pen cette jeune
lille reclierclia le travail, ses iddes disparurent et il ne lui resta
plus qu’une sorte de tristesse habituelle,
Jacobi (2) raconle qu’a I’dtablissement de Siegburg se trouvaient
deux enfants de neuf ans attaints de manie aigue.
M. Brierre de Boismont (3), dans son travail sur I’alidnalion
mentale cliez les enfants, parle d’une fdle de sept ans qui dtait
sujelte a des hallucinations de la vue, sans autres traces de ddlire,
et d’un garQon de six ans, qui rdclamail sans cesse iin couteau pour
liter les personnes qui I’entouraient.
En 1842 (4), Un enfant de six ans fat admis a Bedlam-IIospilal.
11 dtait sujet a des accds d’agitaiion pendant lesquels ii ddchirait
ses habits et cberchait a mordre et a frapper tons ceux qui I’appro-
chaient. Get dtat dura six mois et la guerison arriva apr6s un trai-
tement de vingt mois.
John Mislar (6) public une observation iras-intdressante faite
sur un enfant de six ans. Issu de parents plus ou moins excen-
triques, ce gaiQon se fit remarquer de bonne heure par une grande
vivacitd de caraciftre qui, a la moindre contrariety, dygyndrait en
convulsions suivics de coma. II fuyait les caresses, y rdpondait par
des acles de violence et ne paraissait tenir aucun compte des amu¬
sements que reclierehent les enfants. Sa soeur diant venue a mou-
rir, il mit le feu au berceau dans lequel reposait le cadavre. Quoi-
que dotid d’un appyiit ddvorani, il refusait de manger en prtisence
de son pbre. Etant un jour parvenu 4 s’emparer de la monlre de
ce dernier, il la jeia au feu et mit 4 .sa place une bourse remplie de
ma litres ftcales. Son goflt est entitlement dtpravt et parait s’accom-
moder de sel et d’aretes de poisson qu’il prend plaisir 4 macher
(1) Die Geisleskrankreileu in Bez. s. Bechtspflege. Berlin, 1843.
(2) Hauptformen dor SeolenslOrungen. Leipzig, 1844.
(3) Journal of psycholog. med., edit, by Forbes Winslow. London,
1857.
(4) Psycholog. med. by Bucknill and Tuke. London, 1858.
(5) The Lancet. London, 23 mai 1863.
332 REVUE DES JOURNAUX DE MfiDEClNE.
pendant longtemps. II est gateiix, mais il choisit, pendant le jour,
un endroit quelconque da plancher pour y d^poser ses ordures et
attend, avec une obsiination remarquable, un moment propice. 11
se livre quelquefois a de tels efforts pour obienir une selle, qu’il
s’ensuit assez frequemment une chute du rectum. Parlait-on en sa
presence dc sa coiiduite et de ce qu’elle avait de r4prShensible,' il
en convenait parfaitement, lout en s’applaudissant du mal qu’il
pensait avoir fait. Bientbt, transfdrd i Golney-Hatch, il devint peu
a peu tranquille, soumis et d’une conduite tenement rc'gulibre que
le docteur Edgard Scheppard, raddecin de I’dtablissement, crut
pouvoir demander sa sortie. Mais a peine rentrd chez son p6re, il
retomba dans ses anciennes habitudes.
En ce qoi touche Page des jeunes malades, 11 rdsulte de ces obser¬
vations que I’exaltalion se rencontre plus frdquemment dans les
premiferes anndes de la vie, et que la ddpression prddomine vers
Papproclie de la puberld.
Parmi les causes qui president au ddveloppement de la maladie,
viennenl la frayeur, les impressions morales, I’hdrdditd, les affec¬
tions cdrdbrales et typhoides, la chorde, I’dpilepsie, etc.
Le pronoslic, suivant van der Kolk, est favorable; la durde de la
maladie ne ddpassa pas deux ans, pour les observations relaldes
dans cet ouvrage, et le Iraitement prdconlsd par I’auteur et par
Engelken est Popium.
Ce n’est point la premifere fois que la mddecine invoque les effets
de la Inmidre dans le Iraitement des affections mcntale.s. Mais,
quoique ddjft vieille, cette question ne nous semble pas encore
toucher ii une solution ddfinilive, surlout au point de vue de la
pratique.
Les anciens croyaient que la lune, 5 Pexclusion du soleil, exer-
cait une certaine influence sur Pdtat de quelques malades. Sans se
rendre comple de cette prdfdrence, ce qui auralt dfl dtre le point
de ddpart de toute conclusion rationnelle, ce fait une fois admis, ils
en tiraient les consdquences les plus di verses et les plus impraii-
cables dans Papplicalion.
Il est certain, en effet, que si Pobscuritd entraine h sa suite un
sentiment de frayeur et de crainte, la lumifere, au conlraire, fait
nailre une certaine assurance dans le coeur de ceux qui y sonl
exposds. Aussi, tandis que, chez les lypdmaniaques, les angoisses
sont beaucoiip plus vives la nuit que le jour, le moindre rayon
suffit pour aggraver la situation des malades sujets a une agitation
passagfere ou permanente.
JOURNAUX ALtEMANDS. 333
C’est li un fail incontestable et rclevd depnis iongtemps par ies
observations mtklicaies.
Tartant de ce principe qu’il admet sans ie disciiter et sans on
rechercher Ics motifs, Tauleur de ce mdtnoirc recommande d’dclai-
rer les pieces destinies aux lypdmaniaqtics et de laisser dans I'obs-
curild la plus complfete cedes des maiades aiteints de manie.
Mais, en dehors des besoins du service qui lie s’accommoderaienl
point d’une pareille obscurity, on se demande si celte mesure n’of-
fiirait pas en clle-meme quelqiie chose d’inhumain. Suns doute, si
les rfoullals devaient 6lre a la hauteur du sacrifice iinpnsd au
maiade, ii n’y aurait point ii reculer ; seulement ces r^sultats sont
condamnds depuis Iongtemps par la pratique.
Aussi nous pensons que i’application du syslfeme proposd par le
docteurH... ne saurait fitre regardde comme constituanl un progres
rdel, et qu’il n’y a pas lieu d’y revenir alors que I’expdrience en a
ddja fait justice.
Ciiacun de nous sail, par experience, combien est difliclle I’ad-
ministration des medicaments chez les aliends. Si cette difficulte est
grande dans les asiles, elle devient presque insurmontable dans la
clientele. Apr6s avoir dpuisd lous les moyens imaginables, on arrive
invariablement i la sonde oesophagienne, operation ddsagreable, ou
a i’emploi des lavements, chose qui n’est pas toujours facile, surtout
avec des maiades agilds. Aussi les injections sous-cutandes sont-
elles appeldes & rendre d’excellents services, non-seulement dans
le iraitement de la folie, mais encore dans celui des affections inci-
dentes qu’elle prdsente.
Action immediate, action sflre, dose moindre de medicament,
pas d’opposition de la part des maiades : tels sont les avantages
que le docteur Erlenmeyer assigne S cette mdlhode thdrapeutique.
Les medicaments qu’on a employes sont surtout les alcaloides;
on a dgalement eu recours aux teinlures et au sulfate de quinine ;
mais on y a de nouveau renoned.
Le proeddd opdratoire n’offre rien de particulier. On s’est servi
avecsuccds de la morphine dans le traltemcnt des ndvralgies, des
douleurs rhumatismales, du tdtanos et de I’alienation mentale, la
oil roplum est indiqud.
Le premier effet de I’injeclion de la morphine est une sensation
d’engourdissement local; les effets secondaires obtenus par de
fortes doses se ddveloppent dans I’ordre snivant : pfileur de la face,
parfois avec sueur, refroidissemenl des extrdmitds, vertiges, maux
de Idle, ralentisseinent du pools el de ia respiration, contraction
REVUE DES lOURNAUX DE MfiDECINE.
33il
des pupillcs, syncopes, naus^es, somnolence. Chez les personnes
trfes-lmpressionnables , on volt mfiine survenir des convulsions.
L’eflel du miSdicament est de tiois a trcnle heiires.
La soliuion employee est au 1/26“. Chez les malades que Ton ne
conualt point, on doit commencer par nn milligramme et augmen-
ter gradiicllemcnl. Cette dose pent etre plus forte pour les aliSnes,
ainsi que pour les personnes habiluiSos aux alcools cl aux opiacds.
Les injections de teinlurc d'opium ct de hachisch sont complite-
ment abandonndes.
Aprils ia morphine, I’atropine est la suhstance dont on se sert le
plus souvent dans les injections sous-cutandes. La plupart des mSde-
cins en emploient le sulfate ; Scholz seul en recommande le vale¬
rianate.
La douleur que le malade ressent & I’injectiou est la m6mc que
celle produite par la morphine; mais la sensihilite autour de la
piqflre disparait plus vite.
Les elfets secondaires sont les suivants : dilatation des pupilles,
sficheresse de la bouche et de la gorge, cephalee, vertiges, accele¬
ration du pouls et de la respiration. 11 ressort de ces symptbmes
que, .sous certains rapports, ce medicament et celui qui preefede
sont antagonistes. L’elfet de I’injection dure de trois It vingt heures.
Jusqu’i ce jour, cette substance a ete employee dans les convulsions
et les nevralgies. Fournier en obtint d’excellents rdsultats dans le
traitement du tetanos. Scholz s’en servit avec sucefes dans des cas
de convulsions hysteriformes; mais Tauteur de ce memoire I’em-
ploya en vain dans I’epilepsie ancienne.
En ce qui touche I’application de ce medicament au traitement
de ralienation mentale, les resulttds obtenus ne sont ni assez nom-
breux ni assez deiinis pour en tirer une conclusion rigoureuse.
La solution employee est de 0,05 d’atropine pour 8 grammes
d’eau, dont on injecte 5 a 10 gouttes.
Pour la strychnine, une forte rougeur de la peau se manifesto au
point oil a ete faite I’injection. Les effets secondaires sont abso-
lument ceux produits par I’ingestion des medicaments,’ si ce n’est
qu’ils sont plus intenses et plus rapides.
Courty (de Montpellier) s’en servit le premier dans les nevralgies.
Pletzcr en a lire de boiis effets dans un cas de tabes commenqant.
D’autres medecinsl’ont employee avec succes dans Icsparalysies du
nerf facial, les amauroses, les incontinences d’urinc et dans les
aphonies. La solution employee par Pletzer est de 0,05 de nitrate
de sirychnine pour 8 grammes d’eau. II en injecte l/ZiO” de grain
en une fois. Waidenburg ajoute 5 la solution de la glycerine, et
• JOURNAUX ALLEMANDS. 335
Ic docleur Erlenmeyer eniploie la solution 0,05 pour 8 grammes
d’eau. La conine a dtd employee dans I’asthme, dans I’erophy-
sfcme et dans I’angine de poitrine, et Ton en a retird de bons ellets.
Cette substance se recommande dans le trailemeiit de la lypd-
inanie anxieuse, dans les autres ndvroses des organes respira-
tolres, la toux convulsive et dans I’hystdrie.
Quant aux autres alcaloides, 5 I’exceplion de la quinine qu’on
cmploie quelquefois avec succds, I’auteur n’a pas did i mdme de
les expdrimenter et se borne il citer les observations des mddecins
qui y ont eu recours.
Le docleur Erlenmeyer passe ensuile en revue I’injection de la
digiialine dans les allections cardiaqiics , de I’aconitinc dans les
ndvralgies, de la vdratrine dans les affections rhumatismales, enfin
de la nicotine, du curare, de la cafdine et du sulfate de quinine.
Le scul inconvdnient que I’auteur reconnaisse aux injections sous-
cutandes est la ddpendance dans iaquelle se met le mddecin vis¬
it-vis du malade, surlout dans les cas clironiques.
Un ouvrier, sujet h des angoisses et it des hallucinations de
route, incendia un jour sa maison afin de ddtruire la source des
voix qui le poursuivaient. Les observations faites sur ce malade,
placd dans un asile, amendrent bientOt, chez lui, la conslatation
d’un ddrangement d’esprit caraetdrisd.
Ce fait, comme tanl d’aulres, ajoute le docteur Erlenmeyer qui
public celte observation, nous prouve que I’initiation primordialc
des troubles intelleciuels est souvent mise en doute par la justice.
Reconnalire et juger I’alidnation meniale it son ddbut, est toujours
une chose sdrieuse el difficile. L’auteur donne alors un apercu,
trfes-concis, il est vrai, sur le ddveloppement de la folie et les sym-
ptomes initiaux qu’elle prdsente.
Les fonclions psychiques se partagent en deux catdgories : celle
du seniiment et celle de I’inlelligence. De 15, aussi, la division en
deux sortes de troubles. Mais chacune de ces divisions forme, 5 son
tour, deux autres groupes qui marquent le ddbut de I’alidnation
men tale.
Les troubles du seniiment sont d’une nature triste ou d’une
nature gaie.
Dans le premier cas, qui anidne d’ordinaire la mdlancolie, on
remarque, chez le malade, un regard triste, effard, fixe; une ma-
nifere d’etre sdrieuse, iranquille et relirde, faisant parfois place 5 de
violents acefes d’agitation ; ensuite de la somnolence, de I’aifaissc-
raent, de I’anxidtd et du ddcouragement. En mdme temps que ces
sympi6mes psychiques, on observe les phdnoraenes somatiques
336 REVUE DES JOURNACX DE MflDEc'lNE.
suivanls : faiigiie, sommeil parfois agil6, parfois nul, troubles
digestifs, batleraenls de coeur, pouls irfes-developpd, augmentation
de lempdrature du c6td de la tdte, coincidant avec un dtat and-
mique du rcste du corps et augmentation de la sdcrdlion urinaire.
Dans le second cas, qui, frdquemment, est consdculif au premier,
on trouve de la surexcitation dans les mouvements, de I’activitd,
de la loquacitd, une mobilitd continue, de I’orgueil, une exagdra-
tion du sentiment de la personnalitd.
Les troubles du sentiment prdcfedent frdquemment les troubles
intellectuels. Ceux-ci consistent : soit dans des illusions, soil dans
des haliucina lions, soil dans un alfaiblissement de I’intelligence.
Enfin, I’auteur lermine en disant que ce sont surtout les halluci¬
nations de rouie qui sont le plus frdquenles, et que c’est i elles
qu’il faut rapporter la plupart des actes criminels.
Le docteur Kelp (1), auteur d’un mdmoire sur la mdlancolie
cataleptique, retrace en quelques mots les symptOmes de cetic aifec-
tion et la distingue de la mdlancolie avec catalepsie, forme dans la-
quelle on relrouve simultandmentlessymptbmes des deux maladies.
La mdiancolie cataleptique, dil-il, a de special un degrd trds-
prononcd de roideur musculaire rendant irds- difficile, souvent
impossible, la flexion ou rextension de la partie atfectde.
TantOt la roideur musculaire est gdndrale, tanl6t elle est loca-
lisde et se rdduisant k un certain groupe de muscles. Eile occupc,
de prdfdrence, la partie supdrieure du corps, la nuque, le cou et
ne disparalt point durant le sommeil. La contractilitd musculaire
est conservde et se manifeste sous I’influence du galvanisme.
Les malades sont nmets, apathiques, immobiles durant des
heures entidres. Les pupilles sont dilatdes, presque insensibles, la
tempdrature gdndrale est abaissde. Les malades refusent de man¬
ger, serrenl les mtlchoires de manidre S ne laisser passer aucun
aliment. Le pouls est tani6t lent, tantdt frdquent, les selles sont
irrdgulidres. Les malades ont conscience de ce qui se passe autour
d’eux, ils voient et observent ; mais des impulsions iutdrieures les
empdebent de manifester leurs pensdcs. Les paupidres sont con-
traclurdes etdilficiles a ouvrir; dans le cas contraire, les yeuxsont
ternes, sans vie comme sans expression, et ddnotent une prostra¬
tion profonde.
A I’appui de cette description symptomatique, le docteur Kelp
cite I’observation d'un jeune liomme alteint de cette affection, suite
de lypdmanie.
(1) Correspondens blatt, 1863, p. 353.
BIBLIOGRAPHll!:.
Etude sur le ramollissement du cerveau, par Ic docteur E. Dufour (de
Grenoble) ancien interne a I’asile public d’alidnes d’Aix (Bouches-du-
Rhdne).
Le ramollissement dii cerveau a dtd I’objet de nombreuses re-
cbercbes. Des mddecins du plus haul rang, parmi lesquels 11 faut
cilcr Rocboux, Lallemand, Andral, Boslan, Bouillaud, Cruveilhier,
ont envisagd cetie maladie sous toutcs ses faces. Neanmoins, mal-
grd les travaux de tous ces savants, bien des poinis restent encore a
dincider. Les ditficuUds du sujetn’ont pas arrfild M. le docteur Du¬
four, ancien interne & I’asile public d’aliends d’Aix, aujourd’hui
medecin adjoint & I’asile d’aliends d’Auxerre.
V Etude sur le ramoUissemeni du cerveau, qu’il vient de publier,
marque pour ainsi dire son entrde dans la carrifere de la mddecine
mentale, a laquellc ce travail se ratlache par une des Idsions prin-
cipales qui caracterisent la paralysie gdndralc. L’auteur a cru devoir
eliminer dans son travail ce qui a trait a cette dernidre affection pour
n’envisager le ramoliissement {necrobiose de Virchow) qu’en tant
que maladie primitive, essentielle. Aprds avoir donnd la ddfinition
et prdsenle un court hislorique du ramollissement cdrdbral, il en
expose longuement I’anatomie patliologique. Cette description des
alldrations visibles a I’mil nu et de cedes que rdvfcle le microscope
traduii exactement I’dtat actuel de la science sur ce point. La nature
de I’affection se ddgage-t-elle bien netiement de ces recherches? Je
Crains qu’a cet dgard la lumidre ne soit pas encore faite, malgre
tous les efforts tentds dans cette voie par Virchow et par nos histo-
logistes francais, entreautres par MM. Lancereaux et Laborde, dont
M. Dufour rdsume les travaux. Aux opinions qui voient dans le ra¬
mollissement le produit d’une inflammation ou d’une sorle de gan-
grdne sdnile, notre confrere essaye de substituer la sienne qu’il tra-
duit par la ddsignation A'anemie locale. Malgrd les raisons dont il
s’appuie, la question nc me parait.pas devoir encore se ddcider en
sa faveur. En presence d’une affection dont I’etiologie est si riche, uii
prudent electisme me semble prdfdrable. II y a dvidemment des cas
ofi rinflammalion joue son rble aussi bien que la thrombose ou que
I’embolie. Il est h regretter que I’auteur, qui a dd voir maintes fois
sur le cadavre les Idsions anatomiques du ramollissement, n’ait pas
donnd un seul fait A I’appui de I’opiniou qu’il cherche A faire prd-
valoir quant A la nature de la maladie.
ANNAL. MLfl.-psYCii. serie, t, IX. Mars 1867. 10.
22
338 BIBUOGRAPfflE.
A la page 12 il est (lit, d’aprfes les recherches de M. le docteiir
Laborde, qu’il existe ulie liaison constante eiitre le ramollissement
pSripbdriqiie et le rainollissemeut central. Cette opinion me parait
un pen exagdrde, du moins cn ce qui concerne la paraiysic gdndrale
des ali^n^B. Car, dans les nombreuses autopsies de paralytiques qiie
j’iil faites a I’asile de Quatre-Mares, je n'ai pas souvent constate
cette relation. J’ai nifime trouvequelquefois un ramollissement peri-
plidrique des plus prononces cotncidani avee un dial comme scld-
rotique des parlies centrales.
La symptomalologie du ramollissement dans la forme aigue et
dans la forme chronique est exposee avec clarte et d’une faqon bien
complete. Mais le cliapitrc consacre :ui diagnostic I’emporle sur les
autres par la manifere netm et prdcise avec laquelle est presente
retat de nos connaissances sur cette matiere. C’est a mon avis le
meilleur passage du meraoire.
L’article traitement devait se ressentir de la faiblesse de nos
moyens en face d’une maladie presque loujours morlelle. Le seion
et le cautfere & la nuque, les purgatifs aloetiques, sont les agenls qui
meritent le plus de conliauce, dit M. Dufour, qui proscrit les emis¬
sions sanguines ii moins d’un etat congestif bien decide. Dans ce
dernier cas il conseille I’upplication de sangsues aux apophyses mas-
toldes, de preference a la saignee generalc. A ces moyens, dbnt les
indications sont sagement deduites, I’auteur aurait pu ajouter la
saignee du pied, qui reussit peut-Stre mieux que iie le font les sang¬
sues, il en juger par les beureux resultats obtenus a Quatre-Mares
par M. le docteur Dumesnil daus les congestions encephaliques, il
aurait pu encore mentionner le bromure de potassium qui, con¬
seille d’abord par M. I’inspecteur general Lunier dans les etats
congestifs du cerveau, a ete vante au mfiine titre tout rdeemment
par M. le docteur Gueneau de Mu.ssy {Union medicalct 21 juillet
1866).
En resume, n’dtait dans quelques passages un peu de vague qui
peut s’expliquer par la difflculte d’un sujet encore obscur, ce tra¬
vail a du bon. C’est un expose methodiquement fait de I’etat de la
science sur une maladie qui reclame encore de patientes observa¬
tions et I’apporl de fails rigoureusement dtudies. L’essai que vient
de publier M. le docteur Dufour est un gage qui le lie pour I’avenir.
11 est permis de compter que cet observateur sdrieux saura tirer
parti, du vaste ebamp d’etude dans lequel il s’est engage, en y re-
cueillant de nouveaux fruits dont il enriebira la science.
D'' ESPIAD DE LAMAESTEE.
BIBUOGRAPHIE.
339
Du sotnmeil et des dtats analogues, par le D' LifiBEAULT.
V. Masson, in-8, 1866.
L’auleur de cet ouvrage a soin de prdvenir le public que son li-
vre difffere de ceux dcrils sur le mfirae sujet, parce qu'il a observd
le sommeil prfes des dormeurs artiliciels ; aussi, malgrd ses elforls
pour montrer que le sommeil nalurel et le sommeil artificiel sont
idenliques, craignons-noiis bien que, par suite du mode d’invesli-
giilion qu’il a employe, il n’ait pu rdussir a apprdcier la vdrilable
nature du sommeil normal.
Gelui dont il nous parle, loin d’etre I’dtat de ddtente gendrale oil
les facultds sont presque entiferenient suspendues, el oil rdconomie
tout eniibre pnise de nouvelles forces dans un repos rdparaleur,
est un (Slat aclif, presque violent, caractdrisd par I’accumiilation
volontaire de I’atlentioii sur une idee mimorielle, volonlairemeut
dvoqude, celle de se livrer an repos. Or, I’aitenlion, I’anteur nous
le dit, c’est pour lui touic la force nerveuse, principe des plidno-
rafenesde la vie animale et de la vie de nutrition : ratlention accu-
mulde, c’est un effort intense de tout rorganisme ; ce n’est pas un
repos, c’esl une fatigue, ce n’est pas le sommeil du dormeur, c’est
celui du somnambule.
L’attention, nous revenons sur ce point, car il sert de pivot et
d’exposd physiologique i lout I’ouvrage, I’attcntion est « cetle force
? culmiiiante, active, qui, procddantdu cerveau et divergeant en
I) deux courarits, est consciemmenl, d’une part, le principe des
» phdnorafenes de la vie animale, et insciemmeni, de I’autre, des
B plxinomfenes de la vie de nutrition » (p. 7). Par un effort spqn-
tand elle se transporte sur la totality du systeme nerveux ou sur
chacune de ses parties, et prdside a I’accomplissement de cliaque
fonction. C’est en s’accumulant sur I’idde du repos qu’elle deter¬
mine le sommeil ; si cette accumulation est compldte, le sommeil
est profond ; dans le cas coniraire, le sommeil est Idger. Si, avant
de se ddcider francliemenl a s’accumuler de la sorte, I’atlcntion
fail quelques difficullds, cetle resistance produit toute une sdrie de
phdnomenes pariiculiers. Ce sont : « les mouvemenls aliernatifs
» de resserrement et de dilatation de la pupille ou son relaclie-
I) ment complet ; le clignotement rdpetd des paupidres, I’appari-
» tion des larmcs, la pesanteur de la tdte, des tinlements d’oreilles,
» des fourmillements, un sentiment de fatigue, de la gdne dans
» les mouvements respiratoires, des battements du coeur, un pools
» agitd, de la cyanose, des trcmblements, des secousses nerveusaa,
1) des contractures et des mouvemenls aulomatiques. Eh bien 1 il
340
BltJLlOGEAPHlE.
» faui le dire, ces plieiiomfcnes ont pour cause TeiTort que les per-
» sonnes non aiguillonndes par le besoin de dormir et qui s’en-
» dormenl, font pour tendre leur attention sur un objet des sens
» ouuneidde; ils sont le contre-coup du ddplacement trop brus-
n que ct trop dnergique do I’attention » (p. 28). Que de dangers
on coiirl, .si Ton s’avise de la ddplacer trop brusquement !
Ge n’est pas tout ; i’atleniion peut s’obstiner ii faire I’dcole buis-
sonniere et se refuser pdrcmptoirement & se concenlrer sur I’idde
de repos. « N’y a-t-il pas des fous obsddds par de fortes prdoccu-
» paiions, lesquels ne peuvent retrouver !e sommeil qu’ils recher-
» client avec ardeur? » (P. 19.)
Mais en tout cas, qu’elle se prdle de bonne volontd ou non ii
I’accuiii Illation demandde, ratiention ne doit pas se pcrmetlre de
le faire, sans prendre prdalableinent quel([ues precautions indi.s-
pensables. « Si les sphincters de I’aniis ct de la vessie restent fer-
» mds tout le temps dii sommeil, si I’oiseau dort sur ses paltes,
» n’est-ce pas parce qu’cn s’eiidorinant i’attention accumulee de
n cclui qui dort s’est mise en arret, noii-seulcment sur I’idde de
1) dormir, mais aus.si sur les iddes de contracter les muscles qui
» president aiuc actes de la ddfdcation, de I’draission des urines ct
» de la station debout. » (P. 49.)
Sans donte aussi, quoique I’auteur ne nous le dise pas, si la res¬
piration, la circulation, la digestion se continuent pendant notre
.sommeil , e'est que I’attenlion n'a pas oublid de prendre ses inc-
siires en consdqiience. Quelle multiplicitd de foiictions pour une
soiile faculld ! Qii’arriverait-il, si oettc attention, consciente et in-
sciente (en supposant qu’on puisse dire attenlif sans le savoir), allait
quelque jour oublicr une des norabreuses prdcamions qu’elle
a a prendre avant de s’accumuler sur I’iddc mdmorielle du repos 1
Ne scmble-t-il pas que nous soyions ramends bieu loin en arriere, ct
que I’aiiention de M. Lidbeault ne soil autre chose que l accuimila-
tion de loules les arclides d’ordre difl'erenl, qui, d’apres van Ilel-
mont, rdgnaient sur chactin de nos organcs et prdsidaient ii I’exer-
cice de leiirs fonctions ?
- En tout cas, nous .sommes bien loin de la physiologic modernc
et de ses proeddes ; nous' en sommes encore plus dioignds dans ce
qui se rapporte aux plidnomencs physiques et intellectuels attri-
buds par I’auleur aux sujets mis par lui dans I’dtat de sommeil ar-
tificiel ou de somnambulisme. Aussi ne le suivron.s-nous pas sur ce
terrain, o4 il n’aura pu se nietlre, nous le craignons, d I’abri de
toutes les chances d’erreurs, el en particulier de cellos dues a la
supercherie des personues qu’il magndlisait.
BIBLIOGRAPHIE,
341
La seconde parlie de son livre est consacrge ci une s^rie d’dtais
d^crils, par lui, comme analogues an sommeil : ce sont Timilalion,
la fascination, Thypnoiisme, le spiritisme, la possession et d’autres
encore; nous retrouvons ici la confusion r&ullant de ce que I’au-
leur considfere comme assimilables deux dials trfis-dilfdrentsli noire
avis, le sommeil nalurel et le sommeil arlificicl; il trouve moyen
d’expliquer, par des dvolulions plus on moins fantasques de I’al-
tention, telle qu’il la compreiid, difTdrents plidnomfenes qui, avant
d’etre admis, nous paraitraient devoir etre disculds d’une ma-
niferc plus rigoureuse qu’il ne le fait : ndanmoins celte parlie de
1‘ouvrage nous paratt traitde dans un esprit plus conforme que la
prdeddente aux proeddds et aux courants de la science contempo-
rainc, et la lecture nous en a pant plus facile et plus profitable.
Elle le serait encore davantage , si I’auteur s’dtait servi d’une
plirasdologie moins personnelie et ressemblant plus an langage
usuel.
D’aprds ce que nous savons du rOle prdld par I’auteur a I’aiten-
tion, nous devons bien nous figurer qu’elle n’est pas appclde a agir
seulement sur rhomme & I’dtat normal. Elle s’exerce tout autant
en dehors de cet dtat, soit comme agent pathogdnique, soil comme
agent curateur. A vrai dire, toule I’action du physique sur le mo-
lal et du moral sur le physique se trouve rdduite ici a deux ter-
mes ; ou bien, chez un honime sain I’atlention s’accumule con-
sciemment et insciemment sur I’iddc d’une maladie, fonciionnelle
ou mdme organique, et par lii ddtermiue la production de celte
maladie ; ou bien, chez un homme malade, I’attention s’accumulc
sur I’idde de retour li la sanid avec plus d’intensild encore qu’elle
ne s’dlait accumulde sur I’idde de maladie, et le rdsultat de cet ef¬
fort est la gudrison. « Un homme devint muet ; attribuant son
)) malheur ii une femme qu’il croyalt sorcifere, il enlra a sa vue
» dans une si violenle colfere qu’il recouvra la parole. C’est qu’il
» se suggdra de parler, avec plus de force qu’il ne s’dtait, h son
n insu, suggdrd auparavant de se laire. » (P. 321.)
Il ne s’agit done, pour faire disparaltre une maladie quelconque,
que d’amener I’atlention a s’accumuler, avec un intensild suiH-
sanle, sur I’idde de gudrison ; et, comme I’auieur pense avoir dd-
monlrd que c’est dans le sommeil, et dans les dtais qu’il ddcrit
comme analogues au sommeil, que I’attention est surlout siiscep-
lible d’agir avec intensitd, dans telle ou telle direction, en se lais-
sant guider par une suggestion extdrieure, il croit logiquemeni
avoir trouvd un mode presque gdndral de raddication dans la
production du sommeil artificiel et les pratiques du magndtisine.
3^2 BULLETIN BIBLIOGRAPfflQUE.
i> Ddterminei’ le sorameil ou le charme, et Ton en connait la mS-
» thode, puis faire riiagir la pensde des malades par suggestion,
» eniin, renforcer ce proc6dfi au besoin de I’^l^ment ad'ectif, ce
» qui entralne plus sflrement le succfes ; telle est la rfegle a snivre
» pour qui veut faire un grand pas dans Tart de guSrir et sortir
» de Tornifere : imiler la nature dans ses procddfis, c’est suivre le
» meilleur maltre. » (P. 330.)
A Dieu ne plaise qiie nous voulions conseiller ii qui quo ce
soit de rester dans I’orniiiie, surtout lorsqu’il s’agit de I’art de
giiSrir, et que nous mdconnaissions la supfiriorild des leqons de la
nature ; au contraire, nous sommes convaincu que la palliologie
et la thdrapeutique ne peuvent se passer d’une base pliysiologique
solide, et c’cst prdclsdment parce que la physiologic, telle que
I’expose M. Lidbeault, s'’dcaiTe a tous dgards de celle qui guide au-
jourd’bui la pratique mddicale dans la voie du progrds, que, malgrd
la bonne foi dont son livre nous paralt porter I’empreinte, nous
ne saurions accorder noire confiance au mode de traitement qu’il
prddonise. A. Fovilee.
BULLETIN BIBLIOGRA.PHIQUE.,
— Rapport sur le service des alidnds du ddparteraent de la Seine
pour I’annde 1865, in-Ii. Paris, 1866.
— Compte rendu administratif et inddical de I’asile d’alidnds de
Lafond pour I’annde 1865, par le docteur N. Laffilte. La Rochelle,
1866, in-8.
— Comple rendu du service mddical de I’asile d’alidnds de Blois
pour I’annde 1865, par je D'' Renault du Motey. Blois, 1866, in-8.
— Principi di antrdpologia o di fisiologia morale dell’ uomo
compilati da Francesco Bonucci. Perugia, 1866, in-12, broch. de
180 pages. Prix ; 3 francs.
— Eleventh annual Report of the trustees of the state lunatic
hospital at Northampton. Boston, 1867, in-8.
— Leqons cliniques sur les maladies des vieillards et les maladies
chroniques, par le docteur Charcot, recueillies par le docteur Ball,
2® fascicule ; Goutte et rhumatisme chronlque. Prix : 1 franc. Paris,
1867, chez Adrien Uelahaye, place do I’ficole-de-iWddeclne.
BUIXETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 3/lS
— fitude critique sur le raraollissemenl cdrdbral, par le D'^ II. Sou-
iier. Lyon, chez Mdgret, broch. in-8 dc 46 pages.
— Considerations dliologiques sur Ics maladies menlales, par le
C Haury Bonnet. Nancy, 1867, broch. de 13 pages.
THESES DE LA FACULTIi DE MONTPELLIER.
(Annees 1865-1806.)
Lcblond (L.), Essai de chimie clinique. — De la ndfrozymase dans
les affections des centres nerveux. — Crolas (F.), De )a cOxalgie hys-
tdrique. — Bonnelty (A.), Essai sur le traitement du delirium tre¬
mens par ies affusions d’eau froide, precddd de qiielque.s copsidd-
rations sur I’alcoulisine. — Gariel (M.), Essai sur I’aicoolisme
considdre principalenient au point de vue de Thygibne. — Caban-
lous (P. L.), Diverses manifestations et dtiologie du rbumatisme
cdrdbrai. — Mettrier (N.), Essai sur ia congestion cdrdbrjile. —
Rivet ((t.), Quelques considerations sur ia meningite simple algue
et la meningite tuberculeuse. — Mellier (Alf.), fitudessur les bossits
observes dans les dtablisscments d’aUends.
TUftSES DE L^ EACULTd DE STRASBOURG.
(Annce 1865.)’
Ringenback (J.), De I’apliasle. — Doutet (V. A.), De I’ataxie du
mouvement. — Corlies (Ed.), De I’apoplexie cdrebrale; nature et
indications.
(Annee 1860.)
Hinglais, Simulation des maladies chez les femmes nerveuses.
Jcannerat (St.), Des ossifications tie la dure mfere (pachymeningite
osseuse). — Bdcoulet, Considerations sur I’emploi de I’opium daps
la manie. — Ribes, De la perversion morale chez les femmes en¬
ceintes au point de vue medico-legal. — Roullay (X.), Etude sur le
diagnostic des tumeurs cei-ebrales. — Durand (J.), Sur lMclampsie
survenant avant, pendant el aprds I’accouchement.
ASSOCIATION MUTDELLE
Slik
ASSOCIATION MUTDELLE DES MEDECINS ALIENISTES
DE FRANCE.
Le Conseil cl’administration do I’Association s’est reunio on soance
ordinaire le 11 mars au domicile de son president.
Apres avoir vote des remerciments a M. Semclaigne pour le don de
la somme de 1170 Irancs qu’il a fait a I’Association au nom de feu
Casimir Pinel ; avoir entcndu I’expose de la situation financicre et los
propositions do secours a accorder cette annee sur Ics ressourccs dispo-
nibles de I’Association, le Conseil a prononco I’admission do deux
membres fondateurs ; MM. fitoc-Demazy et Bigot, et do six socictaircs;
MM. Charriere, Fougeres, Lagardelle, Lhomond, Pontier et Peon.
Lc Conseil a entcndu ensuite le rapport de M. Lunicr sur le projct
de reglement interieur prescrit par Particle 18 des statuts de Poouvre,
et, apres une discussion approfondie, ena arrete comme il suit les dispo¬
sitions :
RSGLEMENT D’ADMINISTRATION intEriecre.
Article premier. — Toute personne qui clAsire faire partie
de I’Association mutuelle des medecins alienistes, doit en faire
la demande au president, si elle n’est pr6sent6e par deux mem¬
bres de rOEuvre.
Le nombre des membres de I’Association n’est pas limite.
Art. 2. — Avant que le Conseil ait statue sur leur demande,
les candidats pourront etre admis it verser le montant de leur
cotisation, sauf a leur en faire la restitution dans le cas ou le
Conseil ne validerait par leur admission.
Art. 3. — Les cotisations sont dues pour Fannie entiere,
et jusqu’a concurrence du montant de celle de rann6e pr6c6-
dente, par tout membre qui n’a pas fait connaitre, ayant le
I'’’ avril, au pr6sident de I’QEuvre, son intention de se retirer
de TAssociOition, ou de contribuer pour une somme infericure
a celle par lui vers6e l’ann§e pr6cedente.
Art. 5. — Tout membre qui mis en demeure par une
lettre de rappel adressee par le tresorier dans le courant de
DES MCDECINS ALlliNISTES DE FllANCE. 345
janvier, n’aura pas acquittfi, avant le 1“^ mars, sa cotisation de
I’annfie prec6dente, sera consider^ comme d6missionnaire.
Toutefois, il pourra etre admis a recouvrer la quality dc
membre de TOEuvre en versant r3rri6r6 de ses cotisations.
AuT. 6. — L’exclnsion de 1’ Association pourra fitre pro-
uoncCe par le Conseil, centre tout membre qui aura dfimerite.
Le membre exclu par decision du Conseil pourra en appeler
il I’Assemblfie gfinerale.
Aitx. 7. — Tout membre qui cessera de faire partie de
I’Association, par suite de d6mission ou autre cause, perdra
tons droits a I’assistance et ne pourra exercer de ri5p6tition
quant a ses versements anterieurs.
Art. 8. — Le president surveille et assure I’ex^cution des
statuts, convoque, par I’internnidiaire du Seerfitaire, les Asscui-
bliies g6n6rales et le Conseil d’administratioii ; ouvre et clot les
seances, dirige les dfibats ; signe tons les actes et mandate les
ordonnances de payement.
Art. 9. — Le president peut convoquer exceptionnelle-
ment aux sfiances du Conseil, un ou plusieurs membres dc
i’COEuvre, it I’effet de prendre leurs avis sur des faits qui pour-
raient n’etre point connus du Conseil. Les membres ainsi con-
voqu6s n’ont que voix consultative.
En cas d’absence ou d’empechementdu president, les sfiances
du Conseil et les Assemblfies gfinfirales sent prfisidfies par le
plus age des membres du Conseil.
Art. 10. — Le secretaire est chargfi de la correspondance
et dc la redaction des proces-verbaux des seances gfinfirales et
de cedes du Conseil d’administration. Snr I’ordre du prfisident,
il convoque aux Assemblfies gfinfirales et aux sfiances du Conseil.
II est dfipositaire des archives de I’Association.
Il tient le registre matricule des membres de I’OEuvrc et en
remet tous les trois mois la liste exacte au prfisident et au Ire-
sorier.
Art. 11. — Le trfisorier inscrit rfigulierement les recettes
et les dfipenses sur uu livre de caisse cotfi et paraphfi par le
prfisident.
Il acquittc les dettes de I’Associalion sur des memoires visfiS
346 ASSOCIATIOU MUTUELIE
par le president, et garde par-devers lui tous les refus et quit¬
tances des payements qu’il a effectu6s.
II opere Ic placement el le dfiplacement des funds sur un
ordre signe du president, indiquant la somme ii placer ou it
retirer.
Il est responsable des litres et funds de la Suciete.
Art. 12. — Le Cunseil se reunit le dernier lundi de chaquc
trimestre, a huit heures du suir, au duinicile de sen president.
II statue sur les demandes d’adraissien, sur les depenses erdi-
naires et gen6ralement sur teutes les affaires qui lui sunt seu-
mises par sen pr&ident.
Art. 13. — Les admissiens et les exclusiens sunt prenenc6es
par le Cunseil, a la majurit6 des deux tiers des veix ; sur la dc-
mande du tiers au plus des membres pr&ents, il sera prec6d6 au
scrutin secret.
Art. 14. — Le Cunseil a tuut puuveir peur determiner, dans
les limites trac6es par les articles 1 et 16 des Statuts, dans quels
cas et a quelles cenditiens I’Asseciatien vient en aide a ses
membres fundateurs uu suciStaires, et peur fixer le munlant des
secuurs accerdds.
Art. 15. — Lersquele Cunseil rfigulifirement cunveque n’a
pu d^libfirer, faute d’un nembre de membres suffisant, une
neuvelle cenvecatiun est faite dans le delai de quinze juurs, et
les d61ib6ratiens prises par le Cunseil dans cette secunde rfiunien
sent valables, quel que suit le nembre des membres presents,
puurvu tuutefeis qu’il ne suit pas inf6rieur a cinq.
Art. 16. ^ L’Assembl6e g6nerale seule pent auteriser les
dfipenses extraerdinaires, c’est-a-dire teutes cedes autres que
les frais de bureau et d’administratien, les secuurs temperaires
accurdes aux membres participants et a leurs families et les pla¬
cements de fends.
Art. 17. — Aucun rappert, aucune prepesitien ne serent
presentes a I’Assemblee generale, s’ils n’ent 6t6 prealablemcnt
suumis a I’examen du Cunseil qui ddcidera s’il y a lieu d’y
dunner suite.
Art. 18. — Aucune prepesitien eu mudificatien au present
Reglement ne sera prise en censid6ratiun, si elle n’est fermuliie
par 6crit et signee par truis membres du Cunseil.
DES MfiDECINS AtifiNISTES DE FRANCE. 3ft7
Toutc delibfiration a ce sujet devra, pour etrc valable, etre
prise par huit membres au moins du Conseil, et ii la majorite
des deux tiers des votes expritnes.
LISTE D,ES MEMBRES DE L’ ASSOCIATION
(Arrctdo par le Consoil le H mars 1867).
MEMBRES FOKDATEBRS.
MM.
Arnozan.
ArtUaud,
Auzouj.
Eaillarger, president.
Bigot.
Billod.
Blanche, tft;, membre du conseil.
Bonnet (Henry).
Brenne.
Brierre deBoismont, dticons.
Calmeil, 0.
Campagne.
Cavalier.
Cerise,
Combes.
Constans, m. du conseil.
Dagron, tjg.
Dolaye, tfif.
Delasiauve.
Desmaisons.
Du Grand Launay, ^S;.
Dumesnil, ^,m. du conseil.
Etoo-Demazy,
Falret pere, 0.
MM.
Falret (Jules), m. du conseil.
Foville (Ach.).
Girard de Cailleux, 0.
Labitte (Gust.), m. du conseil.
LaBltte.
Legrand du Saulle, seerdtaire.
Lemenant des Chesnais.
Loiseau.
Lunier, •;{(*, trdsorier.
Luys.
Marchand.
Mesnet, m. du conseil.
Mitivie pdre, -ife, m. du conseil.
Mitivid (Albert).
Moreau (de Tours), ift, m. du cons.
Motet.
Pain.
Poret.
Renault du Motey.
Rota.
Rousselin, m. du conseil.
Semelaigne, m. du conseil.
Tpillpux.
Trelat, m. du conseil.
Yoisin (Felix),
MEMBRES HONORAIRES.
Madame veuve Follet. , |M. Aug. Labitte,
Madame veuve Parchappe. |
SOCitTAIRES.
MM. Badoz.
Baume.
Belloc.
Belhomme,
Binet.
MM. Bonnefous.
Busquet.
Charriere.
Cortyl.
3i8
ASSOCIATION MUTDELLE, ETC.
sociI;t Aires’.
MM. Dubiau.
Espiau de Lamaestre.
Evrat,
Eauclier.
Fougcres.
Guerineau.
Lagardcllo.
Lagarosse.
Laurent.
Lhomond.
MM. Lbomme.
Michea,
Morel,
Payen.
Petit.
Peon.
Pontier.
Solaville.
Vedie.
Viret.
MEMBRES DE L’OJUVRE DfiCEDtS.
Fondaleurs : MM. Parchappo, 0. iffc, Piiiel (Casimir),
Lo nombre des membres, au 11 mars 1867, ctait done :
Fondaleurs . . . 50
Societaires . 31
Honoraires . 3
Total . 81
La Societd medieo-psycbologique vient de faire don d’une sommt
do 205 francs a I’Associalion niutuelle des medecins alienisles.
M. le docteur Semelaigne vient de faire don, au nom de feu M. le
doeteur Casimir Pinel„ son beau-pere, d’un litre de rente de 50 franes
a I’Association des medecins alienistes.
CORRESPOND ANGB. — RECTIFICATION.
Pcilagrc et pecado-pellasre.
Nous nous empvessons do publier la reclamation suivantc, qui nous
a 6tc adressee par I’lionorable M. Billod, directeur-medecin en cbel'
do I’asilo do Sainte-Gemmes (Maine-et-Loire) , a propos do ce qui le con-
cerne dans I’article do M. Motet sur la pellagre (cahier de janvier 18G7).
— Nous publions dgalemcnt la reponse deM. Motet.
. Messieurs les rodacteurs,
C’cst avec un vfiritable regret que je me vois eonlraint de reparaitre
sur une breche que j’ai si longtemps occupee. Mais, cette fois encore,
ce n’est pas moi qui ai jete lo gant 9 mes adversairos, et en lo relevant
pour protestor centre des allegations tendantes par le rfisultat, si ce
n’est par lo but, a fausscr I’opinion a I’cndroit do mes travaux sur la
matiore, je ne fais qu’user du droit do legitime ddfense. En invoquanl
aujourd’hui aupres des directeurs d’un recuoil dont' je m’lionore d’fitre
un des plus anciens collaboraleurs et dont I’inipartialite par cola seul
nc saurait mo faire ddfaut, j’ai la conscience de remplir un devoir d’au-
tant plus impdrioux que ma personnalite scientifiquc n’est pas seule en
cause, mais qu’il s’agit aussi el surtout de cello d’un honorable et eminent
confrere dont on s’obstine impitoyablemont a rappeler une orreur. Cette
erreur a ete regrettable, sans doute, mais I’auteur s’eu est explique dans
une lettre insdree dans VUnion medicale avec tant de franchise et de
loyaute, que I’incident pouvait paroitre definitivement vide et qu’il y a
vraiment mauvaise grace a en rcveiller le souvenir. II resulte en effet de
ses explications, rappelbns-le tout de suite, puisqu’on nous y oblige et
pour mettre lout d’abord ce savant hors do cause, qu’il n’avait pas vu les
malades sur lesquels il avait cru pouvoir porter un jugement que refutait
d’ailleurs le ISullclin de I'Acaddmia (1), et que les personnes auxquelles
il avait eu le tort de se rapporter avaient si bien vu ces memes inaladcs,
qu’cWes en avaient vu qualre au lieu de trois, qu’elles avaient pris des
alidnds pour des idiots el gu’elles avaient vu enfin sieger sur la face des
alteralions qui, au vu de I’ Academic loul enliere, n'exislaieiU rfue sur le
dos des mains.
Je ne puis, du resle, a propos de cette erreur, que reproduire les
reflexions qu’elle m’a deja inspirees dans un article recent : k Cette
erreur, disais-je, n’est pas plus forte que la plupart de cellos qui m’ont
dto attribuees a propos de la pellagre des alienes, et dont quelques- unes
sent tenement monstruouses que je n’ai pas cru utile de les relover. La
verite est que telle est la rapidito avec laquelle le tourbillon professionncl
et social emporte beaucoup de savants de nos jours, qu’oh lit Irop vite,
que souvent on ne lit pas, et que I’on juge ainsi sans en connaitre le pre-
(1) Il n’est pas hors de propos do rappoler que la presentation do ces malades a
rAcadeniie a dtd failo sous les auspices do M. Baillargcr, si competent dans la malieres.
350
COItRESPONDANCE.
mier mot des oeuvres consciencieiises dont I’dlaboration a coAle poiir-
tant a leurs auteurs de longues annees de recherches et d’infatigablcs
efforts. T>
Ceci pose, j’arrfve a ce qui me concerne dans Particle de M. Motet.
Get honorable medecin ayant declare tout d’abord a la page 165
qu’on verrait plus loin, a propos des pseudo-pellagres, ce qu’il faut con-
clure des observations de Landouzy et des miennes, il etait nalurel de
s’attendre de sa part i un examen et a une apprfciation rai.sotmeo des-
dites observations. C’est done avec un veritable dlonnement qu’au lieu
de cetle apprficiation et des conclusions annonedes, ontrouve ajla page 169
pour les fails de Landouzy cette simple mention : « Landouzy avail vu
trop vite, il s’etait empare comme a la hate de fails qui, plus sdrieuse-
ment observes, eussent 6te bien vite rdduits a leur juste valeur, » et
pour moi les simples et vagues allegations qui suivent : « M. Billed, de
son c6l6, s’dtait peut-etre laisse entrainer par un zele louable, sans
doute, mais qui le oonduisait a une confusion centre laquelle .
)) La lutte fut vive . Nous no voulons pas revenir sur les
phases qu’elle presenta et qui n’eurent pas, il faut bien I’avouer, de
resultat heureux pour la doctrine du medecin de Sainte-Gemmes. »
Comme j’ai repondu plus haul a la premiere de ces allegations, je
passe outre et arrive a la deuxidme.
M. Motet m’ayant fait I’honneur de m’attribuer une doctrine, ce savant
aurait bien du dire quelle etait cette doctrine et en quoi elle n’avait pas
eu un rdsultat heureux.
Je regrette d’aulant plus cette omission que I’assertion de mon honore
confrere me donne lieu de craindre que, lui aussi, commo beaucoup
d’autres, se soil mepris sur raes veritables opinions et m’en ait attribue
que je n’ai jamais professdes.
La doctrine a laquelle il est fait alhision consisterait-elle a assimiler
compldtement la pellagre des alienes a la pellagre endemique. Mais cette
doctrine est si loin d’etre la mienne, que lout on admottanl les plus
grandes analogies dans I’appareil symptomatique des deux affections, j’ai
ete le premier a faire ressortir leurs principales differences. C’est ainsi,
par exemple, que j’ai spdcialement insiste sur celle qui me semblait
exister dans la nature des rapports de I’alienation menlale avec les autres
symptdmes de la pellagre el dans I’ordre de leurs manifestations respec-
tives, considdres dans I’un et I’autre des deux types. Le soin, d’ailleurs,
que j’ai loujours pris, soil d’etudier et de presenter la pellagre observee
dans les asiles situes en dehors de la zone ou elle est endemique, comme
une varidte spdeiale et propre aux alienes, soil de la rattacher a une des
formes de ce marasme nerveux qui est admis par tous les alienisles et
dont j’ai cru pouvoir faire une cachexie spdeiale et inhdrente a la con¬
dition d’dtre alidne, sauf le concours de quelques autres causes adju-
vantes, ce soin, dis-je, prouve dvidemment que je me suis gardd de con-
fondre la pellagre des alidnds avec la pellagre proprement dite, et que,
sous ce rapport, raa doctrine ne differe aucunement de celle qui a cours
mdme parmi mes adversaires. Il est impossible de mdconnaltre, en effet,
quel’ opinion publique, en conservant a la maladie le nom de pellagre des
alidnds, a consaord le principe de son existence propre, et quo I’Institut a
de son cOtdsanctionnd ce mdme principe, non-seulement eh aoceptant la
CORBESPONDAHCE.
SSI
d6tiominalion que je lui ai donnde, mais encore en declarant que la pellagre
dont il s’agit, ne lui semblait pas avoir de rapport avec la pellagre ende-
mique. Quant aux partisans du mais, je n’ai pas besoin de faire observer
qu’en creant pour designer la pellagre des aliOnes le nom de pseudo-
pellagre, ils ont par cela seul admis le fait de son existence speciale, et
que le principe de sa distinction d’avec la pellagre endemiquo ne pouvait
Stre qu’un de leurs principaux arguments.
En parlant de ma doctrine, notre confrere ferait-il allusion a I’opinion
quo j’ai 6mise relativement a I’inlluence prOdisposante de I’alienation
menlale dans sa forme plus spOcialement depressive sur le developpement
de la pellagre? Mais cette doctrine, si je ne me trompe, n’a rien qui me
soil propre et je la parlage 0 coup sflr avec tous les observateurs, voire
mcme avec leszeistes. 11 n’en ost pasun, en elfet, qui neproclame I’in-
lluence, predisposante au moins, des causes morales et de la misOre dans
sa double acception physique et morale, et je ne pense pas qu’il en soit
un qui, en considorant I’aliOnalion mentale coinme le nee plus ultra des
causes dont il s’agit, n’y voie, non plus, la plus haute expres.sion de ce
qu’il est permis de considerer comme la misOre morale.
Parmi les doctrines que j’ai soutenues et dont le rOsultat peut avoir
etc heureux ou mallieureux, je n’en vois plus que deux, a savoir : 1° celle
que j’ai dOveloppee dans les Archives de mddecine d’abord, puis dans I’in-
troduction d mon Traile de la pellagre, et qui tend a nier I’existence de
la pellagre comme entile pathologique ; 2“ celle qui, dans I’etat actual de
la science et en presence de la masse des fails qui la condamnent, ne
peut voir dans la doctrine du mais altcre par le verdet et oonsidOrfi
comme cause specifique d’une maladie toxique appelOe pellagre, autre
chose qu’uqe hypotliese etiologique a laquelle manquent encore tous les
caracteres de la certitude. La premiere de ces deux doctrines n’ayantvu
lejour que posterieurement a la liilte dont M. Motet rdveillc le souvenir,
ce ne peut dtre d elle que se soit adressee I’allusion de noire confrere;
reste la doctrine de I’azeisme. Or, pour celle-la, je suis bien a I'aise pour
affirmer que, loin d’dtre ma doctrine, elle est a cette heure la doctrine
d’d peu pr6s tout le monde.
Pour montrer, en elfet, I’isolemont dans lequel se trouvent les partisans
du zeisme, il m’importe de rappeler qu’ayant parcouru a plusieurs reprises
I’ltalie, je n’ai pas, dunord au sud de cette pdninsule, trouve Irois me-
decins entre tous ceux avec lesquels j’ai dtd en rapport, qui partageassent
les idOes de M. Balardini et crussent a I’influence spOcitlque du mais altord
parle verdet. Si M. Motet, apres avoir visitd les salles de I’hdpital Majeur,
s’etait enquis aupres du doctour Verga et des autres mOdecins si com-
petents de ce centre d’observalions speciales, de I’opinion qui avail cours,
non-seulement parmi eux, mais encore parmi tous leurs confreres du
reste de I’ltalie, il aurait Ote frappO comme moi de I’unanimitd de leur
opposition a la doctrine du mais dans ce qu’elle avail d’absolu et d’ex-
En consultant lesannales de la science en Italie, ilseserait, d’ailleUrs,
convaincu que cette opposition a saisi toutes les occasions de se faire
jour, soit dans la plupartdestravaux sur la matiere, soit danS les congres
scientifiques et dans toutes les sociOtes savantes, et que I’opinion qui a
prdvalu dans toute la pOninsule peut se formuler ainsi : La cause de la
352 CORKESPONDANCE.
pellagre est compUxe cl variable, c’cst-a-dire qu’ellc rdsuUe rlu concours
d’un ensemble de conditions hygicniques dans lesquelles I’usage du .mats
n’entre que pour une cerlaine pari. Cette opinion confirme d’ailleurs
pleinement celle que M. le professeur Longet a emise, en presentant, ii
propos de la faim, dans son Traile de physiologic, la pellagre commo se
mamlcsiant « en Lombardio sur des populations incompletemeiitnourries,
bien plutot sans doute a cause de I’alimentation insuffisante que par
Paction directe du mais » .
Landouzy et tous les medecins qui ont visite PEspagne sans idee pre-
consue au point de vue de la pellagre ont constate la meme opposition
au zeisme.
Pour ce qui est de la France, constatons d’abord que Ics medecins
landais ne sont pas moins unanimes que los Italiens et les Espagnols a
rejeter Pinfluence specifique du mais altere par le vcrdet, et que les seuls
partisans du zeisme ne se roncontrent, a proprement parler, qu’en dehors
des observatcui s speciaux et que parmi des medecins qui, pour la plupart,
n’ontdtudid la pellagre que dans les livres. Les plus favorises sont ceux
qui ont eu sous les yeux quelques cas de pellagre sporadiquo, aussi irn-
propres a donner une idee exacle de la pellagre enddmique que Ic cboldra
sporadique a faire juger du cholera asiatique, ou ceux encore qui, dons
10 corn s d’un voyage en Italic, ont eu occasion do visiter avec la furia fran-
cese quelques salles d’un hopital oil se trouvaient des pellagreux, el ont
rapporte dc cotie visite une plus ou moins fugitive impression.
En discutant leur competence en matiere de pellagre, je n’ai pas a me
defendre de la moindre ponsce blessante a leur endroit. Ce sont tous, a
commencer par leur chef de file, des savants distingues au talent desquels
11 ne m’en coutc nullementde rendreun public hommage. Mais, quel que
soit ce talent, il ne saurait suppleer pour de telles questions a I’experienoe
speciale, et cette derniere s’est positivement prononcee centre cux en
coudamnarit formellement lour doctrine. Il n’a pu faire, en tout cas, qu’ils
ne lussent en imperceptible minorite par rapport a la masse des medecins,
et qu’ils fussent juges par ce fait que la plupart, ainsi queje suis a meme
de le prouver, avaient pris parti anterieurement pour la doctrine etiolo-
gique du ma'is altere par le verdet, et, qu’adeptes de la premiere heure,
leur opinion actuelle n’est, a proprement parler, que le reveil d’une
opinion des longtemps precongue.
En en voyant quelques-uns arborer de nouveau depuis un an le drapeau
du zeisme, on nepeut, d’ailleurs, oublier qu’au plus fort et pendant toute
la duree de la lutte a laquelle M. Motet fait allusion, ils avaient presque
tous prudemment rentre ce drapeau, que d’aucuns meme, je puis .en
fournir la preuve, I’avaient quelque peu abandoime et echange centre
celui quo deployait alors d’une main si virile le chefde I’ecole de Reims.
Il est significatif, en effet, que, soit dans los discussions qui ont eu
lieu a la Societo medicale d'emulalion, a la Societe des hopitaux, a la
Socidte mddico-psychologique oil la doctrine du mais a 616 battue en
breche de toutes parts, soit a 1’ Academic de medecine alors que Landouzy
dirigeait centre elle ses plus vigoureuses attaques, soit encore dans la
presse medicale, pas une seulo voix ne se soit clevee pour la defendre et
I’appuyer. 11 y a plus, et ce point appartiont ddsormais ii I’liistoire de
cette doctrine malheureuse, ses deux champions les plus connus ont fait
correspondance.
353
alors en quelque sorte defection a la cause. Appelds teas les deux sur le
terrain des faits, ils se sent abstenus de s’y rendre, et acte a ele pris
publiquement par le clinicien de Reims de leur abstention, dans des
lefons que VVnion medicale reproduisait avec son empressement habituel.
L’un des deux meme avail pousse I’abandon de la doctrine dans ce
qu'eUe avail d’absolu, jusqu’a declarer positivement, en 1858, a un de nos
plus honorables confreres, avec autorisalion a, le dire et d I'ecrire, le
cas echdant, qu’il n’admettait plus I’usage du mals comme cause exclusive
et que, pour lui comme pour presque tout le monde, cette cause etait
complexe et variable. Or, comme apres avoir reproduit cette declaration
dansun memoire insdre dans le cahier d’avril 1859 des Annales mddico-
psychologiques, j’ajoutais que, si notre honorable confrere ne trouvait
pas exacte mon interpretation de sa pensee, j’etais.tout pret a admettre
les rectifications qu’il voudrait bien m’indiquer, j’ai du naturellement con-
clure de son silence que j’avais fidelement traduitson opinion du moment.
L’abandon a peu pres general de la cause du mais a I’opoquc dont il
s’agit, de la part meme de ses partisans les plus connus, cet abandon,
dis-je, ressort assez dvidemmenl de ce que je vions de dire pour que je
nc crois pas avoir besoin de rappelcr le defi scientifique quo j’ai dans le
memo temps adressc a mes adversaires et auquel j’ai recemment substi-
lue la declaration contenue dans le passage ci-apres : « J’ai dit que la
doctrine dtiologique du mai's altere par le verdet etait condamnee par les
faits (1) ; olle I’est, du moins, par I’impossibilitd ou se trouvent ses parti¬
sans de produire une seule observation de pellagre, considdrde par eux
comme lype,doni je ne me fasse fort, j’en prends V engagement a la face
du monde savant, de montrer le pendant avec tons ses caracleres iden-
liques, chez des individus n’ayant jamais mange un atome de mais. »
Apres avoir constate, enfin, que dans le concours sur la pellagre, les
deux champions du mais n’etaient pas moins isoles qu’ils le sent dans
le corps medical, il nous reste a Atablir que le jugement rendu par I’Aca-
demie des sciences n’a rien change a leur situation, et qu’en couronnant
une oeuvre d’un merite incontestable, ce corps savant n’a nullement en-
lendu, comme on serait heureux de s’en prevaloir, couronner la doctrine
de son auteur. Cela rdsulte clairement des passages ci-aprAs du rapport
de M. Rayer : « C’est sous la reserve de I’experience proposee que la
commission formula son appreciation du concours et des ouvrages qu’il
asuscites .
R Si elle edt pu, la commission aurait fait I’experience de M. Costallat
et apportA, au lieu d’une reserve, une decision a I’Academie. »
Aucune des opinions que je viens de passer en revue ne pouvant Atre
considAree comme constituant une doctrine qui me soil propre, je ne
connais, a I’ordre de recherches auxquelles je me suis livrA, d’autre
rAsultat malheureux que celui d’avoir suscitA une foule d’erreurs plus ou
moins grossiAres, qui m’ont AtA gratuitement pretAes par des lecteurs
inatlentifs et dont on m’oblige trop souvent a dAcliner la paternitA. Je ne
(1) J’ai (ilabli, aillours, que la doctrine absolue du mais etait fatalenicnt condamnee
par cette double proposition : !• la mlaere et ll’insolation sans le mais produisent la
pellagre; 2” le mais sans la misere et I’insolaiion nc pent la produire.
ANNAL. MfiD.-psvcu. A“ sArie, t. ix. Mars 1867. 11. 23
854 GORRESPONDANCE.
puis, en effet, M. Motet le reconnaitra sans doute, considerer comme un
resultat malheureux le verdict sCientifique auquel ont aboutl hies travaux
sur la petlagre (1) ct quel’lilstitut a forhude dans les termes qui suivent ;
« Enllnune maladic qu’on a nomme aussi pollagro a et6 signalue, dans
les hialsohs d’aliends, parM. Billod; aprds I'avoir reconnuc dans I’ila-
blissement de Sainte-Gommes qu’il dtrlge, il I’a suivie dans unc foulc
d’auttes dtablissertients, et rletl n'cst hioins fare que colic espece do
pellagre dans cette sorle d’aslles.
I) C’est un Idmoignage du mdme genre ot non moins meritd quo la com-
rnissiotl accorde a M, Billod. Lui ausSi a signale des fails qui dlaient rostos
inapei'Cus, et a ajoute un cliapitre aux investigations palliologiques ; ses
observations et son enqudle rosteronl; mais dans I’opinion de la com¬
mission, cc qu‘11 a nommd pellagre des alidnos n*a pas de rapport avec la
nialadle qui, sous forme endemique, ravage plusieurs contrecs. »
Aprds avoir combatlu, suivant mon droit, ot dans co qu’ellcs m’avaient
de personnel les assertions do M. Motet, je n’aurais qu'incompldtcment
renlpli mon but, si je n’avais su faire comprendro quo ma reponse s’appli-
quait beaucoup plus a un 6tre colleclif personniflant un principo, qu’a
un savaivt confrere pour le talent et le caractorO dpquel jo no me sons
qde de I’estime, tout on regrettant que, suivant roxempie de M. Linas
et do quelques antres publicistes distingues, il n’ait pas su dtre juste
pouf I’auteur qu'il analysait sans elre injusto pour moi.
Je termino par une observation qui m’esl suggeree par la date que
M. Motet a donne a son article.
Le fait absolument insollte de dater un article qui rt’est pas dcrit sous
forme de leltre, le clioix ineme de colte date anterioHre de troiS mois a
la publication, donotont une intention evidente, el celte intention, pour
qui connait la collaboration de I’auteur aux Annates d’hygiene, no peut
avoir ete que d’eXonerer son travail de touto solidarite avec un autre
debat qui s’est termine par une reclamation de moi inseree dans le
nUmero de janvier de ce dernier recuell.
En dficouvrant ainsi son but, M. Motet a du conlprendre qu’il me
doniiait le droit de conclure qu'il considerait la reclamation doht il s’agit
comme une reponse antlclpee a son article et m’autorisail par cola soul a
I'y renvoyer avec le lecteur, ce que je m’empresso de faire en tefminant.
. 1“ fdvrier 1867. E. BiLLOb.
Posi-scriplum. — Apres avoir pris communication do la lettre ci-
apres, comme I’auteur avail eu lui-mcme connaissance de cede qui prd-
cAde, jo tions a constater que, non plus que M. Motet, jo n’ai le dcsir
d’enlamer une nouvollo polemique sur la pellagre, et que ma reclama¬
tion n’ayant tendu qu’a do oerlaines recUiloations do fait intoressant
plus ou moins ma reputation soientifique, j’ai lieu de considerer mon but
comme atteint du moment oil mon honorable oonfrere n’y rdpond pas
pour me oontredire. Je ne puis, d’ailleurs, en presence de ses loyales
allirmations, que renoncer a I’interprctation que j’avais cru pouvoir tirer
de la date donnee par lui A son article.
12 mars 1867. £. Billod.
(1) Jc suis heureux do reronnattre !c! quo cos travaux avaient did prdpards par
ceux do M. Baillargor et de quelques aUires mddecinS frauqate Ct italiens.
CORBESPONDANCE.
355
A monsieur le docteur Lunibr.
Monsieur et cher collfegue,
Le sage qui a bien voulu nous apprendre qu’il fallait tourner sept fois
la langue dans la bouche avant do parler, aiirait bien dfl nous dire com-
bien do fois il fallait retourner sa pensee avant de I’ecrjre. J’ai trouve
le livre de M. lloussol excellent; j’ai dit que Je partageais les opinions
de ce consciencieux observateur, et voila que, sans I’avoir voulu, j’ai
bless6 I’boriorable M. lliilod. Je'ne crois pas cepeiidant avoir oublic dans
nlon article ce que je devais an caraciere et an savoir du mddocin de
Sainto-Gemmes ; sa reclamation laisse percor un profond mdconlenle-
ment, et, volontiers, il m’accuserait do ne I'avoir pas lu, d.e I’avoir jugd
avec uno sorte de parti pris. Co nesont pas la mes habitudes. Je ne mo,
suis pas dcartii des botnes d’une critique loyaie et niodorce. J’ai etc, 11
me semble, juste pour M. Roussel, sans avoir ete ni hostile ni injusto
pour M. Blllod, 11 ne me oonviendrait pas d’engager an sujot de la
pellagre une polemiquc nouvelle ; elle serait a mon avis sans but utile.
Mon honorable adversaire prendrait sos arguments dans le livre qu’il
a publid, raoi jo chercherais les miens dans celui quo j’ai analyse, nous
n’arrivorions pas a nous' convaincre. En rester lii mo paratt le plus sage.
Toutefois, je ne saurais laisser passer sans reponse une insinuation de
M. Billod ; il me permettra done de lui dire que, quand j’inscris une
date Sur un travail, e’est cello du jour ou je I’ai tormine ; et vous, mon
cher colldgue, qui faute d'espaoe, n’avez pas publie mon article dans le
numero des Annates medico-psycholdgiques paru i la fm de novembre,
vbus qui avez annonce a vos lecteurs par une note que vous avioz mon
manuscrit entre les mains, vous savez mieux que personne ce qui s'est
passe. Si, dater uri article est uu fait insolite pour les Annates, ce fait ne
saurait avoir la signification que M. le docteur Billod semble vouloir lui
donner. J’aocepte, sans rdserves, la responsabilite do mes ecrits, qui,
a defaut d'autre merite, ont celui d’etre toujours I’expression sinefire do'
ma pensee. Dans cette circonstance, je n’ai qu’une chose a regrettor,
e’est d’avoir dveilld les susceptibilitds, peut-dtre un pou trop promptes,
d’uh excellent collegue pour lequel^ai toujours eu la plus vive ostime.
Veuillez agrder, ete. A. Motet. ,
Dans son article insdrfi au dernier numero des Annates, sous ce'
litre : les Cr6tins et tes Cagols des Pyrdndes, M. le docteur Auzouy jiaralt
croire que les quartlers de crdtlns qui devaient 6tre etablis a rasilo de
Bassens (Savoie), grace a une auguSte liberahtd, sent en plelh fdrtciion-'
nement ; e’est une erreur.
Ces quartiers n’existent pas et ne s,eront tres-probablenlent pas dr'diis,'
Sans prdtendre, ce qui serait loin de notro penSeo, que des individiis.'
appurtenant, a divers degrfe, au type cretin, ne sent pas susceptibles;
d’dtre amdliores, nous croyons encore que M. AUzOuy s’eXagere BeifUr
coup I’importance des rdsultats obtenus a I’Abendberg". ' D' C.
POLICE M^IDICALE.
DE L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE DU SERVICE DES ALlfiNlSs A PARIS.
La loi du 30 juin 1838 sur les aliends est depuis quclque temps
I'objet d’attaques vives et passionnees. Serait-ce qu’elle est mal con-
nue?Je le pease. Les medecins se sent, en general, peu soucids de
s’engager dans une lutte a laquelle ils se croient presque clrangers. Ce
sent mdme des medecins qui, les premiers, sent montes a I’assaut et
ont clierche a faire brdche. Les journalistes ne sent venus qu’apres
eux, heureux de combattre sous les mdmes drapeaux. La loi dtant une
de cedes dont on ne pent bien apprecier le merite qu’en la pratiquant ,
il eut fallu opposer aux atlaques I’autorite de I’experience, ce que per-
sonne, mieux que les medecins alienistes , n’dtait en mesure de faire.
Mais ces mddecins, dtant pour la plupart a la tote d’elablissements par-
ticuliers ou directeurs d’dtablissements publics, ni les uns ni les autres
n’ont ose prendre une attitude dnergique, dans la crainte d'etre accusds
de combattre pro aris et focis, ce qui, au fond , n’eOt point affaibli la
force de leurs arguments.
Nous qui n’avons dans cette question aucun intdret personnel, nous
nous proposons d’dtudier la loi de 1838 avec une compldte inddpen-
dance, en I’envisageant sous le double rapport de la libertd individuelle
et de la surete publique ; et, comme dans I’exdcution d’une loi ce sent
les moyens qu’il importe de bien connaitre , nous nous attacherons a
faire ressortir les details de son fonctionnement a Paris: car c’est la,
dans le choc de toutes les passions, au foyer des plus grandes agitations,
c’est la que le rdle de I’autoritd exige beaucoup de mesure et de fer-
metd pour garantir a la fois la socidtd et I’individu ; c’est la enfin que
la loi prdsente dans son application les plus sdrieuses difllcultds.
11 existe deux sortes d’dtablissements consacrds au traitement des ma¬
ladies mentales : les dtablissements publics, placds sous la direction de
I’autoritd publique, et les dtablissements privds , placds sous sa surveil¬
lance seulement, mais soumis a une autorisation prdalable qui fixe les
conditions de leur existence.
Les dispositions qui regissent les dtablissements publics ou privds,
leurs reglemenls intdrieurs, la direction du service medical, I’adminis-
tration dconomique des dtablissements publics, le choix et le fonctionne¬
ment des commissions administratives ou de surveillance, la nomination
des administrateurs provisoires et des curateurs, les peines ddictdes
centre les infractions, tout cela ne forme, pour ainsi dire, que le corps
de la loi, ses dispositions Iransitoires, son dconomie , en un mot. L’ame
de la loi, son essence, rdside tout entiere dans le mode et les conditions
de placement. C’est par ce cOtc surtout qu’elle touche a la libertd indi¬
viduelle et a I’ordre public ; c’est aussi par ce cdtd qu’clle a dtd le plus
vivement attaqude.
Les "placements sent de deux series, volontaircs et d’olfice. Avant la
loide 1838, il n existait que peu de garanlies pour I’ordre et la sOretd^
POLICE MflDICALE.
S57
et moins «ncore pour la liberie individuelle. Cette loi, dont nous aimons
a proclamer riiumanite, ne serait-elle done qu’une hypocrisie Idgale, un
sdpulcre blanchi ? Voyons si elle m6rite les attaques des uns et la juste
admiration des autres , au nombre desquels nous sommes. La premiere
condition imposde a la personne qui reclame le placement d’un alidne
dans un dtablissement destine au traitement des maladies mentales,
c’est qu’elle fasse connaitre dans line demande ecrite ses noms, sa pro¬
fession, son age et son domicile, ainsi que les noms, la profession, I’age
et le domicile de la personne a placer, avec I’indication du degrd do pa-
rente, ou, a ddfaut , de la nature des relations qui existent entro elles.
S’il ne suflisait que de former une demande, rien assurement ne se-
rait moins compromettant, et la prdvoyance du legislateur ne serait pas
fort a louer. Aussi, a-t-il complete cette disposition par unc autre qui
prescrit aux chefs, proposes ou directeurs , de s'assurer, sous leur res-
ponsabilitd, de I’individualite de la personne qui aura formd la demande,
de mdme qu’il leur est enjoint d’exiger la production d’une piece, passe-
port ou autre, au moyen de laquelle ils puissent constaler I’individualile
de la personne dont le placement a etc demande.
Qu’ils s’en assurent, diles YOUs, cela est bien ; mais quelle certitude
aurez-vous qu’ils I’auront fait ? — Je le saurai, moi autorite, chargde de
veiller a I’execution de la loi, parce qu’ils sont obliges do me faire
parvenir dans les vingt-quatre heures un bulletin d’enlrde oi'i il en
sera fait mention. — Mais s’ils ne le font pas ? — S’ils ne le font pas,
je les ddfere au procureur imperial qui les fera condamner a un em-
prisonnement de cinq jours a un an et a une amende de 50 franes a
3000 francs.
Suflit-il d’une simple demande pour faire enfermer quelqu’un dans
un ctablissement d’alienes ? Sufflt-il de presenter la garantie de son
individualitd ? Non. La loi veut encore qu’il soit produit un certificat
de medecin indiquant les particularites de la maladie et la ndeessild de
faire traitor la personne ddsignee audit certificat dans un dtablissement
special. La loi est plus exigeante : car elle Yeut que le certificat mddical
n’ait pas plus de quinze jours de date et qu’il ne soit signd ni par un
medecin attachd a I’dtablissement , ni par un medecin parent ou allid,
au second degrd inclusWement, des chefs ou propridtaires de I’etablisse-
ment ou de la personne qui a demands le placement.
Voila deja trois personnes engagees ; le rdclamant, le directeur et un
mddecin. La loi est-elle satisfaite ? Pas encore. Elle exige I’attache du
medecin de I’asile, dont le certificat doit figurer aYec celui de son col-
legue sur le bulletin d’entree. Mais ne s’avise-t-elle pas alors de se
prendre d’un nouYeau scrupule? Elle se dit que le demandeur a sans
doute un intdrOt 5 faire sdquestrer son parent ou son ami, que le md-
decin a pu se prdter a une infamie, et que le chef de I’dtablisseraent
doit, pour son plus grand profit, trouYer que le prdtendu fou n’a que ce
qu’il mdrite. Que fait-elle alors? Elle charge un ou plusieurs bommes de
Part, au nom de la libertd indWiduelle, de Yisiler sans ddlai la personne
dont il s’agit, a I’effet de constaler si elle est rdellement alidnde. Elle
dit ensuite au directeur de I’dlablissement : Vous avez pu yous tromper
ou dire trompd ; je yous donne quinze jours pour vous recueillir et
observer plus atlentivement la personne qui vous a dtd confide. Au
858 POLICE M6MCALE.
•bout de ce temps, vous m’adresserez un nouveau certificat qui confir-'
mera ou rectifiera, s’il y a lieu, vos premieres observations. Apres
cela, si votre conscience a quelque chose a se reprocher, je m’en lave
les mains, car j’ai informd de lout le procureur imperial rie votre endroitj
ainsi que colui de I’arrondissement ou ost silue le domicile de la per-'
Sonne placoo.
(Vest par suite de cette information que ce magistral visile, au moins
une fois par trimeslre , tous les etablissements de son ressort, soil pu¬
blics, soil priv6s, pour s’assurer que la loi n’y est pas violee, et pour
recevoir les reclamations des personnes qui s’y trouvent ddtenues.
D’autres personnes jouissent aussi de ce droit, tant le legislateur s’cst
monlro mefiant! Co sent le prfifet, le president du tribunal, le juge do
paix ct le maire de la commune, ce qui tient on dveil la vigilance des
chefs de ces etablissements.
II semble qu’apr^S avoir pris toutes ces pracaulions I’autoritd n’ait
plus qu’a dormir sur ses deux oreilles. Point du tout. Le malade a 6t6
yjlacd a bon droit, soil ; raais il a pu gu6rir; et, si les personnes qui ont
concouru de pros ou do loin ii son placement ontun intdret quelconque a
prolonger sa sequestration, h’y a-t-il pas un intervalle ou la surveillance
est inactive? Elibien! non; car outre les visiles .dont nous venous de
parler, deux fois par an, dans le premier mois de cheque semostre, les
direcleurs des dlablissoments d’atidnds sent tenus d’adressor au prefet un
certificat medical sur I’etat present de chaque malade, d’aprds lequel le
pr6fet erdonne sa maintenue ou sa sortie. Et puis, comptez -vous pour
rien les reclamations dont ces malheureux fatiguent les autorites? Pour
un alidne, ecrire est une seconde manie, bien legitime assurdment, car
e’est un'o de ses plus grandes consolations. Chaque lettre qui part lui
ouvre une porte de Eospdrance.
Quoi! vous voudriez nous persuader que les lettres arrivent toutes a
destination , et que les chefs de ces maisons prennent assez de souci de
ce qu’ils appellent des dlucubrations de fous pour les faire parvenir au
procureur imperial, au prdfet, aux rainistres, souvent indme au chef de
I’Etat, d’autant qu’ils y sent, en gdiidral, representds sous des couleurs
assez peu flatteuses? — Je n’affirmerais pas qu’il n’en reste pas quel-
quos-unes en route ; mais je connais un petit article de la loi qui con-
da nine a la prison lout chef d’dtablissement qui aurail supprimd ou retenu
aueunes requeies, aucunes reclamations, adressdes a I’autoritd judiciaire
ou a I’aulorite administrative par un alidnd.
Voila done sous quelle forme et dans quelles conditions s’effectuent les
placements volontaires. Ils sent enloures des garanties les plus completes.
En ost-il de mftme des placements d’office, e’est-a-dire ordonnes par
rautorite? Ces mots indiquent ddja que e’est moins I’interdt privd , la
liberte individuelle, qui sont en jeii, que I’ordre public, la sfiretd gend-
rale. C’est, en effet, le prdfet qui agit au nom de la socidtd pour protdger'
I’ordre public et les personnes. Mais est-oo a dire qu’il puisse ne con-
suiter que ses passions ou son caprice ? En d’autres termes, son pool voir
est-il arbitraire et absolu ? Tant s’en faut. En premier lieu, ses ordres
doivent dtre motives et enoncer les circonslances qui les ont rendus ne- '
cessaires. Ainsi que pour les placements volontaires,, il est tenu (Een
POLICE MfiDlCALE. 359
informer lo procureur imperial qui pent, quand il lui plait , en discuter
ropportunitd et la justice, et se pourvoir mcme devant le tribunal.
Dans CO simple et tres-bref exposd des dispositions de la loi, soit
qu’il s’agisse d’un placement volontairc, soit qu’il s’aglsse d’un placement
d’olllco, a quel moment, diles-moi, une sequestration arbitraire trouve-
t-clle sa place? Je I’ai vainement cherchd. Je ne vois, au contraire,
qu’uii luxe de precautions ddployo par le Icgislateur, un coritrdle rdel el
inevitable, une surveillance continue et d’autant plus sure qu’elle cst
exerceo par une foulo d’agents divers. line sequestration arbitraire, en
admoltant qu’elle fflt possible un seul jour, rdsistorait-ello a de pa-
reilles epreuves ? Aussi, combicn de faits a-l-on cites centre I’insuRl-
sance de la loi ? (iuatre au plus en vingt-huit ans, et je defie qu’on Ics
Lorsqu’uno personno est placde dans un etabllssemcnt consacre aux
maladies mentalcs, pour peu qu’il y ait en jeu des intorets d’uno oer-
taine importance, il cst rare quo I’acoord regne parmi tons les membros
do la famine. Comment supposer alors qu’on puissc. Sous les yeux vigi-
iants de tant d’interdts, retenir un individu sain d'osprit dans un 6tat de
veritable sequestration? Des dfinonciations arriveraient en foule aux au-
toritds, et il se feralt tant do bruit et tant de scandalc autour du pauvro
diablo que les portos de t’asile s’ouvrirqient d'elles-mdmes.
Uemarquons en passant que les chefs des dtablisserae'nts privfis, dont
plusieurs ont une haute valour mcdicale, et qui jouissent d’uno incon¬
testable honorabilltd, ont en outre mis des capitaux imporlants dans'lour
exploitation. Que faudrait-il pour faire crouler cet ddifice d’argent et de
probitd! Un fait un peu dclatant, un scandale, un proces. Or, s’exposer
a perdre a la fois son etablissement et son honneur serait lout simple-
rnent I’acte d’un fou.
En voila done plus qu’il n’en faut pour justifler la loi de sagesse et
de prdvoyance. 11 est evident que , 'dans cette question, les adversaires
de la loi do 1838 n’en ont vu qu’un seul cdte. Exclusivement oceup6s des
perils oil elle pourrait engager la liberto indivlduelle, ils n’ont en aucun
souci de la suretc des personnes, qu’ils Irouvenfsans doule que I’autoritd
protege suffisamment. Pour nous, au contraire, la libertd indivlduelle est
compldlement garantie. Aussi ne demandons-nous aucune autre precau¬
tion. Nos adversaires, eslimant ces garanties insufflsantes, veulent dlever
de telles barribres qu’il devienne presque impossible de sdqueslrer per-
Eonne de la soeiete. Mais savent-ils bien ou nous conduirait celte errour?
Je vais vous le dire.
A c6tfi des etablissements publics et privds ayant une existence legale
et agissant au grand jour, 11 en est d’autres qui, dans un interdt sordide
ou mcme dans un interet religieux, ont quelquefdis regu leS malheureux
pour lesquels nous avons ouvert des asiles. Ces cas sent rares, il est vrai,
parce que la loi a sagement aplani les obstacles pour le placement d’un
alidtiA; mais dlevez de nouvellcs barridres, rendez les prescriptions a peu
pr6s impraticables, cos dtablissements interlopes ouvriront leurs portes
au mfipris de la loi, et, au lieu d’avoir fortifid la liberty indivlduelle, nous
I’aurons livree a la cupiditd, a la vengeance ou au fanatisme.
Chose etrange! e’est au moment oil la plupart des peoples de I’Eu-
rope rendent hommage S notre loi, en lui prenant ses meilleures dispo-
36)
POLICE MfiDICALE.
silions, oil cclte loi regno presque on souvcrainc on Belgique et on
Italic, deux pays qu’on n’accusera pas d’dtoulfer la liberie, e’est a ce
moment qu’il nous passe par la tete d’en bouleverser reconomie. Les uns
demandent trois certificats de trois medecins differents, pour cviter une
surprise; les autres voudraient constituer un tribunal qui prononcerait
conlradictoirement sur la necessite ou I’opportunitd de la sequestration.
Les trois certificats, la loi les exige; non point, il estvrai, pour ouvrir
la porle de la maison d’alicnes, mais pour s’assurer que le placement est
justifie par Petal de la personne placde. Aller au dela serait impralicable
et onereux pour un grand nombre de families, et, d’ailleurs, la loi a
place la peine a cdte de I’infraction. Si vous craignez tant une orreur,
si vous voulez eloigner davantage la corruption, poiirquoi vous burner a
trois certificats? Bn medecin peut dire surpris ou seduit; deux egale-
ment; trois, e’est difficile; mais quatre, mais cinq, mais six, impos-
L’iddp d’un tribunal ou jury a quelque chose de solennel et do pro-
tecteur, mais n’est pas plus raisonnable Les fails sans doute scraient
difcutes, les temoignages pesds. A des temoins on on opposerait d’autres.
Si le malade venait a constituer un avoud et a se faire assislcr d’un
avocat, vous auriez done toutes les emotions d’un debat de justice ? Com-
prenez-vous la position d’un homme que le tribunal aurail declare sain
d’esprit a la majorite d’une voix? S’il est commergant, croyez-vous que
ses affaires s’en trouveraient bien? Si par hasard c’dtait un medecin, car
les mddecins ne sent pas plus que les autres a I’abri de ces cruelles at-
teintes, se trouverait-il encore des gens pour lui demander des soins?
Qui voudrait lui confier la vie de sa femme et do ses enfants ? La loi de
1838 a juste garde la mesure entre le secret absolu et une legitime
publicitd. Ce tribunal, d’ailleurs, elle I’a indique, et il fonctionne, non
pas comme jury de placement, mais corame tribunal d’appel, ce qui est
digne, juste et raisonnable. Ce n’est pas seulement la personne detenue
dans une maison d’alidnes qui peut se pourvoir devant le tribunal, e’est
aussi son tuteur, .si elle est mineure; e’est un parent, un ami mdme, et
cela a quelque epoque que ce soil.
Si les dispositions decette loi sent en general peu connues, quoiqu’elle
touche aux interets les plus sacres de la socidld, la maniero dont elle
fonctionne I’est encore moins. Avant de m’etre livrd a cette dtude,
j’eprouvais une sorte de disposition hostile pour I’autorite qui, a Paris,
est chargee d’en faire I’application. Je parlageais a cet egard les preven¬
tions du public ; mais je declare avec un profond sentiment de satisfac¬
tion, et sans crainte d’dtre dementi, que je n’ai pas cesse d’etre frappe
de I’esprit de justice et de bienveillance dont I’administration de la police
est animee dans I’execution d’une loi qui demande autant de mesure, de
delicatesse et de fermete.
On appelle placement d’office I’envoi dans un etablissement d’alienes,
prive ou public, d’une personne atteinte d’alidnation menlale, ordonne
ou approuve par le prefet de police. Je dis approuve, parce que Part. 19
de la loi de 1838 donne aux commissaires de police le droit d’envoi direct
de tout individu dont la folie ferait courir un danger imminent a la
societe, a la condition toutefois d’en refdrer, dans les vingt-quatreheures,
au prefet, qui doit statuer sans ddlai. Hors ces cas d’urgence, toute per-
POLICK MEDICALE,
361
soiine signalce comme donnant des marques de folie et pouvanl etre un
danger pour clle-memeoupourautrui, devientde la part du commissairede
polioe I’objet d’une enqugte serieuse, dans laquelle des temoins sent en-
tondiis, des fails ^nonces, des preuves fournieSj et presque toujours des
eertificats produits. Le commissaire de police, qui est aussi un magis¬
tral auxiliaire duprocureur imperial, penelre de la partde responsabilitd
qui lui incombe, n’use quo dans de rares oecasions du droit que lui
confcre I’article 19. II se borne, dans presque tous les cas, a diriger
I’individu alteint de folie sur le depflt de la prefecture de police, ofi a 6le
organise un service medical au point de vue de I’alienation mentale. C’est
line garanlie dont I’importance frappe les yeux; car, si I’individu ii’a eu
qu’un acces passager, ou si son delire n’est pas suffisamment defini, le
prdfet de police, sur le rapport du mMecin, ordonne immediatement sa
sortie. Dans le cas ou, au contraire, la folie est rdelle et persistante, le
malade est aussitdt transfer^, au moyen d’nne voiture specials, dans un
etablissement d’ali6n6s, accompagne du certificat medical qui doit servir
de point de depart aux observations du medecin de I’asile.
Un individu sequestre d’office est I’objet de la sollicitude de la loi,
lout autant que celui dont le placement a etd volontaire. Le procureur
imperial en est informe. S’il adresse une plainte en sequestration arbi-
traire, elle est examinee et suivie. Le directeur de I’asile est tenu d’en-
voyer au prefet de police certificat immediat, certificat de quinzaine,
certificat semeslriel, et, de mdrae que les directeurs d’etablissements
prives, il ne peut ni supprimer ni retenir aucune reclamation adressde
par un aliend, soil a I’autorite judioiaire, soil a i’autoritd administra-
La sollicitude de I’administration ne se borne pas aux mesures dont
nous venons de parler. Si la personne placee dans un etablissement
d’aliones demeurait seule, en maison garnie ou dans ses meubles, qui
prendra soin de ses interets ? Si elle parait etre dans une position de for¬
tune suffisante, le commissaire de police, en vertu d’une circulaire pr6-
fectorale du 25 juillet 1816, requiert le juge de paix d’apposer les scellds
sur la porte du logement, el de faire tous les actes de son ministere
ayant pour but la conservation des biens du malade; mais, s'il est
evident que celui-ci n’a que des moyens mediocres, afin de lui epargner
les frais toujours considerables qu’occasionne I’intervention du juge de
paix, le commissaire de police precede a un inventaire administralif,
qu’il constate par.un proces-verbal, et confie le mobilier a la garde offi-
cieuse d’une personne siire, qui consent a s’en charger et a le rcpr6-
sentcr a toute requisition qui lui en sera legalement faite.
Le malade a-t-il 6te dirige sur un etablissement hospitalier, tel que
Bicetre ou la Salpetricre : le prefet de police fait connaitreuu directeur
de I’assistance publique, auquel appartient la tutelle des aliends de cette
categoric, son etat civil, ses ressources, avec le droit qu’il a au domicile
de secours dans le departement de la Seine. A-t-il ete, au contraire,
sequestre dans un asile privc pour y etre traito a ses frais : le prefet de
police, en I’absence d’ayants droit, provoque aupres du procureur impe¬
rial la nomination d’un administrate ur provisoire, dont la mission con-
siste a recueillir les biens du malade, et a les appliquer a son bien-etre
avec une sage economic. Ces fonctions, ainsi que I’indique le mot, ne
362 POIICE MfiDlCAlM.
durent que le temps do la sequestration. Avec la libertc, le malado re^
prend ses droits.
On voit par cet apercu la dilTercnce des deux administrations dc palioc
et d’assistance ; I’uno, active gardjenne de la suretd publique et de la
libertd des personnes; I’autrej purement economique. Ce double idle est
dansl'esprit de la loi. Les mddccins de I’assistance ne sont pas ceux de
la police. Ceux-lii serviraient, au besoioj dc contre-poids a rautorite du
prefet, s’il lilait tenlo de Pexercor arbitrairement. Quelle est la mission
du prefet de police? Nous I’avons dil et nous venous de le repcterj pro^
toger la personae el la societe. Que fait I’assistance publique, branche
de la prefecture de la Seine? Elle administre ; el, commo les charges qui
pesent sur elle seat considerables, elle cherche a les allcger. Est-il un
moyen d’atteindre cc but? Oui, c’esl de repousser tout individu dont la
folic ne serait ni assex evidente, ni assez nettement constatce, ou bien de
lui ouvrir les portes dc I’asile aussitOt que son dtat permet de le faire sans
danger. N’est-cc pas la un contrdle reel? Les dissentiments qui survien-
nent quelquefois entre le prefet de police el les medecins de ces otablis-
seraents en sent une preuve. Si le prel'et se croit autorise par le senti¬
ment do sa responsahilild a suspondre sa decision au sujet d’un alieno
que le mddecin a declare gudri, il invite ce dernier a pousser plusavant
ses observations; il luirdvele cerlaines particularitds de I’exislonco du
malade; il fait autour de lui une lumiero plus vive. Si, apres cela, le
raedecin persiste, le prdfet n’a plus qu’a s’incliner, il a rempli son man¬
dat ; sa resistance deviendrait un abus d’autoritc, Il y a done, a mpn
avis, utilild, ndcessitd merae, dans une ville comme Paris, a ce qu’il
existe deux puissantes administrations qui se surveillent I’line et I’autro,
quand surtout il y a en cause la suretd publique et la liberte des per-
Nous avons parld des malades ayant un domicile connu ou a peu pros
connu. Mais il en est un grand nombre dont I’origine est confuse ,
incertaine, .au moment de leur envoi dans uii dtablisscment d’nlidndi ;
ce sont ceux que I’on arrete sur la voie publique. On se doute bion quo,
dans le trouble de leur esprit, ces pauvres diables ne peuvent donner sur
leur compte que des renseignemenls faux ou vagues. Il faut une admi¬
nistration habile et puissamment organisde pour ddcouvrir leur indivi-
dualitd , lour origine et leurs families. Dira-l-on que ces ddcouverles
n’ont qu’un intdret secondaire ? Ce serait une grosse erreur. Plusieurs
de ces • individus meurent dans les asiles. Est-il sans intdret pour les
families de connaltre le sort d’un de leurs membres?'ll arrive memo
assez souvent que des intdrets civils se produisent. Je laisse a penser les
ddlais, les retards, les empdchemenls qui rdsulteraient pour les ayants
droit d’une pareille situation. L’administration de I’assistance publique
apprdcie mieux les avanlages de ces investigations, qu’il lui serait impos¬
sible de faire elle-mdme, ddpourvue qu’elle est des instruments dont le
prdfet de police dispose. Le rdsultat est tout profit pour elle. Fixde des
lors sur la nationalitd ou le domicile de secours des individus dont elle a
la tutelle, elle se ddcharge par ce moyen des frais de sejour, aux dd-
pens de qui de- droit.
line autre catdgorie d’alidnds , dont le prdfet de police ordonne le
placement, est celle des individus arrdtds pour crimes ou ddlils, qui deja
POLICE MfiDICALE.
363
ont 6t6 condamn6s, ou qui ne sont encore que prdvenua on simplement
inculpds. Cette catdgorie est considerable, car elle forme, pour I’an-
nde 1866, up chiffre de plus de 300 , c’est-ii-dire le huitieme environ
de tous les placements d’offlce. Tant que les condamnis sont dans les
liens de leur condamnation, c’est le departement des prisons qui sup-
portc les frais de s6joui’; mais, aussitflt qu’ils en sont ddgagcs , ils re.
tombent dans le droit commun , ainsi que les prevenus et les inculpds.
Placements volontaires, placements d’office, condamnds, prevenus,
inculpcs, alienes de lout genre, tout cela se traduit par un chiffre de
3252, oit les placements volontaires figureUt pour 722 et les placements
d’offlce pour 2530. Si nous faisons la part de chaque sexe, nous trou-
vons les liommes representds par le chiffre de 1777 , et les femmes par
celui do 1475.
Pour donner une valeur a cos chiffres, il convientde les comparer avec
d’autro pris a des epoques diffdrentes. Reportons-nous done au commen¬
cement du sieclo. Au 1“' janvier 1801, les asiles publics d’alidncs do
departement de la Seine renfermaientune population do 946 personnes.
Cette population, au 31 ddeembre 1865, etait de 5985. Quelque grand
qu’ait did I’accroissemcnt de toute la population du ddpartomerit de la
Seine, I’ccart est trop considerable pour qu’il soit possible de ndghger
les autres elements.
11 est curieux de suivre la marche de la maladie par periode de dix
ans, Indiquons-en les chiffres, sur lesquels chacun batira sa thdoric
scion ses vues. Au lor janvier 1811 , i’augmentation etait de 437 ; au
1“' janvier 1821, do 809; au 1“' janvier 1811, elle n’est plus que de
238, pour aniver au 1'"' janvier 1841 a une dirhinution de 223. Le
chiHro de 438 signale une reprise marquee dans la periode de 1841 A
1851; mais c’est dans la suivante que I’augmentation deviont effrayante,
car elle s’dlcve a 2350 ; malheurousement il n’est gudre permis d’espd-
rer quo le mouvement diminue ou s’arrcte. Les tableaux suivants indi-
queront le mouvement des entrees dans les asiles prives et publics du
departement de la Seine, du janvier 1860 au 31 ddeembro 1866 ,
et feront ressortir ce triste phenomene de I’accroissement a pen pres
continu de la population aliende;
Annees. Dic6lre. Satpclricre. Charenlon. Asiles prives. , Total annuel,
1860. 929
1861. 934
1862. 987
1863. 096
1864. 1015
1865. 1143
1866. 1314
Parmi les causes qui ont ooncouru a cet accroissement , oelle qui
frappe le plus les esprits, parce que les effets en sont plus saisissants,
est I’abus des liqueurs alcooliques, et surtout de I’absinthe. Cela est vrai ;
mais j’estime, sans Otre raddeoin, qu’il en est une foule d’autres, phy¬
siques et morales, qui entrent dans les phdnomenes de la folie pour un
1400 1297
1353 1380
1449 1367
1496 1322
1511 1303
D. S,
2697
2733
2816
2814
2928
3252
36a POLICE MfiDICALE.
element bien plus considerable : les ambitions demesurees, le spectacle
elourdissant des fortunes rapides, s’dlevant et croulant de memo ; les
cxces de travail et de plaisirs ; en un mot le developperaent desordonne
des jouissances materielles. Dieu a pourvuchaque homme d’une certaine
somme de forces intellecluelles ; si vous imposes a son cerveau une lache
au-dessus de sa mesure, vous le menez a la mort ou a la folie. La raison
comme le bonheur est dans I’dquilibre des forces.
Faut-il peut-fitre aussi tenir compte du plus de facilites que nous avons
aujourd’hui pour obtenir un placement dans un asile d’aliends , et du
plus grand nombre mdme de ces asiles? La loi de 1838 , en obligeant
cliaque departement d’avoir un ctablissement public pour le traitcment
des maladies mentales, et en tragant une voie reguliore aux sequestra¬
tions, a mis en Evidence une multitude de cas qui fussont reslds ignords.
II est vrai aussi de dire que c’etait un des resultals oil devait nous con-
duire I’alTaiblissement des liens de la famille. Loin de nous tout ce qui
peut troubler nos plaisirs ou nos affaires I A cdtc de nous, d’ailleurs,
vivent d’autres hommes, tout aussi desireux de repos et de plaisirs, et
qui ne supporteraient pas, n’y Slant pas tenus, le spectacle bruyarit de
la folie. Voila pourquoi les dtablissements de ce genre regorgent d’habi-
lants. L’asile a remplacd la famille. Mais c’est la faute de nos moeurs et
non celle de la loi.
Les mSdecins s’amusent a faire des fous, disait un jour un personnage
qui occupe un rang Sieve dans la hierarchie administrative , et rem-
plissent les etablissements publics d’une foule d’individus inoffensifs ,
idiots, dements, imbeciles, qu’il serait plus juste et plus nalurel de Inis-
ser a la garde affectueuse de leurs parents. Ce sentiment est partagd par
un grand nombre de gens du monde, plus ou moins eclaires, qui ne
savent pas que Paris Slant une ville exceptionnelle, tout y est en dehors
des conditions ordinaires. Un individu de I’espece dont il s’agit, qui,
dans tout autre lieu, ne gene personne, parce qu’il vit en quelque sorto
sous les yeux de lous, surveillS, protege mSme, est ici un etre incom¬
mode et dangereux.
Supposes une de ces immenses ruches humaines , oil chacun a sa
case, mais si rapprochSe de celle de son voisin, qu’il semble quo I’on
soil de la memo famille. Dans une de ces cases, a cStS, au-dessus ou
au-dessous, n’importe , est un malheureux idiot ou un vieillard en de-
mence senile. Sous certaines influences, ilpoussedes cris oudes gemisse-
ments qui retentissent dans la case voisine, dontil trouble le repos. Aussi-
tflt de courir chez le proprietaire, de porter ses plaintes partout, d’exagerer
memo les craintes, et de fatiguer le commissaire de police jusqu’a ce
que le malheureux soil expulse ou place dans un ctablissement public.
Cost a la famille, direz-vous, a surveiller ses membres. D’accord ;
mais etoufferez-vous la voix de I’insense , qui n’a, lui , ni conscience de
son etat, ni souci du repos des autres 2 Si, en outre, les membres utiles
de la famille sent obliges de chercher au dehors des moyens de subsis-
tance, qui exercera la surveillance dont vous parlez? 11 y a done dans
cette situation , qui est generale a Paris, une cause reelle de trouble ; et
s’il prend fantaisie au pauvre idiot ou dement, fatigue de sa sequestra¬
tion, de franchir le seuil de sa case,.de descendre dans la rue et de
s’en aller a la grace de Dieu , ce qui se produit frdquemment , qu’en
POLICE MfiDICALE,
365
adviendra-t-il? AprSs avoir couru le danger d’etre renversd ou vole, il
sera heureux s’il cn est quitte pour fitro arrdle eomme un vagabond
et envoye au d^pflt de la prbfeeture de police , jusqu’a ce qu’il
soil rfeclamd par sa famille, que sa disparition aura plongee dans le
ddsespoir.
e’est pour n’avoir pas tenu comple de ces ndeessites, ou pour les
avoir ignorecs, que quelques hommes, ayant d’aillcurs du merite , out
commis les plus graves erreurs. 11s ont prdtendu raisonner de Paris
eomme d’une ville ordinaire, et d’aprfes ce qu’ils avaient observd sur le
lout petit theatre oil ils avaient joue un grand rdle.
Done, I’ordre public et la sOretd des personnes pouvant 6tre compro-
mis, qui est celui qui a mission de prevenir le danger ? Le prefet de po¬
lice. C’est done a bon droit que la loi lui a confie le soin d’en faire
I’application. Les infortun^s dont je remplis les asiles, rfipond-il a I’ob-
servationdo noire porsonnage, sont prives de raison ; vous en convenez..
Si leur presence au iniheu do leur famille pout se concilier avec I’ordre
public, je les y laisse ; mais si, au contraire, ils sont un danger ou une
cause de trouble, en verlu des pouvoirs dont la loi m’a invest!, et sous
ma responsabilite , je les enferme. Le reste vous regarde. Vous files
assistance publique. Je vous charge un peu, il est vrai ; mais rendez-moi
celte justice que je menage vos intfirfits avec autant de sollicitude que
vous. N’est-ce pas moi qui, pour alleger vos charges, poursuis avec
activite le rapatriement des alifinfis etrangers a la France, et vous fourriis
de prficieux documents pour ctablir le domicile de secours des alifinfis
etrangers au dfipartement de la Seine ?
Cette question d’origine et de domicile de secours est d’une grande
importance pour les intfirfits de la ville de Paris. Le prix de revient d’un
alienfi (homme), a Bicfitre, fitant de 1 fr. 85 par jour, et de 1 fr. 50
pour une femme a la Salpetnere . il est facile de comprendre I’intfirfit
qu’a le dfipartement de la Seine a rejeter sur qui il appartient les de-
penses d’un malade qui n’y a pas acquis, par un sfijour non interrompu
d’une annfie, le domicile de secours.
La question est plus inlfiressante encore quand il s’agit d’un ctran-
ger. Nous n’entendons phs parler des fitrangers riches. Ceux-ci , s’ils
sont malades, savent bien se faire soigner a leurs frais, et, par consfi-
quent, I’autorite n’a rien a voir dans leurs affaires. Ce sont les malheu-
reux qui nous occupent, les malheureux qui, dans tons les pays du
monde, privfis de ressources, tombent a la charge du public. Le diflicile
n’est pas de constater leur indigence , mais d’etablir leur nationalitfi ;
car ils sont le plus souvent depourvus de papiers, et, quand ils cn ont,
livrets, passeports, certilicats, les noms propres y sont si defigurfis, que
c’est encore un travail considfirable pour en rfitablir I’orthographe. 11
ne sufTit pas, pour ouvrir des nfigociations a ce sujet, d’fitre a peu pres
fixe sur la nationalitfi du malade, il faut en fournir la preuve ; il faut, par
consfiquent, produire une piece incontestable, au moyen do laquelle on
puisse dire a ungouvernement : cet homme vous appartient ; void a quel
signe vous le reconnaltrez. C’est par le ministre des affaires fitrangeres
que sont conduites les nfigociations ; mais c’est au prefet de police a en
preparer le travail que lui seul peut niener a bonne fin a cause des
moyens dont il dispose.
S66
POLICIS MfiDICAtE.
Vous avez fitabli I’origine de I’alifine ; o’est Men. Voub savez qu’il
appartient a tel ou tel pays. Mais est-oe assez pour que son pays lui ouvre
les bras? Point du lout. La legislation en malMrede rapatriement varie
d’un Etat a I’autre. Les uns s’y refusent d’uno maniere absolue, oomme
la Russie et Rome ; les autres, lels que la Prusse, renient leurs enfants
qpres uii sejour de dix ans en pays etranger. Dans le grand-duoli6 de
Bade, tout individu, dont la mere s’est mariee a I’dtranger, sans I’auto-
risatiou des autoriles badoises, a perdu la jouissanoe do ses droits civils,
et, par consequent, son droit aux seoours publics; en BavMre , il est
declare illegilime. Ce sont, en general, les gouvernements les plus libc-
raux qui montrent le plus d’empresseraent a dtendre leurs mains protec-
trices sur leurs sujets malhourcux.
Ce n'est pas tout de poiirsuivre, par la voie des negociations, le rapa¬
triement d’un aliene ; il y a, pour la ville de Paris , un interdt capital a
ce que les negociations ne tralnent pas en longueur ; car la plupart
des Etats so refusent a rembourser les frais de sejour des alienes ;
leurs sujets, dans les asiles de France. 11 en est memo, commela Bavidre,
qui laissent a notre charge les frais de leur transport, apres que le rapa¬
triement a etd consenti. Le nombre des dtrangers rapatries par leurs
gouvernements, dans I’annee qui vient de fmir, a ete de 60.
Celui des Fran^ais n’ayant pas acquis a Paris le domicile de secours
et transferes dans les departements par suite des negociations entre le
prefet de la Seine et sos collogues a dte bien plus considerable; il s’est
dleve a 207.
Ces evacuations no suffisant plus a maintenir I’equilibre entre les
entrees et les sorties, on a etc amend a pratiquer les transfercments sur
une plus gr.inde echelle, sans tenir compte du domicile do secours. Ln
ndoessitea commande cetle mesure. U existe aujourd’hui, suivantle vceu
de la loi, dans un grand nombre de departements, des elablissements
publics pour le traitement des maladies mentales. Le prefet de la Seine
passe des marches aveceux, en vertu desquels un certain nombre d’alie-
nds sont aussitot diriges sur ces asiles, oil les frais de sejour, variant
entre 1 franc et 1 fr. 25, sont de beaucoup inferiours a ceux du departe-
ment de la Seine. Ces transferements, autorises par le prefet de police,
se font par cunvois , au moyen des chemins de fer, sous la surveillance
des agents de I’administration hospitalidre.
Pourquoi autorises par le prefet de police ? direz-vous peut-dtre ,
puisquo c’est une mesure purement economique. Vous n’avez pas oublie
sans doute que la sdquestration de ces malades, ordonnee par le prefet
de police, a eu pour motif un interet d’ordre public. Comme ils iic
peuvent quitter I’asile sans qu’il se soil assure de leur dtat, il est evident
qu’il ne peut rien etre change a leur situation sans son assentiment. Plu-
sieurs d’entre eux sont encore, soit comme condamnes, soit comme
inculpes ou prevenus, sous la main de la justice. Le prefet doit les
representer a sa requisition. Comment pourrait-il le faire s’ils etaient
transferes a son insu dans un asile departemental? Il en est d’autros
qui sont soumis a des mesures administratives, les filles publiques, les
mendiants et vagabonds libdres , les individus en rupture de ban, etc. ;
n’est-il pas dvident qu’ils echapperaient a ces mesures par une transla¬
tion qu’il n’aurait pas autorisde ? C’est pour cola que les listes lui sont
POLICE MfimCALE. 367
soumisds, et qu’afires los avoir approuveeSj il fait, toUjours dans tin Irtte-
rfit d’ordre public, surveiller lea departs des cotivois.
Vingt et un de ces convois out etc effectues dans le cours de I’nnnee
18(i6 et out transporte 575 malados, 268 liomtnes ot 307 femmes, dans
14 etablissements departementaUx.
Que sent devenus les 3252 aliends sequeslres pendant cotte mfime
anneo dans les asiles de la Seine? Les uns en sent sortis pour y renlrer
de nouveau, en parlie du moins, apresnne opreuve infructueuse ; car ce
qu’on nomme guerison n’est trop souvent qu’un dtat de remission ))1iib
ou moins prolongd. D’aulres sont morls ; le reste Compose le fond de la
population incurable des asiles. Les deces representcnt le cinquienio de
toule la population des asiles publics et piives et se rdpartissent entro
eux do la maniero suivnnte :
lltcCtre.
Malndes fostanl an 31 docombro 1805 .
— onlros dutis Ic couraiit de I'annco 1860 .
— fiorlis par suite do guerison, Iranslatidiis, I’npalriomcnts.
Pi'oporliofi, 1 sur 3,14'.
Proportion, 1 sur 5,G8.
Clinrcnton.
Malndes roslaiit an 31 ddcciiibrc 1805.
— cnli’ds pendant I'annee 18GG.
Proportion.
571 Homines 295 Femmes 270
— 123 — 51
745 Ilommcs 418 Femmes 327
113 — 77 — 30
632 Ilommcs 341 Femmes 291
79 — GO — 19
1 s. 8 — 1 sur 5,00 — 1 sur 15
Etjil»lij!iscincnts prives.
Malades rostantau31 dceembre 1805.
— cnlrcs pendant I'anndc 1800. .
Total. . . .
027 Honimes, 293 Femmes 334
GOO — 340 — 200
1227 Hommes 033 Femmes 504
784 Hommes 397 Femmes 387
129 — 88 — 41
1 sur 0,08 — 1 sur 4,05 —1 sur 9,43
368 POLICE MtolCALE.
Ces chiffres sent enormes, sans doute ; mais ils n’ont rien d’exorbi-
tant. Supposes un homme d’line constitution energique, servie par des
organes cerebraux sains ot vigoureux, il defiera les ans. Prenez, au
contraire, un corps use par le travail et les plaisirs ; si le cerveau, instru¬
ment de sa puissance, vient a lui faire ddfaut, 11 tombe comme une masse
inerte. Une partie des individus qui peuplent les elabllssements d’alienes
sont dans cette condition deplorable. Dans les asiles prlves, les condi¬
tions materielles etant meilleures, la moyenne des ddces est moins -forte.
Mais I’asile public est I’asile du pauvre. Le pauvre a souffert de deux ma-
nieres, par sa pauvretd et aussi par les cxces. Lorsqu’il arrive dans ces
lieux de douleur , les sources de la vie sont presque dpuisdes. Voila ce
qui explique la difference de mortalite entre les uns et les autres.
Les etablissements d’aliencs ont subi d’importantes ameliorations,
mais le dernier mot n’est pas dit encore , tant s’en faut. Augmenter le
bien etre materiel et moral de leurs tristes habitants paratt 6tre le but
oil tendentles efforts de I’administration. La question ostdigne, enelfet,
de la plus sdrieuse attention et meriterail seule un long article, maisclle
ne rentre pas dans notre plan. Nous nous elions propose de demonlrcr
que la loi de 1828 garantit suifisammentl’individu etla societc et qu’elle
fonctionne ici, a Paris, sous nos yeux, avec toute la mesure convenable.
Cela fait, notre tacbe est terminee,
(Arc/iivcs gene'rales de mddecine, mars 1867.)
VARIETES.
NOMINATIOHS.
Viennont d’etre nommds :
Medecin de I’une des sections d’alicndos de la Salpfitrifire (Seine), en
romplacement de M. Falret, demissionnaire, M. le docteur Aug. Voisin,
nuidecin de Bic6tre ;
Medecin de Tune des sections d’alidnfis de Biefitro (Seine), en rom¬
placement de M. Aug. Yoisin, M. Lcgrand du Saulle, ancien interne de la
maison de Charcnlon ;
Medecins de I’asile Sainte-Anne, a Paris (places credos), M. le docteur
Dagonet, mddecin en chef de I’asilo de Stephansfeld (Bas-Rhin) (division
des hommes), et M. le docteur Prosper Lucas, mddecin de Bicdtre (divi¬
sion des femmes);
Medecin de I’une des sections d’alienes de Bicdtre, en romplacement
de M. Pr. Lucas, M. le docteur J. Falret, ancien interne des lidpitaux de .
Mddecins du bureau d’admission annexe a I’asile Sainte-Anne, MM. les
doctenrs Magnan et Bouchereau, anciens internes des hopitaux de Paris;
Mddecin en chefde I’asile de Stephansfeld, M. le docteur Hildenbrand,
directeur-medecin de I’asile de Saint-Alban (Lozere) ;
Mddecin prepose responsable du quartier d’ali^nes de Niort, en rem-
placement de M. le docteur Charribre, non acceptant, M. le docteur
Lagardelle, mddecin-adjoint de I’asile de Bordeaux ;
Medecin-adjoint de I’asile de Quatremares (Seine-lnferieure), M. le
docteur Lagarosse, mddecin-adjoint de I’asile d’Armentiercs.
— L’asile Sainte-Anne, dont la direction provisoire a dte conflee d
M. le docteur Girard de Cailleux, inspecteur gdndral du service des
abends assistes de la Seine, ouvrira tres-prochainement. — Les medecins
resideront.a I’asile, et il leur est expressdment defendu de faire de la
clientele au dehors et de participer a un litre quelconque a la direction
administrative ou medicate d’un asile prive. Ceux charges du service de
I’asile proprement dit recevront , parait-il , un traitement annuel de
8000 francs, et ceux du bureau d’admission, de 2500 francs, non com¬
prises les indemnites de chauffage et d’eclairage. II y aura de plus, a
Sainte-Anne, un pharmacien en chef a 3000 francs et qnatre internes
a 800 francs, deux eu mddeoine et deux on pharmacie, qui recevront
en outre les allocations en nature ordinaires.
Nous ne savons point encore quel sera le veritable caraetdre de I’asile
Saint- Anne, ni comment il fonctionnera.
Le service des abends assistds de la Seine sera, il la mfime epoque,
transferd des bureaux de I’assistance publique dans ceux de la prefec¬
ture dela Seine (direction ddpartemontale, 3“ section, 1“*' bureau).
ANNAL. Mfib.-psvcu. A” scrie, t. ix. Mars 1807 12. 24
370
VARlfiTfiS.
NfiCROLOGTE.
La Societe miSdico-psychologique vient de perdre un de ses mcmbres
correspondants, et le service des alidads un de ses mddeoins qui, parmi
les plus jeunes, donnait les meilleures espdrances.
M. le docteur Kuhn, mddecin en chef hors cadre, en mission dans la
Haute-Savoie, vient de succomher a une longue el cruelle maladie, con-
Iroclde dans I’accomplissement de ses fonctions.
Ancien interne a Mardville, raddaills d’or du prix Esquirol, en 1860,
nomine medecin-adjoint a I’asile de Pau en 186d, M. Kuhn fut au mois
ue mai de cette meme amide detache a Moraine, coinme adjoint a
M, I’inspecteur gdndral Constans, qui, pour la seconde fois, dtait charge
par 3. Exo. M. le miniatre de I’interieur d’aller prendre les mesures
ndcessaires centre rdpiddmie morale qui avail deja, en 1861, sdvi sur
cette commune el qui venait, sous I’influence des mdmes causes, d’y
reparaitre avec un redoublement d’intensild.
M. Kuhn ne tarda pas, par son savoir, son able, son activitd infati-
gablc, a prouver a M. Constans, qu’il avail eu la main hcureuse, en le
choisissant pour collaborateur ; I’dpiddmie fut vaincue de nouveau ;
mais elle pouvait renattre encore, si une surveillance active, inccssam-
ment exerede, n’dtait longlemps maintenue au foyer du mal, si des soins
immddiats n’dtaipnt toujours possibles.
Pour continuer cette mission, dans ces conditions nouvolles, il fallait
un liomme jeuno ;
Le savoir, Ic able, n’eusseut point sufTi, si I’amour du devoir, un coour
plein de oharild, un caractere franc, mais ferme, n’y eussent dtd reunis ;
Bonne et heureuse nature, M. Kuhn possedait tout cela : aussi fut-il
Choisi pour continuer seul I’oeuvre a laquelte rl avait pris une si large
' Ce choix dtait un honneur pour I’homme et pour.le mddecin, mais
e’etait un exil.
Quitter le doux climat de Pau, renoncer a la vie d’une ville animee,
pour aller s’ensevelir dans une gorge de montagiies, sous la neige pen¬
dant sept ou huit mois de I’annde, dans une boiirgade sans ressources
aucunes, ou il faut vivre tie la trop frugal© vie de sds pauvres habitants,
demandait une somme d’abndgntion devartt laquelle nd recUlA piJint le
ddvouemont de M. Kuhn ;
II y a passd deux ans.
Comme les hdroiques soldats auxqfuels on disait : Ddfedtldz ce passage,
vous vous ferez tuer, et I’armde sera sauvde;
Stoique soldat de la science et de la charitd mddieale, malgre toutes
les privations et de cuisants chagrins ; malgrd la maladie, sans secours
et sans se plaindre, il est, lui aussi, restd' a son posto jusqu’d' la mort ;
Car si sa triste situation fut connue, ce na fut pas lui qui la rdvdla, et
il ne quitta Morzine, il y a un mois d peine, qu’avec un congd qui lui fut
a peu pres impose.
Mais il dtait trop tard ;
Ses forces dpuisdes ne lui permirent pas de ddpassef' Thondtl, G’eSt la
qu’il vient, le 13 mars, de terminer sa trop courte, mais honorable car-
VARlfiTfiS.
371
Laissant une jeune veuve doHt iioilS igrlorohs Ics ressourcos, mais qui,
nous n’en doutons pas, sera, si besoin est,- adoptde par le corps entier
des rnddecins alienistes. A. C.
— Nous avons le regret d’annoncer !a niort de M. le docteur Yerori,
ancien medecin en chef des assies de Ddle et de Mareville, menibre cor-
respondant de la Societe medico-psycholbgique.
— Les journaux anglais nous apprennent la mort d’un savant alieniste,
Alex. Sutherland, medecin consultant de I’hdpital Saint-Luke.
ASILES D’AL1^:N^;S.
Nous empruntons les passages suivanls a I’exposd de la situation de
I’Empire presente rdeemment au Senat et au Corps Idgislatif.
— Matson impdriale de Charenton. — Les travaux projetes depuis
longtemps pour la reconstruction d’une partie de la maison imperiale de
Charenton ont etc comnneneds cetle annee. Le quartier des femmes, qui
menafait ruine, sera rdedifie completement, et Ton inti’Oduira dans les
nouveaux amenagements les ameliorations et les perfection nements dont
la science et I’expdrience ont fait reconnattre I’eflicacitd.
— Service des alidHds. — D’importanles decisions ont die prises, en
1806, en faveur du service des aliencs. L’Ardeche, le Morbihan, le
Tarn-et-Garonne, ont autorisA I’dtude prdparatoire de projels ayant pour
but la fondation d’asiles ddpartementaux. A Lyon, oil le service hospi¬
taller de I’Antiquaille est si .defectueux, le conseil general a void la
creation d’un etablissement de 1200 malades extra muros. Les pre¬
miers mois de 1867 verront s’ouvrir, dans I’Aisne, I’asile agricole de
Premontre, et a Paris,' I’asile clinique de Sainte-Anne. Le departeraent
de la Mayenne a consacre 70 000 francs a I’achevement des construc¬
tions de I’asile de la Roche-Gandon. Les conseils generaux d’llle-et-
Vilaine et du FinistOre ont vote deux emprunts pour I’agrandissemont
des deux maisons d’aliends de Saint-Meen et de Saint-Athanase. Enfin,
la Seine-lnferieure a decide la translation de I’asile de Saint-ton hors
des murs de Rouen, et son adjonction a I’asilc de Quatremares. Cot
ensemble de raesures permettra de donner une satisfaction plus large
aux intArOls des malades et des families.
Lot du 18 juillel, — En ce qui touche le service des aliends, la loi du
18 juillet a confefA aux cbnseils generaux d’itnportantes atlfibulions. Sous
le regime de la loi du 30 juin 1838 et du decret du 25 mars 1852, la
dcpBnse des aliOues indigents Atail reglee par le prefel. Ce droit appar-
tient a'ujourd’hui aU Chnseil gAnAral, qui fixe Ogalement, dans les asiles
departementaux, les frais de transport et ceux de sejour proviSoire des
alienes, le tarif des pensions et la part proportionnelle laissfie a la charge
des cohamunes et des families. Par une consequence necessaire, le regle-
itieht des budgets et I’appfobation des comptes de' ces mOmes asiles lui
appartienneht aussi. Enfm, e’est aux conseilS gOnefaux qu’est maintenant
rkervAe 1’ approbation des traitOs passAS entre les dApartemertts et Ids
Atablissements publics ou privAs.
Ces attributions, exolusivement financieres, laisSentd’ailleurs subsister
372 VARIfiTfiS.
celles qui, en vsrtu des principes antdrieurs, et par la nature meme dos
choses, appartiennont a I’autorite publique. Sur les questions de per¬
sonnel, de police, d’ordre public, de liberte individuelle et do stiretc
des personnes, faction du ministre responsable est, en elTet, la seulc
qui puisse regulierement et utileraent s’exercer. Aussi, comme I’a expli-
que le rapporteur do la commission legislative, la loi nouvolle a-t-cllc
limite la competence du conseil general aux matieres fmancieres, en
maintenant expressement a I’autorite superieure la direction des asiles.
L’organisalion gdnerale du service n’en a pas moins 6t6 profondd-
ment modifide; mais I’excellent esprit des conseils gdndraux, la con-
naissancc parfaile qu’ils ont tous des besoins dc cetle branche do I’as-
sistance publique, devaient rendrc la transition facile. Sur presque tous
les points, les rdsuUals de la session ont etc trcs-salisfaisants.
Deux questions seulement ont etc soulevdes ; Tune, relative aux
besoins imprdvus qui peuvent se reveler en cours d’exercice, sera aisd-
ment resolue par I’ouverlure d’un credit de reserve, ainsi quo plusieurs
conseils gdndraux en ont ddja pris I’initiative en favour du service des
chemins vicinaux ; I’autre, plus importarite, se rapporle a la dotation
des asiles et a la necessite de inaintenir dislincls de la caisse et du
budget departemental le budget et la caisse des asiles publics.
Cette doctrine, coiiforme aux principes gdndraux etablis par la loi du
30 juin 1838 et I’ordonnance du 18 ddcembre 1839, so iustifie par les
conditions memes de 1’ existence des asiles ; elle ne fait, d’ailleurs, quo
reproduire, a I’dgard des ddpartements, les rapports qui existent entre
les hospices et les communes, en matiere d’adminislration et de compta-
bilitd. C’est la un point essentiel qui ne merite pas moins I’altention des
conseils gdndraux que celle du gouvernement.
— Detenus aliends. — Nous nous empressons de publier uno circu-
laire quivient d’dtre adressde a tous les prdfets dc I’empire.
Paris, lo 28 fcvrier 1807.
Monsieur le prdfet, par une circulaire en datedu 7 ddcembre 1864,
mon prdddcesseur vous a recommandd de soumettre a son approbation
les arretds qui ordonnent le placement, dans les asiles, des condamnds
reconnus alidnds pendant la durde de leur ddtention.
Quelques-uns de vos collegues ont pensd qu’ils devaient surseoir au
placement des condamnds alidnds dans ces dtablissements jusqu’a ce que
la mesure ait regu mon approbation. C’est donner a la circulaire du
7 ddcembre 1864 une interpretation que ne comportent ni son texte, ni
son esprit. Des considdrations d’humanitd doivent au contraire faire un
devoir a I’administration de decider que les detenus qui, a I’avenir,
auront dtd reconnus alidnds, seront envoyes immddiatement dans les
asiles pour y recevoir les soins qu’exige leur dtat. C’est, en effet, dans
les debuts de I’affection mentale, que le traitement 4 appliquer a I’alid-
nation peut avoir le plus de chance de succds. Vous aurez seulement
a m’intormer de chaque placement des qu’il aura dtd effectud en mo
transmettant une copie de voire arretd accompagnde du certificat du
mddecin cxigd par ma circulaire du 8 novembre 1865.
L’examen de ces ccrtificats m’a amend a reconnaitre que les demandes
VAUlfiTfiS.
373
de translation dans les asiles etaient le plus souvent motivces sur le
trouble quo la presence de I’alidnd apportait dans I’ordre et dans la tran-
quillite de la prison, ou bien sur les dangers que son maintien sous les
verroux pouvait amener, soil pour sa vie, soil pour celle de ses eo-
ddtenus.
11 n’est pas besoin de considerations de cette nature pour determiner
le placement d’un eondamnd aliene dans un asile.
Ce placement doit avoir lieu des que I’alienation est reconnue, quels
que soient son caraetere et son intensite.
Lorsqu’on se trouve en presence d’un homme prive de sa raison, les
intor6ts de la repression disparaissent pour faire plaee aux sentiments
de eommiseration qu’une pareille infortune excite dans tons les esprits.
Recevez, monsieur le prdfet, I’assurance de ma consideration tres-
distingude.
Le ministre de I’intdrieur,
Sigm : Lavalette.
Prlx dc I’Acadtiiiie Imperlalc dc medeclnc de Paris.
L’Acaddmie a re^u, avant le dclai voulu, pour le concours de prix de
1867, les travaux suivants :
Prix Civrieux. — N° 1. Spigraphe : a Diis quidem immortalibus qua;
potest liomini major esse poena furore atque (Cicero).
N" 2. Chez le dement, I’intelligence s’use d’abord, puis I’instinct;
I’homme, ainsi rdduit, fmit par ne plus dtre qu’un estomac (Guislain).
{Comm. : MM. Baillarger, Cerise, Falret, Jolly, Roger.)
Prix Hard. — Des maladies mentales; Traite des ddgdnerescences
de I’espece humaine ; Du goitre et du erdtinisme, par M. Morel.
Prix Godard. — 1“ fitudes physiologiques et pathologiques sur le
ramollissement cerebral, par MM. J. L. Prevost et J. Cotard.
2“ fitude mddico-ldgale sur la simulation de la folie, par le docteur
A. Laurent.
PKIX DE LA SOClfiTfi MfiDICO-PSYCHOLOGIQDE.
Prix Andrd. — Dans la sdance du 25 fdvrier dernier, la Societd
mddico-psychologique a donnd le prix Andrd, de la valeur de 1000 fr.,
a M. le docteur Campagne, mddecin en chef de I’asile d’alidnds de
Montdevergues (Vaucluse), pour un travail sur la Folie raisonnanle-
Prix Aubanel. — La Societd mddico-psychologique, dans la sdance
du 29 janvier dernier, a mis au concours, pour 1868, la question sui-
vante : Des accidents convulsifs dans la paralysie gindr^e. Ce prix
sera de la valeur de 800 francs.
Les radmoires devront dtre adresses, avant le 31 octobre 1868, a
M. le docteur Loiseau, secretaire gdndral de la Socidld, rue Vieiile-du-
Temple, 26.
Nous rappelons que pour le prix de 1867, de la valeur de 1 600 francs,
dont le programme ddtailld a did reproduit a la page 310 du tome VII,
sdrie, 1866, des Annales medico - psychologiques , les memoires
doivent dtre envoyds avant le 31 mars 1867.
374
VARlfiTfiS.
PWX ESQUIROL.
Ce prix, consistant en uiie medaiUe d’or de |a valeur dp 200i frpncs et
un exemplaire d.u Tr^ite des maladies mentales d’|)sqp(ro(, est donpd
chaque annee au meilleur mcmoire sur un sujet de pathologie mentale
au choix des concurrents. Les propositions, emises dans ce memoire
doivent etre juslifides par quince 3 vjngt obserYatiqns cliniqpes detaii-
lees.
Ce prix est destine plus particuHerement aux internes des asiles d’a-
lienes et aux jeunes docteurs s’adonnant a I’etude de la fo.iie et des
affections nerveuses.
Les mdmoires portant une epigraphe et accompagnes d’un pH renfer-
mant la reproduction de cette dpjgraphe et le nom de I’auteur doivent
dtre remis, fin decembre, au bureau des Annalesmiidico-psyc}),o\e.giq,ms,
ou chez M. Mitivid, rue de Buffon, 23, a Paris.
Trois men^oites ont dte epvoyes pour le prix Esquirol de 18R6; ils
portent pour titre :
Le premier : Dos ossi^caCions de la dure-mere {pachymdnmgile os-
Le deuxieme : L’inegglite du poids des IpimispMres cir^brmx n'esl
pas sp^ciale a I’epilepsie;
Le troisieme ; De la demence papalytique primilive au point de vue
de sa marclie el de sa frdquetkpe. relative..
{Qomm. MM. Mitivid, Trelat, Baillarger, Lunier et Motet.)
FAITS DIVERS.
— Congres alieniste international. — Bn congres alidniste inter¬
national aura lieu a Paris, a I’occasion de I’Exposition uiiiverselle. Les
priocipales seances de ce congres ont dtd, fixdes aux 10, 12 et ^4 aout.
On trouvera a la page 293 ci-dessus les resolutions adoptees a ce sujet
par la Socidtd mddico-psjchologique dans sa derpiera |d;3?ee.
— La Socidtd de patronage des abends sortis gudris des hospices de
la Salpetridre et de Bicdtre, fovmge spus la prdsidence de monseigneur
I’archevdque de Paris, a tehu' son assemblde de ciaritd le dimanche
10, mars d pre.cisos, en I’dglisp, Saint-
Germain djes Pr^s,.
— Bne so,ciete nredicocpsychologique. vient de se former a Berlin. Elle
a elu president M. \V. Griesiilger, professeur de mddecine a I’Oniversrtd,
et secretaire le K Westpbat. La, ' socidtd tient ses sdances tons l,es mois
et refoit des communications dtrangeres.
— Altaque dirigde centre un mddecin, — Inlernement dans unasite
d’alidnds. — Sortie. — RSinlegration dans Vdsile apres trois annees
e'couides. — Nouvelle sortie. — Demande de 10 000 francs dedommages-
inlerdts formie contre le mddecin. — Publication d’un memoire. —
Suppression. — Une affaire qui ressort par sa nature de celles qur sent
habituellement soumises aux tribunaux, se prdsentait devant la premiere
ohambre du tribunal de Uouen a I’une de ses dernieres audiencesi Un ho¬
norable docteur en mddecine do la ville d’Elbeuf, M. Alfred Vy, dtait assi-
gne par un de ses anciens clients, le sieur Martin, qui lui reclamait une
VARlfiTfeS.
376
sorame de 10 000 francs a litre de dommages-interOts, a raison du pre¬
judice qu’il lui aurait caus6 en le faisant' enfermer deux fois dans un
asile d’alien6s a I’aide de moyens des plus reprdhensibles, el alors que
rien ne justiflait une semblable mesure.
Martm, a I’appui de sa pretention, avail publid un memoire dans
lequel, sous le litre d’Esoposd, il racontait tous les faits et tous ies actes
qu’il imputaif au docteur Alfred Vy, et qui, suivant lui, se seraient passds
tels qu’il les alleguait.
Non-seulement M. Alfred Vy repoussait dnergiquement la demande en
dommages-interdts formde coritre lui, mais encore il se portait reco.n-
ventionnellement demandeur, et reclamait avec dommages-interdts la
su|>pression du inemoire publid par M. Martin, mdmoire injurieux et dif-
famatoire qui n’avait ete imprime et distribud que pour s'ervir des pas¬
sions mauvaises.
L’affaire a occupd plusieurs des audiences du tribunal et a donnd lieu
de part et d’autre a des plaidoiries fort aninades.
M“ Leplieux a plaidd pour M, Martin •, M® Revelle s’est prdsentd dans
I’intdret de M. Alfred Vy.
Le tribunal, aprds avoir entendu M. Guillet-Desgrois, substitut de
M. le procureur impdrial, en ses conclusions confdrmes, a rejetd la
demande du sieur Martin et acciieilli la demande reconventionnelle de
M. le docteur Alfred Vy.
Voici, du reste, le texte de ce jugement, qui fait parfaitement con-
naitre et les faits dela cause et les eldments'de solution :
« Attendu que Martin, tisserand a Elbeuf, prdtendant qu’ Alfred Vy,
docteur en mddecine, I’a fait indOment interner et ddtenir a deux dpoques
diffdrentes, en i860 et 1864 dans I’asile de Quatremares, rdclame de
celui-ciune somme de 10 000 francs a titre de dommages-intdrdts ;
1) Attendu qu’ Alfred Vy repousse I’action de Martin comme raal fondde
et que, se portant lui-meme re'conventionnellement demandeur, il conclut
a la suppression avec dommages-intdrOts et publication dans les journaux
du jugement a intervonir, du memoire imprinie et distribuo par Martm
a i’appui de sa demande ;
»' Attendu, en fait, qu’en 1856, Alfred Vy avail donnd des soins au
fils de Martin qui a succbmbe a une grave maladie dont il etait atteint ;
qii’attribuant cetle mort au mddecin qui I’aurait, sans aucun menage-
mont, averti du danger que courait son fils auquel il n’aurait pu dissi-
muler son inquidtude, Martin avail voud a Alfred Vy une haine profbnde
qui, aprds s’etre bornde d’abord a des injures, s’dtait, aprds quatre
abn'des, mamfestde par une violence grave ;
» Que le 12 novembre 1860, apercevant Alfred Vy qui sortait de
sa maison, il I’avaH, en I’injuriant, frappd par derriere d'un coup de
navette A pointe de fer, coup qu’ Alfred Vy a rdussi a dviter, mais qui a
percd et dechird ses vdternents ;
» Attendu qu’interrogd sur les motifs qui I’avaient portd a cet acte
de violence, Martin a rdpondu qu’apercevant Alfred Vy qui sortait de
chez lui, il I’avait jiris pour uh faiitdme ; qu’il avail perdu la raison et
s’dtait prdcipitc sur lui pour le frapper avec une navette, qu’il ne savait
pas alors ce qu’il faisait, qu’il ne dbrmait pas une heure par nuit depuis
la mort de son fils, quo quand il fermait les yeux, il voyait toujours
376 VAUifiTfis.
Alfred Vy I’apjjolant pour lui r^v^ler le danger que courait son fils, et
que malgrd tons ses efforts, il ne pouvait se debarrassor de cette vision ;
» Attendu qu’un pareil interrog:atoire indiquait plutut I’acte d’un fou
que d’un coupable, qu’aucune peine ne frit prononcde contre Martin ,
mais qu’en vertu d’un arrete du maire d’Elbeuf, arr^to rendu apres
I’avis de deux mMecins et approuve par I’autoritd superieure, il fut
enfermd dans I’asile de Quatremares, le 29 novembre 1860 ;
I) Attendu que, sous I’influence de I’eloignement et du traitemont auquel
on le souniit dans I’asile, Marlin, ayant paru gueri de sa folio, sorlit do
I’asile ; mais qu’assoupie pendant quelque temps, sa haiiie insensdo so
reveilla ;
» Qu’en 1861, notamment le 20 mars, elle se traduisit de nouveau
par des injures et des menaces ; qu’avant qu’ello arrivat encore une fois
jusqu’aux violences, un deuxieme arrfite rendu par le prefet de la Seine-
Infdrieure, le 4 avril, egalement apres avis de mddecins, ordonna une
deuxieme fois I’internement de Marlin dans I’asile des alienes, d’ou il est
sort! le 26 juillel suivant, sous sa promesse et celle de sa famille (pro-
messe qui n’a pas etd tenue) de ne plus resider a Elbeuf ;
» Attendu quo c’est dans ces circonstances etablies par les pieces du
proces que Martin a formfi centre Alfred Vy sa demande en 10 000 francs
de dommages-interOts ;
» Attendu que cette action est de tons points mal fondee ; que, d’une
part, Alfred Vy n’a rien fait autre cbose que se plaindre d’une haine
insensee et violente qui troublait sa tranquillity et mettait ses jours en
danger; que, d’un autre cOte, s’il a provoquy la vigilance de I’autority
judiciaire etde I’autority administrative cbargdes de pourvoira la silrety
de tons, les mesures adoptyes vis-a-vis de Martin ont yty prises dans les
limites de la lygalite et appropriees a I’etat d’insanity d’esprit relative
dans lequel ii se trouvait ;
» Sur la demande reconventionnolle d’ Alfred Vy en suppression de
mymoire publiy par Martin en dommages-intyrets et en publication du
jugement ;
» Attendu qu’une action si mal fondde et inteniye par Martin dans
d’aussi regrettables circonstances , lui imposait au moins, dans ses
moyens d’attaque, la plus grande moderation et la plus grande ryserVe ;
mais que, loin de la, le mymoire publie par lui ynonce des fails inexacts
et faux, et contient contre le dyfendeur, dont I’honorability ne pent etre
mise en doute, des imputations mensongeres el calomnieuses ;
» Qu’ainsi les rOles sont intervertis : dans le mymoire , ce serait
Alfred Vy qui aurait poursuivi Marlin de sa haine, alaquelie se seraierit
associyes et les nolabilitys mydicales et I’autority administrative, et
mOme I’autority judiciaire, toutes deux complices au moins involontaires
des manoeuvres ourdies contre Martin par Alfred Vy.
)i Attendu que les insinuations sciemment fausses dirigdes contre
Alfred Yy, exprimyes en termes blessants et injurieux, en mOme temps
qu’elles excbdent les bornes d’une dyfense honnete, rdvOlent un carac-
tere de malveillance et de spyculation haineuse quo la justice doit repri-
rner, sur la demande de la partie intdressye ; qu’il y a done lieu d’ac-
cueillir la demande reconventionnelle d’Alfred Vy;
» Par ces motifs ;
VARlfiTfiS. 377'
n Le tribunal, M. I’avocat imperial entendu, joint la dcmande recon-
ventionnelle a la demande principale et statuant sur le tout,
» Sur faction principale :
» Declare Martin mal fonde dans sa demande et Ten deboute ;
» Statuant sur la demande reconventionnelle :
» Prononce la suppression du memoire intitule : k Exposd, » com-
mengant par ces mots : « Les conseils du sieur Martin, n et finissant
par ceux-ci : « C’est cette tache qu’il reste ii remplir si I’expose n’y
sufTit ddja » .
» Dit et juge quo pour valoir de dommages-int6rets a Alfred Vy,
oxtrait du present jugement sera public dans les journaux de Rouen,
le Nouvellisle et le Journal de Rouen et dans Ic Journal d'Elbeuf, aux
frais de Martin, et le condamne aux depens, tant de la demande princi-
palo quo de la demande reconventionnelle d’ Alfred Vy. »
— Enlre Azlees. — Si des lettres de faire part annoncant le manage
de M. et madamc Nunez arrivent ces jours-ci d’Angleterre a quelques
personnes de Paris, elles nous sauront gre de leur apprendre que co
couple est bien de leur connaissance. M. et madame Nunez, qui ont
regulierement passe contrat a-, 'ant-bier a Londres, devant un officier de
I’etat civil, ne sent autres que les Aztecs dont la plupart des capitales
de I’Europe ont resu la visite et dont la fortune s’est faite depuis le
31 ddeembre 1840, jour de leur debarquement a New-York, sous la
conduite de M. Velasquez, qui les avail trouves dans I’Amerique contrale.
A cette 6poquo ils etaient bien jeunes ; les savants qui s’en sont occupes
aux fitats-Unis et en Angleterre declaraient que le garfon avail sept ans
et la fille six, qu’ils n’appartcnaient pas a la m6me famille, ce qu’on
roconnaissait a la difference de leur conformation physique, et qu’enfin
parvenus aun agemur, ils pourraient atteindre une taille de quatre pieds.
Cette derniere assertion s’est verifiee a la lettre ; les gens invites avant-
hier au banquet de 'Willisrooms, ou les nouveaux epoux avaient la place
d’honneur, ont eu I’occasion de voir que le professeur Owen et la Societe
ethnologique ne se sont pas trompes sous ce rapport. La fiancdo etait
vetue d’une magnifique robe, cadeau qu’elle tient du gouverneur gdneral
de Moscou ; elle portait des bracelets superbes et d’aulres bijoux qu’elle
a recueillis dans ses peregrinations.
(Monileur du 10 janvler 1867.)
— Ees idiots de Bicetre. — La distribution des prix aux enfants
idiots de I’asile de Bicetre a eu lieu le 7 fevrier dernier, sous la pre-
sidcnce de M. Husson, membre de I’lnstitut, directeur general do I’ad-
minislration superieure de I’assistance publique, en presence des admi-
nistrateurs et des medecins de I’etablissement.
M. Husson a ouvert la seance par un discours dans lequcl il a exposfi
le but de I’institution, son organisation pcdagogiqiie, et les rcsultats
recemment obtenus ; I’impulsion donnee au travail profossionncl lui
semble particuliOroment devoir etre encouragee.
M. le docteur A. Voisin, chef du service des enfants, lui a succiide,
envisageant la question au point de vue mddical, et precisant le triste
rOlc que jouent, dans certains cas d’idiotie, les predispositions lieredi-
378
VARIfiTfiS.
Apr^s la distribfitioh des iivres est 'i'enuo celle dos jouets et celle des
bonbons. Memo pafmi ces desbiirites de I'intelligence, les litres etaient
divers ; niais tons ont eu uiie part aux largesses de I’administration ; et,
qui a viicu au milieu d’eux, sail tout ce qu’un pared jour leur laiSse au
coeur d’heureux souvenirs.
Des chants executes alternativement par les eleves eux-memes et les
choristes de I’orpheon de Gentilly, sous rhabile direction de M. Reuct,
ont ajoute a I’intdret de la sdanee;
Combien n’est-il pas a regretler que I’institution de Bicdtre et le pen-
sionnat prive de Gentilly soient encoret en France, les seuls asiles spe-
ciaux Ouverls a de telles infortunes !
{France du 11 fevrier 1867.)
— Atienes au Chili. — II n’exisle au Chili qu’un asile d’alienes fonde
a Santiago dds 1862, mais qui n’a fit! rdellement installd qu’en 1858.
Depuis cette dpoque jusqu’en 1864, I’dtablissement a regu 736 malades,
414 hommes et 322 femmes. II en est sorti 225 hothmes et 195 femmes,
ensemble 420 alienes. HO malades sont morts, 64 hommes et 46 femrries.
{Journal de la Socidle de slalislique de Paris, fevrier 1867.)
ALlfiKfeS EN LIBERTE.
— Le bruit s’dtait rdpandu avanl-hier soir qu’un crime dpouvantable
avail 6te commis a Passy. Oh adirmait qu’un personnage russe de dis¬
tinction avail coupe sa femme en morceaux et avail fail un horrible feslin
avec les chairs de sa viclime. Void ce qui avail donne lieu a ce recil,
fonde jusqu’a un cerlain point. Dans une maison de ravehue de Passy
habitait depuis quelque temps un jeune couple d’origine russe. Le mari,
il. K. professeur d’hebreu, s’absentait pendant toute la jourhde, et
reveriail le soir, verl six heures, pour diner. A peine entre dans le salon,
il se prdcipila sur sa femme en s’ecriant : « II faut que je te mange » ; puis
il la saisit et lui affacha a pleines dents une partie du nez, une oreille,
une partie de I’dpaule droite, et il continuait litteralement a ddvorer
sa malheureuse viclime, lorsqu’aux efis de cell‘e-ci accoiirufent des voi-
sins qui s’emparerent de M. fc..., qu’ils euroht beaucoup de peine a mai-
triser, tant sa fureur dtait extrdme : il cherchait a mofdre toutes ies
personnes qui I’approchaient. D’apres I’enquOte du commissaire de police,
K. .. ii’a agi aussi cruellement que sous I’influence d’un acccs d’alienation
men tale.
Madame K... a ete transportde a I’hospice Beaujon ; ses blessuros,
quoique graves, ne paraissent pas devoir mettre sa vie en danger.
(Petite Presse du 23 ddeembre 1866.)
— le fou garde-malade. — M. de T..,, jeune homme appartenant
a une famille distingude et jouissant d’une grande fortune, est sujet 4 des
acces d’alidnation mentale et, par suite de ses prodigalitos, on a dd le
pourvoir d’nn conseil judiciaire.
Sa folie, jusqu’alors Irds-inoCfensive, s’est manifestee avant-hier par
une sedne des plus etranges :
Eugene P..,, age de vingt-deux ans, peintre sur porcelaine, domicilid
rue Saint-Honord, sur le point dc se marier, etait monte avant-hier soir
VAKifiTfiSi
37&
dans nn fiacre) afm d’aller chefchef sa future et la mdre tie celI8-ci pdtir
les mener au spectacle. Malheureusement, en route, un des essieux du
vdhicule se brisa; Eugdne i>... futprecipfte sur le pave, oft il resla sails
mouvement,
II avail la jambe droite fl’acturdei Ort s’cmpressa prfts de lui. M . de T. . . ,
qui sortait en ce moment de son hdtel, voisin du thddtre de I’accideht,
I'endit la foule, vit le blessft et voulut qu’il fut transporte chez lui, poUt
y rccevoir tous les solns que rdclamait sob 6tat. On applaudit a cet acte
d’liumanile accompli sponlandment et dela maniere la plus gracieuse.
Le jeune pelnli-e flit pldcd dafl§ le lit mftrhe dfe M. de t... Un
medecin appele pres de lUi prescrivit ufie forte appllcatidh ds Sahgues
afm de faire cesser le gdflflement inflaihmaloife qui s’bppdsail a la re¬
duction de la fracture. 11 dtait alors six heures du soir. M. de T... sortit
pour se reiidre dans divers endroits, et oublia compldtement de qui s’dlait
De retour vers rainUit et demi, et entrant dans sa ehambre a coUdher,
il flit surpris de ti-ouver un homme dSns son lit. A Id vue du sang qui
tachait ses draps, il s’imagina qu’Un dssassinat avail dtd cortlmis et qu’il
avail devant les yeUX la victime. Aussildt il courut ddtis sa bibliotheqdo
et, d'une panoplie, il detacha un casque antique, line pique et un criss
malais dont la lame portait encore des traces dessedides du sue morlel
de I’upas, dans lequel elle avail dtd trempee jadis par un guerrier java-
■Ainsi arme', le fou vdilla pres du blessd, larttfit marchant a grands pas,
avec des paroles incoherentes et pleines de menaces, prSt a percer de sa
lance le premier qui entrerait; tantdt dirigeant le poignard empoisonne
sur EUgdne P... , qu’il prenait alors pour le meurtrier. Le blessd passa
une nuit epoiivantable. 11 ne pouvait bouger de son lit, et il essayait eh
vain de faire entendre raison a son terrible gardien. Le matin seulement,
I’arrivde du commissaire de polide qui Vint faire une enquete au sujet de
I’accidehl, mit fm a ses horribles angoisseS. II fut transports chez ses
parents, eft oh eut peine a le reconnatfre, tant sCs traits etsient boule-
Celto scene ayant fait craindre que la folie de M. de T... ne revdtit un
caractcre dangereux, des mesures ont et6 prises, de concert avec sa
famine, pour le faire admettre dans une maison de sante.
(Petite Presse du 13 Janvier 1857.)
— Ce matin, a quatre heures et demie, plusieurs personnes etaient
rassemblees devant une maison, rue Montparnasse, et regardaient avec
beaucoup d’attention ce qui se passait sur le faite de cette maison. Un
homme d’environ trente-cinq ans etait place a cheval sur la cr6te du
toil, et arrachait une a une les tuiles de la couverture, qu’il lanpait
ensuile, de 5a et de la, dans la rue. Les dclats de rire dont il saluait la
chute de chaque tuile, et la gesticulation desordonnee a laquelle il se
livrait, demonlraient assez clairement que le hdros de cet incident ne
jouissait pas de la plenitude de sa raison. «
Par les soins d’un sergent de ville, les pompiers du poste de la rue
Saint-Mddard furent avertis ; bientdt un caporal et deux hommes gra-
virent la toiture pour essayer do s’assurer de la personne du pauvre
380
VARlfiTfiS.
alietie. Pendant une heure et demie, ils poursuivirent de goultiere en
gouttiere, et an risque de se tuer vingt fois, lo fou, qui faisait tous ses
efforts pour leur echapper. Enfin, ils le saisirent, et, apres lui avoir
passe autour du corps une ceinture de sauvetage, ils rdussirent a le
faire descendre. Conduit devant M. le commissaire de police, cet indi-
vidu a ete reconnu pour 6tre un nomme B... Le docteur M.. apres
I’avoir examine, a constate la maladie mentale dont il est alteint.
(Gazette des tribunaux, janvier 1867.)
— line scene horrible a eu lieu, il y a quelques jours, a Tintagel,
une petite ville d’eaux sur la cOle nord de Cornwall.
Un nomme Smith, qui vivait sur le produit de son etat de porleur de
sable des Lords de la mer dans les fermes des environs, semblait depuis
quelque temps en proie a des moments de folio, pendant lesquels il
ddclarait qu’il avait I’intcntion de se tuer, qu’il etait degoutd de la vie
et qu’il voulait en finir une fois pour toutes. Quand ses camarades le
virent ainsi, ils resolurent de le surveiller, et, a tour de r61e, ils le
veillerent chaque nuit. L’autre soir, ce soin tomba sur Thomas Baker,
qui, durant la nuit, pour salisfaire au desir du lunatiqiie, voulut bien
I’accompagner sur la route, qui est taillee au milieu du roc .
Lorsqu’ils arrivereni a un endroit oil la mer grondait a leurs pieds.
Smith, pris d’un nouvel acces de folie, se precipita sur son eompagnon et
essaya do lo pousser dans la mer. Une lulte desesperce s’etablit enlre ces
deux hommes, au milieu de I’obscurite de la nuit. Baker s’cfforfait.de
s’arraoher des bras de ce forcene, mais en vain, et, au bout de quelques
minutes, les deux hommes roulaiciit des rochers dans le gouffre profond
qui s’ouvrait devant eux. Les deux corps disparurent un instant, puis
ils reparurent, et, a la lueur des eclairs qui scinlillaient dans les cieux,
deux marins qui passaient en cet endroit les virent encore se ddbattre
dans les flots, puis un cri se fit entendre... et les deux corps, balayes
par une lame furicuse, disparurent a jamais.
Ce ne fut que quelques jours apres qu’on retrouva leurs cadavres qne
la mer avait jetes sur le rivage. (Moniteur du 13 Kvrier 1867.)
Les directeurs-gdrants,
Baillargeb et Cerise.
Paris. — Iitiprin
lie E. Martinet,
jrovRiViii^
L’ALlfiNATlON MENTALE
ET DE
LA MfiDECINE LEGALE DES ALIENI^S.
PATHOLOGIE.
DES
BAINS GENERAUX SINAPISES
DANS LE TRAITEMENT DE LA POLIE
tc doetenr A. LAUREtVT,
Medocin en chef de I’asile public d'alienes de Marseille,
Depuis treize ans environ que je suis dans les asiles d’ali6n6s,
je n’ai cess6 d’etre penibleinent affecte A la vue de certains
inalades adultes condamnSs a passer le reste de leur existence
dans les etablissements sp6ciaux, et cela faute de moyens lh6-
rapeutiques capables de rein§dier a un 6tat mental grave, et
presentant, de bonne, heure, les caracteres de la demence.
Pourtant il est pen de inedicamenls qui n’aient ete essa.yes. On
n’a pas manqu6 de varier les moyens d’application. On s’ est
ANNAL. MfiD. -PSYCH, 4” serie, 1. IX. Mai 1807. 1. 25
382 DBS BAINS OENfiBAUX SINAPlSBS
adress6 ii divei’S modes d’action ihferapeutique. 11 ne faudrail
pas u6anmoins accuser la thiSrapeulique toute seule, el lui
demander plus qu’elle ne peut donuer, mais bien s’eii prendre
a r^tude ciiuique de la folie. Depuis le debut de mon iiiternat
dans leg asiles, j’ai pu consiater a cet 6gard des progres cdnsi-
dferables. La classe des folies mixtes, folies provenanl d’une
rSvolution imprimee h recoiiomie par certaines n6vroses ataxi-
ques, est bleu certainement la preuve la pins iuconteslable de
ces progres. On est parvenu ii reconnaitre I’origine et la na¬
ture de certaines iransforuiations morbides contre Icsquelles
6chouaient et devaient echouer evideinment des medications
employees uniform6menl el ii la fois contre un grand nombre
de maladies dilierentes. (Jar, comnie le dit M. le docleur Morel
[Traite de la medecine Legale des alienes, p. 37), « la folie est
bien moins une maladie sui generis que I’expression sympto-
malique d’un certain nombre de perturbations caracteristiques
du systeme nerveux, qui toutes abouiissent au resultat d’enlever
ii reire liumain la possibilite d’agir avec discernement et dans
la plenitude de sa liberte morale. » Au fur et a raesure que
I’analyse symptomatologique et clinique deviendra plus precise,
la iherapeutique s’enrichira de raoyens plus certains, et en
rapport d’ailleurs avec les progres de sa veritable base. Les
i-esultats que nous publions aujourd’hui sont assis sur les notions
psychiatriques les plus recentes, 'et c’est & ces idees que nous
devons les succes que nous avons obteuus.
Je me suis adressb a la surface tegurnentaire, les surfaces
muqueuses ne me paraissant pae, dans un grand nombre de cas,
fournir une activite suffisante et capable de retablir I’equilibre
rompu. D’ailleurs j’ai toujours pense que dans les vesanies, le
proc6d6’de medicamentalion d&ign6 sous le nom d’enepider-
fnique devait surlout 6tre pr6fer6, aitendu que le tube digestif
•ne laissait pas d’etre affecte d’une irritabilild ires-grande, et
qu’en outre on devait, autaiit que possible, menager les forces
de I’estomac; la nutrition ayaut avec le systeme nerveux des
DANS LE TKAITEMENT DE I.A FOLtE. 883
rapports on ne pout plus importanls. Pourtant la peau, par sa
situation, sa structure, et par la nature de ses facull6s, est
dou6e d’lme sensibility inoindre que celle des muqueuses, et
Ton est obligd d’einployer des agents plus concebtrys. Mais on
a la facility d’augmenter cette action eii agissaiit sur une grande .
etendue, et tneine sur la totality de la surface cutanye.
Voici coinineni j'ai yt6 conduit aux expyriences qui font
I’objet de ce mymoire.
Alors que j’ytais mydecin adjoint a I’asile d’alieuys deQua-r
tremares, je fits appeiy, en toute hate, aupr6s d’un jeune homine
qui, depiiis un jour seulement, pi-ysentait les syinpt6mes“d’nne
manie aigue. Apres un exainen minutieux de toutes les
circonstances qui avaient amene le dyiire, et de celles qui
pouvaient I’entretenir, je me decidai a tenter une ryvulsiou
puissante. A I’aide d’un pydiluye forteinent sinapisy et i-ypety k
des inlervalles ti-ys-rapprochys, je ne tardai' guere a obtenir
line sydatioii complete, Ce jeune homme rendit compte de
toutes les impressions maladives, puis manifesta en meme temps
line lassitude extraordinaire. J’avais pris le inal a sa racine.
Je prescrivis de la tisane rafraichissanie, une nourriture lygere,
Toute la nuit il fut parfailemeut trauquille; il dormitUrys^
profoudyinent. ba continuation de celle situation menlale et
physique eqt lieu jusqu’au lendemain. Je dois ayoUer qu’apres
cette mydication ynergique et soudaine, je crus deypir compter
sur le rytab|issem.ent*de I’equilibre yconoinique, et m’ei} (ap-
porlai au sommei) qui etpit suryenu pep de temps apt es, et
dont la dui-ye fut de seize hc-ures enyiron. J’eus tort; car, la
tmit suiyante, survint de rinsomnie, puis le surlendeniein du
jour ou j’avais did appeiy ryapparurent des symplOines mania-
qucs; niais avec une intensity moindre que la premiere fois.
La loquacity el Lagdaiiou furent a peu pres cpntipues. Les
pediluyes sinapises furent sans resultats saUsfaisan.ls, non plus
que des bainii simples gypyraux prolougee,. On dui faire entrer
ce jeqne luajade I’aaile de Qualremaree, W J'acees maniaque
384 DES BAINS GfiHfiRAUX SINAPISES
suivit son Evolution. Le inalade est sorti gu6ri apres plusieurs
mois de traitement.
Gel 6chec devait gtresignal^; non pas que nous, praticiens
des asiles, puissions employer sur nos nialades le moyen qui ne
in’a fourni qu’une amelioration passagere, faute d’un effort
rfivulsif suffisamment prolong^ par des adjuvants plus ou moins
puissants; mais il peut etre mis a profit par le m6decin ordi¬
naire qui, plus souvent que nous, assiste au d6bul des manifes¬
tations raorbides, et ne nous les confie qu’aprbs avoir reconnu
I’insuffisance de ses moyens d’action.
En 1865, le Montpellier medical, t. XV, p. 193, dans le
cliapitre r6serv6 a la therapeutique, me fit savoir que le docteur
Newington (de Ticchurst) s’etait livr6 4 des experiences per-
sonnelles sur I’emploi de la moutarde, et avail employe ensuile
cette substance au traitement de la folie et d’autres maladies.
Je reproduis ces articles :
0 Ce medecin a observe que I’application de draps Irerapes
dans I’eau, ou il avail fait delayer de la poudre de moutarde, a
produit un demi-sommeil qui a durfi une demi-heure, c’est-ii-
dire tout le temps qu’il a conserve ces linges sur les jambes et
la parlie inferieure de I’abdomen. A son lever, sensation de viva¬
city et de bien-etre qui s’est prolongee toule la journye ; et durant
vingt-quatre heures, chatouillement agryable des jambes rougies
par la moutarde.
» Plus tard, il fit myianger dix parties de farine de lin, et
une de moutarde, dont on fit une p§te. On I’ytendit sur une
feuille de papier gris assez grande pour recodvrir tout le venire
sur lequel on avail mis, au pryalable, une piece de mousseline.
Le sommeil ne se fit pas attendre, et I’expyrimentateur ne se
ryveilla qu’a huit heures du matin. Plusieurs personnes se
trouvaient, a ce moment, autour de son lit, et prytendaient
que I’assoupisscment ou il ytait plongy ytait du h quelque nar-
colique. Quant i lui, il ne pouvait ni parler ni se mouvoir, et
bien qu’il ffit dans un ytat semi-comateux, il eiltendait irys-bien
DANS LE TRAITEMENT DE LA FOEIE. 385
lout ce qu’on lui disait, II ne put revenir complfitement a lui
qu’a I’aide d’un stimulant. »
A la page 296 du meme recueil scienlifique periocUque, nous
trouvons encore ;
« Deux poign6es de moutarde pure sont li6es dans un Huge
et placi5es dans I’eau chaude; puis on exprirae fortement le
nouet. Une servietie 6paisse est trenip^e dans tout le liquide et
pass6e autour du tronc.
» Le troisieme mode d’emploi de cette derivation n’est autre
chose que le bain de moutarde. On jette cinq ou six poign6es
de poudre de moutarde dans une baignoire remplie d’eau ticde.
Le malade y plonge le, corps, a I’exception de la tete.
» Quelquefois on sc borne au bain de si6ge. Chez plusieurs
ali6n6s des deux sexes, ce bain a produit^ une mcrveilleuse
sMation. C’est surtout au ddbut des sympt6raes qu’il remplace
I’excitation cdrfibrable par un sorameil normal que les narcoti-
ques sont impuissants ii procurer.
•) Une dame avait eu, dans I’annfie, quatre acces furieux
durant cinq ou six semaines en moyenne. Depuis qu’elle a fait
usage du bain de moutarde, elle est rest6e plus de trois mois
sans rien eprouver. On lui fit prendre, tous les jours, un bain
d’une demi-heure, pendant deux mois, de manifere a maiiitcnir
la peau dans la rubfifaction. Le docteur N... pense que I’habi-
tude morblde a 6t6 rompue, et que, dans I’fitat, la malade est
gu^rie.
» M. V... etait priv6 de sommeil depuis si jours et six nuits,
malgrA des doses rep6t6es d’opium, excitation extrgme. Six
bains, de demi-heure, sufiirent a amener un tel etat de calme,
qu’on le renvoya quinze jours aprfes son admission ii I’fitablis-
sement.
» Une autre dame 6tait atteinte d’insoranie depuis une
semaine entiere, bien qu’on n’epargnat pas la morphine. A
I’cntrtie, beaucoup d’excitation et d’incobfirence. Sommeil de
sept heures h la suite d’un bain sinapisfi d’une demi-heure de
386 DES BAINS GfiNfiBAUX SINAPISfiS
dui’6c. Ce traitemenl ayantetfi eontinufi pendant six jours, I'ex-
citation disparut, et la folie qui remontait & deux ailn^es se
trouva gu.firie* »
Je fis alors quelques recherches bibliographiques. Je les
resume ici. La moutardo a ele employee par les aiiciens.
nippocrale {Be victu rations, lib. 11) dit qu’elle cause des
difficult6s d’uriner. Galien la croyait propre a purger les hu-
meiirs, et s’en servait en gargarisine dans les ulcerations de la
bouche. Dioscoride la donnait dans rhypochondrie, I’anorexie,
la cbloi'ose, la cachexie, etc... Les Grecs employaient surtout
un vinaigre de moutarde qu’ils prescrivaient dans les maladies
cutan^es. A leur exemple, a differentes dpoques, des praliciens
ont employe cette substance k I’iiiterieur.
L’usage ext^rieur a fourni des r6sultats plus surs et plus
constants. L’emploi des sinapismes est tres-connu. Lesp&liluves
sinapises sont aussi tr^s-frequemmetit employes: mats niille
part il n’est fait mention des bains genfiraux sinapisms. II n’y a
que Guislaiii et Dagonet qui en patient dans leurs ouvrages.
Trousseau les a employes dans le cholera infantile [Clinique
medicate de I'H^tel-Dieu de Paris, t. Ill, p. 132).
Le premier [Traite sur V alienation mentale, t. II, p. 29) se
borne k dire : « Muller employait les bains tiedes rendus stimu¬
lants par une addition de moutarde ou d’hydrochlorate de
soude. Un ali6nej depuis longtemps en d^mence, fut mis dans
un bain sale k des reprises dilKrentes, et r6cupera par ce moyeu
le libre exercice de ses functions intellectuelles. » Puis (p. 32),
« les bains chauds rendus stimulants par une addition de sei,
de savo.n ou de moutarde, sont particulikrement utiles aux
monomaniaques sombres, taciturnes, paresseux, pour exciter
chez eux une aptitude aux mouvements du corps. «
Dagonet {Traite elementaire etpratique des maladies men-
tales, p. 658), k propos des bains m6dicamenteux, fait connaitre
qu’il n’a fait usage que de bains excitants; et dans quelques
cas il en a obtenu des resultats favorables. <' tlhez les m^lau-
DANS LE TRAll’EMENT DJi LA FOUE. 387
coliques plongfis dans un etat habituel d’apathie, el dont les
fonctions scmblaient frappees d’une sorte d’atonie, nous avoiis
administr6 avec avantage des bains arouiatis6s, des bains dans
lesquels on avail fait dissoudre une assez forte quantity de sel,
ou qui contenaient seulement quatre h cinq poign6es de farine
de raoutarde noire. » '
Ces citations ne constituent pas des regies sufBsantes pour un
usage rationnel ; elles ne sigualent pas des indications precises,
soit quaut a la forme, soil quant, k la p^riode de la mqladie.
Peu apres la connaissance des articles pr6cedents, je tentai
I’emploi des bains g6n6raux sinapis6s cbez une jeutie fille non
ali6nee presentant une phlhisie pulnionaire confirmee. J’obtiiis
une amelioration bien constatec. ,Ie dus abandonner cette ma-
lade (novembre 1865) pour veoir prendre possession du poste
de medecin en chef a I’asile de Marseille. Ma nouvelle posi¬
tion me permit de mettre a I’esisai le moyen tlierapeulique en
question.
Voici d’abord la description du modus faciendi :
J’emploie la somence de moutarde noire {Sinapis nigra) plus
ou raoins pulverisde. La quaiUite pfescrite est d61ay6e daiis un
vase contenautde I’eau simple a la temperature ordinaire. Cette
espece de pate est ensuite jetee dans un bain tiede de 25 a
28 degres, puis on agite de maniere it disperser la farine de
moutarde daus tout le liquide de la baignoire.
Au bout d’un quart d’beure a vingt minutes que la malade
est daus ce bain medicamenteux, elle ne tarde pas a eprouver
des picotements sur toute la peau. Ces picotemeuts ne vont pas
en augmentant d’une maniere tres-sensible, mais aprfes dix mi¬
nutes, un quart d’heure de leur apparition, survient une sen¬
sation g6nerale de froid ; les malades frissonnent. Cette sensation
depend d’ailleurs de la sensibilile plus ou moins grande de la
persunne qui est soumise a I’emploi du bain. J'ai soin de ne
pas laisser se prolonger cette impression penible, et meme dfes
son arriv6eje fais retirer la malade. ('.’est precisement pour
388 DES BAINS GEnERAUX SINAPISES
eviter des phenoinenes de cette sorle que je gradue les quantites,
et que je commence par une dose assez minirae, 150 grammes.
La dur6e du bain est d’une demi-heure a trois quarts d’heure
au plus.
On doit chercher a garaniir la figure de la malade de la
vapeur excilante qui est ddgagfie de la surface du liquide.
Quand on retire la malade du bain toute la peau est rubdfide.
Elle dprouve une chaleur prononcde. On essuie avec soin et on
ajoute mdme quelques frictions avec les linges. La personne est
placde dans un appartement suffisamment chauffd pour per-
mettre a la reaction de se continuer aussi longtemps que
possible.
Il arrive gendralement que les malades accusent, quelque
temps aprfes, une sensation de bien-dtre bien prononcce. L’ap-
pdtit augmente. Le soir, le sommeil est plus facile.
Observation I. — Folie hysterique.
Pas d’alieiies dans la famille. — Troubles psychiques a quinze aiis. —
Anxiete epigastrique assez frequente. — Cephalalgie. — Antes bizarres.
Bains sinapises. — Embarras gastrique. — Amdlioration. — Tendance
au vol. — Guerison. — Sortie.
T..., agde de vingt-deux ans, cdlibataire, appartenant a une
famille d’artisans assez aisde, ayant une instruction en rapport
avec sa condition, eut, a I’age de quinze ans, des troubles hys-
tdriques assez marquds, un changement de caractere qui dura
plusieurs jours (malaise, ennui;] cette jeune fille recherchait
I’isolement, pleurait). Depuis cette dpoque, elle a die assez bien
portante, bien reglee. Elle dprouvait de temps a autre des
cdphalalgies considerables et quelques legers symptbmes d’anxidld
epigastrique. Cette jeune fille dtait tres-rdservde, docile, labo-
rieuse, mais d’une dmotivitd assez grande; elle a une tendance
prononede ii la tristesse et manquait un peu de la spontanditd
si naturelle a son age.
Au commencement de decembre 1865, a la suite de cdphal-
DANS LE TRAITEMENT DE LA FOUE. 389
algie tres-intense qui dura quinze jours d’une mauifere coii-
lituie, survinrent des suffocations qu’on attribua des vapeurs,
proveiiant de substances destinies a dfeinfecler des cliole-
riques. Puis, de I’insomnie qui ne tarda pas a etre accoinpagn6e
d’incohfirence dans les id6es. Cette incoherence n’avait lieu que
par instant; la nialade etait tranquiile, du reste.
Wais, bientot, on remarqua un dfisordre considerable dans les
actes. Ce desordre s’est raeine eieve jusqu’a une agitation assez
grande. Cette personne a brise differents objets. La tranquillite
rcvenait toutefois de temps a autre. 11 lui arrivait de s’occuper a
la couture, trois quarts d’heure ou une heure.
Le 23 decerabre, rapparition de regies abondantes ne fit
qu’augmenter le delire, I’agitation et la loquacite. On se decida
a placer T.. . a I’asile Saint-Pierre.
Je constatai, des TaiTlvee de cette personne a I’asile, le
contraste le plus frappant daus le delire des actes et des paroles,
qui n’etait pas cette agitation qui caracterise si bien la raanie
aigue simple. Dans certains moments de la journee, on remar-
quait un calme assez marqu6 qui permettait de repondre assez
bien aux questions que Je lui faisais et meme de s’occuper. Elle
niait completement les actes d6sordonn6s qu’on lui reprochait.
Ces actes etaient tantot des pleurs, tantotdes actes de violence,
tels que des coups; des souUlets, tantot elle avait une crainte
exagerfie de la raort.
Apres quelques jours d’observation, pendant lesquelsjeme
bornai a prescrire quelques bains gfineraux simples d’une heure,
en I’ahsence d’un appareil convenable pour les douches sur le
corps, je me dficielai h cssayer les bains sinapisfis.
Le 5 Janvier. — Bain sinapis6 a 150 grammes d’une demi-
heure : plus de calme, sommeil plus profond.
Le 7. — Bain sinapis6 a 150 grammes. Ce bain est continue
tons les jours.
Le 18. — Quelques symptomes d’embarras gastrique. Potion
vomitive avec le tartre stibie.
390 DliS BAINS oeNfiRAUX SINAPISfiS
Le 19. — Contltiuation de.s bains sinapisfe. Diminution du
d61ire des actes.
Les actes d6sordonn6s diniinuent d’une manifere sensible sous
I’influeuce des bains de moutarde. La tendance R la depression
devientmanifeste.
Le 22 fevrier. — Les actes intempestifs out cesse. T... tra-
vaille plus assidflment. Mais il y a plus de loquacitfi. Elle pre¬
tend que son pere est fou et qu’on aurait du I’enfermer a sa
place.
Elle recrit mfime dans une lettre.
I'”' mars. — Ayant arrete les bains sinapisfo ii l’6poque de la
menstruation, I’agitation reparait de nouveau ; la malade ne
veut rien faire. Les bains sinapisAs ii 150 grammes ne tardenl
pas a ramener le calnie et la disparition nouvelle des actes des-
ordonnes.
A partir du 1 7 mars, le calme devient de plus en plus long.
L’etat physique s’ameliore proportionnellement. La physio-
noinie devient plus expansive. Nous notons encore la tendance
au vol. C’est au rfilectoire queX. ., se livre a cetle impulsion
inaladive. Elle ne vole pas le pain, mais elle prend dans les
assiettes de ses voisines une partie de leur portion. Elle execute
cette operation avec beaucoup d’habilet6 et d’adresse, choisis-
sant le moment ou elle croit ne pas etre vue. Elle nie ces faits-la.
Elle est, dit-elle, trop bien elevee pour soustraire ou manger
les aliments-et les restes des autres.
L’ameiioration physique et mentale ne s’est plus d6mentie.
L’embonpoint est devenu tres-manifeste. Les lettres toites par
elle temoignent d’un r6tablissement affectif et intellectuel de
plus en plus prononc6.
A dater du 3 avril, les bains sinapis6s g6n6raux n’ont plus etc
presents que tous les deux jours.
Eulin, le i5 avril 1866, elle est sortie parfaitement rfitablie,
apres trois mois et demi de s6Jour.
Le pere est venu me voir en f6vrier 1867. En me reraerciant
DANS tE ThAlTEMENT DE lA FOLIE. 391
(le nouveau, il m’a ceriifi6 que sa fille n'avait jamais 6t4 si bieh
sous tous les rapports.
Encourage par ce succes,j’ai essaye I’effetdes bains g6n6raux
sinapises cliez quelques inalades atteintes de folie hyst6rique,
d’une date d6jii ancienne et consid6r6es comme incurables. Les
nommees A..., L6onie, ag6e de vingt-quatre ans, dans I’asile
depuis mars i860; Sw..., ag6e de vingt-sept ans, a I’asile de-
puis 1859; D.. ag6e de vingt-trois ans, a I’asile depuis join
18S5 ; toutes trois celibataires et pr6sentant ii peu prds les
men)es ph6nom6nes morbides. Ces malades sont en traiteinent
depuis la mi-mai 1866; j’ai porte progressivement la dose jus-
qu’a 350 granimos de farine de tnoutarde. Je dois dire que
jusqu’ti present (avril 1867), je ii’ai obienu aucuns r^sultats suf-
(isamment satisfaisants. A la suite de ces r6vulsifs gfeneraux,
i’obtiens une loquacity plus grande, les actes d^sordonnes qui
sont depuis longtemps habiluels diminuent on peu, mais ils
reapparaisseni bienlot. J’attribue cette iuefficacite aux habitudes
onanistiques (|u’il est impossible de vaincre. Ces jeunes malades
vivent isolement, se reiirent dans la c'our a dillerents endroits
pour satisfaire a cette fatale passion.
Observation II. — Folie hysterique.
PaS d’alienes duns la famille. — Croissance rapide. — Actes bizarres et
idees melaDcoliques. — Bains siiiapisds. — Amelioration. — Sortie.
La nommec P..., Sgee de quinze ans, menstruee a douze
ans, prescntait, depuis plus d’un an, une alteration de I’intelli-
gence. 11 y a un an, elle a perdu sa mfere. Cette perte ne parut
pas la toucher beaucoup. Ses regrets iie se inanifesterent que
par ces simples paroles : » Je ne pourrai plus aller me pro-
mener avec ma mere. «
Les menstrues ont toujours ete regulieres. Il n’est pas con¬
state de predisposition hereditaire, mais une croissance rapide.
392 DES BAINS GflNfiRAUX SINAPISfiS
li’altfiratiou intellectuelle, dont nous venons de parler, sc ma-
nifeslant parquelques actes bizarres et unephysionoinie nialse,
parait se rapporter prficiseraent a cette croissance. La malade,
jeune encore, est en effet grande et mince.
11 y a dix jours a peu pres, epoque des menslrues, la malade
futagilfie. Elle sortaitdans la rue en chemise. Si on I’arrgtait et
qu’on voulOt la raraener chez eile, elle donnait des coups de
pied aux personnes qui I’entrainaient. Sonpere I’ayant menac6e
de I’enfermer dans sa chambre, elle lui dit qu’elle se jetterail
par la croisfie. Chez elle, elle 6tait continuellement devant la
glace, et en se regardant, elle se figurait qiie son visage avait
subi des modifications qui I’avaient complfitement chang6. Elle
croyait reconuaiire une alteration dans ses traits, une paleur,
indice d’une maladie incurable qui la conduirait au tbmbeau.
Son esprit etait obsedd par cette id6e melancolique, et on lui
entendait souvent r^peter ces paroles : « Quel dommage de mou-
rir a ESge de quinze ans ! » Cette pensde de sa fin prochaine
lui revenait souvent, quelque effort qu’elle fit pour la chasser.
Du reste, le sommeil etait court et l^ger, elle craignait de s’en-
dormir, croyait qu’une fois endormie elle ne se r6veillerait plus;
aussi ne dormait-elle que vaincue par la fatigue et le bcsoin irre¬
sistible de repos. Le repos etait presque nul. Les llquides surtout
paraissaient dfigouter la malade.
Cette jeune fille entre le 9 juillet a I’asile. Elle appartient a
une famille de pScheurs, habitant lesmarais des embouchuresdu
Rhone. Elle sait lire et ecrire, et parait intelligente. Je constate
une anxifitfi assez grande. Cette jeune fille croit qu’elle va
mourir aujourd’hui ou demain, elle verse des larmes, demande
a voir son pere, dit qu’elle ne le verra plus, ne veut pas
manger. Bain g6n6ral simple, potion avec bromure de potassium,
1 gramme.
11 juillet. — Cette malade accuse de la cephalalgie, elle n’a
plus autant de dfigout pour les aliments, elle commence h
manger. MSmes prescriptions.
DANS LE TRAlTEMENt DE LA FOLIE. 393
Le 20. — P. , se fait remarquer par son indocilitfe et son
insolence ; elle ne vent rien faire, elle dit des injures et tient des
propos incoh^rents. M@mes prescriptions.
Le 28. — Cette jeune fille se plaint de sensation de constric¬
tion h la gorge. Elle crie qu’elle etouffe; dans la journ6e, atiaque
d’hysterie. Bain sinapis6 gfinfiral a 150 grammes, regime to-
nique, continuation de la potion au bromure de potassium,
1 gramme.
I" aoflt. — La raalade est plus tranquille, la nuit surtout.
Elle s’effraye de la inoindre chose. A la vue d’un objet insigui-
fiant, il lui arrive de se meltre a crier comme si elle resseutait
une vive douleur instan(an6e. Ainsi, elle s’6crie tout h coup
qu’elle a mal au bras, ou a la t6te, ou ti la jambe. On croirait, au
moment ou elle exprime cette plainte, qu’elle vient de recevoir
un coup violent sur une partie quelconque de son corps.
Le 11. — Pollronnerie excessive. P... dit souvent qu’elle a
peur. Le calme continue, I’appfitit estsatisfaisant.
Le 17. ■ — Amelioration sensible. Cette malade s’occupe et
dort la nuit. M6mes prescriptions, h I’exception du bromure de
potassium.
Le 28. — P... continue a Otre tranquille; elle rfeclaine son
pere et veut aller soigner ses petites soeurs. Continuation des
bains sinapis6s , quotidiens.
1" septembre. — Le pere demande avec instance sa fille;
I’anxifit^ a disparu. P. .. peut rendre compte de toutes les sen¬
sations douloureuses qu’elle dprouvait et qui la faisaient crier.
C’etaiteffectivement despoints douloureux qui lui faisaient Jeter
des cris et qui dfiterminaient une anxiet6 aussi grande. Bains
sinapisAsii 150 grammes.
Par suite de I’amelioration, toujours croissante, la raalade
mangeait bien, reposait la nuit et n’avait plus 6prouve de crises
nerveuses. Quoiqu’elle ne fut pas entierement gu6rie, j’ai
consenti ii la rendre a sa faraille, L’ara6Iioration ne s’est pas de-
menlie.
394 DES BAINS ToENfiRAUX SINAPISES
En 6tudiant particuliei’emeiU les terminaisons de certaiiies
variet6s de folie hyst^rique, on reconuait que chez quelques-
unes de ces inalades, pins peiit-etre que dans les aulres forpies
de folie, les pouinons deviennent tuberculeux. Cette tendance
terininative me paiait le resultat d’une transformation niorbide
conlre laquelle devrait agir I’emploi des bains siuapises. L’effet
des douches sur le corps s’exjdique de la menie I'acon. Je iie
pretends pas pourtant que ces moyens tlierapeutiques puissent
suffire seuls dans ces conditions facheuses.
Observation HI. — Paralysie generale au premier degre.
Pas d’ali6nes dans la famille. — Vie irreguliere. — Exces vdnerions. —
Agitation et delire des grandeurs. — Bains sinapises. — Bromure de
potassium. — Toniques amers. — Guerison. — Sortie.
La nomniEe II. . ayant quitte sa famille & I’age de seize ans,
vint k Paris, on elle chercha d’abord a gagner sa vie comme
ouvrifere dans un magasiu. Pendant deux ans, elle mena une
vie sage et r6guliere, mais s’^tanl ensuite laissee entraiiier par
les seductions d’pp jeune liomme, elle devint sa maitresse et
eut un enfant de lui. Abandonnee quelque temps .aprfes, elle
fut obligde pour vivre de se livrer ii la prostitulion clandestine.
Puis, elle entra dans des maisous publiques, Elle parrourut
plusieurs grandes villes en faisant ce bonteux ra6tier. Elle a et6
atteinte it deux reprises difffirentes de maladies vdneriennes qui
out ndcessite sou envoi dans les hopitaux. Les exces de toutes
sortes, puis les chagrins violents que H... dit avoir eprouvEs
dans sa profession, depuis surtout qu’elle s’est vue abandonn6e
par sa famille qui n’a plus voulu la reconnaitre, out alt6re sa
sante physique et out oblige cette fdle a entrer a I’liopital de
Marseille. A la suite d’une agitation assez grande avec ddlire
des grandeurs, elle a et6 admise a I’asile de Saint-Pierre, le
7 fkvrier 186g.
A son entree, cette malade est assez cahne, mais il y a un
trouble considerable dans les id6es ; la m6moire est alt^ree.
DANS LE TKAlTKfUENT DJS l>A FOLIE. 395
puis elle nous parle de richesses ei de maisons qu'elle poss&de.
l-e sui'lendeinain de sou admission, le d^lire des grandeurs
parail avoir disparu. Mais la meinoire est toujours infidele. II y
a de nombreiises contradictions dans les r6ponses qu'elle nous
fait relativenient a sa vie anterieure. Elle est iranquille, niais
a de la peine a s’occuper, |a vue est trouble etellene peut con-
duire raiguille. Elle se plaint de c6phalalgie, de pesanteur de
tele, de douleurs dans la region lonibaire. Nous reinarquons un
peu de faiblesse dans les meinbres inKrieurs ; la parole n’est
pas einbarrassee ; la peau est seclie, le soinineil difficile. Je
prescris une poll jii avec broniure de potassium, I8‘'j50. Deux
bains sulfureux par semaine.
Lei®'' mars. — Mcme d6bilit6 intellectuelle, cephalalgie con¬
tinue, douleurs dans les lombes. H... oublie sa place au reiec-
toiie, ne reconnait pas. son lit et va se coucher au fitd’uned.;
ses voisines. Bains sinapis6s k 150 grammes tous les deux jours ;
potion au bromure de potassium, 1®'',50; tisane de geniiane.
Le 15, — La cephalalgie a considerablement diqiinue. H...
commence a trayailler a la couture, les ourlets sout en zigzag.
Les points sont disproportionu6s et in6gaux.
Le 26. — Amelioration considerable. La malade est plus
apte au travail de la couture, reconnait mieux sa place. Conti¬
nuation des mernes prescriptions.
Les jours suivants, I’amendement se confirme. Le caractere
de la malade est doux et conciliant. Elle uous parle d'une ma-
niere affectueuse de sa famille.
Le 10 avril. — Nous remarquons que lorsque le temps est
orageux et qu’il fait du vent du N. 0., les symptSmes (troubles
de la vue, c6phalalgie, perte de mfimoire relativement a sa place
au refectoire et au dortoir), reapparaissent avec une certaine
intensity, et cette exacerbation dure autant que le mauvais
temps, deux ou trois jours. Avec le beau temps, amendement
considerable. Continuation des raemes prescriptions,
Le 2 mai. — La malade nous rend parfaitemeiit compte de
396 DES BAINS GfiNfiRAUX SINAPISfiS
tout ce quo lebain lui fait eprouver, la sensation de picoteinent,
puis le bien-gtre qu’elle ressent loute la journge apres le bain.
Lcs jours ou le bain est pris, elle se trouve bien mieux ; I’ap-
pgtit est meilleur. Bains ggneraux sinapises h ISO grammes quo-
tidiens; vin de quinquina, 60 grammes; tisane de gentiane.
Le 5. — La dose de la farine de moutarde est glevge a 200
grammes.
Le IZi. — L’amelioration n’a fait que progresser ; mais il y a
toujours quelques troubles apparents quand souflde le vent
du N. 0. H... veut rompre avecla vie irrgguligre qui lui a fait
perdre I’affection de sa famille. Elle demande a sc retirer dans
im convent de repentir.
L’etat physique a gtg en progressant. Cette malade nous parlait
aussi d’une maniere tres-lucide de sa vie antgrieure et de tous
les phenomfenes de sa maladie. Elle a pu sortir entiferement
rgtablie le 30 raai 1866.
Chemin faisant, je suis bien aise d’appeler I’attention sur
I’influcnce de certains gtats atmospheriques sur la malade donl
je viens de donner I’histoire. Je n’avais jias encore rencontrg
cette influence chez des paralysgs ggngraux. Chez les personnes
nervosiques, les phenomfenes metgorologiques out une action
tres-prononcge. Il serait bon de recueillir un nombre de fails
suffisants pour arriver a des conclusions prgcises suivant diffg-
rentes altgrations nerveuses.
La quantitg des femmes alteinles de paralysie gengrale est
assez restreinte. Ges alignges arrivent presque toutes dans nos
asiles a une pgrlode assez avancge. Sur cent donze femmes
admisesdanslecourantdel’annge 1866, nous en comptons onze
appartenant a cette classede maladie. Une seule,la nommge H...,
est arrivge dans un gtat moins grave. Chez les aulres, les
dgsordres intellectuelset physiques gtaient considgrables. Toute-
fois, chez la nommge Ch... , marige, la maladie ayant pour
cause des chagrins domestiques, des excbs de lecture et une
DANS LE TRAltEMEMT DE LA FOLIE. 397
irritability nerveuse de date ancienne et pryseiitant les carac-
tferes de la deuxiStne pdriode, nous avons obtenu une amyiio-
ration assez notable, amelioration stationnaire qui a permis
pourtant a la famille de reprendre la malade. Chez une autre
inalade, la noinm6e L..., paralysie gynSrale la seconde py-
riode, les bains sinapisys ont yty administrys plusieurs raois de
suite sans rysultat. IlenestdemSniepourune femme G... , enti-ye
par suite de paralysie gynyrale a peu pres & la troisieme pyriode.
J’ai du m’arrdter apr6s quelques jours d’essai. Les dysordres
organiques trfes-avancys ne paraissent nullement s’accommoder
de ce moyen thyrapeulique. De temps en temps, quelques bains
sinapisys peuvent aider. Je me suis toujours bien mieux trouvy
dans ces conditions des bains sulfureux tels que les adminislre
M. le docteur Dumesnil, mydecin-directeur de I’asile de Qua-
treraares.
Les considyrations et les faits qui prycydent font voir que
j’envisage les bains gynyraux sinapisys comme de puissants i-y-
vulsifs, comme des ryvulsifs ytendus sur une surface considy-
rable. D’aprfes cette maniere de voir, ces agents s’adressent sur-
tout aux cas od une fluxion, un travail morbide est sur le point
de se localiser. On a pour but d’empScher la fausse direction de
la force vitale. C’est d’apres ces idyes que j’avais eu priraitive-
ment I’intention d’employer les pydiluves sinapisys cliez le ma-
niaque de Quatreraares, chez la jeune pluhisique que j’ai citye
au dybut; c’est aussi d’apres ces idyes' que je les ai em¬
ployes chez les premiers sujets. L’expyrience m’a dymontry
qu’il ytait encore une situation tres-importante qui i-ydamait
I’emploi des bains sinapisys. C’est alors que les forces sent
comprimyes par un ytat de spasme gynyral, qu’elles sont,
pour ainsi dire, sous le joug d’un ytat nerveux ; e'est le cas de
la stupeur ou de I’hybytude hystyrique, c’est le cas de la folie
nervosique.
Voici un fait de folie nervosique se rapportant ti-ys-bien au
AhNAL. Mfeo.-Psyca. A^serie, t. lx. Mai 1867. 2. 26
398 BBS BAINS GfetifiRAUX SINAPISMS
r^sum^ que j’ai dunne sur oette maladie daus uii aUlre tra¬
vail (1).
Observation IV. — Folie nervosique.
Goustitution nerveUse. — Nervosisrte ahcieri. ^ AltferatioH des sehli-
menls affectifs. — Jalousie, orgueil, obstination, accusations diverses.
ttefUS de sdivre tout Iraitemeht. — Bains sinapisds. — Regiriie
tonique. — Amelioration, — Sortie.
Alt cotntiienceiiieat du inois de ddceinbre 1866t je fus appeld
par uii confrere aupres d’une malade piesentant uii trouble
assez prouonc6 des facultes intellectuelle.s se traduisatit par des
hallucinations, une altdratiou tres-grande des sentiineots affec-
lifs et un d6lire des persecutions. Cette dame avail assez d’ein-
pire sur elle-meme pour dissitnuler certains ph6nomenes mor-
bides qui 6taient r6elleinent caracteristiques. de sa situation
inenlale. G’est ainsi que, pendant une heure environ, ,elle
r6pondit parfaiteinent a toutes lues questions el me fournit sur
son elal physique anterieur des details tres-circonslancies.- Elle
in’apprit que depuis longtemps elle etait sujette a des rievralgies
qui occupaient la Igte, que ces nevralgies se reproduisaient sou-
vent et Texasperaient, que ces n6vralgies avaient bien diminue
depuis plus de deux ans, inais en raeme temps la menstruation
6tait devenue irr^gulifere, et surtout depuis quelques mois elle
avail cess6. Marine depuis une huitained’ann^es, elle n’a pas eu
d’enfanls ni grossesse. Elle est agie de trenie-cinq aiis. D’apres
les renseignemenls du mari etdes persounes qui Font connue, il
y a elTectivement depuis deux ans un grand changement dans le
caractere. Cette dame recherche I’isolement, est indifl'drente
pour les siens, elle parle et rit toule seule, neglige sa toilette,
elle se renferme avec obstination dans son appartement, s’em-
porte quand son mari lui fait des observations tres-justes, du
reste. Elle fait mfime des scenes de jalousie a sou mari qui est
(1) tludo midico-Ugale sur la simulation de la folie, p. 185.
DANS LE TRAITEMteNT HE LA FOIilE. 399
oblige de sortir pdbr ses oGctipatibns jou'rnaliereS) elle se monte
peu k peuy menace de faire du scandale^ de le quitter. Au mbis
de juillet, elle lui demandade I’argent pour s’eii aller. Le luarii
voulant la mettre h repreiive, lui remits fen ellfet) la sominfe
qu’elle demandait. La malade prit immedialemeiit le chemili
de ferj se rendit it Palis, ou le cotlseil de seS connaissancesj
puis rferaotion produite par I’acte qu’elle venait de faire et
I’febranleraentdu voyage, lui firent faire un retoursur elle-memei
et elle ne tarda pas a revenir a Marseille. L'allferation mentale
ii’a fait qu’augmenten II n’y a aucun olifebe dans sa famlllfe.
Celle dame jouit d’une certaine aisance. Elle a I’habitude de
fumer le cigare apres chaque repas, de prendre du caffe.
Nous nous trouvions en prfeseiice d’une transformation tnor-
bide du uervosisme,et jecoiiseillaiimmfediatemeiitun traitemeni
revulslf et tonique, el cherchai a decider la malade a raecepter,
en prfetendant qu’il fetait essentiel de faire revenir les rfegles
supprimees depuis quelques mois; (Chocolat le matin, suppres¬
sion du the et du caffe, vialides roties, tisane de gentiane dans
la journfee, bains gfenferaux sinapises a 150 grammes tons les
deux jours.) I’engageai a placer cette personnfe a I’asile Saint-
Pierre, dans le cas ou elle ne voudrait pas se soumettre feu trai-
tement. Le refus de toute espece de medicameuiation n’arrive
que trop fifequemment chez ces sories de malades, et I’affection
ne fait alors qu’empirer et devient bientOt incurable; EffeGiive-
inent) la plus grande opposition eut lieu, Mais la menace de la
sfequeslration fit une telle revolution que les menstrues arri-
verent la nuit meme qui suivit ces prescriptions. Mais cela ne
pouvait suffirei Get fecoiilement ne modifia en rien les sym-
ptomes psychiques, et quelques jours apres, le 21 dfecembre,
madame Ch. .. fut placee ii I’asile.
Mdflalrife Gh... egt irfeb-Ofere. Ellfe acCfeptS saris ih'bt dil-fe sa
nouveile situation, si ce u’est qu’elle regardait avec mepris les
aulres peusionnaires qui fetaient dans la division. Elle restait
aanfe rieri fllirfe, ies bras croisfes, riaiit tbule seule et rdpbridant a
aOO DES BAINS GfiNfiRAUX SlNAPISfiS
peine aux questions qu’on lui faisait. Quand elle se croyait scule,
elle se mettait ii chanter des airs sans suite, a roucouler, a
crier, h gesticuler de maniere trfes-bizarre, puis k rire aux
6clats. Quand on lui parlait de cela, elle niait tous les actes.
Quand je I’amenais sur le sujet de son mari, elle gardail le
silence le plus absolu, Je I’invitai inutilement k s’occnper un
peu, k ne pas rester sans rien faire, et k se livrer k quelque
occupation que ce fut qui lui serait agr6able, un tricot, une bro-
derie, etc. Les prescriptions furent les m6mes que cellcs que
j’ai indiquees plus haul. Bains sinapis6s k 150 grammes, regime
tonique, tisane de gentiane. Le surlendemain j’augmentai la
dose de farine de moutarde et I’filevai k 200 grammes.
Le 15 Janvier, n’obtenant pas encore d’am61ioration, je me
d6cidai k faiie intervenir les doufthes froides sur le corps. Je
fis alterncr ces deux moyens.
Lei" Kvrier, un raieux sensible apparut. Madame Ch. ..
consentit k s’occuper, elle riait moins et causait moins quand
elle dtait seule. Elle etait plus affable avec son entourage.
Quelques Jours apres, elle demanda elle-meme k voir son
mari. J’aulorisai cette visite, et elle eut d’excellents r^sultats.
Les bains sinapisds arternant avec les douches froides sur le
corps produisaient une arafilioration progressive.
Le mari ne crul pas devoir atteudre plus longtemps, et sur
I’insistance de la famille, Je fus obligd d’obterapdrer k la sortie,
alors que la malade etait en bonne voie. Elle sortit le 17 fd-
vrier 1867.
Observation V. ~ Folienervosique.
Tante aliknke — Nervosisme trks-anoien. — Mtrocession d’une affection
herpklique. — Predominance d’iddes mdlancoliques. — Bains sina-
pises et potion antispasmodique. — Douches. — Retour del’affection
herpelique. — Douches et bains sulfureux. — Amelioration. —
Sortie.
Tr...,ag6e de irente-deux ans, maride, entre k I’asilede
&01
DANS tE TrXiTEMENT DE IA FOLIE.
Saint-Pierre, le 29 avril 1866. Cette dame est d’uii tempera¬
ment irfes-deiicat. Elle est tres-faible et trfes-maigre. La pcau
est ddcoloree. La inalade pleure, se lamente, ne pent rester en
place, repond ii peine aux questions qu’on lui adresse, la md-
moire parait faire ddfaut ; elle parle en sanglotant a nne per-
sonne qu’elle croit dire dans I’asile, dil qu’elle est malheu-
reuse, qu’elle va mourir, qu’ellc ne verra plus ses enfants,
accuse des cephalalgies tres-fortes et presque continues.
Les renseignements fournis par le mari nous apprennent que
madame Tr... appartient & une famille aisde, qu’elle a toujours
ete tres-deiicate, Ires-nerveuse et sujetle a des nevralgies cd-
phaliques trfes-infenses. Elle a eu deux enfants qui vivent en¬
core. A la suite du second accouchement, apparition d’une
eruption herpdtique tres-dtendue. Il parait que le p6re, li la
suite de Yiolenls chagrins, fut prisd’une eruption semblable dont
il est encore atteint. Le mari n’ayant pas rdussi dans une entre-
prise, il y a Irois ou qualre ans, les conditions de la vie intd-
rieure subirent quelques modifications qui infludrent d’une
manidre fScheuse sur la santd physique et morale. Les ndvral-
gies cdphaliques devinrent plus frdquentes et plus intenses, elles
dtaient caractdrisdes par des sensations aigues de tiraillement et
d’dlancement s’irradiant dans la tete, s’dlendant au cuir che-
velu, a la face. Depuis un an surtout, les recrudescences nd-
vralgiques dtaient tfds-pdnibles. Madame Tr... obtint de I’amd-
lioration en recouvrant sa tete de coton et enveloppant le tout
de toile cirde. En mdme temps, draotivitd considdrable, iddes
mdlancoliques frdquentes. Parsuite de contrarietds domestiques,
I’dtat mental a subi une altdralion de plus en plus grave. Depuis
quatre mois surtout, le trouble mental est considdrable. Cette
dame est excessivement hypochondriaque, elle craint toujours
d’dtre malade. Quelqu’un lui ayant dit que ses douleurs pou-
vaient dtre le rdsultat d’un andvrysme, elles’est imaginde qu’elle
etait rdellement atteinte de cette affection. Elle fait a son mari
des scdnes de jalousie, elle se persuade qu’il la trompe. Ces
4Q? DP BAINS GfiBffiBAUrSINApiSeS
id4es n’ont fpit qu’aggrfiver fje nUl® en pips la situalip!). Aussi
Tr. 1)6 pouvsit-elle s’pcciiper c|es alfaires do sfl maison. Hie
pretendait qu’elip allpit tnoiirir, qqe son mpri al|pit se remarier,
qu’jl voujpjl, ipetne j’eiiipqisoimep, qq’glle ejpit damnae; elle
lopibait dpqs la flastisppir, aypit deg idues de suicide et a nieme
lenie desn jelev par Ip cioisee. Quelqgefois celte anxiel6 elait
remplacee par ppe prfidomiiiaiice d’id6es l eiigieuses, elle pas-
sait trf's-lpHgtetpps ^ priei' Pjen, pqjs sui vep;iiei]t des balluclT
natioiis, elle s’entrelpnait avec des pensoniies qu’eljp cioyait
voir. Le souiipeil etpit U’fis-PQm’t ; elle avajt des cauclieraai-s Ip
iiiiit; I’app^tit 6tait a peu pres pul. C’est dans ces pondilions
qii’elle fut sSqHeptrdp et confiAe a mes sojns.
line tanie rpplernellp ayait dte pli6ii6e.
Le I"'’ niai. -r.. trefj-grpnde, pleups, WglplSi e!|e a
dfiehir6 ses velentepls, Je preaeiis des baiDS siflppisds p Ifjd
grammes tops jes deux jopiSr Le spjr, pqe pqtjgn anti,sppspi.o-
<?ipe-
l.e2. — Rpfua de topfe espece d’aliipepta, pe vein pps
prendre sp potipp, L’est li pejpe si I’pp pept Igi eu faire pyalef
qiiplques gouttes en la cppp'aigBant de fprpe,-
Le 10. ^ Amelipreliun sensible dpps r^tpt de Ip pnajpde : ellp
mange biep, repose dpranl la nuip ALQips de irrstesse et de
mqiancolie, Wsdapie Tl--,- S’peeupe bjpn, Toulefois, si on !ui
adresse Ip pproje, elle s’.atlriste ej) parlpnt ef pe tarde ppfi P
pleprer ; elle demandp h pefourner cbez son piere.
23. pepip sitpatioii et piemes prescriptipps ; a,dd. vjp
de geptiaiie, 50 graipwef
be 26. — Pendant .depv pp trpis joiirg, reprudescepce de
I’anxi6t6; cris, Sanglpts qnj vont jngqu’ap d^gesppir; baips
sina()is6s qpotidiepg a 2!)Q grapppeg; vjp dp gpxitiap.e. 50 grapi, |
|e spir, pption ayec acdtale de ptorphtpe, 1 cep.figramme.
JL,e 4 jpin, — r Le calme reparpit ; mais il y a toujpqrs des
idees trigtes. Cefte perspnne pleure soqvent, 6crit a spn mari
une lettrp qui a 4e la suite, igai? qui pe ,coii,tiept que deg
DANS LE TJHAl'l'EMBNT DE LA EOLIE. /lOS
expressions mdlancoliques. Elle dfisire que sou riiari viemie
pour qu’elle puisse inourir dans ses bras, etc .
Le 27 juin. — Douleurs nfivralgiques ires-intense.s si6geanl
dans diflerents points du corps,
Le2 jnillet. — Le calme continue. Plaintes hypochondriaqijes
de temps h autre et idiies tristes, Je m’aperpois que celte malade,
voulant exprimer uiie pens6e, ne trouve pas souvent I’expres-
sion. L’idee commencee lui ,6cbappe. MSmes prescriptions.
Le 7 aout. — Le raeme 6lal continue avec quelques recrudes¬
cences vers la fm des mois surloui.
Le 1 7. ■ — Je remplace les bains sinapisms par les douches sur
le corps au moyen de la pomme d’arrosoir.
Le 20 seplembre. — Je constate une Jegere amdiioretion.
En appliquant la douche, je reinarque que I’herpfes est revenu.
Celte r6apparition datait d’une quinzaine de jours et etait venue
progressivemeut. Ce sont des plaques 6cailleuses de differenles
grandeurs si(5geanl k I’fipaule, a ravanl-bras et au dos. Quelques-
uues ont jusqu’Si 6ou5ceniimetresde longueur sur 3 delargeur.
Memes prescriptions, tisane de salsepareille.
l.e 8 octobre. — L ’a melioration est sensible el plus consi¬
derable ; les plat(ues herpetiques s’etendent. L’appetit est meil-
leur. Elle reclame sa famille, ses enfanis. Sur la demaude de la
malade, je supprime le vin de gentiane.
Le 28. — Les idees tristes reparaissent de temps a autre.
On la voil tantot pleurer et dire qu’elle va mourir ; on bien elle
se figure que son pere est mort. La physionomie est pourlant
meilieure et les intervalles de calme plus longs. Deux bains sul-
lureux par sepiaine, puis douches froides les autres jours; tisane
de salsepareille. Ce traitement aiusi continue pendant les raois
de la saison froide , I’dtai physique s’aindiiore peu a peu et les
idees tristes ont une duree de inoins en moins longue, mais
persistent. La malade travaille avec plus d'assiduitd. Elle est
plus calme. Elle reclame souvent la visite de son mari et de ses
enfants. Elle les recoit avec le plus grand plaisir.
404 DKS BAINS (ifeNERAUX SINAPlSfiS
En raison de I’anciennete de I’allection cutan6e qui d’ailleurs
est h^reditaire, je n’avais rien a tenter centre elle en ce moment
et ne devais pas cliercher a la faire disparaltre. Mon traitement
a eu pour but d’ameliorer le physique tout en laissant un libre
cours 4 la diathese herp6lique.
J’ai autorisfi deux fois cette malade 4 passer la journ6e dans
sa maison avec ses enfants. Au commencement d’avril 1867,
madame Tr. rfeclamant depuis assez longlemps sa sortie,
quoique n’6tant pas encore enti4rement d6barrass4e des id6es
tristes qui la tourmentaient, a 6t6 retenue par son mari 4 la
suite d’une permission de sortie pour un jour. L’amdlioration
etait considerable.
J’ai citd cette observation parce que j’attribue aux bains
sinapisSs gSndraux le retour de I’affection cutande, et e’est 4 ce
retour que nous devons peu 4 peu le relablissement de la sante
physique de cette dame.
Observation VI. — Folie nervosique.
Temperament nerveux. — Constitution delicate. — Nevrose exophthal-
mique. — Emotivite Ires-grande. — Chagrins. — Craintes nombreuses.
— Idees melancoliques. — Illusions. — Hallucinations. — Excitation.
— Loquacitd incoherente. — Bains simples. . — Bains sinapises. —
Toniques amers. — Amelioration. — Sortie.
En etudiant les malades de mon nouveau service, mou atten¬
tion se fixa sur une malade prdseutant une saillie tres-prononcee
de roeil gauche seulement, paleur de la peau et des gencives,
cou gonfle, bypertrophie du coeur. Sous le rapport psychique,
uii commencement de ddraence incoherente, loquacite tres-
grande.
Un examen prolonge etdes renseiguements que j’obtins de la
famille me confirmerent dans le diagnostic que j’avais porte
dans le debut. J’avais affaire 4 une nevrose exophthalmique sans
goitre.
La aoinmee R..., mariec 4 I’age de dix-septans, a toujours
DANS LE TRAITEMENT DE LA FOLIE. 405
etc d’un tempfirament nerveux tr6s-prononc6 ; elle etait tres-
vive et tres-itnpressionnable. Elle a eu sept enfants, dent deux
sent morts, et a eu, en outre, deux fausses couches, Elle n’a pu
allaiter aucun de ses enfants. Ses deux filles ain6es, ayant Tune
vingt-quatre ans environ, I’autre vingt et un ans, prfisentcnt
toutes deux les caraclbres d’une alTeciion hypertrophique du
coeur. Les autres enfants sont bien plus jeunes ; le fils ainfi, qui
peut avoir vingt-cinq ou vingt-six ans, n’offre pas ii premifere
vue le meine type cardiaque que les deux jeunes filles qui
vienuent apres.
Madame R. . . a toujours 6te tres-d61icate et 6prouvail de fre¬
quents malaises. Mais dgpuis 1858 surtout elle ressentait plus
facilemenl la fatigue et des palpitations avec conservation de
I’appfiiit. A ce moment apparut une exophlhalmie d’abordfaible,
mais qui progressa lentement. L’6motivite presenla aussi, a
partir de cette fipoque, une allfiration croissante. Mais jamais
assez pour qu’on crut devoir recourir aux soins sp6ciaux d’un
asile. R. .. avail assez frfiquemment des rSves effrayants, son
imagination 6tait souvent vagabonds, elle redoutait I’avenir,
dtait superstilieuse. Cette situation morale s’accrut encore par
I’absence prolong^e de son fils aine qui etait en voyage et par ie
manque de nouvelles a son ggard. Voulaut savoir ce qu’il fai-
sait, elle eut recours a la n6cromancie et fut consulter des
femmes qui font le metier de dire la bonne aventure. Puis, par
suite d’une accusation port4e contre ce jeune homme, accusa¬
tion qui le fit poursuivre devant le tribunal, qui ne tarda pas a
prononcer son acquillement, I’intelligence subit une perturba¬
tion de plus en plus grande. Cette femme pleurait, selamentait,
puis manifestait de I’agitation qui durait une heure et mOme
toute une journfee.
Elle parlait sans cesse de sou fils. Elle avail des illusions de la
vue, il lui arrivait de prendre pour son fils la premiere personne
qui se prfeenlait k ses yeux. La nuit, elle avail des hallucina¬
tions de I’ouie et de la vue. Elle entendait des voix qui I’appe-
^l()6 DES BAINS GENfeRAtJX SINAPlSfiS
laieni, qui inenapaient son fils ou sa famillei elle s'imaginait.
qn’on voulait lui faire du mal. Dans certains moments d’excila-
lion et de dfeespoir, elle a cssay6 de frapper son inari avec un
couteau. Quelques bains simples pris chez elle ont dte sans re-
siiltat. On s’est ddcidd & la faire entree & I’asile Saint-Pierre, le
(3 aout 1865.
Jusqu’au moment ou je I’ai examinde, elle a prdsentd une
loquacild trds-grande, incohdrence dans les discours, iddes de
persdciition, hallucinations. Elle troublait le repos de ses com-
pagnes par ses discours saus suite, dont elle ne gardait pas le
.souvenir. On a observd, de temps a autre, quelques jours de
calme; mais bientot se reproduisait la loquacild incohdrentr.
Rile parlait de certains espritsqu’elle croyait voir. Elle n’a suivi
pendant ce temps d’autre medication que les bains simples,
b’appdtit dtait bon. Mais la malade se plaignait qu’on la faisail
lever trop matin. On dtait obligd de I’arracher de force de .sou
lit. Dans la journde, quand elle ne parlait pas, elle se couchait
sur un banc dans le prdau de la division et sommeillait la tdte
environnee de son chSle. Bien .souvent^ elle en faisait autani
dans I’ouvroir.
Je connaissais les bons effels de rhydrolhdrapie dans la nd-
vrose exophthalmique, et j’altribuais en grande partiea cet dtat
morbide les ddsordres intellectuels qui, raalheureusenient,
dlaient ddja trds-anciens. Mais en prdsence de I’agitation et
de I’indocilitd de la malade et en raison de quelques desiderata
dans notre appareil hydrothdrapique , Je tentai I’effet des
bains sinapisds. Le 6 fdvrier 1866, j’ordonnai bain sinapisd
a 150 grammes tons les jours et 50 grammes vin de genliane
tons les matins.
Le 22 fdvrier. — La loquacild parait diminuer un peu. La
malade s'ooeupe et travaille k la couture. Elle se plaint sur-
tout de la fatigue qu’elle dprouve le matin. Je prescris poor
elle un repos au lit plus prolongd et continue les aulres pre.s-
criptions.
DANS LP THAITEMENT DE LiV FQE^p. 4Q7
Le 1"’' mars. — Ain^lioralign trfes-sepsible ; moms fli? loqu?-
cit6 ; elle continue a s’occuper. Memes prescriptions.
Le 17. — L’amelioration semaintient. La raalade se leveplus
volqntiers le rpatin. E!|e nq pleiire pins, pifiis se pjpiijt tlfls hains
qu’on lui donne et des ddmaugeaisons que jp peau ^prouvedans
I’epu. Mfiraes prescriptions.
Le 10 ayril. — E’.apidlioration coptjniie. Le cplme reropjpce
la loquacitd et I’agitatinn, Elleraisonne avec lucidile ; nous rend
assez bien compte de ce qu’elle a dprouvd, reclame sa famille.
Toutefqis, nous cqpslatons ijne alt^rpliqn de la m^mqire. La
inalade a de la pejne a se rappeler certaines clioses impqrfanteg,
le nombre de .ses epfants, leur age ; la nuit, elle enlend quelqqeT
fois la voi? d?- sqn mari qui Tappelle,
Les yjsjtes dp sa famiHe Ipi Sfiilt QP ne peiqp|us agr^ables,
Elle recqil ses epfants pt son marl d’line maP'ore trps-affpc-
lueuse. El|e demande ayec instance sa sortie-
Ee 28 avril. — E’dlpt de la inalade Pe cessp de s’ami5|iorer,
L’appdtit est bon, la pb^sio.pefflie ast meiHeurp, |a faqp iin ppu
colorde, seuleineut madame 11... se plaint de palpitations et
d’gtre facilement essoqfflde.
Le 14 mai. — Sur I’insistance des parents et de !a malade
elle-meme, le developpetnept des sentiments alTectifs rpclainant
des rapports de famille, madame R. .. a 6t6 aulorisee a sortir un
jour ep pprinission, I\lais I’oppositipn formelle de pettp dame a
entrer de iioviveaq a I’asile fit Ip defflspde des parents m’qnt dd-
termjod. a conspptir a npe sorti? defiqid''§T np raison de i’atp^-
lioralion qui s’fitait produite.
Ce fiut que je plasse dans la catfigqrie des folies pervqsiqqes
tempignp (I’abord do ben ''^snltat prodnit par I'enipini dn bain
gfineral sinapise Gplui-pj pentsqpplder tres-bjen rbydrothdrapie
telle qqe la qiet et! pratique le docteur Gillebert d’Herconrl
dans les pas de ce gepre. Ensuite rexophthalmie bornde a un
seu( ceil est qn pbAnorneqe qiij n’a pas enpore 6t6 constald dans
la maladie de Graves. Enfm, d est une preuye de pins que le
i08 DES BAINS GfiNERAUX SINAPISfiS
gonflement du corps thyroide n’est pas constant dans cette
rualadie.
Les bains g6n6raux sinapisms conviennent tr6s-bien quand les
forces sont dans un grand 6tat de prostration et qu"on a affaire h
une faiblesse genfirale comme chez certaines malades atteintes
d’alienation a la suite de fievre typhoide, d’allaitement prolong^,
d’bdmorrhagies abondantes, en un mot, pr&entant un degre
plus ou moins grand d’anfimie. 11 faut alors user de ce moyen
de maniere h ne pas produire une excitation capable d’affaiblir
les forces et m6me de les miner compl6tement. C’est pourquoi
la dose de farine de moutarde ne doit plus 6tre aussi conside¬
rable, 120 i 150 grammes de cette substance suffisent. Ces
bains entretiennent une certaine activite dans les fonclions de
la peau et suppieent bien souvent de cette facon a I’exercice en
plein air, quand la malade est trop deprimee pour pouvoir per-
mettre ces moyens hygieniques d’une manifere suffisante. J’ai
soin d’associer les toniques nevrothfiniques, les amers, les re-
constituants.
Dans les cas de ce genre, je me suis tres-bien trouve d’alter-
ner les bains sinapises et les douches. L’action des douches
parait augment6e par les bains sinapisms.
Quoique je me sois borne aux quelques observations pre-
cedentes, le nombre des malades femmes chez lesquelles j'ai
expdrimentfi les bains gendraux sinapisms me permet d6j& de
poser quelques conclusions.
Folie simple. — 11 n’est pas indifferent de choisir le moment
oil Ton doit faire usage de ce moyen thfirapeutique. C’est ainsi
que, dans les 6tats maniaques intermittents ou non, a la pdriode
de croissance, j’ai adopts jusqu’& present pour regie d’opposer
pr6f6rablement les calmants et les Emollients ; I’expErience
a controlE cette medication. .Te ne suis pas encore suffisam-
ment edifiE sur le mode d’action des bains revulsifs dans
DANS IE IRAITEMENT DE LA FOtlE. 409
cette p6riode. Dans les formes maniaques designees sous le
nom A'exdtation manioque et de manie simple, je n’ai con-
stafo I’efficacite qu'alors que I’adynamie et la depression se
manifestaient. Dans ces cas , les bains gen6raux sinapisfis
aidaient a la reapparition de la spontaneiie normale. D’ail-
leurs, je n’ai pas employe avec moins de succ6s les douches
sur le corps, et je puis aRiriuer que ces moyens se suppieent
d’une manfore tres-avanlageuse. On salt que la faiblesse appa-
rait surtout a la dedinaison des etats maniaques aigus plus ou
moins longs. Qiinnd cette faiblesse se prolonge, I’activite phy¬
sique et mentale semble quelquefois hesiter ii reprendre le
dessus. L’emploi des bains sinapises ou des douches trouve
alors son application presqnc nficessaire.
En general, dans les formes maniaques, les tissus longtemps
irrites demandent le repos de I’organe ; mais I’etat aigu pass6,
un excitant favorise parfois la solution du mal. La nouvelle
activite communiqufie it Torgaue cdrebral favorise son retour a
I’fitat naturel.
Dans les melancolies, mes essais ne sont pas encore suffisam-
ment nombreux. Je suis oblig6 d’avouer quejusqu’ici les r6sul-
tats ne sont pas tres-satisfaisants. Ces formes se prfisenlentdans
des conditions etiologiques et pathogfiniques si diffdrentes, qu’il
faut un certain nombre de faits de chaque esp6ce pour que les
conclusions acquifo-eni unc valeur sufhsaniment grande. La con¬
comitance d’une anxiefo ou dysthiraie plus ou moins considerable
due bien souvent a des Ifoions diverses, la nature sympathique
de I’affection, I’age des malades, etc., sont autant de circon-
stances qui font varier les cons6quences de rexpSrimentation.
Dans les cas ou la stupeur vient s’ajouter a r6tat mfilanco-
lique, les bains gdn^raux sinapis6s seuls ne sauraient sutfire. Le
drap mouilfo est plus puissant; mais la derivation produite par
le s6ton est encore la plus efficace ; ,1’adjonction du bain r6vulsif
complete favorablement Taction de i’exutoire et facilite Tin-
fluence du drap mouilfo.
/|10 DliS JSAINS GfiiNfiRAtX SINAPlSfiS
La d6meiice Simple est am6li6r6e par les baliis ^4li(’iaiix
sinapisms.
Folie MlXTE. — (i’est vers la folie iiei'vosique et la folie
hysl6rique qae j’ai surtout clirigfi meS effort's. Dans !eS cSS ou
l’alt6raiioii mentale ii’est pas tfbp ancieillie, le Sbccfes tie la curt
lie saurait etre douteux, non pas cltie je considert, les folieS
uervosiques et hjstCriques coinrne des varietCs qui cedent assez
facilement, inais parce les bains geilCraux .sinapisCs out Une
puissance qui s’Ctend & tout rorganistiie et que dans le traite-
inent des maladies que je viens de nommer, il ne s’agit de rien
moins que de modilier surtout I’Cconomie entitle. L’hydro-
therapie a depuis longtemps fait ses preuvesdailS ces affections,
et il est reconnu que son elficacite est tres-grande; mais son
emploi n’est pas toujours facile, soit que les ressources de la
famine ne le permeitent pas, car ces iiioyens therapeutiquOs
sont tres-couteux dans les etablissements spCciaux, soit qU'll
n’y ait pas dYdablisseiuent liydrotherapique dahs la localitfi et
qu’il ne soit pas facile 1 11 le domicile de la malade
uu appareil a douche, soil enlin a cause de la rdpugnauce de la
Inalade a se laisser arrOser aveC de I’feau froide. Pour CeS diffe-
rents motifs, il est bon d’avoir a sa disposition un moyen sup-
plCmenlaire d’uite elficacite reconnue. Or, les bains gCneraux
sinapises, bieii dirigCs, bien gradues, accOfflpagnCs d’Un rCgime
approprie, d’une hygiene corporelle rigoureitsement obsetvCe
(exerCice en plein air, promenades, etc.), constituent uiie
mCthode de traitement.tres-precieuse et que je suis bien aiSe
de prCconiser, a cause des resultats que j’ai obteilus et que
quelques-uns de iues confreres oni r6alis6s anssi d’apres moti
avis personnel.
11 est certains cas d’hyperesth6sie cutanCe qui coiitre-
indiquent UiofflentanCment I’emploi de ces baiiis : on he sera
pas sans s’apei-cetoir bietiiot de ce pheiiomene morbide. D’ail-
leurs, il artive qu’ett augmentatit la dose on detruit cette Seiisi-
DANS LE TRAIXEMEN'I' DE LA FOLIE. 411
bilite inaladive par tine irritation d’une autre nature qui cede
plus facilement aux calmants.
FOLIES COMPLIQUfiES OU OHGANIQUES PROPREMENT DITES.
— Relativeinent a la paralysie gfinfirale an debut, j’ai signal6
un cas de r6ussite, et je suis port6 a croire qu’ci cette p6riode
les bains g6n6raux sinapisms sont d'une grande eflicacii6. Plus
lard il est possible d’obtenir un peu d’am61ioration, mais en
raison indme de la gravity de la 16sion organique , cette aine-
lioPatlbn ne pent etre cjub trfes-rtiinirtie. L’emploi de ces bains
est plus avantageux dans certains cas de folie dialbdsique. L'af-
I'aisseinent qu’on reinarque dans des 6tais consdcutifs a I’intoxi-
calion pent encore dire utilement conibattu par ce inoyeu.
Quant aUx atfections plus graves syraplomatiques de lesions
locales plus ou inoins graves, que doit-on attendre ? sinon une
amelioration irds-dphdmere, et encore, pour confirmer cette
pi'omesse, faut-il des fails assez nombreux. L’expdrience seule
peul conduire a connaitre cette valeur reclle, et quels autres
agents peuvent y etre ajoulds de la fafon la plus avantageuse.
11 nous resterait, pour completer ce inemoire, a dtudier d’une
maniere plus intime I’agent therapeutique en question, en eluci-
dant s’il n’y a reellemenl qu’une action locale dans les bains
gendraux sinapisds, ou si I’essence de inoularde qui se dissout
dans le bain n’est pas absorbde en partie et si cette portion,
quclque minime qu’elle soit, n’cxerce pas une influence su.r
I’economie. 11 resterait encore a savoir comment cette portion
absorbee est dliminde au dehors, ou bien encore si I’actioii
locale est due plus spdcialement a des phdnomenes d’dlectrieitd.
Voila dvidemment tout autant de questions qui ne laissent
|)as d’etre intdressantes et qui perraetlent d’eclairer la physio-
logie therapeutique. Je renvoie a plus tard le complement de
I non travail.
Sledecine legale.
DEMANDES EN INTERDICTION.
I.
lypEmanie avec hallucinations et tendance a la dEmence.
RAPPORT
SDR I’ETAT MENTAL BE JEANNE M . EEMME C .
Par lU. Ic docteur liAFFlTTEI,
Directeur-m^decin de Tasile d’alienes de Saint-Meen (Tlle-et-Vilaine).
Nous soussignes, Delacour, professeur a I’ficole de niAdecine
de Rennes, Aubree, professeur adjoint ii la na6me 6cole, el
LaflQue, directeur-mddecin de I’asile d’alidn6s de Rennes, coin-
mis par jugement du tribunal civil de Rennes, en date du
13 septembre 1866, k reffet de visiter la noinmfie Jeanne
M . . femme G . . et de constater son 6tat mental, d’en
determiner les caracteres et de faire connaltre si cet etat offri-
rait des chances de gudrison.
Aprds avoir prStd serinent, pris connaissance des documents
qui nous ont did communiques, visild a diverses reprises la
femme C . . avons dresse le rapport suivant :
Le 28 fdvrier 1865, sur les conclusions du sieur Rend
Legendre, demandant I’interdiction de madame Jeanne-Marie
M . . femme C . , comnie incapable, a raison d’un dtat
d’alidnalion menlale, d’administrer ses biens, le tribunal civil
de premiere instance de Rennes ordonna que le conseil de
famille de la femme G . serait convoqud et assembld pour
LYPfiMANIE AVEC HALLUCINATIONS. /|13
donner son avis sur la situalioa raentale de celte dame, et
qii’elle serait ensuite interrogfie par le tribunal.
Dans la dfilibfiration du conseil de famille ii la date du 6 mai
1865, il ne parail pas avoir 6t6 pris de conclusion definitive
relativement h la convenance de I’interdiction.
De I’interrogatoire subi par la dame C . le 22 septembre
1865, il r6sulte que si la plupart des reponses de cette dame
ne sont point confirraatives d’un etat d’alienation mentale suffi-
sainment caracterise, an tnoins semblent-elles accuser un ad'ai-
blisseinent des facuUes intellectuelles.
Un cerlificat de M. le docteur Le Menant des Chesnais, a la
date du 30 novembre 1865, constate « que la dame C . est
sous I’empire d’un ramollisseraeut» cdrebral avec paralysie
generale progressive qui rendent chez elle la parole tr6s- diffi¬
cile. Dans certains moments de calme, elle se rend compte de
sa situation et altribue h des accidents nerveux les difficultes
de son langage et les autres symptSmes raorbides qu’elle
fiprouve, et que son 6tat est de ceux que Ton regarde comme
incurables. »
Void en resumd les rdsultats de I’examen que nous avons
fait a diverses reprises.
La dame G . . entree it I’asile le 18 octobre 1865, est agee
de cinquante-trois ans; die est de petite taille, d’un tempera¬
ment nerveux et d’une bonne constitution; la physionomie a
conserve son expression naturelle, il n’existe aucune trace de
ddviation, ni des traits ni de la langue ; la pupille gaucbe est
sensiblement plus dilatde que la droite; la prononciation des
mots est, il est vrai, peu distincte; rnais elle n’est ni embar-
rassee ni hesitante, la perte complete de toutes les dents pent
d’ailleurs expliquer cette espece de difficulte de la parole. La
demarche est fibre et assur^e et les membres supdrieurs ont
conservd leur mobilitd et leur force ; pas d’alteration de la
sensibilitd.
Au point de vud de I’appreciation de I’dtat mental de la
AHNAL. Mdi),-PSVCH. 4' s6rie, t. IX. Mai 1867 3, 27
Dl’MAPiPES liN INTEKDICTION,
femme (J . , nous croyons devojp reprocluire ici qiielqnes-
unes des rdponses qu’elle a faites a nos questions.
D. — Quel age avez-vous?
R. — Je ne pourrai pas vons le dire au juste, dans les enviT
rons de ciuquanle ci cinquante-cinq.
D. — Depuis combien de temps €tes-vous it I’asile ?
R. — Depuis les environs de la Toussaint.
D. — Dans quel mois somnies-iious ?
R. — Je ne sais pas au juste, nous sommes sans donte an
mois d’octobre.
D. — Quelle est votre fortune ?
R. — J’avais vers 700 francs de rente, niais on m’a dit (pie
ceux de I’arsenal avaient vendu tout ce que j’avais.
D. — Savez-vous ou vous fites ?
R. — Je n’en sais trop rien, les uns I’appellent le petit
Saint-M6en, le grand Saint-M6en, le pensionnat, mais tout
cela m’esi indifferent,, je veux m’en aller, j’irai gagner vingt
sous par jour, il faut que j’aille au bureau de la ville, pour me
presenter a la ville, pour chercher mes contrals.
D. — Dormez-vous la nuit ?
R. — C’est impossible, il y a des personnes qui soufllenl la-
haut, les tines vous demandent si vous voulez mourir demain.
D. — Vous entendez alors des voix ?
R. — Le long des nuits ils soufflent, ils om des mauieres de
souffler qui portent au coeur, mais tout ce que je ne veux pas
dire ils me le font dire avec mes sabots.
D. — Comment vous font-ils parler avec les sabots ?
R. — Ils me boryetinent les sabots et le pas le ,dii.
D. — D6sirez-vous sortir ?
R. — 11 faut que j’aille h la ville, il faut que je me presente
au bureau.
D. — Avez-vous des parents?
R. — J’ai un frfire qui est mort ici , on m’a expliqud
dimanche k la chapelle qu’il est mort ici, je I’ai enleudu.
LYPtMANiE AYEE HAELUgipiATIQNS. /ll5
D, — Avez-VQUs d’sutres pareptfi 2
R. — Les souffleurs in’piH dit que ipoi) (pari est mort, ils
ont tiQuvS quaire de qjes parenis [ports id, ils sont venus id
pour perdre la vie.
D. — Soullrez-vous de la t6te ?
R. — Je soulTre de la tete, on fait souffrir coinme on vent
id, il y a des jours pour ca, seulement ils enlevent le mal
comme ils le veulent. On m’a souffle qu’il y avail 2400 francs
pris a Vitr6, il fapt que je le sache, je saurai tputes les affaires,
inais il faut que j’aille au bureau de la ville.
Coinme on peut en juger par les quelques reponses que nous
venons de ciler, la conversation de la dame C . , d’ailleurs
fort decousue et fort incoh6rente, tourne neanmoins autour de
deux sujets principaux : le d&ir de sortir pour aller k la
recherche de ses contratg et I’influence des souffleurs, qui ne
cessent de lui parler. D’apres robservalion recueillie a I’asile,
I’exallation maniaque nol4e dans les premiers temps de son
s6jour dans l’6tablissemeut, a fait place depuis quelque temps
a un caline relatlf, en meme temps que le cercle de ses con¬
ceptions ddirantes semble s’elre retrfici ; mais ses r6ponses
incompletes, ses discours incoh^rents, lorsquc surtout, par des
questions pr6cises et courtes, on ne cherche pas a fixer forie-
mentspn attention, ia persistance des hallucinations de i’puie,
I’affaiblissement de la memoire et des sentiments aireptjfs, ne
permettent pas de cousid^rer cette modification gnrvg.nqe dsus
I’etat mental, comme un signe favorable ; tous cp? sympipmes
sont, au conlraire, caracl6ristiques, selpn npug, d’up 6taf !yp^-
inanique avec tendance a la dfimence.
Dans cette situation, aggravee encore pay une predisposition
herfiditaire manifeste, 11 n’est pas probable que la dame Cm”>
recouvre le libre exercice de ses facultes.
Nous concluons done, en repopse au? (jn.estinns qui ppus
ont 6i6 posees par le tribunal ;
bEMANDES EN INtERDICTIOFf.
M6
1" Que la dame G . est atteinte de lyp^manie avec hallu¬
cinations et tendance Ji la d6raence ;
2“ Que son 6tat ne nous parait pas offrir de chances de
guerison ,
15 septerabre 1866.
DELACOtR, AUBREE.
LAFFITTE, rapporteur.
Les conclusions de ce rapport ont 6te admises par le tri¬
bunal.
II.
dEmence ALCOOLIQUE.
RAPPORT
SUR llm MENTAL DE PIERRE M .
Par III. le docteur I,ArPIXTE,
Directeur-m^decin de I’asile d’alienes de Saint-Meen (Ille-et-Vilaine).
Nous soussiguds, Delacour, professeur a I’ecole de mfidecine
de Rennes, Aubr6e, professeur adjoint a la meme 6cole, et
EafiBtte, directeur-rafidecin de I’asile d’ali6n6s de Rennes, corn-
mis par jugement du tribunal, en date du 15 mai 1866, a
I’elTet de visiter le nomm6 Pierre M . . de constater s’il a le
plein exercice de sa raison, de dfiterminer son etat mental,
d’en indiquer les causes et les consequences qui peuvent en
r6sulter.
Apres avoir pret6 serment, pris connaissance des documents
mis ^ notre disposition, visits it diverses reprises le susnomme,
avons dress6 le rapport suivant :
DfiMENCE ALCOOLIQDE. iil7
Le 28 juin 1865, sur les conclusions du sieur Jean-Marie
M . demandant I’interdiclion de Pierre M . , coinme inca¬
pable, en raison d’un 6tat d’alidnalion mentale^ d’administrer
ses biens, le tribunal civil de Rennes ordonna que le conseil
de famille serait convoqufi et assemble pour donner son avis
sur la situation ineutale de ce jeune homme et qu’il serait
ensuite interrog6 par le tribunal.
Les inembres composant le conseil de famille, assembles le
22 juillet 1865, et le magistral qui pr^sidait la reunion lurent
d’avis unanime pour admettre la n(lcessit6 de I’interdiction.
De I’interrogatoire subi par Maillard, le 7 aout 1865, il
resulte que ses reponses, sans 6tre d’une luddite parfaite, out
paru au tribunal assez raisonnables et assez pertinentes pour
qu’il y ait eu lieu a proceder a une enquSte.
L’enquete a laquelle il a etfi proc6d6, le 22 f6vrier 1866,
r6vde au contraireun certain norabrede fails assez graves au point
de vuede la compromission intellectuelle de M . Tous les l6-
moignages entendus sent en effet d’accord sur ce point, que ce
jeune hoin me (5tait presque continuelleinent en etat d’ivresse, et
que sous I’influence d’exces alcooliques il s’est livr6 a des actes
d’une extravagance manifeste; c’est ainsi qu’il sautait par les
fengtres d’un etage41ev6, au risque de se blesser, qu’il aban-
donnait sa voiture sur la route, qu’il brisait son mobilier,
renvoyait ses domestiques sans motif sfirieux, se d^pouillait en
public de ses vetements. Quelques t^moins, en outre, affirment
que M . est consid6re corame fou dans le pays.
En admettant meme que la conduite insens6e de M . puisse
etre rapportfie a I’ivresse, si Ton rfiflfichit qu’il a eu d6jii plusieurs
acces de folie, et que son pere et sa soeur sont ali6n6s, il n’est
pas possible, surtout en presence de la frequence de ses exces
et du caractere particulier de son ddire et de ses actes, de
m^connaltre dans les tendances de cetie nature, non-sen leinent
une disposition morbide, mais mSme un veritable 6tat d’alidna-
lion mentale.
418
DEMANDBS EN iNf BRBiaf ION .
Btt continuani Ife d6poiiilletnein cles piSceS till dossier, ilous
trouvons deux cer*tificats (jui, en raison des aulorites doiit elles
emanent et par ies aitestiitions qu’elles coniiuiinent, infiriteiit
doubleiiieiit de fixer noire aitehtion : le premier par ordre de
(late, 20 fevrkr 1866, esi sign6 par le iiiaire de Id commune ; il
Gonslaie que iVL.,., est dans un etal d’alienaliOn menlale re-
connu de tout le inonde depuis plusieurs ann6es, et qu’il est
completeoieiit incapable de g6i erses affaires. Le second cn date,
du 20 mars 1860, estde M. Gauthier, inedecin de llu... ; ce
pralicieu ceriiiieque ,11,,,.. est atteint d’alienation inentale ha-
biluelle, presentant seulement des exacerbations sous I’influence
des excbs de boissons,
M. le cure de Geveze, invite par fun de nous d fotlrtiir
quelques renseignements, affirrae tres-poSilivement I’insahite
d ’esprit de W . . ^ djoute dans la leitre que nOus avons sous
ies yeux, que craignafit que le mariage civil lie s’feffectoe, il
avail demand(5, a. MS' I’archeveque s’il iie serait pas possible tie
refuser le mariage religieUk, : c’est id aussi Un tCunoignage ([ui
doit 6tre pris eH serieuse consideration.
Voici, eri ce qul nous cohcerne, le resultat de rexamen que
nous avons fait a diVeCses i-eprises et a des iniervalles assez
ejoignes.
, est ag(3 de tfente-deux ans, d’une taille 61ev(5ei d’on
lemperameiit nerveux, d’uHe bonne constitution qnoiqUe un pen
maigret il paraitjouir d’unfe bonne saUtd; sa t^te ne preseiite pas
de deformation appreciable. Bn s’approchalit de lui, on est frapp6
par I’expression egar^e de sa physionomie, I’leil presente hue
mobililie extreme ; lorsqu’oft I’interrogei son niaintien est embar-
rass4, sans conlenance, il renme Ies jambesj setourne d’un Cdt4
on d’autre, se gratie la tCle, il h4site longtemps et est oblige tie
Ghercheravantde riipondre; Remission des sons parait difficile, et
ii s’exprime avec un grand embarras et une sortede b4gayement.
Il salt lire et ecrit son noin. Il repond d’ailleurs aVec assez de
justesse aux questions simples qu’on lui adresse sur son 8ge, sa
DfiMENCE ALCOOLIQUE. 419
profession, etc. , et notls fournit encore des renseigneinents assez
satisfaisanis sur le notnbre de ses bestiaux, le prix courant du
bl6, le niontaiit de sa fertne, inais il n’a pas pm nous dire fi
quelle epoque sa soenr etait entree a I’asile, si elle 6tait interdite,
et quelle 6tait la personae charg6e de payer sa pension et d’ad-
ministrer ses biens, il n’a pas pu non plus nous donuer la date
de sa naissance, bien que nous ayons insist beaucoup, pour
faciliter rop6ration intelleCtuelle nficessaire pour effectuer ce
calcul.
Dans la seconde entrevue, M . 4tait accompagnd de la fille
qu’il se propose d’6pouser; son regard ce jour-la 6tait plus
egar6 et I’expression de sa physionoraie etait aussi etrange qu’au
moment de notre premiere visite; son intelligence lions a paru
plus deprimee, plus obtuse ; il a r6pondu tout d’abord avec assez
de justesse aux premieres questions qui lui out dtd UdresSfies,
inais pen a pen ses rdponses out ete plus embarrassdes, la tnj-
moire paraissait lui faire complfitement ddfaut, et toute demande
uecessitant un ellort iutellectuel restait sans r6ponse; c’est ainsi
qu’il a ete dans I’impossibilite de faire les calculs les plus 416-
mentaires, de faire I’addition et la soustraction de notubres
tout a fait simples.
Comme la visite avait lieu a I’asile, nous avons demande
a M.,... s’il y avait longtemps qu’il n’avait vu sa smur plac6e
dans retablissement et s’il serait bien aise qu’on la fit venir; i|
nous a r6pondu qu’il y avait longtemps qu’il ne I’avait vue et
qu’il lie serait pBs fach6 de lui parler ; M . a el6 amen6e
quelques instants apres el sOn frere I’a aCcUeillie nvec une in¬
difference parfaite. sans que sa physionomie ait mSme exprim6 ce
sentiment de piti6 pour aiusi dire bauale qu’inspire la vuedeces
malheureux, soit meme un simple inouvement de curiosit6 ; il a
.6cout6 avec le plus grand caline les discours incoh6relits de la
malade. Dans son d6lire, la soeur de iVl...., qui se croit im-
p6ratrice, a parI6 de son mariage avec I’empereur j I’un de nous
a dit alors a M . que sa soeur paraissait avoir I’intention de
^20 DtMANDES EN IINTEKDICTIOIN .
se iTiaiier, s’il ne pensait pas qu’elle put sortir et s’il iie pourrail
pas lui-merae lui trouver un mari; il a i’6ponclu avec le plus
grand sang-froid qne cela dtait possible et qu’il tacherait do s’oc-
cuper de celte affaire.
Ce dernier fait donne one ideede la crfidulite du jeune hommc
et de la portee de son intelligence.
Nous devons maintenant, pour completer notre etude et pour
repondre aux questions qui nous ont 6t6 pos6es, nous reporter
aux antecedents de M . L’examen des faits auterieurs a ceux
qu’il nous a 6te donn6 de connaitre, soit par I’enquete, soit par
nos visites, nous permeltra en effet de constater le debut de la
maladle dont il est atteiut, d’en suivre la marche et le develop-
pemeilt progresslf.
Un premier fait d’une haute gravite, c’est la coudition facheusc
dans laquelle il se trouve sous le rapport de I’heredite ; sa sceur
a ete placee a Saint-Meen et son pereyest raort il y aquelques
anuees. Bien qu’en regie generale les formes particulieres do
maladies mentales ne soient pas transmises el que ce ne soil
que dans de rares circonstances que la meme forme exactement
se remarque chez les ascendants et les descendants, il nous a
paru intdressant de rechercher a ce point de vue, dans le dossier
du perede M...., les details qui pouvaient nous 6tre utiles et
contribuer a nous eclairer dans cette circonstancc. Les rensei-
gnements que nous y avons trouvds sont tres-importants et nous
croyons devoir les reproduire.
Il y est d’abord fait mention du jugement d’iulerdiction. Ce
jugement porte la date du 7 mai 1839, M . pere etait age de
irenle neuf ans. Le cerlifical du medecin del’etablissementconstate
0 que le norome Pierre M . est atteint de manie caractdrisde
par des divagations, etc. Le ddlire, ajoute^t-il, est la suite d’excbs
de boissons, le maladc est a sa cinquieme ou sixifime recimte ».
La prddisposition hereditaire est done complete chez M . ,
puisque chez son pere les ddsordres intellecluels se produisent
sous I’influence des exces alcooliques. Il serait sans doute inl6-
DfiMENCE ALCOOLIQUE. 421
ressaat de rechercher ici si la nature du delire a et6 la meme
dans les deux cas, et si, comme cela arrive souvent, la maladie,
apparaissant au meme moment de la vie, a poursuivi les m6mes
phases chez le pere et cliez le fds. Bien que nous ayons lieu de
croire qu'il en a pu etre ainsi, les details que nous avons pu
recueillir ii cet egard sont trop insuffisants pour qu’il nous soit
possible de nous prononcer d’une maniere positive.
Duresle, uousn’avonsquedes renseignemerits fort incomplels
sur les premieres annfies de M.. .. ; son developpement physique
toulefois parait avoir et6 lent et lardif, puisqu’il fut rfiforme au
moment de la conscription pour faiblesse de constitution. D’un
autre c6t6, si nous en jugeons par son role tout a fait passif dans
la maison paternelle, on pourrait supposer avec juste raison que
la faiblesse de son intelligence avait habi(u6 ses parents ii ne pas
compter sur lui.
Quoi qu’il en soit, ce que nous pouvous affirmer d’une ma¬
niere beaucoupplus precise, c’est queM . a eu, a une^poque
bien ant6rienre aux faits signaKs dans I’enquete, de vrais acces
de folie. Le medccin qui I’a soigne a cette 6poque nous 4crit :
o Deux fois dans I’e-space de dix a onze ans, j’ai trait6 le sieur
Pierre M . de G6vez6 ; la premiere fois, les soins hygi^ni-
ques, les purgatifs, les anlispasmodiques r6ossirent ; la seconde
fois, ils dchouerent ; sous I’influence des antipfiriodiques, de
I’exercice, du travail, la sant6 redevint bonne ». L’finergie et la
variete du traitement employd dans cette circonstance indiquent
done et la gravity de la maladie mentale et sa persistence.
Ces divers incidents morbides, antecedents facheux, il faut le
reconnaitre, nous conduisenl jusqu’a I’epoque ou M.... a com¬
mence a se livrer d’une maniere patente aux exces de boissons.
A ce moment ce jeune homme a-t-il subi pour ainsi dire tout
a coup cet entrainement irresistible qui pousse certains malades
a faire un usage immod6r6 des alcooliques ? A-t-il cede a un
penchant effrene et maladif? Cela serait possible, en raison sur-
tout de sa predisposition her6ditaire specials, mais si les rensei-
422 DEMANDES EN HN'I'ERDICIXON. — DEMEKCE ALCOOUQUE.
gneinents qui nous out fournis soiit exacts, la inaladie aurail
suivi une autre marche, etce ne serait que pen a peu et gra-
duelleraent que M. ... serait arriv6 au point ou il enest. D’autrcs
616ments paraissent d’ailleurs avoir concouru d’une maniere
effective a produire chez lui cette tendance aux boissons.
C’est d’abord la faiblesse naturelle de son intelligence encore
accrue parde rEcents accbs de folie ; dans cet etat, n’apprficiant
qu’incomplfitement la portae et les consEqtiences de ses actes,
privd ainsi du frein moral qui seul peut maintenirrhomme dans
les limites du devoir, iNl . a du etre livrE pour ainsi dire salts
defense k ses penchants vicieux. D’un autre cote, TespEce d’aban-
don dans lequel il s’est trouve par suite de la folie de sa soeur,
n’ayant pour guide qu’un here fort mal doue sous le rapport
iiitellectuel, devait pen contribuer a le relever sur la petite oft
I’attiraient d^jti ses tendances hfireditaires.
CONCEUSION.
Quel que soil d’ailleurs lemode d’invasion dela maladie: qu’elle
soit survenue spontan6ment ou bien|qu’elle soit la consequence
de dispositions morbides natives ou acquises, I’effet depressif des
boissons alcooliques sur les facultes de M. ...i n’en est pas nioins
aujourd’htti parfaitement manifeste.
C’est une sorte dlntoxication alcoolique caracterisee par I’in-
suffisance et la torpeitr intelleciuelle, I’affaiblissement de la
sensibilite affective etde la volonte,
Dans ces conditions, la liberte morale chez M . nous parait
sinon dteinte, du raoinsdiminiiee dans des proportions telles que
nous le croyons incapable d’administrer sa personne et ses biens.
Rennes, 28 oetobre 1 886.
DELACOUR, AUBREE,
LAFFITTE, rapporteur.
Les con elusions de ce rapport ont 6te admises par le tribunal.
RAPPORT m6dico-l]<:gal
L’fiTAT MENTAL (lyp^manie avec hallucinations)
Dt NOME FRANCOIS -JOSEPH PISSER
INGULt'S
b’ASSASSlNAT fit bfi TET^TATIVE DE MEL’RTRE
Par II. DAUOniPT,
Medecin de I’asile Sainto-Annc.
. Notis soussigiie, ntiidedn en Chef de I’astle d’alidnCs dc
Stephaiisfeld, professeur agrCgC a la FacuIlC de mCdeciiie dc
Sirasboui’g, delegud par M. Rigautj juge d’inatruciion de I’ar-
londissemeni de Coltnak^ S I’efTet de soumetli'e ii un exainen
atleiilif le iiointtiG Pissei' Francois-Joseph, de LiepVre, iticulpe
d’assassinai et tie tentative d’assassinat, et de dresser un rapport
circonstancie de nos observations, avons procfidC a cet exainen
apres avoir piealableihent plete serment entre les mains de
M. le juge de paix du canton de Bruinath*
Pisser est accus6 d’avoir, dans la unit du 10 niai 1866,
coramis un assassinat sur une fille de mauvaise vie et d’avoir
blessC grievemeitt une autre Dlle dans la maison de prostitution
de Colmar dans laquelle il s’etait refugie. Le Gertificat fait par
le medecin de la prison de Colmar, h la deinande du substitUt
du procureur imperial, porte que cet homine, depuis qu’il est
en prison, prfouhte une intelligence tres^nette sans fitre Ires-
. grande ( iviais qiie, en liberty, il paratt etre sous I’inlluence
perpCtuelle des spiritueux qu’il absorbe, et qu’il a pu trfes-bien
Ctre pris d’uiie sorte de delire furieux aggravC par la peusCe qui
le dominc d’avoir 6t§ influence par des sorcelleries.
Nous n’avons sur cet honune auoun renseigneinent de nature
424 UAPPORT MfiDICO-LEGAI,
a nous guider, ni sur ses habitudes ant^rieures, ni sur les cir-
constances au milieu desquelles le crime a commis ; mais il
nous sufTit de le laisser parler lui-meme pour avoir a cet 6gard
toutes les explications desirables et pour nous faire une id6e des
dispositions mentales dans lesquelles il s’est trouv6, apres avoir
quitte le service militaire et peu de temps apres son retour
dans la commune de Liepvre, son pays natal. Il nous sera
facile de suivre I’enchainement des faits qui ont amenfi une
surexcitation particuliere sous I'influence de laquelle a 6t6 com¬
mis le double- crime dont il est accus6.
Voici ce qu’il nous raconte :
Il est n6 en 1832, 4 Liepvre, petit village perdu dans les
Vosges, du d^pai'tement du Haut-Rhin. Son pere vivait de son
travail de journalier et de bucheron; il mourut en 1849, a
I’age de quarante. ans, 4 la suite d’une courte maladie sur la
nature de laquelle il fut impossible d’avoir aucun renseignement.
Sa mere, longtemps malade, mourut, elle aussi, un an apres
son mari. Ni I’un ni I’autre ne paraissent avoir 6t6 ali6n6s ; un
de ses oncles, cependant, passait pour fou et mourut sans avoir
recouvr4 sa raison.
Pisser eut une enfance rude et p6nible, sa mere lui pr6f6rait
un autre enfant du premier lit.
A huit ans, il fut atteint de la petite v6role, dont il porte
encore les traces profondes.
De loin en loin, il parut sur les bancs de I’ecole, mais il
n’apprit cependant ni 4 lire, ni 4 ecrire. Quand il eut la force
de manier un outil, on le fit travailler aux champs ou 4 laforfit;
pendant la mauvaise saison, il 6iait tisserand.
11 ii’eut d’autre distraction que le cabaret le dimanche, et le
soil- a la veillee il entendait raconter des histoires de sorcieres
et de revenants.
Son intelligence demcura inculte, aucune notion vraie et
juste n’y fut dfiposee; ce fut uii champ tout prepare aux
superstitions les plus grossiSres.
425
SUR L’eTAT MENTAt DE P. J. PISSER.
Les principes religieux qu’on tcnta de lui donner n’ficlai-
rerent nullenient son esprit dispose k la superstition. Le diable
et I’enfer seuls lui laisserent une impression durable et furent
pour lui le dernier mot de cet enseignement. Sa famille, qui le
ndgligeaitj lui devinl indilTdrente. Quand son pfere niourut^ il
travaillait a la foret ; sa mort le laissa parfaitement insensible.
Lorsqu’en 1852 il fut pris par la conscription, il quitta son
village sans regret.
Il devanca I’appel et entra dans un rdgiment de ligne ; il
n’avait pour I’dtat railitaire ni gout, ni aversion; il se plia iria-
chinalement aux exigences de la discipline. Le regiment lui
laissa son ignorance et lui donna quelques vices.
Quand il se sentait quelque argent, il buvait, il allait voir des
filles, et, finalement, se faisait punir.
L’ivresse I’exaltait outre mesure, elle le portait a des actes
de violence dont I’^tranget^ dficelait d4ja la tendance inaladive
de ses iddes.
A Rouen, par exeraple, eu 1859, il fut le principal acteur
d’une scene qui m^rite d’etre rapportde, parce qu’a part le
denouinent sanglant, elle offre beaucoup d’analogie avec celle
de Colmar.
Voici comment Pisser la raconte lui-meme :
Il venait de toucher sa prime de reengagement. Pour jouir
de cette opulence subite, il va boire avec des camarades,
s’enivre et va dans une raaison de prostitution. Il demande
k boire ; il eprouve un refus, alors il jette des pris de fureur
et s’emporte en menaces. Se voyant cerne au milieu de femmes
accourues, il tire son sabre, parce qu’il croit qu’elles en veulent
a sa vie et k son argent.
Mis a la porte de cette maison, il entre dans une auberge
voisine; sa fureur allant croissant, il en est bientdt expulse.
Alors dans la rue, son sabre k la main, il poursuit indistincte-
ment toutes les personnes qui s’olTrent k sa vue. Il ne fi’appe
l)ersoiine, inais il 6prouve une sorle de plaisir k constaier
RAPPOJBT MfiOlCO-Lfi&AL
repouvanle qu’il inspire et a voir les passants se sauver et les
portes (les maisons se fermer devaiit lui,
Enfiii il atteinl une feinme qui se jelte ii ses genoux pour lui
demander grace; Pisser, toujours brandigsant son sabpe, la
saisjt par les (;heveux et fait le geste de lui couper la tfite. II
ii’ei) fait rien cependant, « parce que, dit-il, je n’6tais pas ivre,
et parce que je trouvais du plaisir a effrayer cetle femme ».
Des camarades le ramenerent au quartier, et il n’eut a subir
aucune piinition pour cette scene abominable. Il peusa que s’il
avait 6cbapp6 a la prison, ce fut grace a une influence occulle
dont il lui est difficile de se rendre compte.
Ce fait denote, a iiotre avis, chez Pisser, et caracterise un
esprit bizarre et violent, domine par des id6es de m6fiance,
erapreint d’uiie giossiere superstition, et qui, plus tard, sous
I’influence d’un d61ire nettementaccentu6, devaitlui faire com-
meltre le double meurtre doiit il est accus6.
Pisser fit In canipagne de la Baltique, la fin de la campagne
de Crimee, il passa dans plusieurs garnisons, taut en France
qu’eu Afrique ; il se reeugagea dans cet intervalle, et erifin, en
1862, il partit pour le Mexique avec son regiment.
Pendant les quatre annees qu’il passa dans ce pays, les
hasards ds la campagne le jetercut tantot sur les hauts plateaux,
tantot dans les terres chaudes, ou il souffrit pendant deux mois
des atteintes d’une fievre paludeenne grave ; a part ce temps
de maladie, il se porta geueralement bien ; on nc trouve a uoter
que quelques vertiges pendant les marches faites sous uii soleil
brulant.
Cependant les exc6s alcooliques n’avaient pas cess6, Au coii-
iraire, ils se multiplierent, grace au bon march6 de I’eau-de-
vie de canne k sucre; ils eurent une influence dfiplorable sur
sa ponduite ; cent cinquante jours de punition ku corps suivis
de six mois passes aux compagnies de discipline en sont la
preuve.
Sous le coup d’une excitation serablable k celle que nous
SUl! L’fiTAT MENTAL DE F. J. PISSER. 427
avous d6ja rapport6e, Pisser ne pouvaiit trouver le sommeil
pendaiii uae nuit, fut en proie a uii dfilire hallucinatoire ; il vit
aulour.de lui des Mexicaiiis assis autour d’une table, tenant des
propos Stranges et se livrant & des gestes bizarres; ses cama-
rades, auxquels il racoiita cette apparition, se moquferent de
lui ; cepeiidant il la consid6ra toujours comme le iteultat de
manoeuvres dues a la magie.
Cette manifestation dfilirante, tout a fait transitoire, eut lieu
deux ans avant le retour de Pisser en P'rance ; elle doit etre
consid6r6e comme un des signes pr6curseurs qui ponvaient
faire pr&ager I’explosion d'une affection mentale mieux deter-
min6e; mais elle ne saurait etre consider6e comme le debut
d’une alienation qui eclata plus tard, nous le verrons tout a
I’heure, d’une inaniere caracteris6e , dans sa commune, li
Litpvre.
En resume, nous trouvons dans les antecedents qui nous sont
indiques par Pisser lui-meme, une ieg6re predisposition here-
ditaire a I’alienation mentale (un de ses oncles a 6te aliene) ;
une education negligee, une intelligence envahie par des idees
superstitieuses ; plus tard, des exces de boissons, des actes d’une
singuliere bizarrerie commis sous I’influence de ces exces ;
enfm, une disposition d’esprit de plus en plus portee h attri-
buer ail pouvoir de la magie et des sorciers les evencments
dont il etait frappe et dont son intelligence mal organisee ne lui
permettait pas de saisir le caractere.
Les details dans lesqoels nous sommes entr4 nous permetteiit
de saisir d’une manifere plus facile I’ensemble des causes qui
sont venues cxercer une influence determinante sur la forme
d’ali6nation que nous avons ii determiner.
Nous devoirs encore aux details que I’accuse nous donne lui-
m@me I’explication des faits qui nous restent h exposer.
Pisser est assez maitre de ses facult6s, et particulierement de
sa mdmoire, pour nous faire le rficit exact des sensations
auxquelles il a 6t6 en butte sous I’influence do circonstances
RAl’PORt MfiOIdO-tRGAt
diverses. Nous ajoulerons cjue cet hoinme, doilt I’inslruclion
est nulle, dont riiitelligeiice est plutot bornfie, ue saurait 6vi-
deinment siniuler un genre d’afTeclion d’une nature aussi com-
plexe que celle qu’il pr6senle a notre observation.
HISTOIRE DE L’AFFECTION MENTALE.
Apres quatorze ans de service, Pisser revient & Liepvre a la
fin d’avril 1866.
Il avail a toucher la deuxifeine moiti6 de sa prime de reenga¬
gement, c’est-a-dire treize cents francs. Cet argent, nous le
verrons, joue un grand rfile dans les scenes que nous allons
resumer.
Pisser trouve pour un prix modique la nourriture et le
logement chez la dame Tonnier, qui dent une pension d’ou-
vriers. Quinze jours se passent avant qu’il receive son argent ;
cependant, malgre quelques exces de boissons, il ne ressent
encore aucun trouble intellectuel. C’est alors qu’il touche la
somme qui lui etait due, et c’est de ce moment que la folie
commence a faire explosion, folie caraetdrisfie essentiellement
par des idees fixes de persecution, des sentiments de mefiance
et par des hallucinations de I’ouie et de la vue qui sont regar-
dees par le inalade comme le resultat des pratiques de sorcel-
lerie. Du greuier ou il couche, Pisser enlend parler la null au
rez-de-chaussee le cur6 de la commune et madame Tonnier,
chez laqiielle il loge. Les paroles qu’il entend se rapportent a sa
conduite, a ses alfaires, a sa famille. On dit qu’il neglige ses
devoirs religieux, qu’il doit doniier de I’argent pour faire faire
des pelerinages, pour faire dire des messes pour son p6rc et sa
mere d6ced6s. Il entend meme la voix de ses parents qui le
trailent ii leur tour de mauvais sujet et qui rficlameut des
prieres. Puis il entend encore d’autres voix : ce sont celles de
parents morts ou vivants, de diverses personnes de sa connais-
sance, d’nne certaine Madelon Batau, femme de sa commune,
SUR L’fiTAT MENTAL DE F. J. PISSER. 429
atteinie d’6pilepsie etqu’il regarde coimne une sorciere. Touies
ces personnes rficlament de I’argeiit, c’est une tante qui lui
demande/iO fr., c’est le cur6 de Lfepvre qui exigelS fr., etc...
Quelquefois il voit une grande reunion d’individus se rassem-
bler autour de lui et faire signe par leurs gestes qu’ils en
veulent 4 sa bourse. Tantot on proffere autour de lui des me¬
naces dc mort, tantot ce sont des obsc^nites qu’on lui dfibite.
Les paroles qu’on lui adresse sont parfaitement distinctes, il
les entend comme cedes qui sont dites dans une conversation
ordinaire, elks se font entendre de tons les coles, il y repond
a voix basse et malgr6 lui.
D’aulres symptomes ne lardent pas a carackriser son d61ire ;
il a bienlot I’idde fixe qu’on cherche a I’enipoisonner. Pisser
refuse dc prendre la tasse de caK au lait que madame Tonnier,
cede qui le loge, lui pikpare; elk insisie, il finit par c6der. Il
lui trouve un gout insolite, une amerturae extraordinaire, il
voit au fond du vase une poudre noire qu’il prend pour une
poudre magique.
Des ce moment, il se croit entierement livre h la disposition
de madame Tonnier et de Madelon Balau. Ces deux femmes ne
cessent de lui parkr jour et nuit, elks lui demandent de I’ar-
gent sous divers prdtextes, elks lui reproclient son pass6, elks
le menacent d’avoir recours au diable s’il ne cede pas a leurs
sollicitations. Une nuit, elks le font apparaitre dans sa cbambre :
« Le demon lui apparait lout noir, dit-il, tel qu’on le repik-
sente dans les livres. » Puis les hallucinations se manifestent
sous touies les formes, elks semblent sortir de tous les objets
qui frappent sa vue ; il entend des voix partir de ses souliers,
de ses doigts quand il les fait mouvoir ; les oiseaux chautent
des formules raagiques, les grillons le poursuivent de ikclama-
tions d’argent. Les arbres affectent des formes etranges et
prennent la ressemblance des personnes qu’il a vues, cedes qui
Pont plus ou moins irapressionnfi; il croit, par exemple, re-
connaitre I’empereur, il tombe a genoux devant lui , il lui
ANNAL. MfiD.-psTCK, 4” serie, t. IX. Mai 18G7, 4. 28
430 RAPPOUT MfiDICO-LliGAL
cleiiiniidc grace d’avoir cherch6 a le luer, il croit quo Ics sor-
cieres lui en avaient inspir6 la pens£>e et Ini lmi avaient doniie le
raoyen. Ce sonl elles qui lui avaieni fait venir des poux sur la
tate; en les 6crasant sous son ongle, il potivail, par cela soul,
Oter la vie a I'cmperour, etc...,.
Ce sent surtout les inlerpeliatlous el les demniKies (rargent
de madame Tonnier, de Madelon Bateau cl du curd de Liepvre
qui I’impatlenleni le plus. 11 va a Sclilesiadt consultera cc sujei
un mddeciii qui lui avail did indique comine magicien. Celui-ci
ne present aucun traitemeut, et Pisser se rend a Colmar dans
le mdme but et sans obtenir de meilleur rdsultat. A bout de
patience, il acliete un couteau-poignard dans I’intention de luer
Tiiadairie Tonnier et Madelon Batau, afin de melire un tcrine
a leurs machinations ensorceldes. L’occasion ou la volontd lui
manque pour exdcuter ce projet.
Cependant I’excitation ddlirantc continue a s’accroitre. Les
sorcieres. dit-il. lui faisaient abattre el construire des chateaux,
raser des montagnes, etc . Un musicien ambulant joue un
air magique qui le fait danser a la perfection, lui qui n'avait
jamais appris la danse. Il se sent Idger, dispos; son corps ne
lui pese plus. Le diable lui fait faire tiois lieues en raoins d’une
demi-heure.
Convaincu, apres les expdriences qu’il vient de tenter, que
la mddecine est impuissanle pour faire disparaitre la magie,
il se ddcide a employer les raemes artifices que ceux qu’on
dirige contre lui ; il prend le chemin de fer de Sainte-Marie-
aux-Mines pour recourir aux lumieres d’wn petit sorcier dont
a Liepvre indine on lui avail vantd la puissance occulle. Mais
il ne peut trouver la maison du petit sorcier, Madelon Batau et
madame Tonnier Ten empgchent, elles lui crient que cette
dAmarche le perdra pour toujours, qu’il sera d6livr6 de I’en-
chantemeut qui le possede, si seulement il ob6il d’une mani6re
ponctuelle a leurs ordres. Elles lui font acheter un pistolet ; il
pense que cette arme devia lui servir a sauvegarder son argent
SUR L’liTAT MENTAL DE F. J. PISSER. hZ\
el ii lui porter boiiheur ; elle lui a dl6 enlevee par les autorilds
do Chatenois,
Cependanl, le sdjour dans la commune de Liepvre lui devient
insupportable, il part ddfinitivement pour Colmar dans I’espoir
d’etre delivrd des scenes fantasraagoriques qui I’obsedent. II se
fait rendre prdalablement par I’antontd du maire son argent,
que par une siiigulidre contradiction il avail confie a inadame
Tonnier. Quelques empletles que celle-ci lui avait fail payer
beaucoup irop cher, a son avis, jointes au prix de sa pension,
avaient rdduit les 1300 francs a 800 francs.
Il s’installe a Golniar dans une petite auberge a I’enseigne
du Cerf, et il reste cinq a six jours en proie au delire halluci-
natoire le plus intense.
On voit alors Pisser errer dans la ville et dans les campagnes
environnanies ; il vit, comnie a Liepvre, dans un monde fan-
tastique, et les sorcicres continuent a etre raaitresses de lui-
memc. Co sont elles qui, pour s’emparer davantage de son
esprit, donnent aux objets exterieurs une figure oirange et une
voix paiTiculiere. Les roues des voitures se rnettenl a parler, les
oiseaux recitent le Pater, I’Ave et le Credo; ils lui remetlent
en indraoire ces trois prieres qn’il avait oublides au rdgiment.
Ils lui proraettent des talismans merveilleux qui auront la vertu
d’acc'omplir tous ses souhaits, qui le rendront invisibl'et''q'ffi lui
permettronl de tuer I’empereur, etc . On le force a maudire
J6sus-Christ, on lui promet d’iminenses richesses, s’il consent
a vendre son arae au diable.
Il voit des montagnes surgir el disparaiire presque au mdme
instant; les maisons s’61oignent et se rapprochent; Colmar Ini
parait une ville immense qui n’a point de dimites, a travers
laquelle il marche sans trouver la fin.
Ses iddes de m6fiance se reveillent plus vives que laniais.
surtont pour ce qui se rapporte h la conservation de son argent.
Son hote lui demande on coup de main pour rentrer la moisson,
et I’invite h placer les gerbes d’une certaine fa^on. Pisser voit
432
!At>PORT MfimCO-LfiGAt
dans ce fait nne manoeuvre de sorcellerie qni n’a d’autre but
quo dc le depouiller. Il va faire I’acliat d’effets d’habilleinent
dont il a besoin , I’hbtesse qui I’accompagne prend a ses yeux
la figure de Madelon Batau. Une voix lui dit qu’il doit I’appeler
sa mfere et qu’il doit lui ob6ir. Aussi ne songe-t-il pas a r6sister
quand elle le force a refuser la monnaie qui lui etait due.
Il va avec son bote dans un caf6ou il reinarque une jeune
fille d’une pbysionomie agrfiable. La nuit il entend la voix de
madame Tonnier et celle de Madelon Batau qui I’engagent ii
tuer cette jeune fille pour devenir lui-meme proprifitaire du
cafe.
Cinq oil six jours se passent ainsi au milieu d’un d61ire
sensorial qui n’etail interrompu que par de rares intervalles
d’une deini-luciditf\ Dans les moments de calme relatif, Pisser
clierclie ii se rendre complo des singuliers plienonienes qui
troublent son inteiligence, et il s’affermit de plus en plus dans
I’idee qu’il est le jouet des sorcieres de Liepvre.
Tel est son etat mental jusqu’au jour qui precede la nuit du
meurtre.
L’accus6 nous raconte ainsi les evenements de cette journee ;
Il quitte sa pension apres son premier dejeuner et va se pro-
inener dans la ville de Colmar qui lui parait bien plus grande
qu’il I’ordinaire. 11 fmit cependant par sortir de la ville et va
dans les vignes d’alentour. Mais poursuivi par les voix de
madame Tonnier et de Madelon Batau, il revient sur ses pas et
rencontre la femme de son cordonnier de Liepvre, qui elle-
meine 6tait accompagnfie d’autres personnes qui lui fitaient
inconuues. Ces gens s’attachent a lui et insistent pour lui faire
payer h dejeuner. Pisser refuse; il tenait trop 4 son argent, et
d’ailleurs il se mefiait des femmes de Liepvre. Cependant il
rnene la bande dans un caf6 ou chaque personne boit deux
choppes de biere, et comme c’etait l’6poque de la foire, il se
voit obligd de payer I’entrfie a un spectacle forain. Il reste
.sourd 4 de nouvelles solllcitations pour le d6jeuner, il quitte
SUR L’flTAT MENTAL DE F. J. FISSER. ftSS
i)rus(juement la socidtfi et va scul a la brasserie. Deux nou-
velles choppes s’ajoutent aux deux premieres. Il veut relourner
a sou aiiberge, mais les voix le reliennent et rempgchent d’en
prendre le chemin. Renlrg ii la brasserie, il boit encore qualrc
choppes. Il cherche le cafe ou il a bu le matin avec ses com-
patriotes, impossible de le retrouvcr. Dn uouvel essai pour rcn-
trer a son auberge reste ggaleraent sans resultat; il trouve a la
place une toule polite raaison d’un seul 6tage. Il erre dans les
rues de Colmar jusqu’a la nuit tombante, 11 trouve une auberge
dans laquelle il soupe d’un morceau de pain et de fromage, le
lout arrosg d’une choppe de vin. En sortant, il fait la rencontre
d’une femme qu’il croit etre une femme de Liepvre. Il affirmc
qu’en ce moment il n’gtait pas ivre, cependant il ne pent se
rendre compte de la maniere dont cette femme I’introduit dans
la maison de prostitution dans laquelle le meurtre a etc commis.
Dans cette maison, il remarque deux filles ; comme il ne pou-
vait retrouver son auberge, il se decide a passer la nuit avec
Tune d’elles. Il monie dans une chambre du premier glage avec
celle qu’il a choisie, el, sur sa clemande, lui donne une piece
de 20 francs pour aller chercher une bouteille de vin. Il
remarque qu’elle reste deux ou trois heures sans apporter ni
vin, ni monnaie. Ce fait lui parait gtrange, dveille ses soupcons,
enfin elle revient; dans I’inlervalle, il s’etait mis au lit; a peine
glait-elle de retour, qu’une seconde femme entre dans sa
chambre. Celle-ci, tout en I’amusant, fouille dans les poches
de son pantalon d6pos6 sur une chaise. Interpellge par Pisser
qui lui demande ce qu’elle fail, elle se retire. Elle revient un
quart d’heure aprfes, saisit le porte-monnaie dans la poche et
I’ouvre. Pisser, qui a tout vu, persuadd qu’on veut le depouil-
ler, se 16ve, s’habille a la hate, entre dans une fureur extrOme,
il se prgcipite vers la porte qui eiait fermec a clef, il I’enfonce
a coups de pied et parvient ii se sauver dans la rue. Il prglend
ne pas se souvenir d’avoir donn6 des coups de couleau, il se
rappollc sculement quo la femme avec laquelle il etait couche
RAPPORT M£DIC0-L£GAL
434
lui paraissait avoir change de forme, qu’elle etait devenue loule
bossue; enfin il se souvieni d’avoir enlendu des cris et un bruit
extraordinaires dans cetle raaison.
Quoi qu’il en soit, il est arrete a quelques pas de la maison,
et il achevo sa unit en prison. Le lendemain on lui annonce
qu’ii a frapp6 deux femmes, et on le confronle avcc ses vic-
limes. On le conduit d’abord dans la maison de prostitution, et
on lui montre le cadavre d’une femme tout ensanglantfie et
couverte de blessures. Il declare ne reconnaitre ni la maison, iii
le corps de la victime, et il ne laisse voir aucune marque d’eino-
tion, Men6 ensuitc a I’hopital auprfes de la deuxieme femme,
qui n’6tait que bless6e, il est reconnu par elle, mais il jure que
pour lui il ne I’a jamais vue. Quant an couteau doiit il s’est
servi; c’6tait, dit-il, un simple couteau de poclie, on le lui a
pris dans cette maison et il ne sait pas ce qu’il est devenu.
Dans son interrogatoire, le juge d’instruction lui dit qu’il
lui a doimd plus de irente-trois coups de couteau ; il affirnie
qu’il ne lui en reste pas le moiudre souvenir,
C’est lui-m6me qui nous donne ces details ; en dehors d’au-
tres renseignements, il nous est impossible de v6rilier les asser¬
tions qu’il nous 6mei ; il nous est egalement impossible de
constater s’il n’a pas cependant, au milieu de la confusion de
ses id6es et du tiouble dans lequel I’avait jete une surexcitalion
pouss6e au plus haut degrd, conservd quelqne souvenir de la
scene sauglante qu’il venait de provoquer,
Pisser passa deux mois et demi en prison ; pendant les quinze
premiers jours, il nous racoute qu’il a 6t^ priv6 de sommeil et
sans cesse obs6d6 par des haUucinatious semblables a cedes que
nous avons d6crites. C’est toujours madame Tounier et Madelon
Batau qui se font entendre, elles lui disant qu’elles saventce
qu’il pense, et dies vuudraientlui faire avouer qu’il a assassin^
deux femmes. Les souUers qu’il porle aux pieds lui disent des
injures et le font marcher de travel's.
Il est egalement preoccupd de son argent; il en demande des
sun L’fiTAT MENTAL DE E. J. PISSEU. a35
iu)uvelle.s, on liii rnontre son porte-inonnaie dans leqiiel il iie
reste quo 160 francs an lieu des 600 qu’il contenait. La perle
de cet argent le chagrine viveinent et le confirme dans ses idees
de infiliance.
Peu i) peu, cei)endant, l’6lat iiienial s’ameliore, et Pisser
relrouve le soinmeil. Les hallucinations persistent cependant
encore, inais elles se luanifestent a des inlervalles de plus en
plus i^loigniSs.
C’est alors qu’il est amenfi a I’dtablissement de Stfiphansfeld
pour etre soumis ii notre observation, le 19 octobre 1866.
Dcpuis son entire li I’asile, Pisser a 6l6 sournis h une surveil¬
lance continuelle et li nn examen attentif. Un infirmier, dont
c’est le service unique, ne le perd pas de vue ; il est charge de
nous rendre un compte exact et fidble de loutes ses paroles et
de lous ses actes ; I’inierne de service s’est occup6 d’en faire
I’observation dfitaillee, et nous I’avons nous-mSrae interrog6
longueinent et h plusieurs reprises.
Pisser jouil d’un bon lempfirament, sa constitution n’est nul-
lement affaiblie, les fonctions organiques s’accomplissent avec
r6gularii6 ; le soniineil seul a 6te trouble pendant les premiers
jours.
Les traits de sa figure sont grossiers, sa physionomie est vul-
gaire, elle porte d’habitude I’empreinte de ses preoccupations
habituelles. Sa parole n’est nullement embarrassde.
Pendant les premiers jours de son s6jour a l’6tablisseinent,
Pisser continue a 6tre sujet a des hallucinations j il entend
parlor de son argent, de meurtre comrais, etc . On le voit
quelquefois marcher dans ses promenades avec prficipitation,
(juilter tout a coup son chemin comine s’il obSissait a un appel,
ou comme s’il cberchait a eviter des interpellations d6sagr6ables.
Quand on I’interroge, lorsque surtout on le fait d’une maniere
adroite, il rfipond volontiers a toiites les questions qui lui sont
faites, et il donne avec animation et conviction des details precis
sur lout ce qui se rapporte a ses hallucinations ; inais il con-
436 RAPPORT m£dico-l£gal
serve tout entieres ses iclees fausses au sujct des sorcieres, de
la sorcellerie et des machinations diaboliques auxquelles il croit
avoir ete en butte ; sa conviction, sous ce rapport, est absoliic.
11 forme le projet de se vcnger de madamc Tonnier ct de
Madelon Balau aussitot qu’il en irouvera I’occasion ; c’esi ii
elles qu’il attribue la cause des smgulieres sensations qu’il a
eprotiv^es, et qu’il ressent encore de temps a autre ; ce soul
elles qui sont la cause de la perte de son argent.
RfisUMh. — Si maintenant nous venons <i rdsuiner les fails
sur lesquels nous nous somines etendu avec quclques details,
nous devrons reconnaitre qu’il exisle chez cet bomine un
ensemble de phenomenes et un enchainemenl de circonslances
qui suBlront pour nous expliquer le dfiveloppcment d’un etat
mental qui s’est prepare a la longue, qui a fait explosion peu
de jours apres son retour a Sainte-Marie, et dans lequel il s’est
trouve dans cetle nuit meme pendant laquclle il a commis le
crime dont il est accuse.
Nous trouvons chez lui une predisposiiion hfiriiditaire a
I’alienation, une intelligence nalurellemcnl simple ct laissec
sans culture; de bonne henre, et a un age ou les impressions
soul vives et durables, son esprit a ete impressionne par les
histoires de sorciers ct envahi par les idees supersiitieuses que
Ton relrouve portces a un haul degre dans quelques communes
des Vosges.
Devenu militaire, il a commis de nombreux exces de boisson.
Dans dilTdrentes circonslances, a Rouen, au Mexique, la sur-
excitation dont il a 6te atteint I’a porte a des actes d’une 6vi-
denie excentriclte.
Des preoccupations d’une nature particuliere ne devaient
pas larder a donner naissance a des manifestations d61irantes
neitcment accusees el pour lesquelles le terrain dtait deja prd-
par6 d’une manihre sitavorable.
e’est a Liepvre que le d61ire eclate avec des caractercs qui ne
SUR L’fiTAT MENTAL DE F. J. PISSER. 437
sauraieiit faire I’objet d’aucune espece de doute. La craiiUe de
so voir diEpouiller d’une somnae d’argent cousid6rabIe pour lui,
qu’il avail d’abord confine a line femme de son pays, qu’il a
ensuile port6e conlinuellement sur lui, a certaineraent conlri-
bu6 a d6velopper raffection mentale dont il a ete aLteint.
Le d61irc a parliculierement caracierisfi par une grande
surexcitation, de I’insoninie, des idees fixes de mefiance el de
pcrseculion, mais suiToul par des hallucinalions qui onl pre-
sent6 leurs caracleres habiluels, qui onl domine d’une maniere
absolue sa volonl6 el lui onl fail conimellre les antes les plus
extravagants. G’est sous I’influence des visions qui I’onl obs6d6
qu’il s’est encore echappe de la inaison oCi il avail pris sa pen¬
sion, qu'il allait errer des beures entieres dans les bois envi-
ronnants, el qu’arm6 d’un sabre il cherchait li sc ddfenclre
contre les apparitions qu’il voyait sortir des buissons.
Lui-meme a la conscience de cetle etrange situation dans
laquelle il se trouve, et, dans I’espoir d’en etre ddbarrasse, il
va voir des medecins et consulter des sorciers. Les cxcfe de
boisson auxquels il continue a se livrer .ajoutent a ce delirc un
nouvel aliment.
Dans la journee et dans la soirde m6me dans laquelle Ic
meurtre a ete accompli, Pisser a commis des exces de boisson
qui devaient sulBre, dans la disposition d’esprit dans laquelle
il se trouvait, pour lui enlever & un moment donn6 toute libertd
morale. La tentative de vol dont il parait avoir dtd rdellement
I’objet, ct ([ue sou esprit si soupconneux a I’endroit de son
argent lui a fail parfaitement remarquer, I’a'transport^ d’une
fureur extreme, et lui a fait commettre des actes d’une veri¬
table sauvagerie , dont il ne semble avoir conserve qu’un trfes-
vague souvenir, si nieme ce souvenir lui est rest6 bien r6elle-
ment dans la memoire. Les trente coups de couteau porles h
I’uiie de ses malheureuses viclimes sont ii eux seuls la preuve
d’une fureur que rien ne pouvait maitriser.
Aujourd’hui, Pisser n’est plus sous I’influcnce d’exces de
il38 KAPPORT MfiDICO-LfiGAL, ETC.
boisson, il n’est plus soumis a cette incessante prfioccupation
que lui causait la crainte d’etre vole. II a repris son caliiie et
en partie I’exercice de ses facultes.
Cependant on n’en constate pas inoins cliez lui la persistance
d’kiees fixes, d’appreciations erron6es et d'hallucinations qui
se foul jour, surtout a certains moments d’cxciiation. II con¬
serve d’une maniere absolue la croyauce aux idees supersii-
tieuses, a la sorcellerie, & I’intervention du diable ; il leur attri-
bue la cause des inachinatioiis auxquellcs il s’imagine avoir 6t6
en butte. Il est encore anim6 de temps it autre du dfisir de se
rendre lui-meme justice des torts graves qu’il croii lui avoir 6te
causes.
Le calme avec lequel il nous raconte les pariicularites (|ui
le concernent, le ton de coilviction qu’il apporle dans ses
explications, enfin son intelligence peu developp6e, doivenl
61oigner chez lui loute idee de siiuulation.
Pisser conserve en ce inoiuint encore, inais it un degre
moins considerable, des signes d’ali6natiou meniale (lypeinaiiie
avec hallucinations) ; les symptoines qui se d6veloppcnt cbez
lui avec une rare intensite, sous I’influence de diverses causes
exciiantes, ne sauraieut le rendre responsable des acles coiumis
dans une semblable disposition ; il iinporte, en tons cas, que cel
homme soil soumis it une surveillance parliculiere et qu’il soil
raaintenu dans un etablissemenl d’alien6s.
Stephansfeld, le 16 novembre 1866.
Conformement aux conclusions formulees dans ce rapport,
les poursuites out ete abandoundes, et Pisser a 6l6 reinis it la
disposition de l’autorit6 administrative.
NOTE MEDICO-LEGALE
A l’OCCASION
DTNE DONATION ENTRE-VIFS
a la periode ultime d’une fievre typho'ide ataxique
ai. le docloui- Dli SAUI^IiE.
Invit(5 a doiiner inoii avis sur la question cle savoir si
M. G. .. (Ernest) a pu, le 15 octobre 18(54, a huit heures ct
deinie du matin, envoyer de sou propre mouvement cliercher
nil iiotaire, afiti do dicier un acte de donation, el s’il a pu uue
demi-heure plus tard disposer de sa fortune sainemenl et libre-
lueni;
Apres avoir pris connaissaiice des Elements d’appreciation et
de solution mis a iiia disposition, comprenani les documents
suivants :
1° Un cahier de proefes-verbaux d’enqufite couteuaut sept
depositions ;
2“ Un caliier de proefes-verbaux de contre-enquete conleuant
quatorze depositions ;
Ai reconnu qu’au point de vue medico-legal la question priii-
cipale qui m’a 6ie pos6e se decompose en ces trois questions :
1“ Quelle cst rallectiou morbide a laquelle a succombe
M. G...?
2“ Les facplt^s intellectuelles peuvent-elles etre compromises
dans cetle maiadie ?
3° Quel pouvait etre, au moment de la donation du 15 oc¬
tobre, I’etat de la liberie morale chez M. G... ?
NOTE MfiDlCO-LfiGALE
m
PREMifiRE QUESTION.
Vers ie 11 octobrc dernier, M. G... a ressenti del’cmbarras
gaslrique et de la fievre. Le 14, le docteurNicard constate I’etat
suivant : « Fievre intense, soiibrcsauts des tendons, treinble-
incnts des mains; terreurs; delire; insomnie, ballonnement
cxccssif du ventre; doufeurs violentes dans tout rabdomcn et
surtout dans la region lombaire. o Dans la unit du 14 au 15, le
m6decin, remarquanto une aggravation bien 4vidente dans I’dtat
du malade » , rfisolut d’appeler en consultation le docteur Quillot.
Le 15, 4 huit hcures et demie du matin, r6tat est alarmant : le
malade ne peutni « articulerun mot ni faire entendre un son»;
aussi, le docteur Nicard annonce-t-il que la situation est des
plus pfirilleuses. A trois heures, le docteur Quillot, mand6 en
consultation, arrive : le malade est dans la stupeur, parait
6tranger a ce qui se passe autour de lui et ne r4pond rien au
medecin qui vient d’enirer et qui le questionne sur son 6tat.
II peut seulement, mais avec lenteur, faire quelques courtes
reponses et prononcer quelques monosyllabes, puis, tourment6
de plus en plus par ses souffrances, il s’assied brusqnement
sur son lit en disant a sa femme : « Je souffre beaucoup du
ventre ; regarde done, je crois avoir un trou dans le ventre. »
En passant en revue avec soin toutes les circonstances mor-
bides qui se sont produites, je suis persuad6 que M. G... a eu
une fievre typho'ide a forme ato,xique.
Dans les depositions de MM. Nicard et Quillot, on ne trouve
aucun renseignement de nature a faire admettre la complication
d’un acces de fievre pernicieuse, ainsi qu’on I’a prelendu a tort.
Les manifestations de ce dernier etat morbide sont tres-tran-
cbees, eminemrnent appreciables, et nos honorables confreres
n’ont signale ni les stades pathognomoniques de I’accesfebrile, ni
les caracteres du pouls, ni le volume de la rate, ni I’etat de la
peau ! le sulfate dc quinine, d’autre part, a ete administre pendant
quatre jours et u’a amcne aucun soulagement ; or, on sail que
A l'oOCASION D’UNE nONATtON ENTRE-VIFS. IXhl
s’il SO fut agi recllemenl; do fievre pernicieusc, co modicameiU
Ii6roique n’aiirait point manque do produire uiie tres-grande
am6lioration. La seule modification avantageuse qui soil surve-
nue chez le malade, dans la soiree du 15 octobre, a (5te due a
des garderobes tres-copieuses, Ce pheiiomene cst caractfiris-
tique, en ce qu’il dfimontre comment I’intestin — siege de la
lOsion anatomiquc dans la fievre typhoide — a pu, avec quelqiie
profit, Ctre dfibarrassd d’un amas genant et douloureux de
matibres f6cales, et il contribue, sans qu’il en soit bcjsoin, ii
prouver I’inanitd de I’hypotbese d’nn acces de fievre perni-
cieuse.
Une fievre typhoide suffit ainplement pour rendre compte
du trouble tres-marqu6 des facultfo intellectuelles qui a et6
observe le 15 octobrc. On a vu cependant.qu’on avaitpu arra-
cber qnelques Icntes reponses au malade, mais dans presque
toutcs Ics maladies aigues qui, comme la lievre typhoide, s’ac-
compagnentde ddlire, on pent tres-fr6quemment poser la ques¬
tion d’une maniere telle que la reponse soit celle qu’on d6sire,
affirmative ou negative, et forraul6e en monosyllabes. Les pretres
qui, dans descas analogues, administrent les derniers sacrements
ne precedent pas autreinent. « Vous vous repentez, disent-ils,
vous voulez recevoir les consolations de la religion?)) Aces
questions, il est toujours repondu ouL Le mode d’interrogation
cst, en gfinfiral, d’une certaine importance, toutes les fois que
I’exercice de la pens6e est cotnpromis, mais, au point de vue
medico-l^gal, il acquicrt notamment line valeur consid6rable,
puisque d’apres la maniere dont il interroge, I’individu qui pose
les questions, impose presque fatalement les reponses.
En admettant pour un instant que I’hypothese toute graluite
d’un accfis de fievre pernicieuse ait pu se r^aliser, que serait-il
arriv6? Que le voile jete sur les facultes de I’enteudement eut
ete plus epais, que la torpeurc6r6brale eut 6te plus profonde
encore. Mais il devient superflu d’insister sur ce point, etil de-
meurc Evident que M. G... aeu une fievre typhoide ataxique.
DEUXlfiME QUESTION.
Le dfilire dans la fievre typhoide grave est uii fait universelle-
ineiit observe el adniis. Dans les cas tres-aigus et qui se ler-
niinent d’unc inanierc presque fouclroyanle, c’csl-a-dire dans
I’espace de huit jours, par exeinple, il debute des le Iroisieme
on le quatrieme Jour ; les malades manquent d’abord d’initia-
live, de decision, devicnueiii Strangers a tout ; leur physionomie
revfit I’expression de Velonncment, puis de la stupeur. Ilienlot
la dissociation des idees apparait, des paroles incoh6rentes sont
prononcees ou simpleiiieni murmur^es, le regard devienl terne
et fixe, I’obtusion du sens de I’ouie se r6v61e et une agitation
assez vive, enlretenue souveiit par des hallucinations, vient
achever I’esquisse de cette scene inorbide. En pareil cas, le
fibre arbitrene resiste pas au choc et la volontd est rapidenieni
precipitee dans la plus douloureuse impuissance.
Sans doute il n’est pas impossible d’observer des remissions
plus ou moins marquees et quelques moments de treve pen¬
dant lesquels on peut obtenir du malade quelques rdponses
lentes, courtes et le plus seuvent monosyllabiqties, mais h peine
a-t-on cess6 d’imposer ses questions avec insistance que I’inco-
hSrence reprend son cours etque le malade continue sondelire.
Si la gu6rison se produit ulterieurement, aucun souvenir de ce
qui a 6t6 dit, fait ou ecrit pendant ces eclipses passagercs de la
raison, n’est conserve, 11 y a plus : quelques individus, tout cn
renaissant a la vie, sont frappes d’un affaiblissemcnt mental per¬
sistant ou d’une obliteration incurable des facultes intellec-
tuelles. Ces faits sont d’une notoriele inconteslee.
TROISIfeME QUESTION.
D’aprfes les pitees de I’enquete etde la contre-enquele, nous
avons vu que M. G. .. 6tait resl6 pendant vingt-quatre ou trente
heures, avant I’arrivde du notaire, sous I’fitreinte d’accidents
ffibriles alaxiques, de soulTrauces abdominales intenses, et qu’il
A L’OCCASION n’CNF. noNATTON E]NTRE-VIFS. 64S
clait r6cluil a ne pouvoir iii seiitir, ni comprcndre, ni prononcer
uncsyllabo, niavaleruiie goutte de liquidc. Or, dans I’espaco dc
quelques instants, depuis la visite du docleur Nicard jusqu’ii
l’arriv6e du notaire, comment I’esprit du malade aurail-il pii
soudainement reprendre toutes ses clartes ? Comment, sans som-
meil ni crise salutaire prealables, M. G... serait-il tout a coup
passt- de ralTaisseinent c6r6bral a la lucidity, de la prostration dii
libre arbitrea I’energiede la volont(5, de I’abolilion de la senti-
mentalitd a une initiative plcine de tendresse? L’observation
cl I’cxperience demontrent qiie les choses ne se passent point
ainsi.
En resumd, je conclus :
1" Que M. Ernest G. .. a 6t(5 atteint de fi&vre typhoide
ntaxique ;
2" Que cette nialadie s’est accompagnfie d’un dfeordre
cxtr6tne dans les idfies et a constitn^ une situation tout it fait
anormale de 1 entendement ;
3° Que le 15 octobre, it huit hcures etdemie du matin, moins
d’uno demi-heure aprfis le d6part du docteur Nicard, M. Ernest
G... n’a pu, de son propre incuvement, donner des ordres pour
fairevenir un notaire, afin dc dieter unacte de libdralitd;
4“ Qu’il n’a pu, trente minutes plus tard, articuler clalre-
inent, librement et sainement I’expression spontanee de sa ferme
volont6.
ti avril 1865.
P.-S. — La donation de IVl. Ernest G. annulfie d’abord
par le tribunal de premiftre instance de Dijon, a et6 diiclarde
valable par la Cour imperiale de la mSme ville.
ETABLISSEME!\TS ft’ALIEIVES.
L’ASILE D’ALIENES DE PREMONTRE
(AISNE)
Par HI. lo doctcur OAGROm ,
Dircclcur'incdccin do rclablisscment.
Monsieur le RfioACTEUR,
Appel6 par anel6, cn dale du 5 noveinbre dernier, a presider
a I’organisation rnedicale et administrative de I’asile des alifines
que le departeinent de I’Aisne est en voie d’installer dans I’an-
cienne abbaye de Premontr6, j’ai ern qu’il n’6tait pas sans
intCret de venir voiis fournir quelques renseigneraents sur cet
6tablisseinent.
Rien n’est plus incertain que I’origine du nom de Pr6raontre.
Voici cependant ce que rapporte une I6gende : Pendant la pre¬
miere moili6 du xP siecle, un lion rdpandait la terreur dans la
foret de Coney. Enguerrand II, sire de Coucy, voulant d61ivrer
le pays de cet hole redoutable, se fit conduire, armfi de pied en
cap, au lieu ou on le voyait le plus habituellement. Lii, le lion
lui elant apparu a quelques pas, il dit a son guide : « Tu me I'as
de pres raontre. » Cette origine, en faveur de laquelle on alle-
gue la figure mutilee d’un lion, qu’on voit encore au-dessus de
la porte du celebre donjon de Coucy, ii’a pas el6 toutefois
adrnise par tons les savants; Hermann, moinede Saint-Vinceni,
notaminent, prdtend que le nom de Premontrd vient de pratum
monstratum vel proBmonstratum.
Mais sans nous prfioccuper plus longtemps de I’origine de
ce nom, arrivons a I’ordre c6l6bre qui vint s’y dtablir vers
ran 1115.
I.’aSILE D’ALIENfeS DE Pr£MONTB£. Wo
Saint Norbert, qui lui donna naissance, ful I’un des plus
illusiies personnages de son temps. Issu d’line noble famille de
Germanic, il fut, dans Tune de ses excursions en France,
cliargS, par Bartheleiny, §veque de Laon, de la reforme de
I’ordre des chanoines de. I’Sglisc de Saint-Martin de cette ville.
N’ayant pu y parvenir, il s’en dessaisit el se mit ii la recherclie
d’une solitude pour lui et quelques disciples. La vall6e de Pre-
montre lui ayant paru convenable, Bartheleiny, qui desirait le
conscrver dans son diocese, la lui aclicla et il s’y £tablit.
En trbs-peu de temps, I’ordre de Preniontrd prit un ddve-
loppeinent prodigieux. Gonfirmfi par Honorius II, en I’an 1126,
des redevances et des dimes considerables vinrent successivemeni
I’enrichir, et bientol il comprit plus de treize cents maisons de
chanoines reguliers, et quatre cents de femmes, dont quelques-
unes se sont mSme conservdes jusqu’ii la fin du si6cle dernier.
L’abbaye de Premontr6 notamment, oude trois mois en irois
mois venaient se retremper tons les membres de I’ordre, avail
acquis des proportions 6normes. Detruite en partie en 1793,
ses restes et ses souvenirs imposants attirbrent longtemps les
amis des monuments antiques. On y remarquait nagufere encore
les quatre murs de la salle du cbapitre sur lesquels se dcssi-
naient d’6legantes ogives et les ruines d’une magnifique cha-
pelle Louis XV.
Transformee en verrerie vers 1800, 1’administration de Saini-
Gobain la c6da plus tard a monseigneur de Garsignies, 6veque
de Soissons, qui essaya d’y rfitablir I’ordre dteint; n’ayaut pu
y parvenir, il y fonda un orphelinat. Plus tard enfin, le conseil
general de I’Aisne s’en rendit acqu6reur.
M. Gonstans, inspecteur general, consulte alors sur I’appro-
priatiofl possible de cet etablissement pour un service d’alienfis,
n’h6sita pas it se prononcer pour I’affirmative.
Un plan, du tout entiera son inspiration, ful done dress6, et
M. Castaing, alors pr6fet de I’Aisne, qui 6tait eiilrd avec autant
de sagesse que d’enthousiasme dans ses vues, se chargea de le
AWNAL. MiiD.-PSYCii. 4" serte, t, IX. Mai 1807, 5. 29
llU& t’ASILK O’AUfiNfiS Dli BRfiMONTRf' .
presenter au conseil gi5ii6ral. Ce plan, (p|i coinprenqit noii-
seulemeiit rapproprialioii des ancieiis batiments au service des
alidnds, mais in6ine la construction d’un asile uoiiveau, ayapt
6t6 adopts, I’exdcution en futcoiififiea M. Toucliaif], arctiifeclc
du dfipartement.
Aujourd’hui que les travaux sont en partie lenuines, et (|ue
soixante ali6nes y out dejii ete adinis, en attendant le gros de la
population, qui y arrivera en niai, nous allons cliercher a de-
crire cette oeuvre.
De quelque c6t6 que vous vous dirigie* pour arriver a Pre-
tnonlre, vous trouverez partoul des bois 6pais qui semblent en
d6fendre les abords; situ6s dans une vallee profonde, ces rein
parts naturels d’arbres et de montagnes disent, inieux que
toutes les paroles, I’Sloignement du monde dans lequel on peut
y vivre. Quelques maisonnettes bien baties, aux jardins gracieu-
sement embellis, et un rendez-vous de chasse composent le
village, dont I’asile occupe la partie la plus reculee, et auquel
on arrive par une allee d’ormeaux sdculaires.
Lorsque la porte vous en a dte ouverte, vous entrez lout
d’abord dans une vaste cour, ou vous apercevez trois immenses
corps de batiments, I’un en face, les deux autres a droite et a
gauche. Au point de vue architectural, ces batiments sont du
siecle dernier; rebatis vers 1 7A6, ils ont le caractere de leur
6poque; ils sont grands et imposants. Si vous vous dirigez entre
le pavilion du milieu et celui de gauche, vous rencontrez inie
seconde cour tout aussi grande que la premiire, qui conlieni
quelques restes de constructions, dalant do fondateiir. Sur voire
droite, I’asile |)roprement dit qui a remplace les debris de la
saile du chapitre et d’une maladi'erie dont quelques resics
ont 6l6 disposes pour le logement de I’aumonicr et des internes.
En face, les anciennes ^curies, au-dessous de la porte desquelles
sont encore sculptfies les armes du gen6ral de I’ordre; i) gauche,
et & Tangle fornid par les dcuries, un corps de logis qu’habitait
saint Morbert. Quelques constructions non moins importantes
existent encore en arriere de ces ^curies.
l’asile nii) 447
jjps ^rpis batimpiUs 4p |a CQur 4’eiH|'ee, cel^j f|u iniljpn 3 pji
etre ubljse pour {es logeraeiits dicepipuf-inpdepiu el du re-
ceveup-pcononig, avpp chapelle pt jpgernetif des pppurs entre
deux. Oil y a ipsfalle, ea outre, a gaucfig, 4 ssalje (le I3 coiur ■
mission, }es [lure^iix de Iq dirppljpn, jp par|pir, I’inflppierie et
le vestibule d’p(|tr6e du quarupr ^es hpmrpes; h drpjtp, les
bureaux et |e6 mpgasins r6ppnoaje, ja pharpaapie, |a lingerie,
le veslipire, le parloir, ripfirineric, et le Ypetibulp d’ppiree t|e
quartier des femmes. Les deux autres, d’uu aspect ipagpibqpp,
aulrcfpis I’abbaliple et la procure de j’abbaye, serppt qi'ilisfis
pour le logeinenl des pensippnaires. Celui de gauche contipndp3
soixaute bpinmes, etcelpi de droite que|-anie femmes, jls cum-
ppendronl tous les deux, au rez-de-phaussee, dps salops, salles
a manger, salles de concert ou de billard ; et aux Stages supfi-
rieurs, des apparteinents a une ou plusieurs pjeces, desservis
par de inagnifiques espaliers, dont I’un ipSine esf moupipenta|.
Deux preaux, j’un en arrifire pour les agitps, I’autre eii ayant
pour les paisibles, leur seront annexes. Ge dernier ne sera
s6par6 que par uu saut de lonp de la cour d’eiitr^e, dont il sera
cependanl isple par des grillages geri]is de plantes grimpantes,
pour empScher tout rapport avec fps etrapgers qup jpurs affaire, s
appelleront a rasilp.
Quant pux dcurips el aux batimepts djts de Saint-lSprbprt,
on y 6tablira :
An rez-de-chausspe, une boanderie et pes acpessoires, piie
bou|angerie, upe salip dps mpris, nne salje d’autopsip, des alp-
liprs de menuiserip, de serrurerip, etc.
Une chapelle specialp pour Ips inlintnatioiis .sera ediOee ii
remplpcement meine qu’occupait, dit-ofi, cpllp de seinl
Nprbert. Cettp chapelle seryjra, en outre, d’egfise paroissiale,
en attendant que le? rpssources de la ppmippnp lui pprinetteui
d’en consfruire une aiUrp.
Le prepiier 6iage, sur uu devplopppmept de p(p3 de ciiiquajile
fenStres de facade, sera transfoyine ep dp^foirs poup traxaillpura
des deux sexes. Cette partie, et quelques bl.ti'Pentg sjdt^s pjus
hh8 L*ASILE D’ALlfiNfeS DE PRfiAlONTRfi.
en arri6re, el alTect6s aujourcl’hai a I’usage de ferine , constiliie-
routuiiecolonie de travailleurs qui pourra coiUcnir plus de trois
cents uialades, et realiseroiit une innovation que nous croyons
heureuse : la r6union sous la meme clef de deux asiles en quelque
sorte, I’asile de traiteinent proprement dit et I’asile agricole.
Quant a I’asile proprement dit, situd en arriere du batimenl
d’administration, il comprend deux sections separdes Tune de
I’autre par les vastcs jardins de la direction, la cuisine gendrale
et les salles de bains.
Chacune de ces sections a son entrde distinote, et se compose
de quatre pavilions, de cellules et d’une inlirmerie.
Les pavilions ont : au rez-de-chauss6e, un rdfectoire, une
salle de rdunion et un cabinet de toilette ; au premier dtage, uii
dortoir et trois chambres a coucher. Le dortoir parquetd el
cird conlient trente couchettes. Des trois chambres, I’line sen
de logement aux inlirmiers qui, au moyen d’une large bale
ouverte dans le mur, peuvent, de leur lit, apercevoir leurs
malades ; les deux autres sont destindes ii servir de chambres
d’isolement, en attendant la visite du lendeinain, dans le cas
ou un malade se surexciterait pendant la nuit. Un prdau garni
de lilleuls, pourvu d’une fontaine et d’une galerie couverte, est
annexd a chaque section; ce prdau a pour cloture un double
saut de loup sur la partie interne duquel est dtabli a cheval le
cabinet d’aisances dont le service se fait en dehors.
Les cellules, au norabre de hull pour chaque sexe, ont une
forme rayonnantc avec prdaux et salles de bains pour deux.
Elies ont deux portes opposees en cas de rdsistance de I’alidnd,
r line don nan t sur le prdau, I’autre sur le couloir de service;
cette derniere est munie d’uii opercule qui, comine dans les
prisons cellnlaires, permet aux gardiens d’examiner leurs ma-
ladcs sans qu’ils s’en doulenl. Elies sont dclairees par une
ouverture mdnagde dans le plafond, qui peut dtre oblitdrde par
une nappe mobile jouant du dehors, dans le cas ou Ton aurait
besoin de jeter inomeniandment le malade dans I’obscuritd la
plus complete, Elies seroiit chautt'des par un Calorifere dtabli
1,’ASILE n’ALIENfiS DK PRfiMONTRfi. /|/)9
rians le couloir dc service qiii, pour les mauvais jours, servira
de promenoir. Les parois de quelques-unes devront etre revetnes
de lambris de bois peint pour restreindre la sonority, et rendrc
moins cotiteuse la renue des murs qui pourraient etre fr6quem-
nient sails ou degrad6s.
Les infiriueries, situces dans le baliment central, h proximity
dll medecin en cbef et des soeurs, contieiulront vingt lils dans
line salle commune, une lisannerie et une cbambre d’isolement
pour les maladies conlagieuses.
La cuisine et les salles de bains sont situfies an centre. Une
laveric, un eplucboir, deux salles a manger pour les employes,
et quelques magasins ont eti5 annexes a la cuisine; une salle de
bains sulfureux, une salle d’hydrothfrapie et une cbambre de
repos complfetent le syst^rac baln6atoire.
Tous ces services sont relies entre eux par des galeries trans¬
versals qui rbgnent a I’intfirieur et en recoivent les sorties; un
chemin de ronde pour les nettoyages existe autour des batlmeuts.
L’eau fournie par des sources abondantes provenant de la
montagne est r6partie par une canalisation souterraine dans
tous les services ou elle pent arrlver jaillissante, les rfeervoirs
cr66s par les moines ayant i5t6 am6nag(5s a plusieurs metres au-
dessus du sol aujourd’hui occupe par I’asile.
Un jardin potager et de nombreuses pifeces de terre seronl
mis en culture par les malades. Quatre 6tangs, une scierie de
bois et un moulin faisant de ble farine composent le domaine,
dont la superficie lotale est de 85 hectares environ.
Tels sont, aussi succincts qne possible, les quelques renseigne-
inents que j’ai cru devoir vous transmettre sur I’asile des alien6s
de Pr6montr6, me reservant de revenir, apres son installation,
sur son organisation definitive; mais qu’il me soit permis, d&s
aujourd’hui, d’ajouter que M. I’inspecteur gi^nfiral Constans
pent etre fier de son oeuvre qui, pour moi, est unique.
I'reniontre, le 6 avril 1867.
Uagrok.
L’A^BENDBERG ET DE GUGGENBUllL
SON toNbATEUR,
i'ar M. Ic doctoiir /ttlZOVV,
Uirectcur-medccin de Tasile public d’aliencs de i*au,
Mcml)re correspondanl de la Socield mddico-psycholopiquc.
II existait dans I’ancieniie tgypte uno coinuitie doiit I’clfel
moral 6tait grand. Tons les morts illustres, ayalil jodt! iln rolo
considerable sur la lerre, comparaissaient, 4pr6s Ifelir dStes,
devanl un tribunal qui se donnait la mi.ssion de scrutel, avec
imparlialile, mais avec s6v6rile, leurs vices et leurs vends,
be bien et le mal fiiaieni pes6s et aj)pr^ci6s; 16 jugenient de la
posterite commeilcait pour eux aiissilOt aprts la irtorl.
INos moeurs actuelles ne component point de semblables
sev6rlt6s posthumes. La critique elle-meme s’arr'ete souvent all
seuil d’une toinbe, et Ton aiiiie pen a infligcr tin blOute ii dcs
absents. Les necrologies ne sont guere que I’eioge do d6funt,
et si I’eloge n’est pas possible, I’oubli et le silence aunt g6'n6ra-
lement les settles manifestations de ropinion publiqiie.
II en resulte que la verit6 est quelquefbis voil6e et obscurcie
autour des noms qui ont eu, de leur vivant, Ife plus de reten-
tissement. Parmi ces noms, celui dti c616bre Guggenbuhl est
un de ceux qui ont le plus occupe rEurope philanthrope et le
monde alidniste depuis 18/tO. Personne plus que lui n’eut le
privilege de susciter des enthousiasmes passionnes, et de
couvpter parmi les savants et les ames d’eiite ses admirateurs
les plus ardents. Son oeuvre, en effei, etait sSduisante, et le%
rbsultats qu’elle annonpait btaient de liaihre a lui concilief toutes
les sympathies.
Pendant vingt ans, Guggenbtilil pottrsuivit sOn oduvre avec
pers6v6rance, ne rencontrant guere que des encouragements et
des apologies. S’il eut quelques d/itracteurs, ceux-ci ne furent
Dli L’ABEiNUBliRU liT OB GUGGENBUHL. 451
quo lie legeres laches clans son soleil, brillant alors de lout son
eclal. La bienfaisance coiironnail d’une aurdole des plus pures
line entreprise qui resserablait a un apostolat, et les coeurs cha-
lilables s’empressaient a I’envi d’y concourir g6nereusenienl.
Lcs tnMecins les plus illustres visilerent I’Abeiidberg, on se
mirent en rapport avec Gir^genbubl. La gu6rison du cretinisme
etait on fait tberapeutique si important, qu’on ne trouvait pas
assez de louanges pour I’inveuteur de la m6thode curative que
tons voulaient counaitre.
Celle metbode a-l-elle reellement produil les r6sullals curatifs
qui out ('16 aunouces, cousiatesj et acceptes cornnie sincferes par
d’emiiients in6decins ? On u’aurait-elle ete qu’un leurre, qu’une
luystilicalion, donl nous aurions etc dupe sur la foi de ceux de
nos confreres dout la parole a toujours eu pour nous le plus
d’autorite? C’est ce que nous nous proposous d’examiuer, eu
reinontaul aux sources authentiques ou nous avious puise lev
Elements de noti'c conviction, eteu tenant coinpte, d’autre part
des fails parvenus ultcrieuremeut 4 notre counaissEmce.
L’un des premiers, i>L le docleur Morel visita TAbendberg
eu 1845, etdans uueinteressante description adressbe 4 Ferrus,
el iuser6e aux Anmiles (1), lit connaltre au moncle savant le
d6vouement de Guggenbiihl, <■ qui I’avait p6n6tr6 de I’admira-
tion la plus vive », et son entreprise de la gu6rison du cr6ti-
nlsme « reposant sur une donn4e scientilique d4ja proclam^e
par des homines 6minents, et rednite en pratique par I’instinci
populaire ». M. Morel passe en revue tons les details de i’insti-
tutiou suisse, et d4crit avec sa competence babitueile les diverses
phases du iraitement acfopte a rAbendbcrg, I’envisageant selon
les indications varifies que presentent les sujets, et I’appreciant
(1) Annates mddico-psuchologiqucs, t. VII, p. 108, Paris, 1846.
/l52 DE L’ABENDBEKG hX I)E GUGGEKBLIHI,.
avec inipartialitc et sans cngonement. Notre savant collfegne
declare avoir vii avec peine des inedecins siiisses nietlre en
doute, non-seiilement les resullats obtenus parM. Guggcnbiilil,
mais encore la possibilit6 de rien obtenir pour la guerison du
cretinisine. II affirnie qu’ii son avis line pareille manibrc de voir
contredit les fails les plus positifs, et il cite rexeinplc du docteur
Odel, de Sion (en Valais), 116 cretin, ainsi qn’un de ses freres,
gu6ris I’nn el I’autre par un traitement auquel les souniit pen¬
dant leurenfance un medecin, Icnr proche parent.
La plume qui devait plus tard 6crire rexcelleni trait6 des
Degenei'cscences, (5crivait encore, en 1852, dans les Etudes
(■Uniques des maladies mentales : « Le docteur Guggenbiilil
continue sur une des plus hautes montagnes de la Suisse I’hono-
rable mission qu’il s’est itnpos^e, en dfivouant son existence a
I’fiducalion des desheritfis de I’intelligence, de ces etres rnal-
heiireux qui naguere n’in.spiraient que la pitifi et le degout. »
Dans un consciencicux travail public en 1850, M. le docteur
Brierre de Boisniont indique les moyens de prevenir et de trailer
le cr6linis(ne. Il constate riinportance des rfisuliats obtenus par
le docteur Guggenbiilil, le seul, dit-il, qui dans son institut de
I’Abendberg, ait eu I’iclee de faire pour les crdlins ce que
MM. S^guin, Vallee, Voisin, Belhomme, ont propose 011 fail
pour les idiots. Vient ensuite I’expose de la methode inMico-
pMagogique, decrile avec detail par le meme auteur, a I’article
Cb6tinisme de la Bibliotheque du medecin praticien, tome IX,
page 369.
En 1853, M. le docteur Scoutetten, president de la Society
de m6declne de Metz, a laquelle nous nous honoi ons d’appar-
tenir, fipancha dans un magnifique discours les sentiments
d’enlhousiasme qu’il rapporlait de sa recente visite h I'.lbendberg.
Pour M. Scoutetten, Guggenbiihl est un genereux ami de I’hu-
manit6, a la pliysionomie douce, bienveillante, sympathique, un
apotre suscild par la Providence pour devenir le p6re et le
bienfaileur des inforlun6s auxquels il a consacrg sa fortune, son
DK l/ABENDBERG ET DE GUGGENBEHL. /|53
talent medical, son existence tout entiere. M. Scoutetten a 6le
le t^inoin des exercices gymnastiques, cles lecons p6dagogiques,
dn traiteinent medical en usage a I’Abendbeig. II cite les cre¬
tins qui ont appris a parler, a lire, a ecrire, et ceux qui out pu
dcvenir instituteurs dans des villages de la Suisse. D’apres son
recit, sur plus de trois cents enfants admis depuls peu d’anndes,
six seulement seraient morts de maladies chroniques et cornpli-
(|uees, tandis que beaucoup ont ete gueris, et la plus grande
panic aurait et6 sensiblement ameliorec au physique et au
moral. M. Scoutetten rappelle, eu terminant, les honneurs qui
sont venus trouver le docteur Guggenbiilil dans sa reiraite, les
rois et les princes qui ont soulenu, visite son etablissement, les
society savantes qui ont tenu a honneur do s’associer un homine
d"un pared merite.
S’il fut jamais un medecin peu prompt a s’illusionner, et
enclin a dfipouiller les fails de leur prestige d’emprunt, pour les
analyser froidement avec la calrne impartiality d’un jugement
droit et precis, ce fut assury.meiit M. Parchappe. Or void ce
qu’il a ecrit sur I’Abendberg : « Get etablissement n’a gubrc ete
connu en France que depuis la publication faite, en 1846, par
M. le docteur Morel, qui a payy un juste tribut d’yioges a I’ad-
mirable devouement du fondateur. La cryalion du docteur
Guggenbuhl a donny satisfaction 4 des indications rnedicales qui
avaient etfe dyja saisies par de Saussure, Fodere, les frcres
Wenzel, relativement a I’inlluence de I’eiyvation de I’habitation
a une grande hauteur dans les montognes, comme obstacle au
developpement du cretinisme, ou comme condition d’amelio-
ration pour les crytins. S’appropriant cette pensee mydicale en
la t-yalisant, M. Guggenbuhl I’a, de plus, fecondye en associant
aux ressources de la medecine la puissante influence d’une
education spydale. »
Renaudin ne connut que lard M. Guggenbuhl, avec qui sa
connaissance de la langue allemande lui permit d’avoir des
relations direcles, d’ou resulta une profonde estiine i-yciproque.
BK L’ABliNDBblliG lit' Oli (lUGliliNBUHL.
454
Peti (jiithijusiaste dtj sa iiatuie, Reiiaudin regardaitcependaiiilc
fondateur de I’Abeiidberg coinme un iiovateur ulile a la science
ct a I’humaiiite. Pebdant qu’ii ses c6t6s nous dirigions, it
iRaieville, le service miidical de homnies, et que dans uiie
collaboration qui n’dtait pas sans profit pour notre instruction
personiielle, nous rechercbions ensemble les moyens d’ameliorer
I’oeuvre commune, plus d’une fois Renaudin nous racoiitait ce
qu’ii savait du medico-pedaqogique de I’Abendberg,
et des rPsultats favorables oblenus sous son influence. Ce fut a
la suite de ces causeries que nous iiistallames un gymnase dans
notre service, et que nous avons giineralise le traitement par
rclectrisation, auquel hous ne cessons d’avoir recours dans
certains Cas ou la principale indication consiste a reveiller la
sensibility engourdie et I’activite musculaire lorsqu’elle fait
defaut. L'ecole de musique, celle de prononcialion et de lecture,
furent aussi des lors, 4 Mareville, I’objet de notre attention
sp6ciale. Notre sollicitude a cet egard n’avait pas 6le inspiree
par I’exomple de I’Abendberg que nous n’avions pas visit6,
mais par celui des exercices dont nous avions yte, des 1856,
tcmoih a la SalpStriere et 4 Bicetre, de concert avec le regret¬
table docteur Follet. Grace 4 la bienveillance de nos savants
collegues, il nous fut donn6 d’assister aux exercices de chant
organises dans le service de M. Falret a la Salpetriere, ct
M. Delasiauve nous montra 4 Bicetre le parti qu’on pouvait
tirer des idiots, en les exercant tour 4 tour a une gymnastique
appropriye a leurs aptitudes, et 4 un enseiguement coUectif ou
individucl, mais toujours en rapport avec leuretat mental, dans
lequel figurent, en premiere ligne, le langage, la lecture,
rycriture, le chant, ct, la mise en jeu de tons les organes des
Dans son Traite da goitre et du cretinisme, M. Fabre de
Meironnes insiste sur le zyie infatigable, et sur la variyty des
ressources thyrapeutiques raises en oeuvre au profit des crytins
par le genereux fondateur de I’Abendberg. M. le docteur
DE L’ABENbBEKG ET DE GUGfe^NBUHl. 455
Dagonet, a soil Will-, de cdiicdft avec M. KoebeHe, bohstate IbS
rSsultats favbl-ables bbtbhtis par Gliggeiibuhl; bt dficlare ((lib les
cfbliris lie soiit pas rebellBs a reducatibh. •< Si lbs ci-btiiis clb
dernier degrb y soiit cblnpietemebt i-bfractaires, dit-il, surtotit
lorsqu’ils soiit sburds, on pent du bioins atil61ibrei- leui- condi¬
tion et lirer tjuelque pabti deS demi-cl-btins. Les br6tiilfeui sont
tres-susbeptiblfes d’educatibiii a force de Soiiis et de perseve¬
rance on parvient a dOvelopper tres-avantageusemeht letlrs
facuUes engourdies. Les soins devoUes qui leur soiit doilOes a
I’ABendblTg mlliterit eli favebr de ces idbes. «
Eiifiiij nil iiledBcin qoi unit a de sinceros convictions
religieuses ml veritable talent d’observation, M. le docteul-
Cli. Ozaiiam, s’exprirae ainsi sur I’Abendberg (1) :
u i.e traitenientdes cretins estdolible. Avant tout, Oil clierclie
a fortifier la constitution et a corriger le vice diathesique des
organes |)ar tobte espece de inbyetis physiques; au printeinps;
oil leur fait boir'e le sue des plantes qui erbissent dans la iiiort-
tagiie : le lussilage, la cigiiej la vaieriane, I’aniicai la serpeii-
taire;
» On combat la faiblesse et la paleur des lissus avec le ferj
retat nerVeux par les fleiirs de zinc; le docteUr Guggenbillil se
loue beaucoiip du proto-iodure de fer pour relever les forces
genbrales. Si les enfants sont rachitiqueS) on leur doune Thuile
de foie de itiOrue, les preparations d’iode et de noyer; des baiUs
oil passe un coUrant blectrique, des frictioilS d’herbes aroiUali-
ques sur la tele, la colonne vertebrale et les articulation^.
Quand il y a i-ainollissement des os, on fait preiidre le phoSpliate
de cliaux. Les preparations de pliosphore sont souvent em¬
ployees pour raiiimer I’activitb du berveau; des appareils
galVaniciUes ires-iugenieux permettenl de .soumeltre la tfite des
cretiiisj ou metiic tout leur corps, pendant des nuits entibres,
a One abtiOn eiectrique continue etmbderee; sous riiifluenbe
(1) kevUi d'lScoAoMe chr'MieAHe, hovembrefet decertibVe ISbl.
656 Dli l’abendberg et de gurgenbuhl.
(le ces nioyens reunis, les organes se perfectionnent et s’6qui-
librent; on voitle cerveau tropgros s’arreter dans sa croissance,
et s’il est, an conlraire, menace d’atrophie, prendre en quelques
mois 2 a 6 ceniimfelres de developpemenl.
nOn expose tous ces enfants pendant I’ele au grand air et au
soleil; les plus petits sont portes series bras on trainds dans
des voilures; les plus grands, ceux qui vont d6ja mieux, tra-
vaillent aux champs et cultivent le sol : cc travail leur est tres-
salutaire. D’autres sont appliques aux'exercices gymiiastiques;
on leur attache une corde 6 la ceinture, la cordc passe dans
une poulie au plafond; un poids cache dans une vieille caisse
de pendule presse sur la corde et force I’enfant a avancer avec
moins de nonchalance s’il suit I’impulsion, ou h reculer avec
effort s’il tire contre le poids. On en voit qui, au milieu d’une
fichelle qu’on leur fait grimper, oublient d6ja qu’ils montent
et resieiU immobiles, les yeux hagards, la bouche ouverte, un
sourire niais errant sur lours levres, jusqu’a ce qu’une des
directrices les rappelle a leur devoir. Trois personnes aident
ainsi le docteur dans ses travaux; on les nomme Schioestern,
soeurs, quoique protestantes.
» Apres le traitemcnt hygi6nique et medical, vient la cure
pAdagogique, comme I’appelle le docteur Verga.
» Elle consiste a eveiller avec les couleurs, les sons, le tou¬
cher, et touteespece de sensations, les sens restes endormis ; inais
on eprouve une difficultfi serieuse a captiver I’esprit par une
id6e commune.
» Chacun des Sieves n’ecoute que ses instincts et sa prSoccu-
pation personnelle. Deux moyens sont employSs pour obtenir
I’attention. Le jour, on frappe sur un gong chinois ; la sensation
violente produit I’etonnemeni. dSterraine I’attcntion; le profes-
seur commence alors la priere, et le sentiment de I’imitation
dStermine I’obeissance des Slevc.s. Le .soir, gn rSunit dans une
chambre obscure ceux qui peuvent apprendre a lire, et la, au
milieu de cet isolement des tenSbres qui rend I’esprit libre et
»li 1,’ABUNDtiERG F.t DK GURG ENfltllll,. U5l
aileiilif, 01) trace subileineiit des lettres lumiiieiises avec uii
ciayon de phosphoi-e; c’est ordinairement TO qu’on reprfeente
la premiere, parce qu’uii simple ti’ait dans diverses directions
suffit pour la transformer en a, en b, d, g, p, q, et facilite par
ce rapprochement I’elTort de la m6moire ; c’est aussi par des
tableaux, des images, qu’on leur apprend ii distinguer une
maison, un arbie, les divers animaux. On leur met dans la
main un vei-re, une pi6ce de inonnaie, en leur en faisant pro-
noncer le nom. Toutcs les leeoris, les exeicices de la parole, si
rebelles chcz les cretins, sont accompagnf’s de musique et de
chants ; ct par le moyen de riiarmonie, on parvicnt ii faire retenir
quelque chose a ces cerveaux rebelles.
» Chose remarqiiable ! pour les cretins, c’est la vue de la nature
qui ouvre le plus efllcacemeni leur intelligence ct leur coeur;
ainsi, lorsque apres un orage I’avc-en-ciel descend sur les
montagnes, lorsque le soleil couchant vient dorer les sommets
neigeux, ils s’appellent les tins les autres. et restent plunges
dans une beatitude qui exprime leur admiration.
-) L’habile iuslituteur, en meme temps qu’il eclaire I’intelli-
gence, cherche aussi ii developper dans ses Sieves le sentiment
religieux, la conscience, I’idSe du bien et du mal; tons les
exercices cominencent et finissent par la priere.
» En mSme temps il encourage les timides, contieni les tur-
bulents, stimule lesparesseux ; aussi taut de peines et d’efforts
ne restent point sans rSsultats. Tel enfant que sa pauvre mere
avait monte elle-merae sur son dos jusqu’a I’Abendberg, pai'ce
qu’il etait prive de tout, meme du mouvement, rctrouve pen a
pen la voix, la parole, la marche; son corps devient vif et
alerte, son caractere gai; d’autres sont sortis de leur Stat de
stupidite, ils ont pu apprendre un metier; quelques-uns, mais
en petit uombre, ont retrouve assez d’inlelligeiice pour pouvoir
redescendre au village et devonir, ii leur tour, instituteuis de
leurs compagnons. Mais quelle patience ne faut-il pas pour
transformer ainsi un erStin ! Quatre ii six ans sont necessaires
/|58 DE L’ABENPBERG ET PE GUGGENBUHL.
pour ohaiiger la consiitpfipn phjsique, developper les fapulies
inteUeptuelles, el transformer en pitoyens utjjpB des pu-es
repoussants et degrades. ^
Bien que, de prime ijbord, on put tjpuver quelque pxagfira-
lion dans I’l^iioiiefi eurntif qui precede, i| ii’est pas mnip^ vrai
que |es impressions sous lesquellps Qu^gepbqhl el soq jjis|itnt
avaient 6te jugps en Fyance, (itaient gdneralejnenl dps plus
fayorables. Or, lels 6laieut les documents sous I’empire desquels
notre opinion s’litait formee sup lui el sur sa methode. Nous
ponviops errer, nous avops erre ppul-elre, inais on eonyjendra
que si nous ayons ete le jouel d’une illusion, peile illusion nous
a et6 commune avec bien des bommes 6iniiienls, donl I’opin ion
a iQujours eii imp grande aiUorit6 scieptiliquc.
Toutefois, si jes critiques qui se soul 61evees conire le fonda-
teur de I’Abendberg ii’etaicpl que rexpression de pette opposi¬
tion cliagriiie, suscitee s.ouvent aox eptreprises iiouyelles par
rpspi’it dp routine, qpp je rdsultat dp jalopsjes locales et pass.y-
geies, ii n’en sepait plus question depiiis lopgtemps, et I’ceuvre
aurait survecu tpio’inplianle a son fondnteur. En a-t-il ainsi ?
iC’est ce que npps ajlons exaipinep,
If.
Au coinmencepient de 1863, les journaux annopcerent |a
inort de Guggenbuhj, qui I6guait, disait-on, 600 000 francs aux
freres Moraves, pour continuer I’lnstitution donl ii avait fait le
butde toute sa vie. « Des doutes out plane, dit \q Journal de
medecine mentale, sur la realiie des rfisultals preconises; I’ave-
nip impartial diicideia s’ils fureiU ou non legilimes. »
Ces paroles restriciives avaient pass6 pour nous inapercues,
,et notre fpi en Guggenbiihl et en son traitement du cretinisme
Atait dempuiAe enliere, lopsque notre excellent ami et collegue
de Chapeniou, le docteur A. Foville, est venu 6branler notre
/ Dii l’abendbekO; et de guggenbuhe. 659
conliaiice in des i-6.sullats curatifs, donl pour lui la siiic6ril6 esl
loin d'etre demontree.
Amicus plato, sed magis arnica veritas .
Pour M. A. Poville, Guggenbflhl n’a jamais gudri un seul
cretin ! II aurait a peine soigne habituellement une douzaine
d’imbeciles et de scrofuleux. En liiver, il ne demeurait presque
jamais a I’Abendberg, ou le representait, pour I’application du
iraiternent pedagogique, une femme insuffisamment preparee
pour cet office. Quant a Ini. il parcourait I’Europe, et fr6qiipn-
tait principalement jes cpurs, chercliant des protecleurs et des
•secours en faveur de sa pretendue mission. Il recueillait par-ci,
par-lit, comme jtensionnaire, quelque jeune idiot de bonne
famille; et au bout de quelqiies anndes, il le rendait tel quel.
Il pouvait, d’ailleurs, facilement parler de guerisons, car les
families 6iaient inierpssees a ne pas le contredire, en procla-
mant qu’un de leurs membres efait idiot. Api-fis lui, la pseudo¬
institution charitable de I’Abendberg a 6te abandonnee. «
En mfime temps, nous recevions communication de docu¬
ments parmi lescjuels se troiive la copie d’une piece officielle, .
emande du ministre francais a Berne, constatant la coupable
negligence du docteur Guggenbiihl, qui n’a eu d’autre but, en
fondaiit son etablissenient, que d’exploiter la chafite publique.
Des medecins anglais, et notamment le docteur Hopkin-
Peirce, ont dnergiqueinent stigmatise I’Abendberg, et s6verc-
inent qualifie les deceptions qu’ils y ont rencontrees. Un peu
inoins vif dans ses appreciations, le docteur Mundy a fonnuie
son jugemeni de la mani6re suivante (I) :
« Lorsqu’il y a quinze ans environ, le docteur Guggenbiihl
fonda, sur une bien petite echetle, avec de bien petits moyens,
son etablissement d’Abendberg, a Interlacken, en Suisse, dans
le but d’eiever et de trailer des cretins, nous nous rejouirnes
(1) On the educational treatment of cretinism. J. Wundy, D. London,
1,861.
i|6C DE l’abendberg ET DE GOGGENBUHE.
tous en Europe, inedecins ou aulres, de ce projel seduisant,
quoiqu’un peu iiiiaginaire. II ne fallul qii’un petit noinbre
d’aniuSes pour qu’un examen attentif el iiuparlial tint nous eu
d6monlrer la futilite. Qu’a done fait, je le demande, pour la
science et pour riiuinanite, le fondateur de cette institution?
Voici ce qu’il a fait : en premier lieu, il n’a jamais cess6 de
porter .i cette etude iiii veritable interet scientifique, ce qui a
conduit plusieurs gouvernements a fonder des asiles sp6ciau\
pour les cretins. 11 a enfin le inerite d’avoir 6te le premier a
appliquer un SYSteme de direction medicale it I’fiducalion el an
iraitemenl des cretins. On ne iierdra jamais de vue, nous I’es-
perons, ces incoutestables merites du docteur Guggenbiihl,
lorsqu’oii aura a critiquer son oeuvre. Cependant, les fails sui-
vants plaident conlre son systeme :
i< 1“ La construction et la disposition del’asile no sont guere
appropriees au but, ord ete fades sans intelligence, et ceci
s’applique surtout aux parties neuves de I’etablissemeut; les
moyens de ebauffage et de ventilation, principalcmc-nl dans les
dortoirs, font presqiie completement defaut, et I’cau dont on se
sert est insuffisante et de mauvaise qualil6.
11 2“ Le traitement g6neral des maladesy est livre a I’arbitraire
et raal fait. En I’absence du docteur Guggenbiihl, directeur, el
& la fois seul in6decin de I’asile, et il s’absenie souvent un mois
entier diirant I’biver, aucun aide capable ne le remplace, les
inalades etant laisses au soiu d’une femme franpaise, valeludi-
11 3“ L’inslruction des enfants ne merite pas le noin de systeme
d’education, et il y a un manque complet de ces moyens d’edu-
cation, sans lesquels aucun resultat pratique avantageux ne pcul
6tre obtenu d’une institution de ce genre.
II Durant la periode de temps tout entiere que le docteur
Guggenbiihl a dirig6 I’asile, il n’a jamais tenu mfime un simple
regislre des cas! Les quelques brochures ou articles qu’il a
publics sur son etablissement, n’ont des lors jamais fourni de
DE L^ABENDfiEUG ET DE GUGGElSnUllL. 461
dates pi’ficises, ni de resultats siatistiques, comine la science
rigoiireuse a le droit d’en demander. Nous derons prendre
garde de ne pas confondre quelques observations de maladies
qu’il rapporte, avec I’histoire des cas de cr6tinisme qu’il ne
fournit pas. Le docteur Guggenbiihl a ignord loutes les branches
des details purementmedicaux.etnenousafourni aucane espdce
de statistique iiouvelle. Le docteur Guggenbiihl affirine qu’il a
eleve plusieurs de ses malades au point de les rendre des inera-
bres utiles de la socidte, par son systfeme d'education. Nous
avons visite deux de ses malades ainsi ddsignes; mais nous
avons trouv6 malheureusement qu’ils etaient encore complete-
ment idiots, incapables de se rendre utiles, meme pour les plus
grossibres choses de la vie commune. »
Le docteur K. Foville n’est pas le seul de nos confreres
francais qui soit revenu de Suisse desillusionne au sujet de
I’Abendberg. M. le docteur Motet estime que cet etablissement
n’a jamais et6 qu’une duperie. II n’y a rencontre qu’uue dou-
zaine de malades, parmi lesquels trois crdtins seulement, et
M. Guggenbiihl, h la demande de montrer les autres, repondit
avec embarras qu’ils travaillaient au loin dans les champs. La
maison etait, meme en ete, tenue malproprement, contraire-
raent aux habitudes suisses. Les habitants du pays tenaient en
tres-mince estime le medecin de I’Abendberg, qu’on accusait
de tromper tout le monde.
Dans son excellent traite, M. Griesiuger, alors professeur a
runiversite de Zurich, n’a rien dit de I’Abendberg ni de son
fondateur. Ge silence absolu est assez significatif de la part
d’un compatriote qui a fait du cretinisme une fitude appro-
fondie.
Enfm, voulant absolument compldter nos renseigneraents au
sujet de cette institution, nous nous sonnnes adresse au docteur
Schaerer, mfidecin-directeur de I’asile de Waldau, pres de Berne,
dont I’honorabilite parfaite justifie pleinement le caractere
ofliciel dont il est revelu. Ce collegue iious a appris que I’in-
ANNAL. MfiD.-PSYCit. 4° s6rie, 1. IX, Mat 1867. 6. 30
662 DE l’abendberg et de guggenbijhl. ’
slilut de rAbeiidberg ii’existe plus, et que le local a 6l6 vendu
afiu d’y etablir une hotellerie pour les curicux de la belle nature
et les touristes. D’apres lui, Guggeiibiihl u’a jamais et6 pris au
s^rieux par uti seul raddecin eii Suisse; il avait surtout le talent
d’exploiter les sentiments religieux et do jctcr de la poudre aux
yeux. Chez lui, il ne fut jamais question de science ou d’ob-
servation exacte des malades, ni de rapports toucliaiitla marche
de la maladic des individus. Les cretins qu’il donnait pour
gucris n'6taient, tout bonnemcnt, que des cnfants scrofuleux,
dont la constitution 6tait am61ior6e par le climat excellent de
I’Abendberg, et auxquels on avait appris quelques belles phrases
qui furent debitdes devant des Anglais crfidules, ou d’aulrcs
personnagcs qui voulurcnt etrc dupes.
« L’autorite, ajoute M. Schaerer, n’y trouvait pas plus de
controles exacts des noms des patienis, que de rapports scien-
tifiques sur leur maladie. M. Giiggenbuhl etait, du reste, pen¬
dant la moitie de I’aniiee absent de son etablissemeiit, et n’y
dtait present que pendant la saison des etrangers, pour recevoir
le public bienfaisant avcc son ostentation et sa mise en scene
habituelles. »
Les louanges exagerecs des feuilles scientifiqucs n’emanaieni
que trop souvent de iM. le doctour Guggenbiilil lui-meine.
La disparition de deux enfanls tombes dans des prdcipices
sans que M. Guggenbiihl en ait fait le rapport exact au gouver-
uement, furent [’occasion d’une enquCte juridique. Ensuite do
I’enquete du dernier de ces cas, M. Guggenbuhl aurait ele
tres-probableraeut suspendu de ses fonclions de directeur de
I’etablissement. La mort Ten sauva.
La critique la plus sfivere I’avait frappfi dans I’assemblee gc-
nerale de la Societe d’histoire nalurelle, qui I’avait soutenu
autrefois de tout son credit et de son argent. L’accusd, prfjsent
k la discussion, ne sut se defendre d’aucune mauibre, lorsqu’on
lui prouva qu’il n’existait pas un seul cas authentique de gu6-
rison d’un individu atteint de erdtinisme.
DE t’ABENDBERG ET DE (JUGGENBUHt. 463
Voila done bien nettemeiU 6tablie la position do Guggenbiihl
devant I’histoire scienlifuiue, et nous ferons loyalement I’aveu
quo notre opinion sur I’Abendberg et son fondateur a du etre
fortement modifi6e par les faits que nous venons de relaier.
Le philanthrope et I’apotre disparaissent, inais ne doit-il rien
resterde I’ingenieuse mfithode curative qu’il a preconisfie, sinon
employee conscienoieusement ? Nous persistons a penser que
les resultats obtenus 4 Bicetre sur les idiots ne peuvent qu'en-
courager a marcher dans cette voie les mMecins appeles a trai¬
ler des erfitins, et desireux d’aineliorer leur sort.
Les fails de guerison dii erfilinisme si bruyamment annoiices
ne sont pas6tablis, il faut le reconnaitre, mais ce n'est pas une
raison suffisante pour renoncer ii toule lentalive ull6rieure, ni
surtont pour supprimer h une classe nombreuse de d6sherites
I’appui, latutelle, les secours, et les soins niedicaux qui peuvent
incontestablement am61iorer leur situation. S’il demeure acquis
que le fondateur de I’Abendberg transforrna malheureusement
son oeuvre philanthropir|ue en usine induslrielle, il n’en est pas
moins vrai qu’h .son debut I’institution avait un caractere serieux,
digue de fixer I’attention et de recevoir les eloges de ra6decins
6claires et compfitents. A I’fipoque ou Guggenbiihl appliquait
consciencieusement son ing6uieux tiaitenient medico-pfidggo-
gique, il obtenalt des rdsultals qui, pour avoir 6te surfaits et
amplifies, n’en sont pas moins assez notables et assez r6els pour
avoir eii5 acceptes par des visiteurs pprspicaces et intelligents.
Pourquoi faut-il que le praticien suisse ait peu a peu deserte la
bonne direction dans laquelle il 6tait entr6, pour s’engager dans
une voie qui devait appeler sur lui les investigations de la jus¬
tice et la reprobation de ses adherenis d’autrefois ? Aveo le doc-
teur Mundy, nous exprimerous le regret que Guggenbiihl ait ainsi
d6vie de son but hurnanitaire, mais nous lui laisserons cependani
le m6rite d’uiie initiative qui nesera pas sans profit, dansl’avenir,
pour les cretins des diverses eontr6es inontagiieuses de rjkirope.
On ne peut nier que rimpulsion dounee n’ait 6te iinitee et
464 BE t'ABENDEERG ET DE (JUGGENEUfiE.
suivie, et qu’elle ne doive I’etre encore davanlage par la suite.
L’ecole de Bicetre a rendu aux jeunes idiots des services que
personne iie conteste : En Anglelerre, I’asile special d’Earls-
wood, doiit M. le docteur Billed a donne une trfis-interessanle
description, applique aux idiots le traitement mddico-pddago-
gique avec une pers6v6rance qui ne se lasse ni ne se d6courage,
el les amdliorations obtenues dans I’etat physique et moral des
jeunes sujets, en Angleterre comme en France, constituent des
demi-succtis qui assurdment ne sont pas a dddaigner.
Du reste, la haute sollicilude et le zele dclaird de la commission
chargfie des questions relatives au crdtinisme, instiluee au mi-
nistfere de Tagriculture et du commerce, nous autorisenl a per-
sevdrer dans le voeu pr4cedemment exprime de voir un jour rea-
liser, dans ce qu’elle aurait d’applicablc et de pratique, taut a
I’asile de Pau, pour les cretins des Pyrenees, qu’a I’asile de Bas-
sens, pour les crdtins des Alpes, la bienfaisante pensde qui inspira
le d6cret imperial de Thonon du 31 aout 1860. L’auguste libe¬
rality provoquee (d’apres des renseignements r6cents dus a
I’obligeance de M. le docteur Fusier, noire collegue de Savoie)
par M. I’inspecteur genfiral Parchappe, au lendemain de I’au-
nexion, serait-elle deslinee a demeurer stfirile et comme non
avenue? Ceseraitfacheuxet regrellable. M. ledocteur Parchappe
amit fait sien ce projet, desireux d’attacher son nom a celte
cryation philanthropique. Des diflicultes d’ execution onl fait
avorter jusqu^ici, parait-il, les tenlatives faites a cet ygard. Sans
vouloir pryjuger les dyterminations qui seront prises, nous espy-
rons cependant qu’ilpourra ymaner, des dyiiberations de la haute
commission, quelque yquivalent dont la mise en pratique ame-
liorera le sort des Ihforlunys trop dyiaissds, auxquels nous avons
cherchy 4 altirer quelques .sympathies efficaces.
SOCIETES SAEANTES.
i$oci6t6 intSdico-psyoliolog^ifiuc.
Seance du 28 janvier i867. Presidence do M. Paul Janet.
Leclure ct adoption dii procfes-verbal dc la sdaiice prdcddente.
tiislallation du bureau pour I’annde 1867.
M. Ic docleur F. Voisin, en quittant le fauteuil de la pi’dsidencc,
adressc a la Soddtd I’allocmion suivante :
Messieurs,
Avant de quitter le fauteuil de la prdsidence et d’installer Ic
nouveau bureau, permettez-moi de jeter un regard en arritre sur
le passe de notre Socidtd, sur les rdsultals que nous avons ddjk
obtenus, et de puiser dans ce coup d’oeil rdtrospectif quelques cnsei-
gnements pour le progres de I’avenir,
La Socidtd mddico-psychologique, messieurs, a ddja vingt anndes
d’existence. Nde de i’alliance intime de la philosophie et de la
mddecine, elle a rdalisd dans son sein I’union durable de ces deux
sciences qui sont soeurs, et qui, jadis rivales et ennemies, se sont
aujourd’hui reconcilides et s’liabituent & vivre ensemble dans une
vdritable harmonic. Assez longtemps rhumanitd a assistd au spec¬
tacle aflligeant de leurs luttes et de leurs discordes. II dtait rdservd
ii notre sibcle d’dtre tdmoin de leur rdconcilialion et de leur fusion
en une science unique, la science de Phomme.
A I’dpoque de la fondation de notre Socidtd, on pouvait encore
douter de la possibilitd de rdaliser pratiquement cette union ; on
pouvait craindre que le caraetbre mixte de notre Socidtd, a la fois
philosophique et mddicale, ne Mt un obstacle insurmontable a son
ddveloppement, et que Tun des deux dldments ne vint peu a peu
a dominer et radme a absorber I’autre. Mais lieureusement, mes¬
sieurs, I’idde mbre qui a servi de fondement a sa constitution, etait
ddja nidre dans les esprits lorsqu’on a songd a la rdaliser dans les
faits. 11 en est des institutions comme des plantes ; elles ne germent
et ne se ddveloppent qu’a la condition d’etre ddposees sur un sol
favorable et bien prepare a les recevoir ; elles languissent et meurent
si elles ne sont pas en rapport avec le milieu qui les a viies nallre,
466 SOCIliTfi MeiHCO-PSyCHOLOGIQUE.
avec les iddes rdgnanies, avec les incEurs gdndrales an seiii des-
([uelles elles ont pris naissance.
L’expdrience a prouve, messieurs, que les homines distinguds
qiii ont coDQU la pensde de Tunion de la philosophie et de la mdde-
cine dans tin mdme corps savant, avaient bien coinpris I’esprit de
Icur dpoque ; en effet, quels qu’aicnt dtd les obstacles qiii parais-
saient s’opposer ii sn rdalisation, nous I'avoiis viie prospdrer sous
nos ycux et arriver enfm aujourd’hui & son complet dpanouisse-
ment. Sans dome, messieurs, I’dldment mddical a pcut-dtrc jus-
qu’ici domind parmi nous I’dldment pbilosophique ; mais, je lo
rdpdte, il ne I’a pas absorbd, et nous avons vii, dans pliisieurs cir-
constances, la philosophie reprendie ses droits au plus grand avan-
lage de nos sdrieiises discussions. La prdsence au milieu de nous
de MM. Olt, Peysse, Maury et Paui Janet, appeld aujourd’hui
aux honneurs de la presidence, nous est un tilr garanl que noire
Socidte n’abandonnera pas le principe tiildlaire qui a scrvi de base
a aa fondalioui
Malheureuseinent, messieurs, plusiears de nos dmihenls col-
legues, qui ont cooperd a son dtablissement, qui Pont animee de
leur esprit et qui ont eu Phonneur de la prdsider, ont ddja disparu
de la sefene. Ferrus, Gerdy, Adolphe Gamier, budirz, Parchappe,
ne sont plus ; mais leur souvenir est loujours vivant parmi nous, el
nous n’avons qu’ii suivre Pimpuision qu’ils nous ont donnde. C’est
ainsi, messieurs, que noire Socidtd a conquis en France et a Pd-
Iranger une notOridld incontestable et une Idgilime influence. Notre
cxemple a did suivi en Allemagne, en Angleterre, en Amdrique :
des rdnnions de radme nature ont dtd fonddes. Je dois seulement
aire remarquer que dans ces irois pays , ces socidlds ne coni-
prennent dans leur sein que les medecins alidnisies el qu’elles ne
se rdunissent que dans des sdances annuelles ; ce qui ne laisse pas
que de donner a la Socidtd mddico-psychologique de Paris une
double prddminence sur ses dmules.
Nous pouvons dire satisfails, messieurs, des travaux que nous
avons ddja accomplis pendant nos vingt premidres amides d’exis-
lence, et dont nos proefes-verbaux, insdrds dans la collection des
Anmles rtiidico-psychologiques, ont conservd Pdclatant tdmoignage.
Notre Socidtd peut compter presque autanl de grandes discussions
que d’anndes. Les hailucinations, les ndvroses extraordinaires, la
monomanie au point de vue psychologique et Idgal, la paralysie
gdndrale, la classification des maladies meniales, Panimisme et le
principe vital, la responsabilitd partielle, les divers modes d’assis-
tance des alidnds, enfin la discussion sur la folie raisonnante qui
SfiANGE DD 28 JANVIEU 1867.
liGl
s’esl prolongfii! pendant loute I’annde deniifere et qui dure encore
aiijoiird’hui, ont donni? un viSritable inidi-gt i nos travaux et flxd
I’atiention des travailleurs de tons les pays dti monde.
Nous poiivons done dire, avec un legitime orgiieil, que notre
Socidid a prouvd sa >italit6, en vivant de sa vie propre et en tiraut
de son propre fonds les il^menls de son activity et de sa dunie.
Aiicune influence dirangfere n’est venue stimuler le ztle on sou-
lenir le courage de chacun de ses membres ; elle a vdcu parce
qu’elle avait en elle-m6me la raison d’etre de son existence.
Mais, messieurs, aprfes avoir ainsi analyse notre passd avec une
legitime .satisfaction, nous devons maiutenant fixer un instant nos
regards sur notre present et sur notre avenir.
Notre eociete a recrute depuis quelques annees de nombreux
uieinbres titulaires qui apporteront a nos travaux ie contingent de
leur activite et de leur jeunesse ; mais le nombre des membres
titulaires fixe h quaranle-huit par notre rfeglement n’est pas encore
atteiiit. En procedant avec une prudente reserve et en n’oubliant
pas de I'aire une part legitime a la philosophic et aux sciences
economiques et sociales dans ces nouvelles nominations, nous
pourrions contribuer it augmenter encore I’attrait et I’utilite de
nos seances, et introduire de nouvelles forces clans la vie de notre
institution.
II en est de meme des correspondanis nationaux et des associes
etrangers, dont le nombre pourrait etre augmente avec avantage
el accroltrait noire action et notre influence en dehors du cercle
restraint de notre capitate. Une amelioration qui me semble aussi
mdriter de vons Ctre proposCe, consisterait dans la preparation
d’un certain nombre de questions, qui devraient Ctre choisies et
posees it I’avance, ainsi que I’avait demande notre regrettable col-
Ibgue iVl. IJarnier, afin de fournir toujours S notre ordre du jour
des sujets propres i le rempiir. J’attirerai egalement votre atten¬
tion, messieurs, sur I’a vantage que pourrait presenter pour les pro-
grCs de la science la reimpression complete de nos proefes-verbaux.
Permettez-moi encore, messieurs, de rappeier i votre souvenir
la question capitale de la reconn aissance de notre Societe conime
oeuvre d’utilite publique. Pour cetie lieureuse solution, nous
Comptons sur la bienveillante intervention de notre nouveau presi¬
dent, M, Janet, auprhs du ministre de I’instruclion publique.
Enfin, messieurs, je ne puis terminer cede enumeration trfes-
rapide de I’dtat actuel de notre Societe et de ses aspirations pour
I’avenir, sans mentionner le projet soumis aujourd’hui it notre
examen pour augmenter, cetie annde, le nombre de nos seances
A 68 SOClfiTlj MfiDlCO-PSYCHOJ,OGlQUE.
et y admettre les savants philosophes et mddecins filrangers qui
viendront k Paris pour I’Exposition universelle ; projet sur lequel
notre jeune collkgue, M. Foville, nous a prksentd dans la dernifcre
stance un rapport qui a obtenu tons vos suffrages.
J’arrive mainlenant, messieurs, au terme de ce discours, et je
suis heureux d’avoir k Kliciter notre nouveau president, M. Paul
Janet. Les litres de cet hoinme distingud vous sent connus. Ses
remarquables dcrits Pont fait nomraer professeiir k la Sorbonne et
membre de I’lnstitut. La part active qu’il prendra maintenant k
nos travaux ne va pas peu contribuer k I’assise de notre Socidte ct
k I’dclat de sa rdputation. Nous accueillerons aussi avec bonheur,
messieurs, noire vice-prdsident, M. Brochin, dont le caractkre si
honorable et le jugement si droit et si impartial vous sont bien
connus. Depuis plusieurs anndes, 11 a rempli aiiprks de nous les
fonctions de seerdtaire gdndral ; dans sa nouvelle position, il nous
conlinuera, je I’espdre, I’appui de son talent, de son experience et
de son honorabilitd.
Je n’ai pas k louer devant vous, messieurs, noire nouveau
seerdtaire gdndral, M. Loiseau. Depuis plus de dix ans, il a accom¬
pli avec un rare mdrite la tkehe ingrate et diiScile de seerdtaire
particulier de nos sdances. Dans sa nouvelle et plus grande situa¬
tion, nous le retrouverons tout enlier.
Sans perdre son ancien seerdtaire, notre bureau s’est enrichi
par Padjonclion de deux nouveaux membres, MM. Motet et Fo¬
ville. Ddjk connus dans la science, ils vont rdpondre k tontes les
espdrances que nous avons fonddes sur cux. Enfin, messieurs,
nous ne devons pas oublier dans nos dloges noire digne et savant
trdsorier, M. Legrand du Saulle, qui, par des soins assidus et per-
sdvdrants et une bonne gestion de nos finances, est parvenu, non-
seulement k pourvoir k toules nos ddpenses avec un budget trds-
minime, mais k augmenter nos recettes par la rentrde d’une foule
de cotisations arridrdes, et un placement on ne peut plus heureux
de nos fonds.
Il me reste un dernier devoir k remplir avant de quitter ce fau-
teuil. Messieurs, ne possddant en quelque sorte aucune des qualitds
indispensables au president d’une Socidtd savanle do notre ordre,
vous ra’avez constamment montrd la plus grande indulgence, et
j’ai trouvd particuiiferement dans les membres de notre bureau un
appui qui ra’dtait bien ndeessaire. Veuillez done tons ensemble rece-
voir en ce jour I’expression de ma profonde reconnaissance. Je
n’oublierai jamais I’honneur que vous avez bien vouiu me faire.
M. Paul Janet, nouveau president, adresse k son tour ses remer-
STANCE DU 28 JANVIER 1867. W9
dments u la SocidW : o II sail, dit-il, qu’elle a voulu lionorer cn
liii la pliilosophie fiappde au milieu de nous par la perte do
quelques-uns de nos collfegue.s les plus dminenis : Adolphe Gamier,
Buchez. Ge qu'il admire dans cette Socidtd, c’est I’esprit de told-
rance, la largeur des iddes, la libertd enlifere des opinions. C’cst
III le veritable esprit de la science qui ne connait que la discussion,
et rejctte rexcommunicallon. Le problfeme de la nature bumaine
esl .si coinplexe, d’ailleurs, que nulle science ne pent esperer h elle
seule rdsoudre cette inddchiffrable dnigme. Les philosophes ont
I’habitude de prendre la part la plus dlevde pour sujet de leiirs
dtudes ; mais id, ils ne sauraient se prdvaloir d’une telle prdten-
tion. Notre Socidtd est composde de mddecins et de psychologucs ;
aux mddecins appartient I’dtude de la psychologie morbide qui
rdpetc dans la science de riiomme ce que I’on appelle les expd-
ricnces renversdes ; do la un mutuel appui que se prdtent tour 4
lour la psychologic normale 4 la science de rhomme dgard, la
psychologie morbide a I’dtude des phdnomfenes complexes de Texcr-
cice rdgulier des facnltds intellectuclles. » M. Janet termine en pro-
mettant d’apporter tous ses soins dans les fonctions ddlicates qui lui
sont confides ; il compte, pour I’aider a mener a bonne fin sa ladie,
sur la bienveillance de la Socidtd.
M. le docteur Loiseau, invest! des fonctions de secrdtairc
gdndral, prend place parmi les membres du bureau.
« Je ne m’assieds, dit-il, 4 cette place si dignement occupde
depuis la fondation de la Socidtd, qu’avec un sentiment de crainte
respectueuse et de Idgitime fiertd. Douze fois vos suffrages m’ont
appeld aux fonctions de secrdtaire dds sdances, et j’ai la conscience
de les avoir remplies dans toute la mesure de mes aptitudes. Vons
m’avez ainsi assocld 4 vos travaux d’une manifere plus etroite, et
vous ra’avez donnd un nouveau tdraoignage d’estime : ce sera I’hon-
neur de ma vie, et je vous en remercie du fond du coeur. «
Le bureau est ddfinitivement constitud par I’installation du
Irdsorier-archiviste et des deux secrdtaires particuliers.
Correspondance,
M. le docteur Payen, rdcemment dlu membre correspondant,
adresse une lettre de remerciments 4 la Socidtd.
La Socidtd mddico-psychologiqiie reqoit une sdrie de brochures
qui lui sont adressdes par I’universitd de Christiania, et dont void
les litres :
1" Unlversitd royale norvdgienne de Frdddric : Rapport annuel
sur les travaux de 1864 et 1865. Copenhague, 1866.
470 SOCifiTfi MJJDICO-PSYCHOLOGIQUE.
2“ ComciunicatioD siir les fifevres nerveuses h Kragero, par Ho¬
man et Hartwig.
3“ Notice pour servir k faire connaltre les changements accom-
plis dans le KraksalVerlovgirning.
h° Taxes mddicales cn Norvdge, anndes 1855, 1861, 1862, 1866.
5“ Observations snr les taxes raddicales en Norvege.
6° Taxe medico-vdtdrinaire pour la Norvdge. Christiania, 1861
et 1865.
7“ Rapport sur les maisons de san id et les diablissemenis d’alidnds
de la Norvdge en 1863, publid par le ddpariemcnt de I’intdrieur.
Christiania, 1865.’
8“ Rapport gdndral sur I’asile d’alidnds de Caustadt, 1865, par le
docieiir Sandberg, directeur. Christiania, 1866.
9“ Index soholarum in universitate regid frcdcriciand centesimo
septimo ejus semestri, anno 1866, fdvrier.
10“ Idem, aodt.
Journal de medecine mentals de M. Delasiauve, jauvier 1865.
M. Fowmet demande la parole pour excuser M. le docteur Cerise,
que ses occupations ont empdchd de prendre part depuis quelque
temps aux travaux de la Socidtd. II prie M. Janet de vouloirbien
intervenir auprds du ministre de I’intruction publique pour faire
reconnaltre la Socidtd mddico-psychologique commeune institution
d’uiilitd publique.
M. Janet demande communication des matdriaux qui ont dO dtie
recueillis 5 ce siijet.
M. Brierre de Boismont insiste sur rimportance de celte deter¬
mination, et sollitiie vivemeni les membres de la commission de
faire d’actives ddmarches pour hater ia solution d’une queiition qui
inldresse ii un .si haul point la Socidtd.
M. Lunier, au nom de la commission du prix Aubanel, propose
line question qui, aprds une courte discussion a laquelie prennent
part MM. Moreau (de Tours); Brierre de Boismont, Legrand du
Saulle, Delasiauve et A. Voisin, est ramende aux termes suivants :
« Des accidents convulsifs dans ia paralysie gdndrale. »
M. Brierre de Boismont demande ce que sont devenus les ma-
nuscritsdu prix Andrd et ceux des prix Ferrus, Belhomine, Archam-
bault, sur le erdtinisme.
M. Legrand du Saulle rdpond que la commission pour le prix
Andrd est prdte, mais que la commission pour le prix du erdti¬
nisme n’a pas encore prdpard son rapport.
SfiANCE DU 28 JANVIER 1867, 471
M. Foviiie. J’ai rlidhnfeur de presenter i la SocidtS, au nom
de M. Reynal, professeur d I’feole d’Alfort , et au mien , Une
pidce anatomique qui, Je j’espfere, hii paraitra digne d’intdrdt.
Hier, dans la journde, un dlfeve d’Alfort vint me remeitre, de la
part de M. Reynal, avec pridre de I’examiner, le cerveau d’un
clieval qiii dtait mdrt la nuit prdcddente, aprfes avoir prdsentd, pen¬
dant queiqiies jours, des accidents nerveux dont les principaux
dtaient : un iremblement gdndral, des accds dpileptiformes rdpdtds
et I’action de pousser au mur de devaiit, c’esi-a-dire qu’appuyant
son front contre un des deux angles de la box oil il dtait renfermd,
ce cheval poussait avec de tels efforts sn tdte contre cet obstacle,
que ses jambes de devant se ddrobaient sous lui, et qu’ll perdait
I’dquilibre.
Aussitdt que ce cerveau me fut remis, c’est-ii-dire six heures
environ aprfes qu’il eut dtd extrait du crdne, je Texaminal en pre¬
sence de pliisieiirs des internes de la maison de Gharentoll. Cet
exaraen nous a donnd les rdsultats suivants^ faciles a vdrifler stir la
partie d’hdmisphdre qtie je mets sous les yeiix de la Socidtd :
Apres renidvement de ia dure-mdre, on constate que la masse
cdrdbrale pi dsente extdrieurcriient les traces d’une hypdrdmie gdnd-
rald, plus cdnsiddrable a droite qii’a gauche ; les vaisseaux des
mdniuges soht partout injectds ; en quelques endroits, et particu-
lidrement a la partie convexe de rhdmisphdre droit, exislent des
suffusions sanguines disposdes par plaques variant de forme et
d’dtendue.
A I’ouverture des ventricules latdraux, on voit les plexus cho-
roides gorgds de sang; la portion de la cOuche optique, formant la
plus grande partie de la paroi infdrieure de ces ventricules, prd-
seiitd line coloration lie de vin trds-accusde et est parcourue par des
vaisseaux pleins de sang, dont quelques-uns ont un volume consi-
ddrabie.
Nous il’avOns pii apprdcier la quantitd ni la qiialitd du liquide
iniravdhtriculaire, qui s’dtait perdu pendant I’autopsie ou le trans¬
port tie la pidce.
Une setlle coupe a dtd pratiqude sur le cerveau,- alin de mdnagerla
pidcd ; dlle a portd sur I’lidmlsplifere droit, ii la rdunion de son tiers
anldrieur et dd ses deux tiers posldileurs, et a permis de detacher
de la masse cdrdbrale la pifece que je vous prdsente ; sur toute I’d-
leiidUB de cctte coupe, la substance grise a prdsentd une coloration
vlolacdd trfes-iulense, notamment au niveau des corps strlds, et la
substance blanche s’est montrde piqqetde de nombreux vaisseaux
dilatds.
472 SOraflTfi MtOIOO-PSYCHOLOGIQUE.
Nous avons d6ja dit qiie les mStiinges sont manifestement cou-
gestionndes et prdsentent quelques plaques de suffusion sanguine;
nous devons ajouter qu’elles sont vestdes minces et transparentes,
et n’offrent ni dpaississement, ni opacitd, ni infiltealion de tissu
conjonctif dans leur dpaisseiir.
Nous arrivons enfin a la ItSsion la plus reinarquable prdsentde par
ce cei’veau de cheval; elle consisle en une adhdrence intime et
gdndrale des mdninges avec la sm face cdi'dbrale, et en un ramollis-
seinent diffus et gdndralisd des couches les plus stiperficielles de la
sul)stance corticale.
Dans aucun point de la pdriphdrie de la masse cdi'dbrale, 11 n’est
possible, quelques pi'dcaulions que I’on prenne, de soulever une
parcelle des mdninges sans entrainer avec elles une mince couche
de substance grise, i aspect finement granuleux, qui se ddlache de
la surface des circonvolutions et laisse i nu une sorte d’ulcdralion,
dgalement granulde, ramollie, au fond de laquelle se voient quelques
vaisseaux rompus d’oli suinie le sang, et ofi Ton aperqoit, par
transparence, la substance blanche qui forme le centre de la cir-
convolutioD.
En d’autres termes, les mdninges font corps avec la surface
cdi'dbrale, et la couche de substance corticale, immediatement
sous-jacente, est ramollie et ddsagrdgde ; de sorte que, lorsqu’on
veut enlever un lambeau de membrane, la sdparation se fait, non
pas entre celle-ci et le cerveau, mais dans I’dpaisseur meine de la
substance corticiile ramollie, dont une mince couche reste attachde
i la membrane soulevde.
La surface du cervelet offre quelques traces d’adhdrences ana¬
logues, mais elles sont rares et moins inlimes que sur le cerveau.
Les pddoncules edrdbraux ne nous ont paru presenter aucunc
altdration apprdciable.
11 dtait impossible de constater les Idsioiis que je viens de ddcrire
et dont je prie les membres de la Socidtd de vouloir bien
vdrifier I’existence, sans dtre frappd de la trfes-grande analogic,
pour ne pas dire de la similitude, qu’elles prdsenlent avec les Idsions
caracidristiques de la paralysie gdndrale ; il suflit de soulever, sur
le cerveau de ce cheval, un lambeau de mdninge pour reconnallrc
ce que Ton voit a chaque autopsie d’alidnd paralytique.
Cette analogie me frappa tout de suite, ainsi que les internes qui
m’aidaient. M. Calmeil, que je lis prdvenir, voulut bien se joindre
a nous, et fut dgalement saisi de la ressemblance des alldrations
qu’il avait sous les yeux, avec cedes do la mdningo-pdriencdphalite
S^;ANCE DU ^8 JANVtER 1867. 478
diffuse, qu’il a coniribui? plus que personne a faire connaitre au
monde medical.
Quelques dilKrences doivent n^anmoins fiire signalees. Chez Ics
all^n^s paralyliques, les adhdrences, alors ra6me qu’elles sent Ic
plus dlendues, ne sont pas absolument giln^rales ; 11 rcste des re¬
gions oil les membranes se sdparent du cei'veaii sans que celui-ci
soitenlamd; nous n’avons pas constald ces indgalk^s sur ce cer-
veau de cheval ; partout la confusion des lissus cst ^galement
inlimc; 11 y a une veritable symphyse ggndrale.
De plus, chez I’alidnd paralylique, les mdninges sont presque
conslamment aiignienl^es d’dpaisseur et de tinacild; elles ont
perdu leur transparence et leur fragilltd par suite d’un dlpOt, plus
ou moins abondant, de tissu conjonctif dans leur trame, tandis que,
chez ce cheval, elles elaient resides minces et transparentes, quoique
congestlonnees. ^
Cette diffdrence doit tenir a ce que, chez I’homme, la paralysie
generale est presque toujours one maladie de longue durde, tandis
que ce cheval a succombd peu de jours aprds le ddbut des acci¬
dents. Sous ce rapport, on pourrait peut-dtre rapprocher, plus
exactement, sa maladie de cede ddcrlte par Beau (Archives de
midecine, fdvrier 1852, et Annalesmidico-psychologiques, 2" sdrie,
t. IV, p. 271), sous le nom de paralysie generale aiguo, et qui, se
ddvcloppant h la suite d’une affection fdbrile, se terminerait fata-
lement au bout de quelques jours de durde et prdsenterait, a I’au-
lopsie, un ramollissement superficiel de la substance corticale et
une adhdrence gdndrale des mdninges, sans que celles-ci soient
indiqudes comme opaques, ni dpaissies.
Je terminerai en disant que M. Raynal, auquel j’ai fait connaitre,
ce matin, le rdsullat de mon examen, et I’intdrdt que prdsentait
pour nous ce genre d’altdration non encore signald, 5 notre con-
naissance, chez les animaux, m’a dit-en avoir ddjii observe un
assez grand nombre de cas, et m’a promts de me communiquer 5
I’avenir ceux qui pourraient se presenter it I’ficole d’Alfort. Si de
nouveaux fails intdressants arrivenl ainsi it ma connaissance, je ne
manquerai pas d'en informer la Socidtd.
M. Lamer demandc s’il ne serait pas opporlun de discuter
immddialement le rapport de M. Foville sur le congrds international
des mddecins alidnistes. La discussion est renvoyde 5 la prochaine
sdance.
M. A. Voisin fait part a la Socidtd de rdilexions qui lui ont did
suggdrdcs par le mode de translation de certains alidnds, de la prd-
fecture de police 5 I’hospice de Bicdtre.
UlU SOClfiTli MfiDICO-PSYCHOLOGIQUE.
M. Lunier aniioiice 5 la Soci6t6 que M. le docleur Bonnefoiis esi
present, el qu’il demande a lire une observalion leciieillie par liii
dans Pasile de Leyme, qu’il diiige. I.u parole est accordee ii
M. lionnefous.
Folie lucide, delire partiel , dilire des actcs.
Observation, par M Bonnefous, medecin en chef de Basile de Leyme,
correspondant de la Societe mbdico-psycholngiqiie.
Marc B . csl iin honiiftle cultivaieur de la cominune de Duravel
(Lol). II a aiijourd’hui cinquante-neuf ans sounds. Mais sa haute
laille, son aspect vigoureux, son piddiocre embonpoint, le font
paraltre plus jeune. L’expression de ,sa physionoinie est heiircuse,
douce et bienveillanle. 'I'oules ses habitudes copfirmenl |a bonne
impression inspirde par cclle pliysiononiie.
Cethomme est remarquablemcnl laborieux, eifipressd a lout tra¬
vail qu’on lui demande, facile op pdnible._ II est simple, docile,
rempli de ddfdrence envers toulc personne qui lui est supdricure
par sa position sociale. Intelligent, dans la mesure restrolnle com¬
patible avec son manque d’dducaiion, il ne sail pas lire, il s’cxplif|ue,
du mpins, tr(;s-raisonna|deinenl stir loiile ciiose, et paile trds-
sensdment des travatix agricoles, qui ont rempli sa vie entiere.
Marid, il a une femme et une fille, qu’il airae irds-sincdrement. 11
rdclame sans cesse de revenir aupres d’elles, misdrables, pour les
soutenir et les faire vivre de son travail; car ce mallieureux, vrai-
inent digne du plus grand inldret, est uii alidnd, sdquesird trop
Idgitimement h Leyme, par ddcision administrative.
Un proeds civil, perdu devant le tribunal de Gabors, a amend
^expropriation du tres-raodesle pairimoinc de Marc R . , qui croit
avoir gagnd le proeds et demeurer toujours propridlaire. Voilu la
conception ddlirante, unique, mais perinanente cl invincible.
Nous trouvons Marc H . devant le tribunal correclionnel de
Gabors; pour coups et blessures et bids de clblures. Une ordonnaiice
du 12 ddeembre 1861 le met d la disposition de I’autorild adminis¬
trative. Ddposd a I’hospice de Gahors, il en sort pen apres, rentre
librement h Duravel, oft il commet immddiatement de nonveaux
actes de violence. Gelle fois, le placement a Leyme est ordonnd, et
Marc U . y entre, en effet, le 20 fdvrier 1862.
L’examen du malade permet la constatation facile du delire par-
liel. 11 parle abondamipent du proeds civil, se livre aux divagations
les plusincolidrentes deesujet, montre avec auioritd des lambeaux
iuformes de papier tiuibrd, d I’appui de ses dires mintelligibles et
M. »ONI«EVOL!»>. — FOLIE LUCIDE. 475
inlaiissables. Son discours est animfi, sa figure est aiissi alors fort
injectde. Mais le sujet dtant abandonnd, non 6puis^, bien enlendii,
la lucidity rcvient entibre. Quant aiix actes de violence, ils sont
avoufe, mais Idgi limes, du moment que des Strangers occupent
indflment la maison qui apparlient a ce pauvre insensii.
D’ailleurs, dfes les premiers jours, ce malade est occup6 aux
iravanx agricoles, dont il a I’liabitude, qu’il acceptc trfes-voloniicrs,
qu’il sollicile mfinie, car, pour lui, I’oisivetd est la chose piSniblc.
Sous cette heureuse influence, plus encore, vraisemblablement, par
r^loigncment des circonslances favorables, Marc U . esi bientot
calme. Le delire persiste, s’il esl provoque, mais a cctie condition
seulement; an debut. il sc manifestait frequemment et spontanii-
mcnt.
Gependant, avec beaucoup de douceur, trfcs-rdsignc 4 la seques¬
tration, Marc It . sollicite d’etre rendu a sa famille. Sa femme et
sa fille viennent le visiter. Elies sont dans unc deire.sse profontle
le travail du chef de famille est la ressonree neccssaire. J’iguorais
alors les fails dc violence, d6jii repetes, qui viennent d’etre racon-
jes. J’c.sperc que le calme actuel, bien consolidtl, avec un d61irc
partiel, en quelque sorie latenl, ne sera pas un obstacle a la mise
cn liberte, que cello-ci sera exempte de dangers. Prticddemmeni,
toulefois, je m’adressea M. le maire de Duravel, lui demandant si
des fails violcnls ont priicdd^ la sequestration, dont le rctour serait
it redouter, ou bien, si tout s’est bornd au deliro parlicl, en ce
moment amorti. M. le maire me rfipond, m’allirme, quc’nul acte
grave n’a die coinmis, que.le ddlire a seui exisld, sans manifestation
exldrieure daugereuse, m’encourage enlin a deraander la sortie du
malade.
Je note, en passant, que MM. les makes doivent trouver grtlce
(levant les contempieurs de la loi du 30 juin 1838. Grande est,
sans doutc, leur haine des sdquestrations arbitraires, mais plus
grande encore, je le crains, leur parcimonie des finances niunici-
pales.
.Sur ma proposition, M. le prdfet du Lot ordonna la mise cn
libertd dc Marc R . , qui sortit de I’asile le 28 aofit 1862.
Tout naturellement, ce malheureux rentre a Duravel. Il va direc-
loment ii son ancieune makon, qu’il croit toujours lui appartenir.
Par une coincidence facheuse, les nouveanx propridtaires sont
absents, all(is a une foire voisinc. Marc R . s’installe done sans
diiBcultd aucune. Mais, le soir venu, les vdritables propridlaircs
rentrent, etsont accueillis par des voies de fait, de la part de I’alidnd ,
malencontreusement relftchd. Force est d’appeler la gendarmerie.
kl6 Socii;Tl2 MiiDico-PSVCnCLOdiQtjfe.
qiii an'6lc cclivi-ci, lequel nous rcvieni Ic 30 seplembrc. M. Ic pro-
cureur impdrial, cettc fois encore, est intevvenu anpris de I’anlo-
I'il^ adminislrative.
Pour moi, I’dpreuve dtait ddfinilivc, ct je devais regreltcr, nni-
quement, d’avoir eld mal informd par M. le inaire dc Duravel.
L’diat dc Marc R . demeurait le rndme, d’ailleurs, a part unc
ceriaine excitalion, plus grande, que les habitudes laboricuses et
I’dloigneinent dissipereiU bientCil.
Nous n’dtions pas au bout des expdriences, ndanmoins. La
femme R . est au moins singulidre, sinon alldnde aussi, commc
son marl. Elle vient le voir trop Irdquemment, puisque ses visiles
lui donnent loujours une certaine excitation, durant plusieurs jours
oil plusieurs seinaines. Nous avons dd la faire surveiller par I’auto-
I'ild locale, car elle rOde souvent autour de I’asile, cherchanl a
embaucher son marl pour une dvasion. Elle n’acceple aucune
explicalion, semble partager la conviction ddliranle de son marl,
sans rexprimer par les mdmes violences. Sur sa rdclamatiou a
M. le prdfet du Lot, j’ai fourni un rapport, en date du 31 juille^
1863, rappelant tous les aiildcddents, et concluant a la non-mise
en libcrtd. Celle-ci a dtd ordonnde, malgrd mes conclusions tres-
contraires, sur une enqudte de M. le jugc de paix de Piiy-l’lilveque,
ct Marc R . a encore quittd I’asile, le 11 septembre 1863.
Je n’ai point su les dvdnements qui out suivi cetle raesure
impriidente; mais, le 11 octobre suivant, la rdintdgration avait
lieu : « Vu la lettre de M. le procureur impdrial, qui la propose »,
dit I’arrdtd prdfecloral. Evidemraent, encore, dc la sortie au retoiii',
ce malheureux avait fait I’dtape de la prison.
Marc R . est bien un nlidnd, et un alidnd trfes-dangereux, a la
condilion d’etre placd dans im certain milieu. Hors de ce milieu,
une longue experience dans I’asile ne permet pas d’en doutcr, il
est parfaitement doux et inoffensif. Nous I’observons, en effet, tou-
jours le mdme, trfes-docile, tres-soumis, tres-laborieiix. Seul des
alidnds de la maison, il est occupd aux fauchaisons, travail pdnible
qu’il fait lr6s-bien, ndcessitant un instrument dangereux, qu’il n’a
jamais detournd. Loin de son pays, a la condition dc n’dtre pas
visite par sa femme, il est exempt de toiite crise d’excitation, nc
parle pas de I’objetde sonddlire, demeurd immuable, si on le pro-
voque. L’un des magistrats olDciellement chargds de visiter I’asile,
a dtd frappd, avec raison, de la parfaiie lucidild de cet homme. Il a
mdme cru devoir le signaler, malgrd nos explications trop con-
cluanlcs. M. I’inspecteur gdndral Lunier, appeld aussi a entendre
ces rdclamations, a troiivd le fait trfes-remarquable et m’en a de-
SfiANCE DU 25 ^^:vniEli dS6l kl1
mand4 ['observation complfete. Tout est raisonnable, bienplus, trfes-
raisonnable, chez Marc R . Qiiesa femme rbtle autour de I’asile,
nous I’inlernons dans les quariiers, et il se soumet, skns murmurer,
reconnaissant noire droit incontestable. Que les faucheurs, qul sont
avec hii, negligent leur travail ou le fassent mal, il leur adresse des
reproches trfes-convenables, au besoin, les signalera, en les avertis-
sant et sans dSlation, anx employes de la ferme. Je pourrais multi¬
plier ces details. Et ce pfire de famille, affeclueux et bon, est cOn-
damnk i une sequestration ndcessaire dans une maison d’alidnds,
doiU lui et les siens gdmissent et souffrent. Libre, il ne pent mal-
hcurcuscment aller qu’k Unravel ; ITiabitude, la necessitd, le ddlire,
enfin, Ty poussent dgalement, et, a Unravel, il est faialement un
abend dangereux pour la sdcurite publique.
M. Fournet lit la premifere partie d’un mdmoire sur la folie rai-
sonnante.
La sdance est levde a six lieures.
Sdance du 25 fevrier 1867. — Presidence de M. Paul Janet.
MM. Morel, Belloc, Petit, membres correspondants, assistent it la
sdance.
Le procfes-verbal de la sdance prdcddente est lu et adoptd.
M. le president prdsente a la Socidtd, de la part de M. Francesco
Bonnucci, membre associd dtranger, un ouvrage en italien, intitule :
Principi di antropologia o di fisiologid morale dell' uomo.
M. Olt offre a la Socidtd, au nom de M. Cerise et au sien, un
ouvrage posthume de Buchez, dont ils ont dlrigd la publication ; cet
ouvrage est intituld : Traite de politique et de science sociale.
La Socidtd recoil en outre :
De M. Jules Falret : les articles Amnesie et Aphasie; exlraits dn
Bictionnaire encyclopedique des sciences midicales.
Ue M. Moiet : Particle Cauchemar, extrail du Nouveau Diction-
naire de medecine et de chirurgie pratiques.
■ Uu mdme auteur : Considerations sur la statistique ginerale des
alienis, extrait des ^nnales d’hygieneet de medecine legale.
M. le President: J’aia rendre coraple a la Socidtd des demarches
que, d’aprds la mission qu’elle a bien vonlu me confier, j’ai faites,
d’unemanidre piirement officieuse, jusqu’ici, dans le but d’obtenir
que la Socidtd mddico-psychologiqne soil reconnue dtablissemenl
d’utilitd publique.
4'serie, t. IX. Mai 1867. 7.
^|78, SOCIETfi MfiDICO-PSYCHOLOGIQOE.
J’ai vii, a agard, Son Excellence le ministre de I’iiistruciion
piiblique, et j’ai requ de lui les promesses les pins bionveillaiites;
j’ai vn ggalemeut le chef de division et le chef de bureau dans les
attributions desquels rentrent ies affaires de ce genre ; i’un et i’autre
soni anirnds de dispositions favorables h la Sociatc; ii importedonc,
afin de profiler de circonstances qui paraissent devoir assurer le
succfes, que les demarches officielles, nticessaires pour que I’adini-
nislration soil r^gulibrement saisie de noire demande, soient failes
le plus t6t possible.
A I’appui de la demande propremenl dite, nous devrons lournir
les Slatuis de la Society, pour qu’ils soient souniis ft i’apprnbation
du Conseil d’faat ; une fois adoplds, ils ne pourront pins fitre niodi-
fife qii’apras une nouvelle instruction et une decision .spdciale du
Conseil d’fitat, ce qui est toujours long el difficile a obtenir. II
iniporte donc,auplus hauldegra, derdduireces Statuts au plus strict
n^cessaire, et de n’y faire figiirer que les dispositions essentielles et
fondamenlales que I’on est stir de ne pas avoir besoin de modifier
dans I’avenir, en r^servant toutes lesmesures secondaires et moins
importanies pour le rfeglement d’administraiion intdrieure. Celui-ci,
en effet, n’est soumis qu’a i’approbation du ministre, et une .simple
autorisation de ini suffit pour permetlre de le modifier.
M. Legrand du Saulle. La Socidtd ne possdde et n’a jamais pos-
sddd qu’un rfeglement ; elle n’a pas de Statuts propremenl dits,
distincts de ce rfeglement.
M. Alfred Maury, J’ai parld, dgalement, de la question qui nous
occupe dans les bureaux du ministfere.et d’aprbsce qui m’a dtd dit,
j’insisle sur la ndcessitd absolue de faire des Statuts distincts du
rfeglement et aussi simples que possible ; cede mesure est de la plus
haute importance, et plusieurs Societds, pour n’avoir pas eu cede
precaution, se sont troiivdes, par la suite, en face d’embarras trfes-
sdrieux.
Je dois revoir, aprbs-demain, mercredi, M. le chef de bureau qui
s’occupe de ces questions ; si d’Ici la les pibces indlspensables pou-
vaient etre prfites, je me chargerais volonliers de les Ini remettre et
ll’affaire seraitainsi oflicielieraent engagde.
M. Brochin, M. Cerise s’dlait d’abord chargd d’exposer dans un
mdmoire tous les litres que la Socidtd peut faire valoir it I’appui de
:sa demande ; mais ses occupations ne lui ayant pas permis de le
aaire, j’avais pris I’engagement de rddiger moi-mdme ce mdmoire, ii
I’aide des matdriaux que M. Cerise a entre les mains; n’ayant pas
encore requces matdriaux, je ne pourrai faire d’ici a aprds-demain, '
■comme le demande M. A. Maury, un travail bien complet ft cet
STANCE DD 25 FfiVBBEB 1867. 479
^gard, mais je prdpai erai, au moins, iin rapide aperQu de I’hisioire
de la Socidtd.
Api'^s quelques observations de M. Brierre de Boismoht qui
insiste siir la ii£cessit4 de passer outre, sans altendre davanlage, la
Soci^td ddcide qu’il y a lieu de soliiciter la reconnaissance de la
Soci^td mMico-psychologique coname dtablissement d'ulilitd pu-
bliqne, et elle autorise M. PanlJanet, son president, ii laire en son
nom, auprts do I’autoriKi supiirieure, la demande et les diligences
inicessaires pour obtenir cette reconnaissance.
lille decide, en outre, que, vu i’urgence, ii sera procddd static*
tenante, a la redaction des Statuts qui se composeront des articles
les plus essentiels du r^glement actuel.
En consequence, M. Ic secretaire general procfede i la lecture
successive des differents articles du reglement, et la Societe se pro-
nonce, par un vote special, sur chacnn de ceux qui doivent faire
partie des Statuts, soit avec leur redaction actuelle, soit en subissant
quelques modifications.
Les Statuts adoptes sont ainsi conqus :
TITRE PREMIER. — BCT DE DA SOCI^T^.
Art. La Societe a pour but I’etude et le perfectionhement de
la patbologie inentale ; elle comprend dans ses travaux toutes les
sciences auxiliaires qui peuvent en favoriscr les progrfes. Elle s’oc-
cupe specialement des objets suivanls :
1" Patbologie inentale et patbologie du systfeme nerveux ;
2“ Anatomie et physiologic du systbine nerveux, anatomie patho-
logique ;
3" Science des rapports du physique el du moral ;
Hygiene morale, education ou prophylaxie de Raiidnation men-
tale et des ndvroses, hygibne penitentiaire, dtudeS historiques sur
les maiadies de la sensibilite et de I’intelligence ;
5“ Assistance, inedecinc Idgale, jurisprudence et statistique des
tilienes ;
6“ Philosophie, physiologie psyChologique, ethnologie, histoire,
Considdi-ees dans leurs relatioBs avec la science des rapports du
physique et du moral.
TITRE II. — Composition de la Society.
Art. 2. La Socidte se compose de membres titulaires ou rdsidants,
de membres correspbndants et d’associds dtrangers.
-Art. 3. Le noinbre des membres titulaires est lixd i quaranle-
huir.
480 SOtiifeTf: MiEMc6-tSYcaotd6t(}l)E.
Le nombre des membres corrpspondants et dcs associ^s Strangers
n’est pas limits.
Ari. h. La Soci^ti; pent conKrer le litre de membre honoraire
aiix membres r^sidanls aprfes dix ans d’exercice, et lorsqu’ils en
font la dematide.
Art. S.' ESI admis de droit, stir sa dcmande. a prendre le tiire de
membre correspondant, tout raeinbre titidairc qui, pour une cau.se
qiielconque, cesse de rdsider dans le ddpartement de la Seine. II est
autorisd, en cas de retour, ii reprendre, a la premiere vacance, le
litre qu’il avail h I’^poque de son ddpart, aprfes avoir toutefois prd-
venu la Sociiltd de son intention.
TITRE III. — Conditions d’admissiojs.
Art. G. Les admissions out lieu dans la forme suivante : Tout
candidal au litre de membre residant prdsenle une demaiide par
dcrit. Cette demande est lue en sdaiicc, et renvoyde a une commis¬
sion de trois membres, qui doit faire son rapport dans un ddlai
ddtermind par la Socidld. Aprfes avoir entendu le rapport, et apre.s
ddlibdration, la Socidtd prucede a la nomination, qui a lieu au
scrutin secret cl a la majoritd des suffrages.
L’dlection des candidals atix litres de membre correspondant ou
d’associd dtranger est soumi.se aux mdmes formalitds.
Art. 7. La Socidtd, sur la proposition de cinq membres, pent
aussi qonfdrer directement le litre d’associd dtranger a des savants
ayanl rendu des 'services dminents ii la science. L’dlection a lieu a
la majoritd absolue des membres prdsents.
TITHE IV. — Organisation do bdread.
Art. 8. Le bureau, dlu par la Socidld en .sdance publique, se
compose d’un prdsident, d’un vice-prdsident, d’tin seerdtaire gdnd-
ra|, de deux seerdtaires particuliers et d’un trdsorier-archiviste.
Art. 9. Le bureau est chargd de la direction a imprimer aux
travaux de la Socidtd, du maintien du rdglement et de tout ce qui
concerne I’administralion. Ilddcide des convocations auxassembides
extraordinaires.
Art. 10. La Socidld publie rdgulierement le Bulletin de ses Ira-
vaux. Un comitd, dit de publication, est s'pdcialement chargd de
revoir tout ce qui doit dire publid au, nom de la Socidtd, et d’en
surveiller I’impression.
STANCE on 25 FfiVRIER 1867.
481
TITRE V. — Travarx de la Societe.
Art. 11. La SocidlA se r<5unil chaque mois, en stance ordinaire.
II pent y avoir des s6ance,s exlraordinaircs.
Art. 12. Les membres litulaires ont seiils voix ddlibdralivn.
Les membres honoraires, correspondants et associds dtrangers,
ont droit d’assister aiix siianccs et de prendre part aux discu.s.sions.
TITRE VI. — Administration; finances.
Al t. 13. Les membres titulaires el les membres correspondants
acquitlent, apres leiir admission, im droit de diplbme entre les
mains du trdsorier.
Art. 14. La colisaliun anmiellc des membres litulaires esl de
trente-six francs, an moins.
Art. 15. Les ressoiirces de la Socidtd .se composenl :
1“ Du revenu des biens el valeurs de toute nature apparlcnant a
la Societd ;
2'> Du droit d’admission pour les membres litulaires el pour les
correspondants nationaux;
3° De la coiisation payde par les membres titulaires ; le montan t
on est fixd par la Socidld, siiivant ses besoins;
4“ Du produll des publications ;
5” Des dons et legs quo la Sor.idtd est autorisde 4 recevoir;
6” Des subventions qui peuvcnt lui Sire accorddes par I’fitat.
Art. 16. Les fonds libres sont placds en rentes sur I’Rtat.
TITRE VII. — Dispositions G^NdnALES.
Art. 17. Un rSglement d’adminislration intdrieure , sonmis 4
rapprobation du ministre de I’instruction publique, ddtermlne les
dispositions de ddtail propres 4 assurer I’exdcution des Slatuts.
Art. 18. La Socidtd peut inslituer des prix sur des sujets en rap¬
port avec ses travaux.
Art. 19. En cas de dissolution, il sera statue, par la Socidtd con-
voqiide extraordinairement, sur I’emploi des fonds, iivres, etc.,
appartenant 4 la Socidtd. Dans celle circpnstance, la Socidtd devra
loujours respecter les clauses slipuldes par les doiiateurs en prdvi-
sion du cas de dissolution.
La Socidtd ddcide que ces Statuts .scront remis, pour mercredi
prochain, a M. Maury, accompagiids d’line lelfrcdanslaquelie scroll t
482 SOCl£t£ MEDinO-PSYCHOLOGlQDE.
indiques : la date d’origine de la Soci(5ld, ses principaux travaux, son
mode de publicity, les prlx qu’elle a chargde de distribuei-, les
dons manuels quilui ontdtd ollerts et les prornessesda legs qiii lui
ont did fades, pourlecas ou elle pourrait Idgalenient les recevoir.
La Socldtd autorise le irdsoriee i depeiiser la somrae iiecessaire
pour faire imprimer ces Slaluls en iiombre sufflsant.
M. Jules Falret lit le rapport suivant siir les mdmoires prdsetU^s
au toncours pour le prix Andr^.
Rapport fail par M. Jules Falret, au nom de la commission pour
le prix Andre f sur la manie raisonnante.
Voiis avez chargd une commission, composde de MM. Tr^lat,
Brierre de Boismont, Moreau (de Tours), Legraiiil duSaulleei mol,
de Yous rendre comple du mdinoire sur la manie raisonnante
envoyd pour concourir au prix Andrd, el d’examiner si ce prix
devait lul fitre ddcernd. Nous venons aujourd’hui, messieurs, vous
faire part de notre examen et de la determination & laqnelle nous
nous sommcs arretds.
D4jii, il y a deux ans, messieurs, vous aviez mis an concours la
mftme question pour le meme prix, et une commission nommdepar
vous pour juger le m^moire unique qui vous avait did adressd, avail,
par Torgane de notre honorable vice-prdsident, M. Brocbin, ddclard
qu’il ne lui paraLssait pas mdriler le prix, et vous aviez remis la
question au concours pour I’annde snivanle.
Cette fois dg4'Uemea.t„noiis n’avons requ qu’un seul mdmoire ;
mais, aprfes I’avoir lu attentivement et en avoir apprecid les diversea
parlies, il nous a paruiassez inidressauKet assez cdmpiei pbtir dtre
j ugd digjie- dldtrO' couronnd.
MaiSj, ayant de vous. proposer, messieurs, cetie ddcision, noiisi
devonsivous faire connaltre,. aussr bnidvement qiid possible,. Ids iddes,
principales ddveloppdes dans ce travail et les raisons sur lesqnelles;
nous.croypns devoir appuyer notre ddtermination'.
Le mdmoire qtie nous avons requ- pour, le prix Andrd est com¬
pose dp deux parties.,
Dans la.premifere, qui contient:L74 pageSj se trou vent.quinze ob¬
servations trds-ddtailldes et trds-intdressantes de manie raisonnante,
dont douze ont did recueillies par I’auleur lui-mdme, et troisemprun-
tdesdi dlaulres . sources.
Ce recueild’iObservations, sur une; .siluatiop mentale si ditflcile 4
M. a. FALRET. — RAPPOllT. .’iSS
cai'act^riser dans I’dtat actuel notre science et qui ne pent fitre s6-
rieiisement (?ludi(5e qiie par la voiecliniqiie,dlait ddjii, a nos yenx,un
ntnii ile important du travail que nous avions A examiner et devait fitre
pris en s^rieuse consideration. Mais la seconde partie de ce memoirc,
qui rcnferme 162 pages el qui contient i’histoii e de la manie raison-
nante, telle que I’auteur I’a deduite de I’ctnde attentive des observa¬
tions pi-dcddentes, nous a sembie plus interessante encore, par les
vuea nonvelles qu’elle expose, par les aperqus ingenieux qu’elle de-
veloppc, el par la parfaite coordination de ses diverses parties, qui
concourent toiites a la demonstration de la mfime pensee generale.
On pent ne pas approuver celle doctrine ; nous vous dirons meme
tout ii I’heure, messieurs, en quo! elle nous paralt exageree et sys-
temaiiquc, inais on ne pent meconnaltre le talent avec lequel I’au-
teurdu memoire I’a developpeeetles preuves cliniqiies nombrenses
qu’il a reunies pour cliercher a I’eiayer sur de solides fondements ;
alors meme qu’on ne partagerait pas ses conclusions, on ne pent
s’empecher de constater que ce travail contient beaucoup d’idees
jusles el qu’il pent servir utilemeiit aux progres de la science sur un
eial morbkle qui est encore aujonrd’hui I'objet de tanl dc contro-
verses.
Le meilleur moyeu de vous permettre, messieurs, d’apprdcier le
merite de ce travail cstde vous en faire connaltre brifevement les
tendances genfiralcs; elles peuvent etre facilement resumdes, puis-
qu’elles roulent autour d’nne meme idee mferc qu’il suffira de vous
exposer.
L’auleur du memoire que nous analysons s’est bien rendu compte
des diflicultds cl (le l’(5tendue de la question qu’il avail a trailer ; il
u’a pasreculd devani les obstacles et il les a abordds de front.
11 s'est d’abord demands ce qu’on avail compris jusqu’ici sous le
nom si vague de folic raisonnante, et il a commened son travail par
I’exposd historique des opinions des auteurs qui, depuis Pinel, ont
traild de ce .sujet.
Pinel a fail de la manie sans ddlire une varidtd de la manie. Es-
quirol la range dans la monomanie affective et pourtant il y fait
ligurer des monomanies intellectuelles. Prichard la considfere
comme une espfece de folie d part, sous le nom de folie morale ou de
folie du caraetdre, qui n’est ni la monomanie avec ses conceptions
ddlirantes ddterminees, ;iila mdlancolie aveesa tristesse, nila manie
avec sa grande excitation et son incoherence, ni la ddmence
avec sa faiblesse, ni I’imbdcillitd avec ses facultds diminudes ou
nulles. Marc emploie le mot de monomanie raisonnante comme
syiionyme de monomanie avec actes raisonnds et motivds par le
484 SOCl£r£ MfiDlCO-PSYCHOLOGlQUE.
ddlire, par opposition 4 la monomanie instinctive. Le professeiir
Griesinger, dans son TraiKi, nie I’existence de celte forme de maladie
mentale et n’y voit qu’un melange de faits disparates appartenant
aux formes les plus diverses. M. Trdlat se borne 4 relater des faits
Dombreux et trfes-curieux, les classe dans les diverses categories ad-
mises de la classification d’Esquirol et envisage surlout ces faits au
point de vue de la famille et de la socidtd. M. Morel, eufin, ouvre line
4re nouvelle en rattachantla folie raisonnanle aux folicsheniditaires,
et en faisant ressortir le lien dtroit qui I’unit, dans la succession des
gdudrations, 4 rimbdcillitd et 4 I’idiotisme. Enfin, Marcd, en quel-
ques ligues qui ddnotent une profonde observation, ddclare que la
moitid de ces faits rentre dans la manie et I’aiilre moitid dans la dd-
bilitd intellectuelle, I’imbdcillitd oul’idiotisme.
J’ajoute que M. Delasiauve, en ddlirnitant encore d’une autre
faqon les faits de folie raisonnante, les range dans la classe des
pseudo-raonomanes, qui ne sont ni les maniaques avec leur ddlire
gdndral, ni les monomanes d’Esquirol avec leur ddlire systdmatisd.
Arrivant aprds les mddecins que nous venons de nommer, I’au-
tenr du mdmoire que nous analysons, s’appuyant sur les observa¬
tions qii’il a recueillies et sur cellcs qu’il a empruntdes 4 d’autres
auteurs, cherche 4 trouver un fil conducteur au milieu du dddale
de ces opinions divergentes, et void 4 quel rdsultat il est arrivd :
II faut exclure, dit-il, du cadre de la manie raisonnante vraie,
une foule de faits diffdrents qui ont dtd rdunis arbitrairement sous
ce mdme nora et qui doivent figurer dans les autres catdgories
de la classification rdgnante, c’est-4-dire dans la mdlancolie, la mo¬
nomanie, la manie, la ddmence ou I’idiotisme.
Mais, aprfes avoir fait cette dlimination, on arrive 4 un groupe de
faits identiques, ayant des caracteres commons, semblables a ceux
relatds dans ce mdmoire, et qui, selon lui, mdritent de former une
espcce 4 part. Ces faits appartiennent, dit-il, 4 la classe des ma¬
niaques, puisque ic trouble des facultds est gdndral et n'est pas
limitd 4 quelques iddes ou 4 quelques acles ; mats 14, nc doit pas
se burner I’analyse de ces faits spdeiaux : il faut remonler plus haut
dans I’dtude des facultds Idsdes et dans celle de I’origine de ces
dtats pathologiques; on arrive alors 4 une conception plus dlevde et
plus vraie de la nature essentielle de la folie raisonnante : cette
conception est celle qui a ddj4 dtd iniroduile dans la science
par M. Morel et qui pent se rdsumer dans le mot de ddgdndrescence.
L’auteur du mdmoire ddveloppe et prdcise cette idde gdndrale
e.n s’appuyant sur I’observation des faits. Pour lui, la manie rai¬
sonnante repose plutbt sur I’absence de certaines facultds que sur
M. J. FALUEX. — RAPPORT. /|85
leiir desordre. G’est une maladie par defaut, pluldl quepar excfes cl
par perversion des facultfis humaines ; c’est une anomalie, tine dif-
formit(5 mentale, une monslruositd, plnidt qu’une perturbation oii
line maladie propremenldite. C’cslun vice d’organisation premiere,
existant des I’enfance et se ddveloppant avec TAge, de facon h foi mer
tin dtat mental special, qui fait parlie intilgrante de i’individu liii-
jn6me, et se pcrpelue pendant toute sa vie. C’est, en iin mot, selon
i’exprcssion de I’auleur, une idiotie partielle, c’est-k-dire une
absence native de certaines faeultds, une lacune dans I’orgajiisa-
lion psyciiique. Les fous raisonnants sont des fitres incomplets,
mal nds, ddfeclueux, plutOt que des malades proprement dits. La
maladie, en elfet, est un fait accidentel qui a ses prodromes, son inva¬
sion, sa pdriode d'etat, son dvoiution et ses termiuaisons :1a manie
raisonnante, au conlraire, est une anomalie d’organisalion, qui
prendsa source dans les ascendants, remonte m6me quelquefois a
plusieurs gdnerations, se ddveloppe progressivement chez I’individu
depuis sa naissatrce, sc trouveintimement lide avecsa nature iniel-
lectuelle et morale, pent bien prdsenter des oscillations el des degrds
divers d’intensitd dans ses manifestations pendant la vie, mais nait,
se ddveloppe, vit et meurt avec lui. C’est une vdritable ddgdndres-
cence de la race liumaine, qui a perdu ciiez ces individus ses plus
nobles altributs, etqui, alfaiblie totalement sur certains points, prd-
sente encore sur certains aulresson ddveloppement li peuprds nor¬
mal. Avec cette conception gdndrale de cet dtat tnaladif, on cora-
prend trds-bien comment la loi dtablie par M. Morel peut dtre vraie
sympiomatiquement et patliogdniquement, et comment les folics
raisonnantes et les divers degres de TimbdcilUtd et de I’idiolisme se
trouvenl lids de la manidre la plus inlime dans la chalne des trans¬
missions hdrddilaires. Ces dials psychiques, en effet, qui, dans la
classification acluelle, sont placds aux deux extrdmitds opposdes de
I’dchelle patliologique, les uns les plus voisins de la raison et les
autres les plus rapprochds de la nullitd intellectuclle, se touchent,
au contraire, de la faqon la plus dvidente, lorsque Ton se place au
point de vue deleur nature inlime etdeleurorigine;ilsreprdsenlent
I’un et I’autredes vices d’organisation premiferc, des iacunes ou des
absences de facultds normales, pluiot que des perversions de facultds
existantes.
Mais I’auleur ne se borne pas a dnonccr cette vue d’ensemble sur
la nature intime de I’dlat patliologique appeld manie raisonnante ;
ii pousse plus loin I’analyse de cette idde gdndrale, et Ton peut dire
que tout son mdmoiren’en est que le ddveloppement et laddmons-*
tralion.
486 SOClETfi MEDICO-PSYCHOLOGIQnE.
Pour prdciser davantage cede donn^e pi emifere, il commence par
tracer un tableau psychologique de la constitution normale de
I'horame; il s’etforce ensuite de rattacher a ce tableau physiolo-
gique les d^fectuosit^s ou lacunes de facultfe que I’on constate cliez
les fous raisonnaiits. Gomme la plupart des psychologues, il divise
la constitution psychique de I’horame en trois grandes categories de
facidtes : les facultes intellectuelles, les facultes morales et la vo-
lonte. Cette dernifere, dit-il, est indivise, mais les deux autres se sub-
divisenten plusieurs facuites secondaires : i’inteliigence eii me-
moire, imagination, association des idees, raisonnement, jugcment
ct facultes reflectives ; les facultds morales en sentiments ou passions
et en penchants ou instincts, eic. Or, scion lui, ee qui manque lo-
talement chez les alidnes raisonnants, cene sont pas les faculies iiitel-
lectuelles(^ I’exception desfacultessuperieuresde riillexion) ; ce ne
sont pas non plus les penchants et les instincts qui sont cliez eux a
peu prfesi I’dtat normal ;ce sont les facultds morales siip^rieures ou
sentiments lilev^s. Ces malades n’ont que de I’dgofsine et un orgneil
demesurd ; ils manquent totalement de vdndration, du sentiment du
juste et de rinjusle,,de bienveillance, en un mot de tous les pou-
voirs supdrieurs qui rendent Thomme sociable, utile ou agrdable ft
ses semblables. De Ift vient qu’ils sont incapables de vivre en socidtd,
et qu’ils mettent le trouble, la guerre et le ddsordre partout oh ils se
trouvent, C’est, en uu mot, une maladie du caractfere, tenant ft I’ab-
sence de plusieurs des facultds essentielles de I’espftce bumaine, de
celles qui dlbvent I’homme au-dessus des animaux. Ce sont des hires
incomplets et infhrieurs privhs. des pouvoirs les plus uoliles et les
plus hleves de I’humanith.
Telle est I’idhe genhrale que i’auteur de ce mhmoire s’est faite
de la constitution mentale des aiihnhs raisonnants. Uecette pensiSe
dhrivent tons les details de sa description et autour d’elle se con-
cenlreni loutes ses reflexions. Aussi ce rndnioire forme-t-il un tout
homogfene et parfaiternent harmonique, oh toutes les idhes secou-
daires et accessoires convergent vers un centre et un but communs.
Ce memoire a done abordh la question de la I'olie raisonnante par
un edit? tout nouveau. U mhrite d’attirer notre attention par son
originality, et 11 nous semble de nature a provoquer de nouvciles
recherches dans un .sens difiyrent de celles de nqs devanciers. Ce
point de vue ghnyral est celui auquel s’est dhjft placd notre hono¬
rable confrhre M. le docteur Morel ; mais i’anteur du mymoire que
nous analysons I’a dh-velopph dune manihre qui lui est tout ft fait
personnelle. Au lieu d’^tendre dymesuryment la sphhre des etats
mhritant le nom de folie raisonnante et del’absorber,comme I’a fait
M. 4. FAIiBET. RAPPORT,
M. Morel, dans la classe si vaste des folies hdrdditaires, 11 s’est,
an contraire, atiachg & en rdtrddf le cercle autant que possible
et a n’y comprendre que des fails de ni6rae nature el presque iden-
tiques les uns aveq les autres. II esi arrivd a conclure que la manie
raisonnante ainsi comprise (c’est-a-dire dabarrassde de tous les fails
de divers ordres quiont did a tort confondus avec elle),dtait bjen
rdellement uneespfece pathologiquea part, mdriiant une place spd-
ciale dans le cadre nosologique. II a clierchd, avec une vdritable
habiletd, a justifier celte proposition, en ddcrivant avec soip les
symptdmes inteliecluels et moraux, les sympibmes physiques, la
marche.ranaioinie paihologique, le pronoslic et le traitement de
celte forme de inaladie rnentale ainsi ddlimitde. 11 en a dtabli avec
un soln scrupuleux le diagnostic diffdrentiel, et il s’est efforcd de
prouver, par I’diimination de tous les dials psychiques qul ne
doivent pas Ini apparicnir, que cetle espdce nosologique, telip qii’il
I’a conque, n’est ni trop restreinle ni trop dtendite , et ne contient rdel¬
lement que des fails du mdme ordre et de mdme nature. Sur ce
point pariiculier, nous ne pouvons dire d’accord avec I’auteur du
mdmoire.
Selon nous, la folje on la manie raisonnante ne reprdsente pas
unp forme vraiment naturplle de maladie ipenlale. Elle p’est
qu’un dtat symptomaiique que I’on peut rencontrer dans des formes
et daps des pdriodes tres-diffdrentes. Mais nous nous faisons
un vdritable plaisir de recpnnallre que I’auteur du mdipoire que
nous analysons a eu parfaileraent raison d’en restreindre le cadre
au lieu de rdteodre ddmesurdment comme ses preddcessevirs ; son
diagnostic dilldrentiel par dlimination est fait ayec beaucoup d’art
et de vdritd, et coptribuera puissamment it ddbarrasser rdtpde de ppt
dial de tous les dldments dtrangers qp) y ont did successive men t
introduits deppis I’dpoque de Pinel.
Un point nous paralt sunout attaqgable dans cede ddlimiialion
des ca.sde manic raisonnante ; c’est le suivant • raulcur adinet qup
chezles alidnds raisonnantslesfacultds ep ddfautsopt lesseoiimenls
nobles eltdlevds, mais que leurs penchants, en gdodral, ne sopt pas
plus ddvcloppds que cln z I’homnie it I’dtat normal. Or, cette dis¬
tinction touie psycliologique nous paralt plus thdorique que
praiiqpe. L’antPur a le Spin d’ajouter, il est vrai, que dans quelques-
Upes pie ses observations, il a consiatd le ddveloppement exagdrd du
ppipthant pour les bpissonset du penchant sexuei.et il va mdmejus-
qu’a faire reposer sur ce ddveloppement secondaire des penchants
une yarldtd de la manie raisonnante. Eh bien, robservation clinique
montre, selon pous, que ce qu’il regarde comme un fait secondaire,
^88 SOCI&rfi MfiDlCO-PSYCHOlOGIQUli.
accessoire et assez rare, cst, an contraire, Wqurnt chez les ali^n^s
raisonnanls de nos asiles, ainsi qiie chez ceiix qiii sont laissfe en
libertd clans la socidtd. Le ddveloppement exagfirfi de certains pen¬
chants coincide sonvent, chez ces ali^n^s raisonnanls, avec la nullity
on Ic faible cldveloppement des sentiments supgrieurs; ce fait doit
done figiirer comme filtSment principal dans la caracitiristiqiie de
la folie raisonnantei an inSme litre que le ddveloppement exagtire
de I’amour-propre et de I’dgoistne, sur lesqiiels noire auteur fait
surtout reposer la definition de celle malaclie.
Les memos reflexions peuvent s'appliqiier, selon nous, a ce que
dit I’auteur sur I’etat de I'intelligence chez les alienes raisonnanls.
Ainsi que la plupart des auteurs qui ont iraite, avant lui de la folie
raisonnanie, il regarde la lesion des facultes intclleclueiies comme
rare et pen importante dans cette forme de maladie mentale ; pour-
tan t il avoue que ces alienes pfeclicnt presque lous par I’ahsence
des facultes refleclives (ce qui est deja une lesion par defaut des
facultes intclleclueiies) ; de plus, il ajoute que, chez certains de ces
malades, I’intelligence est, dans son ensemble, frappee d’une ciebi-
lite manifeste, et que ces eiats se rapprochent ainsi par ce cOte de
celui des faibles d’esprit on de certains imbeciles a divers degres.
Pourfaire une analyse psychologique complbiedela situation mentale
des alienes atteinls de manie ralsonnante, ii faut done faire porter
son observation a la foissur les trois parties principales de I’Ame hu-
niaine, sur la faiblesse des sentiments moraux, sur I’exageration
maladive de certains penchants, et sur I’affaiblissement plus ou
moins marque de I’intelligence, laquelle, malgi-e quelques aptitudes
remarquables partielles, doit fitre consideree comme tres-souvent
alteinte d’un degre notable de debilite, lorsqu’on I’envisage dans son
ensemble. Il faut, en un mot, examiner la totalite de I’etat mental
du malade, sous le triple aspect de sa vie intellectuelle, morale el
instinctive, et baser les espbees morbides sur I’enserable de ces le¬
sions et non sur la Idsion exclusivede I’uneohdel’aiitre de ces forces
primitives de I’Ame humaine. L’auteur du mdmoire, en donnant de
la manie ralsonnante une ddflnition trop restreinte et trdp rigou-
reusementlimitde, a done trop recherchd la rigueur et la precision
dans un sujet qui ne les comporle pas a ce degrd.
Ii a fait un travail systenialique. des divisions thdoriques et de
cabinet, plutdt que des distinctions cliniqnes idsullanl directemenl
de I’dlude mfime des malades. S’il avail observd un plus grand
nombre d’alidnes raisonnanls, au lieu des quinze observations qiii
servent de base a son mOmoire, il ne se seraii pas sans dome arrfitd
a ces divisions et i ces limitations exclusivcment psychologiques. II
M. J. PALREV. — UAPPOHT. /jSg
atu’ait compi'is que I’exageraiioii de quelques penchants et un cer¬
tain degrg d’afTaiblissenient de I’inlelligence, doivent figurer, A tiire
d’dlfiments, pent Atre snbordonn^s inais non tout A fait acces-
soires, dans la dAflnilion de cet dtat pathologique, et que, par conse¬
quent, au lieu d’en limiter le cerde anssi rigoureusement qu’il I’a
fait, il serait plus cliniqtie et plus pratique de rdtendredavanlage, en
y compreiiant egalement quelques faits qn’il en a exclus pour les
classer dans la monoinanie instinctive on dans les divers de-
grds de I’imbecilliie, A cause de I’aflaiblissement de I’intelligence.
Ainsi done, meme en se placant au point de vue de rauteur, et en
admettant avec lui I’existence d’une forme speciale, miiritant d’etre
conservee dans la science sous le nom de, manie raisonnante, il
conviendrait, selon nous, d’en agrandir le cercle plus qu’il ne I’a
fait, en tenant comptede deux elements symplomati(|ucs frequents,
qu’il a trop negliges : le developpement maladif de quelques pen¬
chants, et mi degre plus ou moins prononce dedebilite de I’intelli-
gence envisagde dans son ensemble.
Les m6mes reflexions critiques doivent s’appliquer, selon nous, A
un autre element du diagnostic differentiel de I’auteur ; nous vou-
lons parler de I’observaiion trfes-exacte et pleine de nouveante, qu’il
a faite de quelques alienes, caracterises par lui du nom d'alienes ra-
bougris, et qu’il rapprochedesmaniaquesraisonnanis, tout en cher-
ehant A les distinguer par des caractfcres differentiels. Cette obser¬
vation n’est, selon nous, que la consequence naturelle de I’idee
premiAre de I’auteur, qtii I’a porte A en-visager, avec iVI. Morel, la
manie raisonnante comme une degenerescence de I’espAce et
non comme une maladie menlale propremen t dite. Dans les cas
qu’il conserve dans le cadre de sa manie raisonnante, if ne
conslate qu’une diminulion habituelle dans le volume de la tfite,
et il ne note pas beaucoup de signes de deviations physiques du
type habituel de I’hnmanitd; mais il ajoute qu’il esi, dans les
asiles d’aliends, d’autres individus qui joignent A la degdndrescence
morale et intellectuellc dcs maniaques raisonnants une ddgdneres-
cence physique, don t la taille estdiminude, qui, en un mot, sont
rabougrisel presentent. mAme quelquefois une disposition plus ou
moins prononcee A la sidrilitd. Or, apres avoir mentionnd cette
observation si juste et si vraie, et apres avoir signald les analogies
norabreuses qid existent, au point de vue moral et intellectuel,
entreces individus ctlrsmaniaques raisonnants, ilconclutndanmoiiis
qu’ils doivent fiire considdrds comme appartenant A deux categories
difl’drenies, et il recherche entre eux les elements d’un diagnostic
difl’ereniiel.
490 SOCI^Tfi MfiDICO-PSYCHOtOSIQUE.
Je veux bieo adraettre qu’ils peuvent constituer deux varWtds
dans I’espfece, mais non un type loiit a fait distinct. II est beaucoup
plus i-ationnel de ne voir entre eux qiie des difKrences de dcgi ds. et
d’dtablir comine une dchelle descendante, depuis les fous raison-
nants intelligenlSj jusqii’aux simples d’esprit et aux imbdciles con-
servant encore quelques facnllds intelleclnelles brillanteSj au milieu
d’une intelligence atl'aiblie dans son ensemble.
Un autre reproche que nous devons encore ailres.ser au diagnostic
diii'drentiel dtabli dansle mdmoire dont nous parlonsi c’est de ne pas
avoir posd une distinction assez tranciide entre i’dtat normal el
I’dlat maladif. Notre auteur a cldcrii la folie raisonnante comme une
dltdration dii caractdre, sans insister sur les traits vraiment patlio-
logique.s qui peuvent permeitre au mddecin expdrimenld de la dis
llnguerd’un caractfere normal. 11 a parld de I’dgoisme etde I’orguell
des maniaques raisonnants, comme il aurait parldde ceux de certains
hommes qui ne sont nullement regarclds comme des alidnds. Or, la
ddlimitation entre I’dlat normal et I’dtat maladif est la vdritable
diiticultd pratique que prdsente lii question de la folie raisonnante,
par consequent, le point sur lequel devrait surtout insister tout au¬
teur ayanl pour but de faire progresser I’dtude de ce sujet si difficile
Ndanmoins, malgre ces observations critiques que nous avons cru
devoir adresser h I’auteur de ce mdrnoire et qui nous ont paru im-
portantes, parce qu’elles portent sur les principes et non sur quelques
points secondaires, nous sommes henreux de pouvoir le fdliciter,
pour le soin et la persdvdrance avec lesquels ont dtd accomplies ses
recherclies, et pour les vues originales et nouvelles qu’il a exposdes
dans ce travail. Alors mSme qu’elles seraient irtexactesou exagdrees
sous certains 'rapports, elies pre.sentent neamnoins beaucoup de
verite; elles peuvent coiitribuer h faire reflilchir ceux qui vien-
dront aprfes lui,et elies serviront certainemeiit ii operer un pro-
gresdans I’etude si difficile de la folie raisonnante. Nous aurions,
sans doute, it signaler dans ce mdmoire des laCunes ii combler
el des complements que I’auteur poiirrait y ajoiiter; mais les
efforts qu’il a dejii deployes nous sont un sffr garant qu’il en fera
encore de nouveauxpour ameiiorer son travail, avant dele livrer k
la publicite. Nous sommes convaincus surtout qu’il tirera un grand
parti des documents nouveaux qui i-esulteront pour fetude de cette
question si compliqude de la discussion actuelleraent pendante dans
notre Societe.
Nouspensone done, messieurs^ que cememoire, sagement pense,
convenablement ecrit et dont loutes les parties sont harmonique-
ment coordonnees, constitue une bonne etude sur la manie raison-
M. 4. FAJLBET. — RAPPORT.
491
nante. Les observations qu’il conlient sont tres-inl6ressantes et
deviendront des documents utiles 4 consulter pour tous ccux qui
seroot appel^s 4 juger cliniquement, ou au point de vue mddico-
legal, ces cas si embarrassants ; enlin, ce m^moire a le mdrile
rare de contenir des vues neuves et originales bien exposdes et
appuyfies de preuves s4rieuses et solides. A tous ces points de vue,
messieurs, il nous paralt digne d’etre recompense, et nous venons
vous proposer de lui accorder le prix Andre, que la Societe inedico-
psycliologique est chargee de decerner.
M. Delasiauve. Toulen m’associant aux conclusions du rapport,
je desire faire des reserves siir les bases meines du indmoire que
Ton nous propose de couronner, et dans lequel la manie raison-
nante est consideree comme uiie raaladie du caract4re.
M. Jules Falret. J’ai fait raoi-meme, dans mon rappori, des id-
serves sur ceite doctrine et sur d’autres parties du travail dont je
rendais compte. 11 est bien entendu qu’tin indmoire pent fitfe cou-
ronnd par une Societd, sans (jue celle-ci pariage touies les opinions
qui y sont dmises.
Les conclusions du rapport sont adoptdes et le rapporteur fait
connaitre le noiii de I’auteurdu mdmoire couronnd.
En consequence, leprix Andrd, delOOO francs, est ddeernd 4M. le
docteur Campagne, mddecin en chef de I’asile public d’alidnds de
Montdevergues, prfes d’ Avignon.
L’ordre du jour appelle la discussion sur le projet d’une rdunion
internationale de mddecins alidnistes et de psycliologues, a Paris, en
1867, et sur le rapport lu sur cetle question, par M. Foville, dans la
seance du 24 ddeembre dernier.
Les dilfdrentes resolutions proposdes 4 la fin de ce rapport sont
successivement rnises aux voix et adoptdes avec quelques modifica¬
tions jieu imporlantesi (Voyez le procds-verbal de la sdance du 24 dd¬
eembre, oil elles soni rapporldes avec les modifications votdes par
la Socidtd.)
Sont designds comme inembres de la commission ad hoc, chargde
d’aider au besoin le bureau, pour statuer sur les demandes d’ad-
mission, MM. Baillarger, Brierre de Boismont, Jules Falret, Lunier
et Louis Peisse.
La sdance est levde 4 six heures.
KEVUE DES JOURNAUX DE MEDEGINE.
JOURNAUX FRANQAIS.
Anniilcs d’h^gicnc pnbltquc ct dc nicdccinc legale.
TOME XXVI.
De V extinction de la pellagre, h propos da dernier ouvrage
de M. Th. Roussel, par M. Vernois.
II est uiie branche de I’hygi^ne que M. Vernois appellerait voloii-
liers hygiene Internationale , donl beaucoup d’eMemenls existent
dpars, mais qui n’ont pas encore ele rduiiiscn corps complet de
doctrine : « C’est 5 tin chapiire de ce grand et nouveau traitii d’hy-
n gifene qu’appariiendrait, dit-il, Particle que je viens d’dcrire stir
» I’extinction de la pellagre. »
Aprfes une esquisse rapide de cette maladie singulidre et bizarre
entre toutes, M. Vernois dtablit qu’il y a peu d’anndes encore, elle
diait ii peu pres inconnue en France ; il fait Pbistoriqiie de ses pro-
gr6s et indique ses liiiiites actuelles.
De ce que la pellagre ne .se rencontre pas partout, de ce que les
barrltrcs qui renferment ne sont pas infranchissables, il conclut
qu’elle ddpend de causes purement locales, et que ces causds peu-
vent se produire d’un moment a I’autre dans des localitds oii elles
n’avalent pas antdrieurement existe : « Il importe done, ajonte-t-il,
» de chercher avec soin quelles elles peuvent fitre, car, dds qu’on
» les connaltra parfaitemeni, il sera peut-dtre possible de les faire
» naitre on disparaltre a volonte. »
Pour Pauteur, les points bien acquis, Men demontris, et sur les-
quols on pent se fonder pour arriver h ddcouvrir la vdritable cause
de la pellagre reelle, indiscutable, sont les suivants :
1" Cette maladie ne se montre que dans une certaine zone bien
ddlimitde du territoire.
2” Elle n’existe que la oCi Pon cultive le mais.
3” Elle ne se montre pas la oil le mais est expose natnrellement
aux ardenrs d’un soleil brfllant, ni IS oil aprfes la rdcolte on a eu
soin de lui faire subir une sorte de torrdfaction.
[\° Elle apparatt au printemps ou au commencement de Pdtd.
C’est alors que I’on voit survenir des rdcidives ou des rechutes cliez
les indivldus qui en ont dtd ddjS antdrieurement alfectds.
Du rapprochement de ces quatre propositions, il rdsulte ‘que
ftEVOE. JDES JOURNAUX DE MEDECIINE. 493
I’Usage alimentaire du mais alt6r6 doit 6tre considdre Comme la
cause de la pellagre, et que cette alteration doit 6tre susceptible d’etre
empfichee par Taction du soleil on du feu.
Or, la modification morbide que subit ici le mats est certaine : le
Sporisorium mat'dis, connu sous le nom vulgaire de verderame ou
verdet, que M. Costallat regarde comme un champignon pemciHiMm
dont Tespfece radrite doiiblement le qualificatif de perniciosum, en
est Tagent direct ; il remplit toutes les conditions exigdes, et c’est lui
qui, en dernifere analyse, doit etre considdre comme la viritable
cause de la pellagre.
Nous ne suivrons pas le savant hygieniste dans la critique, peut-
etre un peu severe, qu’il fait des travaux de Landouzy et de notre
savant collfegue M. Billod, sur ce snjet epineux : M. Vernois arbore
carrdment les couleurs de M. Th. Roussel sur Teiiologie de la pel¬
lagre, et cedes de M. Costallat sur sa prophylaxie.
I'itant admis que la pellagre est due exclusivement a Tusage du
mais d^naturd par le verdet, il suilirait, en edet, pour faire dispa-
raltre entiarement cette maladie, de s’opposer non-seulement a la
consommation des grains altards, mais a la production des crypto -
games, en iniitant les Bourguignons et les Francs-Gomtois qui les
torrdfienl au moment de la recolte.
M. Vernois rappelle que, dans ce but, M. Costallat a demandd
que des fours aerothermes soient dtablis dans les communes rava-
gdes par la pellagre, et que la torrdfactioii du mais, conseillee par
f autorite, soit d’abord executde gratuitement ; il s’etonne qu’une
idde aussi ingdnieuse,aussi logique, aussi pratique mSme, ne se soit
pasddja etdepuis longtemps rdalisde, car de sa realisation depend
I'extinction complete de la pellagre. a Cette pensde, dit Tdmincnt
» bygidniste, en terminant, me reporte naturellement aux considd-
» rations prdliminaires dont j’ai fait prdcdder cet article : la pellagre
» est unc de ces maladies que les mddecins, et parmi eux surtout,
» MM. Roussel et Costallat, auront appris h exterminer, mais qui
» ne disparaitra qu’a Tdpoque ou tous les gouvernements civilisds
I) s’entendront pour protdger et populariser les mesures propres a
I) empdeher le ddvelopperaent du verdet. »
■.’Union niedlcalc.
TOME XXIX.
1“ Observation d’aphasie ; note lue i la Socidtd mddicale des h6pi-
taux, le 10 janvier 1866, par M. Archambault, mddecln de la
Salpdtridre.
Monlfort(Thdodore),agd de soixante-cinq ans, cordonuier, ne sa-
ANNAL. MdD..psycH, 4" sdrie, t. IX. Mai 1867, 8. 32
4% REVUE DES JOURNADX DE MfiOECINE,
chant ni lire ni(fcrire, a m adraisatix Incurables, le 10 janvier 1865.
Deux uiois aprbs une pneumo-h^morrhagie, dont il se remei
(novembre 18G3), cet homme s’alite pour dcs colique.s; dans la
sbir6e, il se Ifeve « comme ivre, h^bbld et parlant peu », il se re-
couche et) dans la nuit, se reveille ayanl le bras droit paralyse i on
lui parle, maisil ne rbpond que oui et non, indiUbrenimeni, quel qne
soit le motif de I’interrogation.
Un peu plus tard, la jambe droite est paralysiie h son lour^ et la
bouche est dbvibe & gauche : i partir de ce moment, le malade
cesse de repiiter om et non, et les mots je m’en, qu’il pfononce
comme un seul mot, sont la r^ponse invariable qu’il fait a tomes
Ins questions, d’od lui vient le sobriquet de Pere je m’en.
Au mois de mai 1864, nouvelle aitaque : la paralysie qui, peu ii
peu, s’dtait am^liorbe, s’aggrave ISgferement ; I’aphasie reste la
mOme jusqu’ii la mort, qui a lieu le 2 janvier 1886.
Montfort paraissait habituelleraent trfes-libb^tb, nbanmoins, sui-
vant I’anleur, il s’est toujours montrb sensible aux menaces et aux
bonnes promesses; «il estincon testable que s’il avait oublid les mots,
il comprenait trds-bien le sens des paroles qu’il entendait ». La
langue n’diait pas paralysde ; le malade I’agitait, mais sans pouvoir
la faire sortir de la bouche ; pas de ddviaiion de la luetle.
Autopsie. — La troisihme circon volution du lobe gauche est dd-
truite commd si la substance cdrdbiale avait did enlevde avec un
emporte-pidce ; 11 y a li une excavation qui coniient aisdment le
jibude et doiit t’iiildrieuret lesbotds soiit de couleur yuune pdle.
En arridre de cette Idsion, existaient quelques circonvoluiions
llllactes, mais en arridre encore de cellds-ci, loutes les circonvolu-
lionsqul constituent la masse postdro-laidrale de rhdmisphdre sont
ddtruites; les membranes d’enveloppe du cervean contiennent un
liquide aqueux jaundtre ; I’ensemble prdsente une coloration jati-
natre pins fonoie que celle de la Idsion de la troisidme circonvolu-
tion ; le ventricule paralt intact, exceptd le corps Strid qui semble
avoir dtd Inflltrd de sang.
Si, dans ce cas, I’aphasie dtait complete, « elle avaitrinconvdnieni,
suivant la remarque de M. Archambault, d’etre unie 5 une hemi-
pldgie prononcde. Ce qui pouvait m6me, pendant la vie, faire con-
clure que s’ll exislait une Idsion du point, quel qu’il soit, qui peut
lenir le langage articuld sous sa ddpendance, cette Idsion serail lide
adX altdratious qul produisent la paralysie de la sensibllifd et du
ttiouveraent a. C’est elTecliveinent ce qui a en lieu et ce qui, de
I’aveu de noire distingud confrdre, empdche I’obserVation d’etre
concluante, bien que, toutefois, elle soit bonne a enregistrer.
JOIJBNAtX FRANCAlS. UW
2“ RdfnolliSsimimt eiribrdl dnc'ien dveG embatras de let pdroki —
RamolHsssmGnt cerebral ricen't. — Caillot ancien dans I'auri-
cule gauche. — Infarctus de la pdroi du ventricule gauche du
caeur adineidant avec I’exislence d'un'caillot ancien dans I'uhe
des arUres cwonairesi Rupture de cet infarctus dans la oa-
viii du ventriGUle ef dans la caviti du peHcarde. Hirrmrrha-
gie ddns la cdvilG du pMcarde-, par M. VUlpian^ mSdeoih de ia .
Salpfitrierei
La note oCt cede observation est relaiee, a (516 lue par I’auteur a
la Sbf.itSte iiiMiciile defe hPpitaux, le 2iijarivici' 1856. Sonobjet pfin-
dpal b’esi pas d’atlirer I'atientibn sbr I’apliilsie, til rneme AUr les
bisions c6r6brales graves qu’clle constate; cbpendaiit, rapproCh6e
du travail de M. Archambaultj elle nous semble encore presenter
un certain inl6ret special. JSous signalerons, eii ell'et, parmi les
lesions anciennes, causes probables de I’embarras de la parole, un .
vasle raniollissement de la seconde et de la troisibme clrcon volution
frontale du edte gauche, et, parmi les lesions recentes, un raniol-
lisseraent de la troisieme circonvolntion du cote droit et de la partie
voisinedes circonvolutions de I’insula.
TOME XXX.
1“ Traitement curatif de I’epiiepsie; bote de M. iedbtleur Siby,
signalant « un employe d’un Sge mdr, epileptlque, expose, par
son. travail, aux emanations journaii6res d'une usine it gaz de
province, comme se disant gueri de son mal depuis plusietirs
annees, grace a ceite circonstance fortulte » . Pas de renseigne-
meuts.
2° PafapUgib ndvtomdtique ; observaiidn recueillie a I’bdpital de
Middlesex et presentee 8 la uejal itiedi arid chiK Soaiety of
London, le 23 jahvie^ratUiiie pat le dottetif P. d.
C’est I'histoire d’Un malade, age de sbixanle-cinq ans, (rune
excelletite sahte jusqu’a trente-bnit, qui, pendant trois^mfiees toti-
sefcutives, epi’ouva one difiiinulion gcaditelle de ses fordesj puls Uiie
abolition progressive dU inoltveirient datis les m6rnbreSMn1’erietirs, se
rerminant par tine parapl6gie cbrtipiete avec deviation de la colonne
vertebraie et la morti
En Ouvrabt le canal rachidlen, bn trolivti titi tioiribte considet^
table de tuiiienrs sut le trajet des herfs qUl se detacbeilt de la
moelle ;a la region cervicale,les plus grosses atteignaient le volume
496 REVUE DES JOURNAUX JjE MfiOEClNE.
d’une noix, comprimant la moelle atrophWe et ramollie en ce point ;
ailleurs les ndvromes naissant sur les racines des nerfs, prgsentaient
I’aspect d’un veritable chapelet.
Une tumeui- observde pendant la vie, au-dessous du ligament de
Poupart, n’dtait autre qu’un ndvrome du nerf crurarrenfermd dans
une capsuie flbreuse ; il prdsentait, h la coupe, I’aspect d’une tu-
meur fibreuse, creusde de kystes de volume variable; le plus gros
dtait rempli de caillots sanguins a peine organises, le second ’ d’une
substance gfilatinetise, et les autres, plus petits, de s^rositd claire.
3" Note sur la sclerose en plaque de la moelle ipiniere, lue A la
Socidtd mddicale des hdpitaux, le 9 mai 1866, par M. Vulpian,
mddecin de la Salp6trifere.
Nous avons rendu compte (novembre 1866) d’un fait de sclerose
des cordons latiraux de la moelle epiniere, publid par M. Charcot ;
« mats la scldrose, dit M. Vulpian, pent encore se presenter a I’ob-
servateur, sous une autre forme anatomique : celie des plaques plus
ou moins dtendues. TantOt il n’y a qu’une seule plaque de scldrose,
d’ordlnaire il y en a plusieurs qui n’affectent aucuii ordre recon-
nalssable dans lour distribution. Ces plaques portent lei sur des
faisceaux lat^raux ; la, sur les faisceaux antdrieurs ; dans un autre
point, sur les faisceaux postdrieurs : elles ne sont pas, d’ailleurs,
arrdtdes dans leur extension transversale par les limites des fais¬
ceaux de la moelle, et elles peuvenl envahir A la fois unepartieou
la totalitd d’un des faisceaux antdro-latdraux et I’un des faisceaux
postdrleurs, totalement ou partiellementaussi; elles peuvent mfime
franchir les sillons mddians antdrieur ou posldrieur. Elles peuvent
se former dans toutes les rdgions de la moelle dpinidre ; dans cer¬
tains cas, on trouve mSme de ces plaques de scldrose au niveau du
bulbe rachidien, de la protubdrance anniilaire, des pddoncules cd-
rdbraux ou cdrdbelleux, et, enfln, 11 peut s’en produire jusque dans
la masse blanche centrale des hdmispheres edrdbraux. Elles ont des
dimensions extrdraement variables, soit dans le sens transversal, soit
dans le sens longitudinal, tantdt n’ayant que quelques millimdtres
de diamfetre, tant6t plusieurs centinidires de longueur, et s’dten-
dant parfois aussi en largeur, dans une rdgion plus ou moins
limitde, A une grande partie de la circonfdrence de la moelle. De
mfime, la scldrose formant ces plaques peut dtre plus ou moins
profonde ; le plus souvent, elle occupe I’dpaisseur lout entidre du
faisceau alteint, et ce n’est que prfes des points oft la plaque cesse
d’exister que la Idsion ne ddpasse pas la coitche superficielle du
faisceau.
JOORNAUX FKAWgAIS. 497
» Rien n’est plus frappant que cetle alteration. Dfes qu’on a mis la
moeile dpinifere a nu, on aperQoit sur des points varies de sa sur¬
face des taclies d’un gris jaunStre, d’aspect parfois a demi transpa¬
rent, et, dans ces points, le tissu est parfois un peu plus saillant que
les parties voisines de la moeile ; le plus souvent, au contraire, il y
a un affaissemenl plus ou moins marque dii tissu. Les coupes trans-
versales de la moeile a I’etat frals, lorsqu’elles sent faites au niveau
de ces plaques, permettent de reconnailre immedialement que
ralteration indiquee par ces taches s’etend, comrae je le disais tout a
riieure, a une grande partle ou a la lotalite de I’epaisseur des fais-
ceaux atteints. L’examen microscopique, apres durclssement dans
la solution aqueuse d’acide chromique, confirme ces premiferes don-
nees et met a mfime de juger du degrd de I’alteration, en montrant
si toules les fibres nerveuses, ou la plupart des fibres nerveuses,
sont detruites dans ces plaques. Enfin.'presque toujours, les racines
de nerfs qul naissent au niveau de ces plaques sont tout a fait
intactes, et la substance grise a conservd, a ce m6me niveau, tons
les caractares del’dtat normal.
)) Les modifications des parties altar^es paraissent fitre constam-
ment les m6mes, avec quelques diffdrences toulefois dependant,
surlout de rage et de la Idsion. 11 y a une hypertrophie plus ou
moins considerable du tissu conjonctif siiud enire les fibres ner¬
veuses, et celles-ci paraissent avoie dtd comme dtouifees a ce niveau.
Les parois des vaisseaux de ces regions sont quelquefois chargees de
granulations graisseuses plus ou moins norabreuses, et I’on trouve
souvent dans ces m6mes points des corpuscules amyloldes en
nombre trfes-variable. »
Tels sont, en quelques mots, les caractferes anatomiques de ces
lesions de la moeile epinifere, tels qu’ils resultent des trois belles
observations sur lesquelles s’appuie cet excellent travail, et dont la
premiere, surtout, est un type de ce genre de sclerose.
4° Observation d’eclampsie apres le travail, accotnpagnee d’une
singuliere perte de memoire, par M. le docteur Riedel {Mo-
natsschr. fUr Geb. Eunde;juin 1865, trad, du docteur Gustave
Lauth).
Ce fait presente un double interSt, ditM. le docteur Riedel : t“ un
interfit pathologique, ou pathogenetique, en ce que, selon toute appa-
rence, redampsie fut lei due 5 Teffet d’une impression psychique
intense sur I’activite cerdbrale, ou au moins trouva dans cette im¬
pression une cause occasionnelle; 2” un inieret psychologique, en
ce que ce fait prouve que rimpression violente de la peur, de I’an-
BEVUE ]}E^ JPUPNAUK Dp JlPDECINE.
gQjsse, ddjM>'^ntq!j>Qne fQpmB d^tei’mini^e de iroqble c^idbral se
soil ddclarde, peut iroiiblorla coiinaisaaiice d’une femme en iravail
a un point tel que, pips lard, glle ne se souvient plus de lout cequi
a pccompagud ja mai'fitie de spn accDUpbement,
TOME XXXI,
1“ Du diagnoslio des parahjsies symptomatiques el des paralysies
essentielles de la sixieme paire au moyen do I'ophthalmoscope,
par M. Boucltiit.
2° Hemata-myilie, hemiplegio, gpirison; qbservaiion liie a la
Society pifidiPalP dd 1’a‘Tppdisseinent dp Qappat (Albur), le
4 avril l^OQ, pgr !p doctpur Trappnpfd,
TOMB XXXll,
Opiiiiuii de M. Brlerre de Boisraonl sur le surnaturel spiritualiste
et religieux.
Dans mip leiirp, datee de Siunte'^Adrpsse, le sayaiU alidnistu ^crit
au riidacteiir en chef de I'Unionmedipqle, qao I’tiglise Notre-Paine
des FlotSi (1 70 ip&fi'ps ao-dessus dq niveau de la mec, attjre pbaqup
jour un concours de visileurs dporme, dont I’immense majoritii s,c
compose de eiQjanis qni prieot avec uu pi'QfPiid repiieilletnent,
« Que vienuent cbereber ces pfelerips? Ge qu’ils ont cberche dc
» lous les temps, des consolations que nidlp phi|flsppbie hupiainp
P ne pourrait leqr dqnner. Un raispnnement maihdmatique salisfera
» un logicien; la croyance en Dieu et en un au|rp pipnde popi'ra
» seule faire supppiTer a la m^re, qui ne cpppalt pas Ips naepeuses,
» la perte de sou enfant, ]bes feipraes dppt Ip coenr est ppred dp mille
n dpuleursge riifugieront toujqurs dans la prifere, Lp surn,aUirfil.npn
» pas celniqui subit les i|i|lqencp.s du cbarlalanisme, mais |e sur-
» natdrel des ames sensibles, impressionnables, des rfiveurs, des
» amants de I’id^al, des personnes religieuses, des spiriliialistes,
» qii’on a ironiquement surnpmrads les moralistes du sentiment,
» n’est pas prfes de dlsparaitre, ear H est inherent it leiir organisa-
» tion, qu’il faudrait commencer par changer, et il est en rapport
1) avec leurs aspirations actueUes, Dans les gramjes catastippijes,
» inondations, tremblements de terrcj pertes, c’est vers |es cieux
» cjue se lournent les yeux des multitudes. Le philosophe crpyant
» a sa science, ce qui n’est pas la mfime chose que de croire ii la
» science des fails bien observds, pourra regarder les catastrophes
I) sans paiir, mais il aura peu de seclaicurs.
JODBNAOX FRAUgAlS. 499
» L’fipisode ile I'aurndnier de la Semillante, raconlg par M, Al¬
iy phonse Daudet, me paralt encore ce qu’il y a de plus certain en
» cette matifere; aussi ai-je la conviction que lorsque le venerable
1) eccl6siastique nionta sur le pont, revetu de ses habits aacerdo-
1) taux, et dit aux six cents hommes sur le point de mourir : « A
1) genoux! recommandez votre Sme Dieu, je vais vous donner
» I’absolution I » il ful bien mieux compris par ces malheureux et
» les consola blen plus efficacement que le savaiU qui les edt haran-
» guds, pour leur apprendre qu’ils allaient rendre i la nature les
I) mat^riaux qu’ils eii avaient regus. »
2° De I’impm-tance du delire des actes pow le diagnostic, midico-
legal de la folie raisonnante, mdmoire lu i I’Acaddmie des
sciences dans sa stance du 15 oclobre 1866, par M. Brierre de
Boismont.
Les propositions contenues dans ce travail sont tirdes de vingt-
cinq observations, et I’anteur les rdsume dans les conclusions sui-
vantes :
1" II existe une variiitd de ralidnatiou mentale dans laquelle les
malades peuvent s’exprimer avec toutes les apparenqes de la raison
et qu’on a d^signfe sous le nom de folie raisonnante.
On observe cette varidtd de I’alidnation dans les divers types,
mais plus particulierement ilans I’excitation maniaque, la mglan-
colie, la inonomanie impulsive et la folie 5 double forme ;
3“ Cette manifestation de la folie qui n’est qu’un symptOme^ pent
fitre parfois tclleraent dominante que I’accesaoira semble le. princi¬
pal ; une observation prolong^.e Quit, le plus ordinairement, par y
cons later quelques-unsdes autressymptdmes del’alidnalion mentale.
49 La folie raisonnante a pour caractferes tranches le ddlire des
actes contrastant avec les paroles sensdes et les mauvaises tendances
instinctives. L’observalion apprend que, quand I’esprit n’est plus
surexciid ou sur ses gardes, le ddsordre intellectuel peut apparaitre
dans les discours.
5° La persistence du raisonnement dans les discours des alidnds,
attribut puissant de cette faculte presqne indestructible, peut se
montrer dans les dcrils;mais lorsqu’on a ces malades longiemps
sous lesyeux, le ddlire des actes seddcble aussi dans les dcrits.
6” La connaissance de la folie raisonnante est d’autant plus utile
au point de vue de la mddecine Idgale, que ces alidnds sont, pour la
plupart, enclins a mal faire. Les ddlalions calomnieuses, anonymes,
les complots, la faussetd dans les dcrits, le mensonge sous toutes les
formes, le ddshonneur, la ruine, le suicide ; les accusations de vio-
REVDE DBS JOURNAXIX DE MfiDECINE.
500
lences corporelles, de faux, de vols, d’attentats aux mceurs ; les ho¬
micides, les procfes en detention aibitraire, les demandes en dom-
mages-int^rfits, sont les acles des fous raisonnants.
7“ Un caractfere difKrentiel important doit 6tre dtabli entre les
individus sains d’esprit et les fous raisonnants. Les premiers, lors-
qu’ils ne sont pas criminels, repoussent, en gdnfiral, les mauvuises
impulsions, on s’en repentent, quand elles les ont entrainds; les
seconds ne se croyant pas malades, ne s’en prdoccupent que trfes-
mddlocrement et presque jamais ne les trouvent rdprdhensibles.
8“ Lorsque le fou raisonnantdissimule ses conceptions ddliranles,
fait naltre le doute, ne commet pas d’acte nuisible, le seul parti ii
prendre est de le laisser en liberld, en le prdvenant qu’il est I’arbitre
de son sort.
3° Opinion de Geoffroy Saint-Hllaire sur ia phrenologie.
Cette opinion du cdlfebre naturaliste se trouve exprimde dans une
lettre qu’il a dcrite i I’dpoque de I’dlection de Magendie ; cette
lettre, adressde au docteur Dannecy, aujourd’hui agd de quatre-
vingt-huit ans, a dtd donnde par lui au docteur Lacorbidre qui I’a
publide. On y remarque les passages suivants :
« . Au mot de cerveau arrivera i I’esprit le nom de Gall : le
» cerveau, sous le rapport d’une renommde indpuisable, est a lui,
» comme I’adrostat a Montgolfier, la lune a M. de la Place, et les
» animaux fossiles a M. Cuvier....
» Je me rappellerai toujours notre dtonnement, nos sensations,
» notre enthousiasme, quand M. le docteui' Gall nous exposa, pour
» la premidre fois, au Jardin du Roi, ses fails anatoraiques. II
» arrivait de Hollande, et de Hollande dtait venu en mdme temps
i> que lui un des plus cdldbres professeurs d’anatomie de cette con-
» trde. Celui-ci avait, dans son pays, assisld aux demonstrations de
» M. Gall. En visite chez I’un de nous, il se trouva faire partie de
» notre rdunion.
» Atlendez-vous (nous dit-il aprds nous avoir pris en particulier;
» a beaucoup rabattre'de cette admiration, quand le docteur vous
» fera I’exposition de ses vingt-sept faculids ou de ses vingt-sept
» organes cdrdbraux. Mes collfegues et moi, en Hollande, avons
I) apportd autant d’altenlion que mis de bonne fol dans cette dtude,
» et nous sommes restds convaincus qu’il n’y avait vraiment que
» quatre de ces facultds, que quatre de ces organes de ddmontrds
» rigoureusement.
I) Alorsjplusieurs de nous de dire : Vous croyez vous retrancher
JOURNAUX FRANCAIS. 501
» dans une restriction, quand vous accordez tome la doctrine; car
» c’est accorder quele cerveau n’est pas un dans sa structure, qu’il
» ii’est pasun, non plus, pour les fonctions. II serait multiple ! raais
» cela seiil bien constatd, forme une ddcouverte d’une immense con-
» sdquence.
» Dans ce cas, les vingt-sept oiganes seraient posds provisoire-
» ment, c’est-S-dire donnes comme un fait probable, pour devenir
1) par la suite un siijet de reclierches, un sujet d’dtudes qui amenSt
') plus lard i savoir davantage.
» Eh bien, messieurs, c’est encore aujourd’liui une opinion &
» pen pr6s universelle que les conditions de plusleurs de ces organes
» ont dtd aperques et assignees.
» Quant a moi, je le pense ainsi. »
f>azet(e hobdoinailairo de inedecino ot do chiriirgie.
(Douxiime swic, t. Ill, 1866.)
I. De la pellagre et des pseudo-pellagres ; etiologie de la pellagre
proprement dite, par le docteur Th^oph. Roussel.
Ce travail original est, en quelque sorte, une premifere preface au
livre excellent que EAcaddmie des sciences a couronnd. L’auteur
rdsunie rapidement I’histoire du zdisme et des thdories qu'il a sus-
citdes ; il montre ensuite comment, dfes aujourd’liui, la pratique
mddicale est arrivde k des rdsultats qui fttent presque toule leur
importance aux discussions thdoriques,et n'a, pour ainsi dire, plus
rien h demander i la science en fait d’etiologie.
« La thdrapeutique et la prophylaxie ont trouvd, dit M. Th.
Roussel, dans le zdisme tel que nous I’avons ddilni, des rfegles d’une
efflcacltd et d’une infaillibilitd ddmontrdes, il leur suiDt de cette for-
mule que la pellagre a sa cause expdrimentale dans I'alimentation
avec du mais altdrd et dans des conditions de ddbilitation vitale qu>
augmentent la puissance de cette cause.
» J’ai montrd que I’un des principaux ddfauts des thdorles
existantes est de ne. tenir compte que de I’un des termes de cette
formule, c’est-i-dire, de la came extrinseque ou toxique, et j’ai
essayd de faire voir la part d’action qui revient, dans la presque
universalitd des cas, au second terme, c’est-4-dlre aux condition^
intrimeques ou vitales. » D' Berger.
5U2 REVUE UES JQURINA^VX Pti AlfiDECIINE.
Journal do inodeclno nicntalo.
L’auiiSe 1866, tome VI, contient les travaux suivaiits ;
1“ Des divci’ses formes mentales (suite) ; folies partielles instinc-
tives (n”* de janvier, fdvrier et mars) ; demenccs partielles (avril) ;
idiotie et imbficiliitfi (de mai a ddcembre); par M. ie docteur Dela-
siauve.
2° Les mfidecins el les asiles d’alidnds (janvier et Kvrier), par
M. le docteur Delasiauve.
3“ Considerations diagnostiques apr les diverses espfeces de sui¬
cide (suite el fin) (fevrier et mars) ; par M. le docteur Semelalgne.
fi° fitudes historiques sur i’alienation menlale (suite) (mars et
mai), par M. le docteur Semelalgne.
5“ Des secretions de la peau et de ses sympathies nerveuses dans
les maladies mentales (avril), par M. le docteur Berthier,
6“ Des caractferes differentiels de I’erreur patiiologique (suite)
(juillet), par M. le docteur Semelalgne.
L. L.
JOURNAUX ANGLAIS.
(Analyse par M. le docteur Et. ncillEtiiil'ii..)
Journal of Mental Science (1).
• Les numeros de I’annee 1865 renferraaient les articles origlnaux
sulvants :
1“ Sur pltisieurs inoyens de remedier 5 raugmentation aniuielle
du nombre des abends indigents, par le docteur Robertson.
2“ .Statistiques et observations sur les mille premieres femmes
insensdes admises h I’asile du comtd de Sommerset ; comparalson
des rdsullats avec un nombre dgal d’alidnds du sexe masculin ; et
line analyse des causes de la rnort dans les deux sexes, par le doc¬
teur Robert Boyd.
3° Les malades anglais dans les asiles 4 I’dtranger (suite).
(1) Voyea 4nnc(les rnddico-psychologiguea, 1865, t. 1, p. 471, et
t. II, p. 436.
JpURNAUX AMGLAIS, 503
/lo fjQtes cliniqties sur I’Uydrpp^phale phes! rfldHlle, par le docleur
Samuel Wilks.
5“ Observations cliniques stir les kystes sanguins skiifis dans la
cavpd de I’apachnoide, dans les casde paralysie g^nPrale des gli^iids,
par les docteiirs W. Ogle et Oxen,
6” Observations cliniques conceniant Tirab^cillild morale et la
folie, par le dpcieor Stanley Haynes.
7” La psychologie de I’idioUe,
8° Ndvropalbie, op thfirapeuilqiie par les nerfs yaso-motetirs ;
nouvelle mdlhode du traitement des maladies par le moyep du
systfeme nerveux, par le docleur Jphii Chapman.
9“ De la fode artificielle, principalement dans ses rapports avec
la pailiologie mentale, par le doctenr Daniel Hack Take (menipire
parfaitement iraduit par M. Jules Drouet, Annales midico-p^ycliq-
logiques, mars 1866).
10“ Suicide de E. 6. V. Townley.
11" Observations cliniques; kystes dans la cavitd do rarachnolde
ou hmmatome de la diire-mfere, ayec des remarques sur leiiv forma¬
tion, par le docteur Wilks.
1!2“ Staiislkjue de la folie dans raablissemeiit royal de Cric|iton,
comtd de Dumfries, par le docteur G, Steward,
13" Gas dc Clinique, Palhologie d’un cas de para|ysie g^ndrale,
avec 111) rapport sur I’examen microscopique du ce'ryeau fait par
M. Samuel Wilks, par le docleur Mackenzie Bacon.
Id" Remarques sur up essai recent de slatisiique comparative de
rii6pita| de Belhleem et des asiles de comlO, par le docleur Ro¬
bertson.
15° Du pronoslic dans I’aliOnation mentale, par le docteur Grie-
singer.
16" Malades jnsensds dans les workhouses de Londres, par le doc¬
teur E. Anstie.
17" Les epileptiques ; leur dtat mental. Legoii faite aux dlfeves du
cours mildico-psychologiqiie du professeur Laycock, pendant leur
visile ii I’asile du district d’liiverness, par M. Browne.
l8"Observaiion.sclinique,s. Le bromurede potassium, de cadmium,
eld’ammoiiiitm dansle traitement de la lolie, par le docteur B. Bel-
graye.
Annee 1866. — 1" trimestre.
Le iiuuidro du Mental Science, pour les mois de Janvier, fdvrier
el tnars, conlieni |es articles origiuaux dont yoici les jitres ;
1" Sur, lapesanteur specifique-des diverses parties du cerveau
humaiUy Pfit’ !e docteur Cliarlton Bastian.
504 REVUE DBS JOURNAUX DE MfiDECINE.
2° Sur quelques-unes des varUtes d’impulsion morbide el de
perversion des instincts, par le docteur Me Intosh.
3“ Mitaphysique moderne, par le docteur Maudsley.
U° Observations cliniques concernant I’usage de la digitate dans
le traitement de la manie, soil aigu'i, soit chronique, par le doc¬
teur Williams.
Le travail de M. le docteur Baslian a dtd conduit avec autantde
precision que de patience ; des recherches analogues ont d(ija dtd
entreprises sur cet important sujet, par MM. Sankey, Skae, Aitken,
Bucknill, etc. C’est i i’aide de liquides salins, tilrds avec le plus
grand soiUj que ces dtudes ont dtd entreprises, et M. Bastian indique
les perfectionnements qu’il a apportds i cette mdthode, afin de se
raettre a I’abri d’erreurs bien difficiles a dviter dans une queslionjsi
ddlicate.
li ne s’est pas contentd de ddterniiner la pesanteur spdeilique de
la substance grise et de la substance blanche du cerveau, sur des
cadavres dindividus morts avec ou sans alidnation mentale ; mats,
de plus, il a voulu voir s’il existait une dilTdrence dans la pesanteur
spdcifique de la substance grise prise sur divers points des circon-
volutions ; et il a obtenu, presque constammenL ce rdsultat curieux,
qu’une diffdrence a lieu, en ellet, suivant qu’on examine cette ma-
tidre, prise dans tel ou tel point d’un hdmisphdre, et mdme sur le
mdme point symdtrique de I’lin et de I’autre hdmisphere. N’ayant
pu pousser trfes-loin ies expdriences d cet dgard, il a surlout pris la
substance grise dans trois endroits sur chaque c6td du cerveau :
1“ la circonvolution supdrieure de la rdgion frontale ; 2“ la partie
supdrieure de la circonvolution ascendante de la rdgion paridtale;
3“ ia circonvolution occipilale supdrieure.
Personnes non aliinees. — » Parmi les faits les plus intdressants
auxquels je suis arrivd, dit M. Bastian, se trouve celui-ci : c’esl que
la substance grise des circonvolutions n’a pas partout une densitd
dgale. Sa pesanteur spdcifique est moindre sur les circonvolutions
frontales que sur celles de la rdgion paridtale, et moindre pour
celles-ci que pour celles de la rdgion occipitale. La rdsuitanie de la
diUdrence entre les circonvolutions d’un mdme c6td est plus con-
stante que celle des variations trouvdes entre les poids spdcifiques
des circonvolutions correspondantes dans les deux hdmispbdres.
Autant que les observations y autorisent jusqu’ici, les circonvolu¬
tions du c6td gauche ont paru, trfes-souvent, avoir une pesanteur
spdcifique sflpdrieure A celie du edtd drOit ; indgalitd qui semble
rdellemeut tenir S quelque dilTdrence intrinsfeque dans la structure
intime, histologique, de la substance grise de ces diverses rdgions.n
iOUBNADX AN&LAIS.
605
Le docieui’ Bastian cherche i dfi montrer que les quantiles variables
du sang infiltrant les divers lissus et I'^pancheraent du liquide sous-
arachnoidien ne troublent en rien ces r&ultats.
Voici iin tableau donnant a cet dgard I’analyse de vingt-sept cas :
RdUlONS.
DENSlTf:.
plus grande
DENSITY
plus grande
i gauche.
£gale
des
Frontale .
1
7
. 19
Paridtale .
2
12
13
Occipitale .
4
9
14
Dans un cas, touies les pesanteurs spScifiques du cdld gaucbc
I’emporlaient sur cedes du c6td droit ; dans sept, tons les nombres
dcaient respectivement et symdtriquement dgaux dans les deux cdtds ;
mais dans aucun cas, tons les nombres du c6td droit n’excddaient
ceux du c6te gauche.
En rapport avec ce fait de la supdrioritd de la pesanteur spdcifique
de la substance grise du c6td gauche, il est bon de se rappeler que
le docteur Boyd, dans ses recherches si dtendues sur le poids du
cerveau, a presque trouvd invariablement que rhdmispiifere gauche
est plus pesant que le droit d’environ un huitifeme d’once (3 a
U grammes).
Personnes alienees. — « Mes observations, dlt le docteur Bastian,
ont dte si peu riombreuses et si incomplfetes sur ce sujet, que j’ai
pen de chose ii noter a cet dgard. Dependant, autant qu’il ni’est per-
mis d’enjuger, elles me paraissent conOrmaiivesdes conclusions des
docteurs Skae et Buckiiill ; c’est-k-dire, que la pesanteur spSeilique
de la matiijre grise est plus forte cliez les insensds que chez les per¬
sonnes lucides. II sera intdressant, par la'suite, de voir quels seroni
les rdsultats d’investigatiousfaitessur le poids spdcilique de la sub¬
stance grise du cerveau des alidnds, prise dans diverses regions, et
d’aprfes un nombre de cas assez dtendu. »
Les docteurs Skae et Bucknili n’ont pas fait de distinction, sous
ce rapport, et le docteur Sankey dit qu’il a pris presque constam-
ment la substance grise dans la partie qui correspond i la bosse
occipitale. ,
Substance blanche. — La tnoyenne de la pesanteur spdcifique de
la substance blanche parait dtre sensiblement la mdme chez. les per-
506 BETDE DES JdbKlNAtJX DE MEDEOINE.
SftnHe§ pHvto dt; lehr fSisolj et thsz cellfes qiil Jouisseiii de leurs
faeultes ihtellectufelles.
Jamais la pesanteuf speciflqiie de lii siibstailfee giise tl’S eld li-bii-
vde superieiire ii celle de la siibsiance bladclie (lane le meiiie tei-
veau ; une seiile fois seuieinenl il y a eu egaliie.
La densite de la subslance blanclic defe denx hdraisplifen's ne
Sembie pas normaletiieiil dilferef.
La densite de la rodte a irois piliers, ainsi que ledoclenr Sankey
i’adejaindique, paraitgiie inferieurea celledela substance blancbd
des bemispheres ; elle varie beauconp d'un individii a uu autre ; et,-
fcontrairement a ce qui a ete dit plus baul, elle s(!rait generalemBnl
plusfaible chez les alienesqitecbez lesindividus sains d’espMl.
II n’y aurait pas de dilierence a fcet dgald pour ce qul cobcel'he
les corps slrids, et, de plus, Ids parties correspoiidaiites dc ces corps
auraient la mfinie densite a droite el a gauche.
Les couches optiqdes ddnnent lletl aux iiieuies rCmarques que les
Corps strids.
En ce qui regarde le cervelet, 8)51'6s exameil sdpare de la sub¬
stance blanche el de la giise, Il sehlble qu’il n’y a aucund difference
enire une personne joiiissant de .sa raison el un alidud. A une
exception prfes, la pesanteiil' SpdCiliqUe de la substance grise dans
les deux cOtds de cel ofgane a toujoiirs dtd trouvde dgale.
Dans le pont de VaCole ct Id.s Couches opiiques, il y a une' IdgCre
difference eh faVeur du 'cerveau de ralidne. La itioyeniie paralt
reiiiporteC Sill* la stibslartce blahChe du cervCIei et cbrre.spondre
presque exactemeni a celle des couches optiques.
Le pont de VaCble et les couChes opiiquCS but diie pesanleur
riioyenne specifique supdrieure i celle de touts atitre pariie de I’eh-
cdphale.
Arrive a ce point de son Iravail, le docteur Bastian dbhne. qilelqucs
aperijns stir les circonsiances qui peuvcnt avoir de rinfluehce Sut
la pesanteur spdcilique des diverses parties du cerveau : SjXe, age,
alldratiuns cadavdrlques, durde et natiire de I’affeciion ultime, etc. ;
siijets excessivemeht difflciles el qui ne pourraient coiUmencer a
etre un peu dclaircis qu’aprts I’examen d’un trfes -grand noinbre
d’observa lions et de donndes cdmparalives de beaucoup d’expd-
rienc.es.
Quant au rapport entre le poidsabsolu du cdrveau et la pesan¬
teur spdciBque de la subslance blartClie et de la subslance grise, il
semble qu’il n’y a aucune relation entre ces conditions ; ce qui con-
lirme les asserlionS suivanlds dU doCleiir .Sankey : « Le cerveau le
plus lourd ne prdsehte pas une denSitd supdvieure on infdrieufe k
JOUBNAtX ANGIiAIS.
507
celle d’uii autre cerveau, soil qu’il s’agisse de la substance gWsBj
soil qu’il s’agisse de la substance blanche ; il en esi de meiile pout’
le cerveau le plus 16ger. »
Je souhaite que cetie analysCj deja bien longue et poul'tant en¬
core incomplMe, puisse donner une id6e g^ngrale du remarquabie
infimoire de M. le docteur Bastian. Ceux de nOs confreres qui vou-
draient s’engager dans cel ordre d’fitudes devraient le faire d’apl'fes
les indicalions de ce laborieux et conscieilcieux investigaieur, qui,
par sa sagacity et sa precision, a perfectionn^ les mdthodes suiVics
par ses pr^d^cesseurs. 11 a rendu pleine et entifere justice, du resie, a
ceux qui I’ont precede dans ccite voie, et il a cite, entre autres, tltt
nora qui m’est clier, celui d’un savant dont I’hospitalite el ratfabilue
in’ont laisse un souvenir bien agreable, le docteur Sankey,
Les solutions de diverses densites servant a ces experienfces, soht
obtenues avec du clilorure de sodium, du sucre et mieux encore du
sulfate de niagnesie, A cause de I’aclion plus lente et plus faible de la
dissolution de ce sel sur les diverses parcelles de cerveau qn’oil y
plonge.
Le m^moire du docteur Me Intosh est digne du plus grand intd-
i-et, et au point de vue scientifique et au point de vue liltdraire. A
des observations personnclles nombreuses qu’il relate, il ajoute des
fails eiuprunies A toiiles les publications naiionhles et dlrangdres,
preuve incontestable de la varidtd de ses connaissabces et de la
sAretd avec laquelle il a traitd son sujet. II est difficile de donner un
rdsumd d’une pareille dtude, dont I’auieur ne tire pas de conclusion,
cc que le sujet ne comporte pas, en effet, 11 a snivi pour son travail
la classilicaiion du docteur Laycock, que je crois utile d’indlquer;
car toutes les formes varides d’impulsions morbldes, de perversions
des instincts, seinblent s’y ranger mdthodiquement.
La premidre forme Concerne la perversion de I’instinct nutritif :
gloulonnerie, pica ; tendance A ne manger qUe des substances ddro-
bdes, ou A manger en cacbetle • boullmie, cabnibalistlie, dipsomanie
ou oenoraanie, celle-ci divisde en aigue,pdriodique ou rdcurrente et
clironique.
La seconde forme se rapporle A \' impulsion de Vinstinet Sexuel 1
drotomanie, nymphomahie et satyriasis ; prurit sdnile ; prdcocitd Oif
impulsion sexuelle cliezles enfants; pdddrastie, bestialitd.
r,a troisidme forme est : la perversion de I’instinct domestique.
Cel instinct, dit I’auteur, pdut devenir rrialadivement pervert! ; un
pdre peut assassiner sa fenflme et son fils, tine ibdre sOh enfant. Dans
quelques animaux de pai'eils exentpies de la perversion de I’lnslirtCt
508 hfiVUE DES JOURNACX DE MEdeCINE.
ne sont pas vares; le lapin, la truie, tuent parfois et mangenl leurt
pclits. Les gufipes, qui sont si altach^es a leur proggniltire et qui
n’abandonncnt pas leurs nids, alors meme qu’ils ont mis en
pifeces, subissent un singulier changement li I’approche de I’hiver.
Aux premiferes geldes d’ociobre, rextdrieur d’lin nid de giifipes offre
le spectacle d’une horrible sc(;ne. Les vieilles giifipes font sortir
toutes les larvesdesalvdoles et les extenninent. Cette cruautd appa-
vente. ddrive cependant d’une rdelle tendresse; les vieilles gufipes,
s’apercevant que la mauvaise saison paralyse leurs efforts pour
procurer aux jeunes la nourriture qui leur est ndcessaire, prd-
ftrent donner A celles-ci une mort prompte et rapide a les voir
pdrir lentement d’iuanition. Chez rhotnme, ajoute le docteur Me
Intosh, rinfanlicide est la forme la plus frdquente de la perversion
de I’instinct domestique, et il est ddtermind souvent par les plus
dtranges motifs, quoique parfois on n’en puisse saisir aucun.
Un des fails les plus navranls de cette aherration a eu lieu, il y a
cinq ans, a Rouen. Par une nuit d’hiver, sombre et pluvieuse, un
homme dans toute la force de I’age et sa femme enceinte de six
mois, lirent se lever leurs irois enfants, dont I’aind n’avait pas
sept ans, les conduisirent au bord de la Seine, entrerent avee eux
dans une petite embarcation pour 6tre plus prfes du courant, et de
la les pr^cipitferent successivement dans le fleuve et s’y jelbrent
ensuite. Les cinq cadavres ne fiirent retrouvds que quelques jours
plus tavd, dispersds a de grandes distances. Cette ddtermination
atroce, cette dlrauge concordance de deux volontds concertant et
executant un pafeil forfait, reconnaissaient, assure-t-on,.pour cause
les crainles de la misbre prdsagde par une gdne sans cesse croissante
et I’insuccds de diverses et successives entreprises. Cet exemple qui
n’est pas malheureusement unique corrobore I’explication du doc¬
teur Me Intosh.
L’influence de la grqssesse ddlermine parfois des troubles ana¬
logues. Une femme de trente-trois ans jeta par la fenfitre son enfant
agd de douze mois. Elle dtaii enceinte et avail ddjii dtd placde dans
un asile.
Dans le Journal de midecine et de chirurgie pratiques (janvier
1868), on lit Tobservation d’une femme qui tenta de jeter son enfant
dans un four pour le cuire. Ellefutgudrie parl’emploi de lavements
additionnds d’dther sulfurique.
La quatrifeme forme concerne Vinstinct personnel : la mutilation
de soi-m6me, la panophobie, le vagabondage, ou I’impulsion 6 errer
6 I’aventure. Dans la panophobie, dit le docteur Me Intosh, les
malades se suicident parfois, ou piutOt se tuent accidentellement en
JODRNA.UX ANGLAIS.
voulant dchapper Ii I’pbjet fantastiqiie de leurs lerreurs. La presence
d’un surveillant pendant la nuit est des plus nficessaires, car c’est
souvent au rgveil que ces frayeuis se manifeslent, et alors mftme
qu’elles n’ont pas lieu dans un aulre moment.
Cinqui&me groupe. Instinct social : impulsion au meurtre, A
I’incendie; varapirisme, lycanlhropie ; cette dernifere, dit I’auteur,
est, en gdndral, un mdlange de plusieurs perversions ; drotomanie,
impulsion homicide, avec quelques-unes des formes de la perversion
de I’inslinct nulritif. II rappelle ici I’observation du sergent Ber¬
trand et plusieurs fails sembiables. La lycanlhropie, comme quel-
ques aiitres varidtds des impulsions morbides, a pu affecter la forme
Opiddmique, ce qni eut lieu, i ce qu’il parait, en 1598, dans les
rdgions st^riles et montagneuses du Jura.
Centre de pareils troubles, ledocteur Baudelocque a vantfi I’aclion
sedative du Lobelia inflata.
Sixifeme groupe. /nsifncfs srene'raucc : impulsion au larcin, aii
vol, i'l la chicanerie (tromperie, mensonge, simulation de maladies
ou d’indispositions) ; frdquenlationdes personnes du plus bas dtage ;
langage injurieux et propos inddcents.
Tel est le cadre que le docteur Me Intosh a suivi avec mdthode et
qu’il a enrichi de faits et de considerations dont nos confrferes pour-
raient tirer, au besoin,' un grand profit, s’ils avaientiirendrecompte
de ces ddsordres protfilques et varids renlrant dans la sphere des
penchants, des sentiments et des affections morales (folie morale dii
docteur Pritchard; manie raisonnante de Pinel, folie d’action de
Brierre de Boismont; folie systdmalisde du docteur Morel, pseudo-
monomanie de Delasiauve, etc.).
he iroisifeme article original est dd ii la plume du savant docteur
Maudsley, un des principaux et des plus actifs rddacteurs de ce re-
cueil. C’est une discussion sur les essais et les critiques philoso-
phiques modernes de quelques penseurs de la Grande-Bretagne,
auxquels M. Maudsley reproche surtout leur diidain ou leur igno¬
rance de la nieihode physiologique. Tout en rendant justice a leurs
talents et a leurs efforts, 11 ne trouve pas qu’ils aient fail un pas de-
puis Descartes, Locke et mfime Aristote.
Uncompte rendu plus d6lailld de cette dissertation n’aurait qu’uu
intdret secondaire pour les lecteurs des Annales midico-^psycholo-
ffiques. •
Le quatrifeme travail est un recucil d’observations tendant a dd-
AHNAL. Mio.-PSYCH. 4“ sdrie, 1. ix. Mai 1867. 9. 33
510
REVUE DES JOURNAUX DE MfiDECINE.
montrer les avantages de I’emploi de la digilale dans le iraitement
de la manie r^cente et ancienne.
Le docteur Roberison a insdrd, dans le Mental Science (janvier
1864), une s6rie de cas de manie an ddbut de la paralysie g«n^rale,
modifies avaniageusement par cette medication. Depuis, la digltale a
dte prescrite dans le service dti mfime praticien oontre les diverses
varidtes d’aUdnation mentale se traduisant par de I’excilation c6ri-
brale. G’est le rdsultat de ce nouveau groupe de fails que produit le
docteur Williams, M. Robertson ayant mis a sa disposition ses notes
el ses observations.
Je donne seulement le litre de celies-ci, le diagnostic, la forme, et
la marche en dtant parfaitement indiques. Mes coiifrfcres verront
dans quelles circonstances ils pourraient recourir 4 ce moyen, s’ils
le jugeaientopportun.
1“ Manie aigue; amelioration incomplete par la morphine et le
drap mouilie ; effet calmant de la digitale ; guerison.
2“ Manie aigu6, avec signe d’agitation et de violence imminentes ;
usage immediat de la digitale, cessation des accidents, conva¬
lescence.
3" Manie aigue, non traitee et passant 4 la chronicite ; violence
et excitation ; amelioration partielle des accidents par I’emploi du
medicament.
4° Manie aigue, rechutes successives ; promple amelioration par
la digitale, cure permanente.
5” Manie rdcente ; inutiiiie du traitement opiace ; amelioration
teraporaire; rechute malgre la digitale causant constammenl un
derangement de la santd; retour deflnitif 4 la raison sans nouveau
traitement.
6° Manie aigue avec conceptions ddlirantes, 4 forme religieuse ;
opiaces infructueux ; emploi de la digilale ; amelioration notable et
presque immediate; gudrison.
7“ Manie aigue : excitation continuelle depuis plusieurs mois ;
impuissance de I’opium et du traitement bydrotherapique ; amelio¬
ration par la digitale.
8“ Manie periodique; agitation calmee sur-le-champ par la
digilale.
9“ Manie clironique avec excitation ; cessation des accidents par
la digitale.
10“ Manie chronique avec conceptions erronees et crises fre-
quentes d’agitation ; insuccfcs de tout traitement excepte la digitale.
11“ Manie chronique, excitation periodique, avec conceptions
deilrantcs, forme : satisfaction et importance personnelles ; cessa-
JODRNADX ANGLAIS.
511
lion de I’excitalion el des conceptions erroiideS par I’empio! de la
digiiale ; on cesse le medicament, relour de tons les accidents ;
nouvel emploi du medicament suivi du inSme i-esuitat avanta-
geux.
Manie passant 4 la demence enrayee par la digitale; sort!
ir6s-ameiiore.
13“ Manie chronique caracterisee par de tres-grandes divagations,
paroxysmes periodiques d'excitation, bruyant, parfois violent ; ame¬
lioration par I’usage de la digitale.
Id" Manie chronique, avec retour d’agitation, due en parlie A
I’intemperanoe ; disparition de tome i’excilalion et de la reapparition
des crises par I’eraploi de la digitale combinee avec Topium.
15“ idiot et epileptique de naissance, gateux, destructeur,
bruyant et sans cesse en mouvement; amelioration notable par la
digitale.
16“ Manie epileptique ; ellets ires-marques de la digiiale pour
diiuinucr la violence des paroxysmes accompagnant les crises ner-
veuse.s.
17“ Manie epileptique avec violence excessive au retonr des
attaques : disparition entiftre de I’agitation par I’usage de la digi¬
tale,
18“ Manie epileptique accorapagnee d’une extreme violence carac¬
terisee par des paroxysmes avec tendance homicide ; elt'et nul du
drap mouilie; amelioration remarqiiable decet etatsous I’influence
de la digitale.
19“ Manie aiguej usage immediatde la digiiale dfis I’entree; ces¬
sation de toute agitation en vingt-quatre heures; guerlson definitive.
Ce mempire se termine par des appreciations que je ne crois pas
devoir passer sous silence.
« La digitale, dit le docteur William, n’a pas reellemenl un pou-
voir curalif dans I’aliepalion menlale, mais c’est un remarqnable
calmant de rexpitatipn, et grace a lui une maison de bruit et de tn-
multe pent etre tranformee en un milieu relalivement paisible j il pro-
cure ainsi un des desiderata les plus necessaires pour le traileraent
de la folie. Le docteur Robertson explique cette action de la digiiale
dans la pardsie et probablement dans la manie, par sa tendance « h
calmer le pools, et ainsi, selon tome apparenoe, A mleux favoriscr
I’apport du sang au cerveau ; ce qui combat la predisposition 4 une
effusion sdreuse, consequence de I’inllammation qui suit sa marchc.»
Dans la manie chronique et I’epilepsie, le calme qui suit I’administra-
lion de la digiiale, serait dfll simplement 4 la diminution de i’action
du ctBur, ce qui moddre I’afflux du sang au cerveau, d’ofi moins
512 REVUE DBS JOURNAUX DE MfiDEClNE.
de mat^riaux pour entretenir I’excllation. En effet, la digitale ne
semble cfficace que lorsque le poiils a 6td influencd.
II ne faut pas croire que les constitutions fortes et robustes
peuvent seules supporter la digitale ; les individus affaiblis par la
maladie on dpuisds par I’agitaiion la supportent le mieux, en gd-
ndral. C’est ce que I’expdrience a prouvd cbez des femmes presque
mourantes J la suite d’hdmorrbagies puerpdrales. II faut done ad-
mettre que la digitale est un stimulant de Taction du coeur, mais
que si cette action est porlde trop loin, elle se Iraduit par un spasme
tonique, dd it la stimulation excessive ; par consdquent, il faudra
donner une plus grande quantitd de digitale pour obtenir cet dlat
tonique sur un coeur alfaibli par Tdpuisement. Le docteur Lister.a
constatd que si Ton irrite ie nerf pneumogastriqiie cbez un sujet
dont la constitution est faible, il faudra une stimulation galvanique
plus Intense que cbez un sujet .plus robuste pour activer Taction du
coeur et ensuile Taffaiblir.
Le docteur Robertson a admlnistrd la teinture de digitale h dcs
doses dlevdes, un demi-gros S un gros, irois ou quatre fois par jour
(ce qui dquivaut 4 1, a 2 grammes, trois ou quatre fois par jour, la
teinture anglaise dtant moitid moins chargde, environ, que la tein¬
ture franQaise). Le malade pent paraitre plus excitd pendant les pre-
miferes heures, mais, en persdvdrant, on voit bientOt Texcitation
baisser et le pouls devenir intermittent. Cette intermittence ne se
manifeste souvent qu’une fois par six battemenis; d’autrefois, elle
est plus frdquente. D6s qu’elle .survient, il faut suspendre la digitale
jusqu’a ce que le coeur revienne a son rhythme normal. Cette pd-
riode varie suivant les diverses constitutions ; cbez quelques per-
sonnes, cette modification de la circulation peut durer quelques
jours ; cbez d’autres, quelques beures seulement.
Certains malades, mais en petit nombre, se trouvent mieux de
petites doses, dix gouttes (cinq pour nous), trois fois par jour, du-
rant plusieurs mois ; mais comme rfegle gdndrale, il semble conve-
nable, exceptd dans le cas d’dpilepsie, de donner la digitale pendant
la durde de Tagitation, et d’en tenir Taction en rdserve jusqu’au
moment ofi Tatlaque redevient imminente.
En ce qui regarde Tdpilepsie, la digitale semble possdder un
effet prdventif : prdvenir les attaques de violence, et diminuer la
fureur lorsqu’elle survient.
Rarement on remarque des vomissements et une tendance a la
syncope ; alors la suspension de Temploi du remdde fait prompte-
ment cesser les accidents. L’effet purgalif n’a jamais did notd dans
le service du docteur Robertson. La diurdse est frdquente, mais
JODRNAUX ANGLAIS.
513
n’csi pas toujours constante ; elle a lieu plut6t chez Ics personiies
d’une faible constitution ; ce qui confirme cette thdorie que la digi-
tale est un stimulant et non un ddprimant, et cela aussi bien ^
hautes qu’i faibles doses.
Quelquefois, quand le medicament a cessd d’agir, ou qu’il a
amend certains derangements, le docieur Robertson a prescrit avec
avantage la potion suivante :
"if, Teinture de digitale. ... 25 goultes (12 gouttes).
Morphine . 20 milligrammes.
Acide hydrocyanique. ... 5 gouttes,
Ether . 30 gouttes.
Pour une potion a prendre en deux fois.
La revue des iravaux de medecinepsychologique, confide an doc¬
ieur Alridge pour le Mental Science, trouve, dans ce savant prati-
cien, un interprfete des plus compdtcnts ; il rddige, pour cbaque tri-
mesire, une analy.se desouvrages allemands, franpals, italiens,etc. ;
il donne dgalement un aperqu des principaux dcrlts qui se publient
en anglais, et comme on ne saurait suivre un raeilleur guide, je lui '
emprunte les paragraphes suivants :
1" Cours sur V etude des maladies du systeme nerveux. — Etudes
sur les maladies du systeme nerveux. — Sur la perte du Ian-’.
gage. — Son association avec les maladies des valvules du cxur
et avec I’hemipUgie du c6le droit, par le docteur Jackson.
Dans le premier de ces dcrits, le docteur Jackson insiste avec
autantde force que de raison sur i’importance d’une mdlhodecon-
venable pour I’dtude des affections du cerveau, et ddinontre la nd-
ccssitd de combiner I’histoire psychologique et I’histoire clinique de
la maladie, si Ton veut arriver 5 son histoire rdelle et naturelle. Il
recommande particuliferement I’dtudc des changcments morbides
qui ont lieu dans les tissus. « Nous devrions tons, dit-il, dtudier les
maladies de I’oeil, si nous ddsirons connaltre celles du systftme ner¬
veux, et meme, la pathologie en gdndral. Outre Timportance de
cette connaissance, comme venant au secours de I’dtude de la psy-
chologie de la maladie (car six des neuf nerfs ci-aniens ont des rap¬
ports directs ou indirecls avec I’organe de la vision), c’est un champ
pour I’dtude des maladies des tissus... La choroTdile syphilitique et
I’inllammatioii syphilitique de la pie-mere, cette choroide du cer¬
veau, sont ipeu prdssemblables comme affections des tissus, quoique
les symptbmes physiologiques qu’elles produisent soient trds-diffd-
51U
HEVUE DKS JOliHJNAUX DE MfiDECENE.
rents, les oiganes qu’elies atiaquent et les fonctioiis qU’clles ddraii-
gent ^tanttoutdissemblables... je ne saurais trop voiis recommander
avant tout, dans les maladies du cerveau, I’^tude des maladies des
Dans ses observations sur les u troubles de la vision dans les
maladies du systfeme nerveux, » le docteur Jackson fait remarquer
que I’amaurose causde par TaUdration du systfeme nerveux central, ou
iiieme, d’un seul hfemisphere, esl invariableiiient double, ct dfecrit
les signes fournis gfenferalement par [’ophthalmoscope dans ceite va-
rifetfe d’amaurose. Conirairement fe I’opinion gfenferalemcnt aduiise
que I’oeil n’olfre pas alors d’alliiralion, il y cn a posilivement, el elle
consi.sle en une atropliie de couleiir blanche du disque oplique.
Ceci pent paraitre une felrange assertion, mais il esl positif que dans
les eas aigus de maladies cferfebrales, I’amaurose passe souvent
inapercue ; du raoins, d’aprfes son experience, le docteur Jackson
est certain que la facultfe de lire les caraciferes d’imprimerle ordi-
naires, ne soffit pas alors pour qu’on soil sdr <|u’il n’y a pas une
lesion fixe ct permanente du nerf oplique ou de la rfetine. La vue
manque parfois pferiodiqnement ou lout fe coup el entiferement, les
signes fournis par I’ophthaimoscope restanl fe peu prfes les mfemes.
« L’observalion d’un cas aigu de maiadie cferebrate doit feire consi-
dferfee comme incomirlfe.te, si les yeux n’ont pas did examines a I'aide
de rophthalmoscope. » « 6i j’eniends eitcr ou si je ils I’hisloire
d’un cas de tumeiir du cerveati od le maladc est devenii hdbetd,
inattentif et, pl-ohabiement, vers la iln, comateux, fattache peu
d’iniportance fe la nou-attdrailon de la vue du malade, si i’instromeni
n’a pas did mis en usage... » « Nous irouvons des signes d’tine
grande valeur dans I’oeil avant que le malade se plaigne de sa
vue... jj « Assurdment, je ne prdlends pas qu’un obscmcissemwu
de la vision, accompagnd de cdplialalgie, esl une chose sdriense, mais
je disqu’il est loujours indispensable d’examiner avec le plus grand
soin ceite sdrie de symptbraes, snrioat.si la doulenr est iulcnse, et
priucipalement si elle coincide avec des vomissements pressantsel
sans cause apprdciable.,. » ,« Enfin, d’nprfes ces irois graves sym-
pibmes : cdplialalgie, vomissement, amaurose, nous ne pouvons
dtablir, du moins avec quelque exactitude, le sidge de raJJ'cclipn
qui les ddiermine. n
A propos de la relation de la perte de la parole avec hdwipldgje
du cOtd droit, ,1c docteui- Jackson ne cite pas moins ,de irente-
qtialre cas d’iidmipldgie dans lesquelsla perte de la parole existaitii
uti degrd plus ou moins prononed i trente et une fois I’ktdmipldgie
JOUBNAUX AMGLAIS.
515
si^geail & droite ; trois fois seulement i gauche. On salt queM. Broca
pense que la perte du langage est due a I’alldration du cdt€ gauche
du cerveau seulement, et qu’il s’est ell'orc6 de localiser cette soi-
disant faculty de rarliculalion des mots dans la partie posi^rieure
de la troisifeme circonvolution frontale gauche. De son catd aussi, le
docteur Jackson avail noU que dans ptesque tons les cas de perte
du langage, 11 y avait eu hiSmipl^gie du cdl6 droit ; 11 avail beau-
coup raiiacbi sur celte singuli^re coincidence, sans se hasarder,
dit-il, it en tirer aucune lhaorie trop hStive. « Cesdeux symptames :
hamipidgie et perte du langage, peuvent bien ne pas exisler simul-
tandraent, mais ils se rencontrent frdquemment ensemble ; cela tient
simplement h ce que la partie de rhdmispbdre ou sidge la facultd
du langage, ou du langage articuld, est prds du corps strid ; de
sortc qu'il y a soulTrance commune par le seui ell'et de la conti-
guitd : la cause dtant la mdme, ou la Idsion s’dtendant de Tune des
deux parties it rautre. »
Le docteur Jackson possdde une multitude d’exemples d'hdmipld-
gie droite avec perte de la parole, et beaucoup de fails d'hdmipldgie
gauche, oft la faculid du langage dtait conservde; 11 pense done que,
jusqu’ici, les fails semblent cionner raison k la thdorie du docteur
Broca. Telle n’est pas la manidre de voir du commenlateur, M. Al-
ridge, qui ue peut admettre que le langage, dans son caraetdre intel-
lectuel, e’est-d-dire comme signe ou symboledg I’idde, puisse avoir
un sidge aussi limitd, et il ajoute plaisamment : qu’une pareille
conception ne ponvaii entrer que dans la tdte d’un FranQais.
La France et M. Broca s’en relfeveront-ils 2
2® Sur I’efflcaciU du bromure de potassium dans I’epilepsie et
certaines affections psychiques, par le docteur Williams.
Voici les conclusions du docteur Williams :
A. Le bromure de potassium jouit du pouvoir de diminuer la frd-
quence des paroxysmes dpileptiques ;
B. Cette action est limitde aux cas oh les crises nerveuses n'ont
lieu que pendant le jour ;
C. Bon eificacitd est due k son influence sddative sur Paction du
D. 11 amdiiore dgalement et de la mdme manidre la violence des
phdnomdnes d’excitation ;
E. 11 peut dtre utilisd avec avantage dans de nombreux cas de
folie, et surtout dans ceux ou le sens dmotif est atteint ;
F. II n'a pas de propridtds antiaphrodisiaques;
516 REVUE DES JOURNACX DE MEDECINE.
G. Pour beaucoup de peisonnes, on peul poilcr la dose jiisqu’ii
un demi-drachme (2 grammes) ; niais siir quelques personnes, une
quantity beaucoup plus faible produit un effet tr6s-d616t6rc;
H. Des doses de vingt li irenie grains donndes le soir 5 des ma-
lades souffrant d’une excessive irritability nerveuse, amfenent par-
fois le sommeil quandles opiacys seraient trfes-nuisibles;
7. Il produit quelquefois la superpurgation, et alors les malades
doni I’idiosyncrasie est telle, ne s’accoutument pas aisyment a son
usage.
En ce qui concerne les yplleptiques, le docteur Williams dydare
qu’il n’a pas trouvy un spycifique dans le bromure de potassium ;
mais toutefois son effet a yty tel que les quartiers off syjournent ces
malades ont paru transformys depuis que le mydlcament a yiy ad-
ministry. « Aussi, dit-il, si ce mymoire pent dydder des essais de
ce genre dans d’autres ytablissements, et que le succfes rCponde 5
celui de I’asile de Northampton, les peines que j’ai prises pour le
rydiger seront largement rycompensyes. »
3" Sur I’action du bromure de potassium sur le systeme nerveux,
par le docteur Chricliton Brown.
Le travail du docteur Chrichton Brown vient corroborer celui du
docteur Williams, sur I’action du bromure de potassium comme
sydatifdu coeur et du systfeme nerveux; de plus, le mydicanient
ytendraitson action aux fonctions sexuelles,
Le docteur Brown pense, en ce qui concerne la folic, que le bro¬
mure de potassium modfere les manifestations excessives des instincts
et appytits, et est uiie ressource pour dytruire les propensions et les
impulsions dygradyes et vicieuses, 11 a positivement constaty son
eflicacity par I’amyiioration de la myiancolie, simple, suicide, hyry-
ditaire, hypocliondriaqne, sexuelle, ymotive, etc.
U° La revue mydico-psychologique anglaise du docteur Alridge
se termine par un extrait d’un article insyry dans le journal le
Cornhill Magazine et qu’il attribue au docteur Blandford. Get
article doit exercer, ditM. Alridge, une influence favorable sur les
norabreux Iccieurs du Cornhill ; il traite des diverses formes de la
folie dans lesquelles I’homicide est le principal ou le plus fryquent
syraptffme.
Au paragraphe concernant les cas « off I’inlelligence semble ne
pas etre attcinle », I’auteur ymet les jusles et saines considyrations
que voici :
JOUBNAUX ANGLAIS.
517
« Ici seplaccnt les diverses classes de folie hdmicide; dans les-
qiielles aucune altdration, aucun trouble de I’esprit ne seinble se
rdvdler, ce qui cotisiituc une tres-sdrieuse difficultd pour les magis¬
trals, les juges el le jury. Ce sont les cas qui out occasionnd les plus
riolentes clameurs, et pour lesquels on a dit que les docteurs cn
ddmence (mad doctors) avaient produit ce qu’ils appellent la folie
morale, ou impulsive, pour servir uniquement d’exciise, de sorle
que le jugement et les ddbats n’dtaient plus qu’une plaisanterie (a
farce). Cette ddsignalion, folie morale, ne donne nullement une
vdrilable et convenable idde de ces situations mentales. Le plus
souvent, il y a affection de quelque centre nerveux reconnaissable
pour ceux qui dtudient de pareillcs aberrations et, pourtanl, ils
rdussiront difficilement a faire passer leur conviction dans I’esprit
d’lin jury. Beaucoup de ces troubles sont analogues i certaines
maladies du corps relides dgalemeni aux centres nerveux.
1" D’abord, 11 faut meniionner une forme oft la maladie physique
el la maladie mentale semblent devoir forcement se rencontrer, cl
oft Tune prend assez souvent la place de I’autre ; e’est la folie dpi-
leptique. On possdde des observations de crises de fureiir homicide
qui siiivent de prfes une attaque dpileptique. On en a notd d’antres
ou, I’dpilepsie ayant disparu, im ddsordre de I’action edrdbrale a pris
sa place ; de sorte qu’au lieu d’une crise d’dpilepsie, une crise sou-
daine de folie homicide s’est manifestde. Dans cet dtat, la volon^d,
la perception du bien et du mal et le caraetdre de I’acte sont alors
voildspour le malade.
2° Prenons un autre groupe de cas assez analogues aux prded-
dents. Souvent, chez les femmes, parfois chez les homines, nous
voyons une courte et passagdre attaque de vlolente manie, qu’on a
appelde manie hystdrique ou transitoirc. Si, ainsi que cela arrive
souvent, nn individu commet un homicide pendant I’un de ces ra-
pides paroxysmes, il serailhien difficile, auplus grand nombre, liuit
jours aprds, de le trouver assez atteint, d’aprds nn examen person¬
nel, pour lui accorder le bdndfice de I’irresponsabilitd devant un
jury. Lorsque ces paroxysmes sont lerminds, les malades ignorent
souvent ce qui est arrivd. D’un autre c6td, ils en sentent parfois
Papproche et demandent d dtre mis dans I’impossibilitd de nuire;
bien plus, ils vont mfime jusqn’d se lier pour ne pas commettre
d’acte de violence.
3° On trouve une infmitd de gens dont toute la folie est une
impulsion au meurtre ; qui I’dprouvent non par accident, mais con-
stamment, et qui s’y abandonneront dfes qu’une occasion se prdsen-
tera.C’esl un ddsir chronique de tuer. Beaucoup de personnesontdtd
518 REVUE DES JOURNAUX DE MfiDECINE.
d’opinion qu’on aurait dd pendre Macnaughien, parce qu’il y avail
ea dessein et intention ; mais ces malheureux arrangeroiit ieurs
plans pendant des semaines et des mois enlicrs. Tel, par exemple,
I’individu de I’asile de Broadmoor, ainsi que I’a rapports le Times,
qui avait cach^ son couteau sous le planctier. On grand nombre de
fonctionnaires attaches aux maisons d’aliiin^s peuvent signaler des
cas de cette nature, et ont vu des insensSsqui n’oni pas d’autre folie
el qui sont connus pour avoir fait tentative d'homidde sur tenta¬
tive, resuliat probable de I’hdrdditd, ce qui est giimiralemenl le cas
dans la classe des v^sanies en question.
4“ Diirivant de I’impr^gnation h6rddiiaire, ia foiie homicide se
irouve queiquefois chez de irfes-jeunes sujets, des enfanls de huil,
de sept ans. Ces crises de violence sont d’excellenles leQons qu’il ne
faut pas perdre de vue. Elies doivent Sire pour nous un prdcieux
enseignement, lorsque nous avons & apprdcier de sembiables dti-
rangements chez les aduites. Elies doivent nous apprendre et
apprendre aux juges qu’il nous faut regarder aux fails, et non appr6-
cier selon les id6es que nous nous formons objeclivemenl li’aprfes ce
que notre conscience nous dit fSire le bien ou le mal.
Le cahier de Mental Science se cl6l par quelques notes : — Dne
relation d’une grave dpiddmie de dysenierie dans I’asile de Cum¬
berland, causae par I’arrosage de trois acres de lerre avec des
liquides d’^gout non ddsinfect^s ; — la description de cabinets de
sudation et d’hydrotherapie it Colney-Hatch ; — une lettre de M. le
docteur Webster qui signale la tendance gdntole, qu’ii a d^jii fait
reraarquer, au d^placement des asiles vers des sites plus I'avorables
que les grands centres de population. Ses remarques sont le r^sul-
lat de nombreuses observations qu'il a faites du not'd de la«Scandi-
navie au sud de I’Espagne et de Moscou aux mdtropoles anglaises.
M. Webster est partisan de la translation de Bethlehem ; — enfia
un exlralt d’un mdmoire de M. J. Blake qui d^sirerail un systfeme
uniforme de traitement dans les asiles d'alidn^s el qui incline forte-
ment vers ceiui pratique dans ia coionie de Gheel.
HlBLlOGRAPinE.
Db la medecine morale dans le traitement des maladies nerveuses, par
le docteur Padiolead, ouvrage couronne par I’Academie imperiale de
mddecine. — Germer BAiLLifinE, PariSj 1864.
II csl pen de siijets, dans le traitement des maladies nerveuses,
qui soil plus digne de I’altention du mddecln, que I’aclion de la m6-
decine morale. Aussi n’avons-nous pas dtd surpris qiie M. Padio-
•eau, cl I’imilation de Tissot, d’Alibert, de Descuret, etc., s'en soit
occupd avec ardeur, et que I’Acaddmie ait rdcompensd son tra¬
vail, qni renferme beaucoup d’observations curieuses. Parrai lesfaits
intdressants et nombreux qu’il rapporle, il en est deux quisont dus
b des cliniciens que nous avons connus. Le premier appartieut S
Bourdois de la Motte, praticien trfes-rdpandu. II donnait depuis hull
jours des soins ii uiie. jeune dame atleinte d’une flfcvre des plus
graves. Les signes de fin prochaine n’dtaient que trop visibles. La
vue (Tune harpe dveilla dans I’esprit du medecin une idde qu’il
s’empressa de communiqiier au mari. Celiii-ci, dtonndde la propo¬
sition dans un pareil moment, refusa d’abord son consentement,
mais, vaincii par les instances de Bourdois, il fit venir une excel-
lente harpiste du volsinage, qui joua prfesdulit del’agonisante pen¬
dant Une demi-heure sans auciin rdsultat. Heureusement on ne se
lassa pas. Aprbs quaraute minutes, I’habile observateur remarqua
que la respiration devenait plus disliiicle, plus acceldrde. La mu-
sicienne redoublu d’ardeur, une chaleur vivifiante se distribua dans
tons les membres, le pools se rdgularisa, de profonds soupirs s’d-
cliappferent de la poitrine, elle paraissait comme oppressde- Tout 4
coup le sang jaillit du nez, et apri'S une bemorrhagie d’au moins
bult onces de sang, la malade reprit la parole ; peu de jours aptes,
elle eiait convalescente. Cette dame, depuis ce moment, a joui pen¬
dant plus de [rente ans de lasaiud la plus florissante (p, 9Zi).
fious avons nous-mfime racontd, dans la seconde edition du
Suicide et de la Folie suicide, que nous avions lu quelque part I’a-
necdote d’un hommedont la position paraissait ddsesperde, et qui,
entendant soniier ies cloches dans le ton le plus faux, en fut si ir-
rile, qu’il courut prendre la place de I’inexpdrimenW sonneur. Le
rdsultat de cet acces musical fut des plus favorables; car il revint
entierement a la raison.
Le second fait est dfl 4 Bupuytren. Ce chirurgien cdlbfare, vou-
520 BIBLIOGRAPHIE.
lam r^duire une luxation chez une damede liaiU rang, vit le bras
r^sister h ses efforts ; il imagina d’apostropher violemmenl la ma-
lade en ces termes ; « Vous buvez, madaipe, s’dcria-t-il, c’est \olre
fils qui me I’a dil ! » AiissilOt la grande dame, saisie d’dtonnemeiu,
fut prise de tremblement et tomba dans une sorle d’angantissement ;
mais I’effet d&irS avait ^td produit, Ics muscles devinrent dociles
aux moindres tractions et la luxalion ful rdduile.Alors, n’ayantplus
besoin d’artiflce, Dupuylren reprit : « Oui, madame, vous buvezde
I’eau, c’est encore votre fils qui me I’a dit. »
L’influence du iraitement moral dans les maladies, mise en evi¬
dence par ces deux observations, et surtoutpar les nombreux exem-
ples rapportds par M. Padioleau, nous a paru incontestable dans
les affections nerveuses; aussi considdrons-nous son traitd comrae
dminemment pratique, ii raison des inspirations qu’il peut suggdrcr.
Notre experience ne peut que confirmer les rdsultats signalds par
notre confrfere, dont le livre a requ nn trfes-bon accueil dans le
Journal americain de I'lnsanite (186/|),- nous nous associons
compldtement aux dloges qu’a donnds le rddacleur dtranger b son
ouvrage, et nous n’avons qu’un regret, c’est de ltd avoir fait at-
tendre aussi longtemps la justice i laquclle il avait droit.
A. BRIERRE de BOtSMOHT.
Rapport medical sur le service de la section des hommcs, a I’asile
de Mardville, pendant I’annee 1865, par le docteur H. Bomnet.
Nous avons, depuis longtemps, dmis I’opinion qu’il fallait lire
avec attention les comples rendus annuels des asiles publics, parce
qu’ils contenaient trds-souvent des indications d’une importance
rdelle. II estvraique cette remarque s’applique bien plus aux rap¬
ports anglais, amdricains, allemands et iialiens, qn’aux rapports
franqais, qui brillent gdndralement par leur absence. Aussi nous
ferons-nous un devoir de nous arrdter sur ceux qui, par hasard,
parviennent jusqu’a nous.
Nous signalons, en passant, les cas chroniques, dans la proportion
de un sur quatorze, et que M. Bonnet attribue avec raison it I’habi-
tude de garder longtemps les malades chez eux, surtout a la cam-
pagne, ii la mesure des ddp6ls temporaires dans les hospices, it la
tendresse malentendue, al’indifference, 5 I’apathie, peut-6tre aussi
aux criailleries de ces derniferes amides. — Nous nous arrdterons
senlement aux causes de la maladie.
L’auteur, dans ces considdralions dtiologiques, combat I’opinion
do ceux quiont voulu reconnaltre, pourgendse de la folie, I’dbran-
tiiBtlOGRAPHlte. 521
lement direct produit dans le sensorium commun par I’exaliation
ouraffaisseraentpassionnel;il sefondesurla difference des idiosyn¬
crasies et des conditions ethnologiques, siir ce que la rdsultante
n’est pas toujours soudainement immediate et sur les differences
demodaliies nerveuses des centres, de la peripherie et du systtme
ganglionnaire, II est cependant naturel de penser que les manifes¬
tations des formes de la folie doivent surtout refleter les sentiments
permanents chez riionime. Snivant M. Bonnet, ies causes de I’alie-
nalion doivent 6tre rangdesen troisgrandes divisions : 1“ alterations
organiques hereditaires ; 2° alterations vdsaniques, dmanant du sys-
tfeme central ou peripherique modifie; 3° alterations vdsaniques
dbnt la provenance est dans une maladie organique.
L’auteur de ce travail, dans sa recherche des causes, fournil un
exemple de plus a I’appui de la rdponse que nous faisions un jour ii
Parchappe. Ce distingue coU6gue avait altaque notre opinion sur
riniluence de la civilisation dans le developpement de la folie. Les
medccins d’asiles prlvds, lui objectames-nous, sent raieux places
que les rnddecins d’asiles publics pour connaltre les causes de I’alie-
nation mentale. Void comme s’exprime M. Bonnet sur ce sujet :
« Nous regrettons la privation o£i nous sommes trop Souvent de ren-
seignements concernant les malades qu’on a a trailer. Cela tient a
ce que, dans beaucoup de cas, les individus placds volontairement
ne sont pas accompagnes par leurs families, mais par des personnes
complaisantes qui ignorent ou veulent se taire ; d’auires fois, ce
sont les families qui ont une ti-bs-grande repugnance 5 parler. »
Comme preuve de cetle absence de renseignemenls, M. Bonnet rap-
porte que chez 126 individus admis pour la premi6re fois, 78 fois il
n’a pu savoir les causes dela maladie.
Malgrd ces difficultes, I’auteur descomptes rendus a fait de loua-
bles efforts pour edaircir I’eiiologie.
Nous ne parlerons que de quelques causes qui ont ete raoins in-
diquees. Les mariiiges precoces sont un motif de degenerescence 5
laquelle on ne fait pas assez attention. M. Bonnet suit I’enfant
pendant la grossesse, I’allaitement, et est d’avis que les dcarts phy¬
siques et moraux de la mtre ont pour consequence I’appauvrisse-
ment a la naissance, les convulsions du premier age, la predisposi¬
tion aux impressionnabilites diverses , aux lesions cerebrales,
cerebro-ganglionnaires et sensoriales. II en est de raanie des pre¬
cedes vicieux de I’allaiiement. En grandissant, les mauvaises
conditions hygieniques peuvent favoriser un etat mental conv'ulsif
ou nevrotique proteiforme, en raison directe du processus heredi-
taire ou congenital. Esquirol a, en effet, cite I’alteration de I’at-
522 BIBLIOGRAPBIE.
mosphfere cotnirie <iause des cdiiviilsioris de I'enfance et de I’dpi-
lepsie; certaines professions chargent Tail- de substances Impnres et
agissent comme-dldmenls producteurs de la folie.
M. Bonnet examine ensuite I’enfant devenu homme et soumis
aux influences personnelles, sociales et pathologiques. Aprfes avoir
rapidement passd en revue chacune de ccs influences, il dit que
toutes ces conditions de cansalltci mfenent droit a reconnaltre la na¬
ture de ia folie dans les aluirations organiques du cerveau, du sys-
t6me nerveux cdr^bro-spinal ou ganglionnaire. Comme ces Idsions
ne sont pas tellement apprdciables qu’il soit possible de conclure de
leur dtiologie i une classification nnalomo-patliologiqiie, il admet,
ainsi que presque lous les ali^nistes et M. Griesinger en dernier lieu,
qu’elle doit encore maintenant etre basde sur les modifications psy.
chiques de I’entendement et du moral.
Ce travail de M. Bonnet, quoique trfes-abrSg^, a raison meme du
plan de sa communication, n’en est pas moins important a sulvre
dans ses ddveioppements; il tend en effet a ^tablir que la veritable
production de la folie doit fitre cherclide dans I’individu, le milieu
ambiantet la pathologie. La conclusion de I’auteur est que les ma¬
ladies de I’esprit sont toujours la consequence d’une Idsion organi-
que, et que celle-ci n’est pas la consequence des maladies de I’esprit.
A. Brierre de Boismont.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
— Quelques considerations sur la menstruation dans ses rapports
avec la folie, par M. le doctcur Dauby, interne i I’asile de Mare-
ville, thfese de Paris, 1866, n" 27A.
— Du Delirium tremens, de son traitement par la digitale i
haute dose, par M. le docleur Binde, these de Paris, 1806, n» 295.
— Des mutilations chcz les aliends, pour .servir 5 I’histoire des
alterations de la sensibilite chez ces raalades, par M. le doctcur
L. Calais, interne & la Maison de Gharenton, these de Paris, 1867,
n“ 27.
— Anatomic patbologique de. la paralysie generale, par le doc-
teur Ch, Mangenot, inierne h I’asile de Mareville, these de Stras¬
bourg, 1867, n” 1000.
— Report of the Pensylvania hospital for the insane, for the
year 1866^ par le P' Th. Kirkbride, br. in-8 de 68 pages.
— fitude pratique sur I’bydrotherapie, par M. le docleur Paul
Delmas, 1867, br. in -8 de lAO pages.
He France.
ASSEMBLE GfeNfiRALE ANNUELLE DH 29 AVBIL 1867. — PR^SIDENCE
DE H. BAILLARGER.
La stance est ouverie a deux heures viiigt minutes,
M. leprisident expose que le conseil d’ad ministration vient de
icnir stance et qu’jl a 6td saisi, par M. Constans, d’une demande
sur laquelle il n’avait pas le pouvoir de statuer et qu’ii a dii ren-
voyer a I’examen de I’assembl^e gdndrale. « Un jeune mgdecin
alifiniste, dit-il, est mort rficemment, en remplissant une haute
mission de conlianee. II etait marid depuis trds-peu de temps et
vient de laisser sa veuve dans une situation que I’on a tout lieu de
croire prdcaire. Ge confrfere n’dtail pas membre de I’association
mutuelle des mddecins alidnistes de France, mais M. Constans
affirme qu’ii avail le plus grand ddsir d’en faire parlie, etque,
retenu par un trfes-honorable scrupule, il n'avait pas adressd son
adhdsion, uniquement parce qu’ii se sentait ddjii malade. M. Con¬
stans demande qu’une somme de trois cents francs soil immddiate-
menl envoyde a )a veuve du jeune et mdritant confrdre qui vient de
mourir. »
L’asseinblde consultde vote a I’unaniroitd la somme demandde.
M. le president. Une autre demande nous a dtd adressde par
M. Billod, en faveur de la veuve et des enfants d’un directeur-
mddecin d’asile, ddcddd longtemp? avant la fondation de I’Associa-
tion mutuelle des mddecins alidnistes de France. En I’absence de
renseignements suffisamment prdcis, nous allons prier M. Billod de
nous dclalrer sur la situation de la famiile qu’ii a recommandde it
notre sollicitude. Mais comme le conseil d’administration ne peut
pas, & lui seul, accorder des secours aux personnes Mrangeres
I’Association, le bureau prie I’assemblde gdndrale de donner pleins
pouvoirs au conseil et de lui ouvrir, en cas de besoin, un crddlt de
300 francs.
L’assemblde est consultde et adopte cette proposition.
M. Brierre de Boismont, au nom de M. Constans et an sien, fait
un rapport verbal sdr les comptes du trdsorier, et il propose, aprds
vdrificaiion, que I’assemblde veuiile bien approuver les dcritures de
M. Lunier.
L’assemblde est consultde et approuve,
M. le prisident. La parole est a M. le secrdtaire pour le rapport
gdndral.
M. Legrand du Saulle. Messieurs, il y a un an, je terminals mon
rapport gdndral en vous faisant entrevoir la ndcessild de rdviser
524 ASSOCIATION MtTUULLS
quelques-unes de nos dispositions slalutaires, el je vous piiaisj en
viie de certnines dventualit^s, de rcmettrc aux menibres du bureau
voire confiarice et vos pleins pouyoirs. Nous formions alors des
voeux ardenls, et, par anticipation, nous caressions one cspdrance.
Depuis celte dpoque, nos souhaits out requ la plus entiere satisfac¬
tion et noire espoir esl devenu une rdalitd.
La Caisse d’assistance mutuelle des medecins alUnistes, due a
I’inilialive de M. Baillarger, et que nous avons lous concourii
a fonder, en avril 1865, est sortie hardiment de sa spbiire
dtroiie et Isolde, et, sous la ddnominatlon iVAssooiation mutuelle
des midecins alienistes de France, elle a requ une sanction ofli-
cielle et Idgale. Elevdc au rang des dtablissementsd’ulilite publique,
par ddcret impdrial en dale du 7 novembre 1866, noire oeuvre con-
fralernelle a pu s’engager dans une nouvellect plus large voie, tout
en gardant ses bases premidres. Aucune alieinle n’a dtd porlde au
caraclere fondamental de I’institulion, et nous avons pu conserver,
dans leur plus libre dpanouissenient, nos aspirations natives de
bienfaisance inddpendante et spdciale. Comme par le passd, vous
allez dlire vos mandataires et disiribuer vos deniers, et vous ne
larderez pas k reconnalire tout le prix qu’il taut attacher 5 la grande
mesurc administrative qui consacre notre existence, protdge nos
nioyens d’acllon et rend noire intervention de plus en plus secou-
rable et digne. Le ddcret du 7 novembre est princlpalement dd 5
I’aclivitd influenle de noire zdld irdsorier, et, pour ma part, je suis
beureux de rendre publiquement horamage au concours si ddvoud
que nous a prStd M. Lunier, dans cetle circonstance difficile.
Vous avez tons dd recevoir, il y a quelques jours, un exemplaire
de nps nouveaux slaluts et du rfeglement d’administration intdrieure.
Veulllez relire ces deux documents importants : le premier est ddfi-
nitif et immuable, le second est essenliellement modifiable et per¬
fectible. L’un reprdsente la loi, dans tout son rigorisme sommaire ;
I’autre commente, iiiterprdte, applique et complete cette loi. Nos
statuts, c’est notre constiiutioii, et, en face d’une constitution, deux
sentiments seuls sont possibles : I’obdissance et le respect.
Depuis la dernifere assemblde gdndrale, le nombre des membres
de I’oeuvre s’est sensiblement dlevd. Vous allez en juger par ces
chlffres comparatifs, qui ont bien leur dloquence :
AvriHSfiC. AvriH807.
44 55
16 34
2 5
62 94
Membres fondateurs. .
— societaircs.
— honoraires.
DBS MfiDECINS ALIliNISTES DE FitANCE. 525
Nous complons ddjS parmi nous les qiialre cinquifemes environ
des mddecins ali^nistes de France. J’espfere que ceux de nos col-
legues qui sont encore (itrangers i notre association se rallieront
bientdt ii nous et que notre corporation, lors de notre reunion pro-
ciiaine, ne fortnera qu’un seul et m6me faisceau.
Pourquoi, en effet, la famille alWniste ne serait-elle pas d’ici li
au grand complet? Sur le terrain qui nous r^unit, toutes les dissi-
dences s’dvanouissent : une pens^e commune nous pr^occupe, celle
de la bienfaisance ; un seul mobile nous anime, celui de la prd-
voyance solidaire, en cas dMventualiids mallieureuses pour I’un de
nous. Non, I’abstention n’est pas possible, et plusjeriflfichis aux ser¬
vices que notre caisse confraterneile cst appel(;e a reudre, et plus je
reste convaincu que I’unanlmitd des adhesions va nous eire acquise,
Vous parlerai-je maintenant, messieurs, de I’dtat de nos finances?
Sur ce point encore, je n’ai que de bonnes paroles a vous faire
entendre.
Depuis le premier jour de la fondalion de notre oeuvre jusqu’a
aujourd’liui, les recettes se ddeomposent ainsi qu’il suit :
Anneel865. Ai
ande 1860.
Annde 1867.
Cotisalions .
InterOts des sommes
placdes .
2820
100
2880
58 40
155
1375
87 40
2920
2938 40
1617 40
Total gendral. . .
7475 80
Nos ddpenses ont 6t6 les suivantes :
Anneo 1865.
Anneo 1860.
Annde 1867.
Frais d’administration . , . .
. . . 53 10
93 40
650
2 80
Achat dequinze obligations du
chemin de fer du Midi. . . n
Achat d’un titre de 50 francs
de rente 3 pour 100 . »
4568 20
1170 70
53 10
5311 60
1173 50
Total general .
Si nous defalquons maintenant cette somme de 6,538 fr. 20 c. du
chiffre total de nos recettes pendant les trois exercices de 1865,
1866 et 1867, leqtiel est de 7,d75 fr. 80 c. nous voyons qu’il reste
aujourd’liui en caisse une somme de 937 fr. 60 c. Toutefois, je me
MiiD.-psvcu. 4“ seric, t. ix. Mai 1867. 10. 34
626 ASSOCIATION MOTUELtE
hate de vous faire remarquei- qne les recouvrements de 1867 sonl h
peine coramencds, puiaqu’ils ne flgiirent dans le tableau r.i-dessus
que pour 165 francs, alors que, d’aprfis nos provisions, lls doivent
s’Olever a plus de 3,000 francs. Notre situation financifere, vous le
voyez, est done des plus prospferes.
Nous avons capitalisO une somme relatlvement trfes-dlevOe, car
nous n’avons pas encore OtO obligOs de venir au secours d’lm de
nos associOs ou de la famllle d’un de nos associOs. Aux duies
Opreuves d’autrefols ont succOdO des jours mellleurs pour les nOtres,
mais les hasards de la forture sont tenement sondains, que votre
consell d’administration n’a voulu prollter de cette trOve que pour
grossir davantage ses ressoufees possibles, en vuo d'une ou de plu-
sieurs calamitOs professionnelles. Par un Instinct de prOvoyance que
vousapprouverez tons, j’en suis sflr, nous a vous songO h In disette,
lorsque nous Otions dans I’alsance.
J’ai, messieurs, 6 vous offrir les actions de graces des deux veuves
que vous avez libOralemenl assistOes, Tan dernier. Vos allocations
ont 6t(5 reques avec ce sentiment exquis de cordiale gratitude dont
le malheur seul a le secret. Est-ce 5 dire que votre intervention doive
cesser cette annde? be conscil ne I’a pas pensd.
Sansdoute, aux termes de nos statuts, nous ne devous tajre par-
ticiper a I’assistance que ceux qui nous ont pr6td leur concours
moral et materiel, mais ii ne s’agit id que d’nn secours eventuel 6
distribuer a deux feptmes respectables qui, it dfifautde soci^taires
dans le besoin, jouiront en 1867, si vous lepermettez, des bienfaits
d’une ceuvre qui, k la mort de leurs maris, n’existait pas encore.
Quelque touchante que soit I’inforiupe de nos deux protdgles, nous
n’h^siterions pas it leur pr^fdrer deinain I’un de nos socl^taires ou
la famille de I’un de nos socidtaires, si quelque dvdnement fScheux
survenait parmi nous. Nous ne vouions done engager I’avenir a
aucun titre, et nous vous demandons seulement de vouloir bien
accorder une somme de 160 francs A la veuve d’un directeur mdde-
cin d’asile et une somme de 600 francs A la veuve d’un autre md-
decin alidniste. La disproportion de ces deux allocations .se justifie
par I’indgalitd des positions et des besoins. Donnez, messieurs, votre
sanction au voeu que j’ai I’honneur de vous exprimer au nom du
bureau et du conseil d’administration, et laissez-moi vous reniercier
par anticipation.
Les bonnes actions portent toujours avec elles leur rdcompense.
L’an dernier, le trdsorier de la Socidtd mddicq-psycliologique ren-
dait compte de sa gestion financidre et il informait ses colldgues
qu’une recette imprdvue de 205 francs allait entrer dans sa caisse.
DES MfiDECINS ALlfiNISTES DE FRANCE. 527
Quel eruploi (bllaitril doiiner li ces deniersqu’avait lentement atnasads
une discrete prdvoyance ? II fallait en faire raliandon sponlanA at
immddial 4 I’Association, et c’est oe qid fill decldd 4 runanimit^.
Honneur 4 la SocWtd mddico-psychologique, qiii, pour un instant,
a sii descendre des hauteurs de la science et nous donner iiu Idmoir
giiage d’esttme ot de sympatliio. ^ II y a qnelques mois, enfiii, la
veuve d’un de nos premiers el de nos plus dmlnents associds eut
conuaissancG des services que nous avions ddj4 pu feudre, at
aussltdt elle deinanda 4 s’inscrire comma menibre honoraire. Son
nom ne nous rappellera pas seuleraent le savant confrfere que nous
avons perdu Pan dernier, mais il prolongera epcore parrat nous le
souvenir d’une femme de coeur.
Depuls notre dornifere entrevue, I'un de nos plus oslimables
cnlt4gues nous a dtd ravi. Gasimir Pinel, doiil le concoiirs gdndreux
ct empressd nous avail did acquis dfes )e premier jour de la foptla'
lion de notre reuvre, a succombd, le 6 ddcembre 1866, 4 la spile
de la trds-iongue maladie qui Pavait retenu chez lui pendant plu-
sloursanndes. D’une indpuisable bontd, cei aUdniste distingud a fait
beaucoup dc bien partout oi il a passd, et il scmblerait ydritable-
mentqu’il se fdt dit 4 lui-mdme que Pon n’emporte la-ham que qq
que Pondonne ici-bas. Le souvenir de Gasimir Pinel est altachd dd-
sormais 4 notre Association par un lien indissoluble, car notre ho--
norable colligue, M. Semolaigne, par un ddlicat hommage 4 la ipd-
moired’un bomme qui lui fut bien cher, a libdralenient perpdtuc
une cotisation au nom du regrcltd directeur de Pasfle privd de Saint-
James. Le don de M. Semelaigne a dtd de la valeur de 1170 francs
et a servi 4 Pachat d'un litre de 60 francs de rente 3 pour 100, Oe
tels fails SB rappovtent, mais ne se louent pas. Ne sont-ils pas, en
effet, nu-dessps de Pdloge ?
Aux termes de Particle 23 de nos staluts, les administrateurs en
exorcice dolvent dtre soumis aujourd’bui 4 Pdlection. Vous auroz
done 4 ddposer dans Purne une liste de qiiinze noms, et, 4 la mqjo-
ritd des membres prdsents, vos mandatalres seront Idgaleipent con-
flrrads dans K s pouvoirs qu’ils tiennent de vous.
Nous n’avons eu jusqu’d prdsent qu'une mission en quelque sorte
provisoire, mais le ddcret du 7 novembre, en reconnalssant officiel-
lement noire- existence, a voulu qiPun vote ddflnitif validat le vote
prdparaloire. Le reoouve|leraent parliel du conseil d’administralion
aura lieu 4 partir de Pannde prochaine et le tiers des membres sor-
tahts sera dqsignd par la vole du sort.
Aprfes cet exposd de la siluatign morale et financieie dc notre
mutuelle associaiion, aprfes cette esquisse si consolanie ct si sinefere.
528 ASSOCIATION MtITUELLE, ETC.
de nos aspirations el denos actes, comment n’aurions-nous pas con-
fiance dans I’avenir d’une institution dont les ddbuts ont dtd si lieu-
reuseraent priviidgids ? GrSce i vous, messieurs, I’Associalion va
grandir et prosp^rer encore ; grace an bon vouloir de I’admiiiistra-
tion suparieure, il ne serait pas impossibie que I’fiiat nous accordat
bientbt une prime subventionneile; grace enlin a I’adjonction tri;s-
probable de nos confreres retardaires, nous aurons, d’ici k ti'6s-peu
de temps, la satisfaction de penser que nous avons pu neutraliser
les coups du sort et assurer une assistance promple, secourable et
digne aux dasharilks de la famille alianiste de France.
M. le president. Que ceux qui sont d’avis d’accorder 150 francs k
la veuve d’un directeur madecin d’asile et 600 francs k la veuve d’un
autre madecin alianisle, veulent bien lever la main. — (Adopte.)
M. le president. Je propose maintenant de voter des remerci-
ments k M. Semelaigne. — {Adopti.)
M. le prisident. M. Billod, dans une lettre qu’il nous a acritc,
propose que chaque asile dapartemenlal porle k son budget une
certaine somme en faveur de I’Assoclation, et il amet le voeu que
chaque directeur d’asile fasse d’actives damarches auprks du prafet
et du conseil ganaral pour faire voter ce cradit
L’ldae de M. Billod est excellenle, et alors rnkme que nous n’ob-
tiendrions pas de tous les asiles une somme aussi aievae que celle
qui est proposae pour I’asile de Sainte-Gemmes (300 francs), nous
pourrions arriver k avoir encore des revenus bien imposants! La
proposition si inganieuse de JVI. Billod poun a, d’ailleurs, atre facon-
dae par MM. les inspecteurs ganeraux, dans leurs rapports avec les
prafets et avec le minislkrede I’intarieur, et noscollkgues,MM. Con-
stans, Lunier etRousselin, sont trks-bien disposas k cet agard.
L’assembiae approuve le projet de M. Billod, et aprks une tres-
courte discussion sur les voies et moyens k employer, M. le prasi-
dent renvoie Texamen de cetle importante question k une commis¬
sion composae de MM. Baillarger, Legrand du Saulle, Lunier,
Consians, Rousselin, Jules Falret el Moreau (de Tours). Cetle
commission se raunira, pour la premiere fois, le 3 mai.
L’assembiae prockde ensuite k la raaiection des quinze membres
du conseil d’administration.
La saance est levae k quatre heures moins un quart.
Le secretaire de I' Association.
Legrand du Sadlle.
VARIETES.
NOMINATIONS.
Viennent (l’6tre nommes :
— Directeur-mfideoin de I’asile puhlic de Saint-Alban (Lozere), M. le
docteur Campan, medecin de I’hospice de Thor (Vaucluse).
— Medecin en chef hors cadres, detache en mission a Morzinc, M. le
docteur Broc, mddecin en chef de I’asile do Bailleul (Word).
— Mddecin-adjoint de I’asile de Quatremares, M. le docteur Dufour,
medecin-adjoint de I’asile de Dijon.
— Mddecin-adjoint de I’asile de Dijon, M. le docteur Petrucci, ancien
interne de I’asile de Tours,
— Directeur de I’asile de Cadillac, en remplacement de M. Marquiset,
decedd, M. le docteur Icard, medecin cantonal dans le departement de
la Gironde.
— Mddecin de I’asile prive de Saint-Georges, a Bourg, M. le docteur
Bourgarel, chirurgien de la marine en retraite.
— Par ddcret iinpdrial, en date du 23 fevrier dernier, M. le docteur
Legrand du Saulle a dtd nomme officier de I’ordre du Medjidie, de
Turquie.
— M. le prefet de la Seine vient de constituer une seule et meme
commission de surveillance pour les asiles d’alienes de Sainte-Anne,
Ville-Evrard et Vaucluse. Ont dtd nommes memhres de cette commis-
MM. Ferdinand Barrel, grand referendaire du S6nat, president ;
Marchand, president du contentieux au conseil d’Etat ;
Barbier, conseiller a la Cour de cassation ;
David, conseiller-maitre a la Cour des comptes ;
Legendre, memhre du conseil general de la Seine.
L’asile Sainte-Anne a commence a recevoir des malades a partir du
— Viennent d’etre admis comme memhres de Tissociad'OJi des mede-
cins aliinistes a litre de :
Honoraires : MM. Follet, chef de bureau au ministere de I’interieur, et
le docteur Mundy (de Moravie) ;
Fondatears : MM. les docteurs Bonnet, Dagonet, Pouzin, Reignier et
Auguste Voisin;
Sociitaires : MM. les docteurs Campan, Joliet et Legruel.
530
vari&t£s.
— M. le docleur Dagonet, medecin de I’asile Sainte-Anne, vieiil d’dlre
elu membre titulaire de la Sooidld medlco-psychologique.
— M. le docteur Kraft-Ebing, medecin assistant de I’asile d’lHenau,
a ete nomme membre associe etranger de la Sociele mcdico-psycbolo-
gique dans la sdance du 25 mars dernier.
— M. Haynaud, agrege en exercice prfes la Faculte de medecine de
Paris, est chargd pendant I’annde scolaire 1866-18S7, du cours com-
plbmentaire des maladies mentales et nerveuses, en remplacement de
M. LasAgue, nommd professeur titulaire de palhologie et de thdrapeu-
tique gdndrales.
FAITS DIVERS.
Agrandhsement de I'asile de Quimpef. — Le Corps legislatif, dans la
seance du 20 mars 1867, a adopU la lo! dont la teneur suit :
« Art. 1''. Le departement du Finistere est autoried, conformement
a la demande que le conseil general en a faite dans sa session de 1866,
a ernprunter, a un taux d’interdt qui ne pourra depasser 5 pour 100,
une somme de 70 000 francs, qui sera appliqude t\ I’agrandissement de
I'asile ddpartemenlal des alienes.
» L’cmprunt pourra dtre rdalise soit avec publicite et concurrence,
soit par voie de souscriptions, soil de gre a gre, avec facultd d’dVnettro
des obligations au porteur cni transmissibles par void d’endoSsement, soit
directement aupros de la Caisse des depOls et consignations Ou de la
Socidtd du Credit foncier de France.
» Si I’emprunt est realise auprds du Credit foncier, le departement
pourra ajouter a I’intdrSt ci-dessus fixe le montant d’un droit de commis¬
sion dans les limites determindes par la loi du 6 juillet 1860.
» Les conditions des souscriptions a ouvrir ou des traites it passer de
grd a grd seront prealablement soumises a I’approbation du minislre de
I’interieur.
» Art. 2. II sera poufvu au fembbursement et au service des intdrets
de I’emprunt autorisd par I’article cMessns, au moyen de prdlAve-
ments opdrds suf leS ressuurces speciales de I’asile, ou, au besoin, sur
le budget departemental.
Exposilion univetseUe. — J^tabUssemenis d'assistance publics ou
prices. — Jugeant avec raison qu’ilyaurait un grand interet a reunir
dans une collection aussi complete que possible les documents relatifs a
I’organisation de nos institutions d’assistance et de les faire flgurer dans
un grand concours international, M. de la Valette, ministre de I’inle-
rieur, par une circulaire en date du 29 mars 1867, a prescrit aux prdfets
I’envoi : 1“ d’une nomenclature comprenant tons les dtablissements pu¬
blics et les institutions privdes de lenr departement, ayant pour objet
I’assistance ; 2“ a I’dgard des etablissements publics d’une reelle impor¬
tance ou des oeuvres privdes declarees d’utilite publique, appartenant k la
periode ecoulee depuis le I"’’ janvier 1852, de documents spAciaux
comprenant, pour cluique muvre ou etablissement, un exemplaire du
rcglement ou des statuts, et, s’il s’agit d’un etablissemeiit eonstruit
depuis quinzo ans, et digne d’etre prAsentA comme modAle 4 I’attention
VARlfiTfiS. 531
des dirangers, des plans ou des photographies donnant un aspect gdneral
de la maison.
Nous reviendrons plus lard sur cette intdressante exposition,
Congrk des mddaeins alidMsies. — NoUs croyons devoir rappelfcr a
nos confreres de France et de I’dlrafiger que la Societd irtddico-psycho-
logique, d I'occasioil de I'ExpOsilion Univdrselle, se rdunira en sdances
ordinaires de quiftiaine les 13 et 27 inai, lO et 24juin, 15 et 29 jullldt;'
et eh session extraordinaire, Ids 10, 12 et 11 aoOt.
Nous renvoyons d la page 286 du numdro de mars des .Inna/esceuxde
nos confreres qdi voudront connaltre les rdsoiutions prises k ee sujet par
la Socidtd.
— M. Balter Brown el I’amputation du clitoris devant la Socidtd
ohstdtricale de Londtes. Les Annates me'dico^pspchotoffiriues ont rendu
compte, dans le numdro de juillet 1866, p. 151, d’un ouvrage du
cdldbre chirutgien anglais Baker brown, dans lequel I'auteur faisait
connaitre les rdsullats extraordittairement favorables qu’il . prdtendalt
avoir obtenus dans le traitement de certaines ndvroses graves, la folie,
I’hystdrie, I’dpilepsie, etc., en pratiquant I’amputation du clitoris.
Tout en reconnaissant 1‘importance et I’intdrdt des considdratiohs phy-
siologiques sur lesquelles le docteur Baker Brown s’appuyait, nous avons
signald, sans ddpasser les limites d’une critique courtoiSe, combien son
livre nous paraissait defectueux et insuffisant sous le rapport de la
symptomatologie, du diagnostic de i’alTection et de ses causes, de la
constatation de la gu6risoii, et surtoUt sous celui des indications d’uile
operation aussi grave moraleraent et physiquement. Des faits regret-
tables a tons egards n’ont pas tarde a prouver combien nos rdserves
dlaient fonddes. Nous croyonS devoir en donner id un rapide abrege,
d’aprds les ddtails publids par la Gazelle hebdomadaire dans les numdros
du 29 mars, du 12 et du 19 avril.
Des doutes s’dtant dlevds sur I’honorabilitd professionnelle de M. Baker
Brown, d 1‘occasion de sa pfatiqUe de la clitoridectomie, le cohseil de la
Societd obstetricalB de Londres, dont il fait partie, dvoqua la question,
et crut devoir proposer a la Socidtd, spdcialement convoqude le 3 avril,
TeXcluSion de ce chirurgien, Les charges portdes centre lui se rdsu-
maient ainsi : « La clitoridectomie aurait dtd pratiqude par lul, sur des
femmes mariees, sans que leur mari dut dtd prdvenu, et sur des femmes
marides ou des filles, sanS qu’elles fussdnt avdrties de la nature de
I’opdration. On signalait un fait particulier d’uhe femme de Cinquante-
trois ans, qui ne fut avisde de I’opdration qu’aprds qUe celle-di eut dtd
pratiqude. D’autre part, M. Brown aVait amputd le Clitoris sous sa res*-
ponsabilitd unique, et sans consulter le mddecin ordinaire de la malade,
qui cependant dtait prdsent a Topdration, conduite en desaccord avec
les rdgles qui regissent les rapports dBS mddecins se rencontraht en
consultation. Dn troisierae grief dtait d’avoir cherche a dvlter 'de soU-
mettre Topdration au jugement du cohseil de la Socidtd obstdtrlcale,
Enlln M. Baker Brown dtait accusd de manqUe de bonne foi dans des
questions de fait et de ddtails ; ce que prduverait Une leltte adressde par
lui aux commissaires de Talidnation mentale, dans laquelle U dtablit que
532
VARIfiTfiS.
la maison chirurgicale {London surgical Borne) dirigee par lui n’adnaet-
tait pas de femmes alteintes d’alidnation mentale. Ce fait etait rapproche
de la publication d’un livre sur la curability de certaines formes d’alie-
nation mentale (Jnsanily). D’un autre cdte, il etait prouve que des cas
d’alienalion etaient traitds dans cette maison. n
L’accusation fut soutenue par MM. Haden et Barms. M. Baker Brown
•exposa lui-mSme sa defense, et plusieurs autres membres parlerent aussi
en sa faveur. Neanmoins, sur 235 membres presents, 194 voterent pour
la radiation et 41 seulement centre. En consequence, M. Baker Brown
a yte ddfinitivement exclu. Le compte rendu complet de la s4ance, repro-
duisant les discours, a etd publid dans le Medical Times and Gazelle du
6 arril 1867. A. F.
— Dans la seance du 20 mars 1867, le Sdnat, sur le rapport de
. M. le baron Dupin, a decide le renvoi a MM. les ministres des finances,
de I’agriculture et du commerce et de I’intdrieur, de trois petitions
relatives a I’usage abusif et ddletdre de I’absinthe.
— Epidemic de suicide. — On ecrit de Saint-Petersbourg :
La semaine derniere, la ville de Saint-Pdtersbourg a dte attristee par
une serie de suicides dont on n’a pas d’exemples. Six paysans encore
jeunes se sont pendus presque simultanement dans les divers quartiers
de la capitale; plus lard, un colonel deja age et deux femmes se sont
cgalement pendus. Quelques jours apres, deux hommes se sont coupe la
gorge. Cette cspece d’epidemie ne paraltpas encore etre ardvde a sa fin.
{Monileur du 28 avril.)
LES ali£n)£:s en liberty.
Vn drame de famille, dcrit-on d’Usseau (Deux-Sevres), vient d’at-
trister le village d’Ussoliere. One femme de ce village, qui depuis
quelque temps donnait des signes d’alienation mentale, appcla au milieu
de la nuit son mari, qui couchait dans une autre ebambre : « Viens te
coucher aveo moi, lui dit-elle, je ne te ferai pas de mal. » A cette invi¬
tation, il etait venii, avait allumc line lumiere et s’etait assis sur une
chaise pres de la cheminee. Au mcme instant, sa femme se leva et,
s’avanfant vers lui, elle lui cria : « Tu es mort ! »
Le pauvre homme se crut mort, en elfet, pendant un instant. 11 venait
de recevoir un coup de pistolet a bout portant dans la figure. Heureu-
sement que I’arme n’ytait chargee qu’a poudre ; il en fut quitte pour
une joue brfllee. Mais il se liata de s’enfuir. Il revint un instant apres,
accompagne de son beau-frdre, et fut Irds-surpris de ne pas retrouver
sa femme au lit. Tous les deux se mirent a sa recherche. 11s la rencon-
trerent etendue sans oonnaissance dans le grenier. One boutcille d’eau-
'i^-viej qut venait d’dtre videe, etait pres d’elle. La malheureuse I’avait
btife d’un seul trait. On la transporta sur son lit, mais les soins qu’on
lui donna furent inutiles ; elle succomba en quelques minutes a une
congestion cerebrale foudroyante. {Monileur du 24 mars 1867.)
— On fait assez curieux vient de se passer sur le chemin de fer, non
VARlfiTfis. 533
loin do Waldshut, entre les stations de Laufenburg et do Albruck. Un
pore accompagnait son fils qui dtait fou pour le mettre dans tine raaison
de sante. Ils etaienl dans nn coupe ; le fils avait la camisole de force.
Le pere etait plus fou que le fils, car arrivd a la hauteur d’une localitd
qui s’appelle Albert, il jette son fils hors du waggon; puis, plus loin,
a Waldshut, il en descend lui-mdme et demande si son fils u’est pas
arrivd. Tout cela etait I’effet d’une aberration religieuse ; le fils se croyait
la saiiile Trinitd en personne; et le pere, sous I’impression des divaga¬
tions de son fils, en etait venu a croire pendant le voyage que son fils
etait possede du demon, et craignant que le diable ne I’emportat avec
son fils, il I’avait sacrifid sans remords. Heureusement que les fous ont
la vie dure. Le fils dtait tombe sans se faire de mal.
(Petit Moniteur du 2A avril 1867.)
— Un fou furieux. — Un nombreux rasserablement s’est forme bier
a Rouen, vers les huit heures du matin, devant une maison du quai du
Mont-Itiboudot, ou se passait une scene des plus emouvantes.
Au premier dtage de la maison portant le n“ 70, on voyait un preposd
des donanes, le nomme Nicolas Joss, qui, atteint subitement d’un aoces
de delire furieux, menafait d’une carabine quiconque tenterait de p6ne-
trer dans la chambre qu’il habitait.
Deja il avait voulu faire un mauvais parti a sa femme, qui, tieureu-
sement, avait pu s’enfuir ; mais, par malheur, il restait pres de ce
forcend trois petites filles qui, ne sacliant ce qu’avait leur pere, pous-
saient des cris de Icrreur. Un moment, on craignait qu’elles ne devinssent
victimes de la fureur de Joss. Tenter de les sauver etait perilleux ; per¬
sonne n’osait avancer.
Des que le poste de police de la prefecture fut avert! de cet dvene-
ment, M. Yon, chef des sergents de ville, accompagne de deuxdeses
hommes, se rendit aussitdt au Mont-Riboudet.
A ce moment, I’lnfortune Joss, depouille de tous ses vctements, qu’il
avait lancds au dehors, ainsi que tous les objels qu’il avait trouves a sa
portee, brisait avec frenesie tous les meubles de I’appartement.
La situation etait pdrilleuse, car ce malheuroux, toujours arme de son
fusil, dcartait tous ceux qui cherchaient a se rendre maitres de lui.
M. Yon, n'dcoutant que son courage, et malgre les dilRcultes qui se
presentaient, parvint, a force d’adresse et de sang-froid, a pendtrer dans
I’intdrieur de la maison. A ce moment, le malheureux fou, le voyant
ouvrir une croisee, langa son sabre dans la vitre qu’il cassa. Heureuse¬
ment M. Yon avait pu dviter le coup de sabre, qui passa entre son bras
et le corps. Un peu plus et nous avions un malheur ddplorablea con-
Enfm, ayant pu pdndtrer dans I’appartement, M. Yon se jeta sur ce
malheureux qui, dans le paroxysme de sa fureur, essayait de le luepa^
Une lulte terrible s’engagea, et sans le secours de MM. Binet, lieutenant
de douanes, Lesourd, ddbitant, et Delestre, contre-maitre de chantier,
sa position devenait critique, car ce malheureux, doud d’une force peu
comnjune, le serrait de pres, M. Yon ne voulant pas agir violemment
avec cet infortund. ’
Enlln, on se rendit bientdt maitre de ce pauvre fou, que I’on conduisit
58ft VARlfiTfiS.
de suite au poste de la prefecture. De la* il fut envoyd a I’asile de Quatre-
mares, ou il a d^ja etd pensionnaire.
En eifet, I’annde dernidre, on doit se rappeler qu'a la suite d’une
scdne ddplorable, ce malheureux, qui subissait deja les premieres atteintes
de la folie, avail dtd conduit a I’asile des aliends, ou 11 resta qnelques
semaines. (Moniteur du 27 avril.)
— tin meurtre horrible a did commis tnardi dans le district de Lam¬
beth.
Un ouvrler, nomtnd Samuel Belcher, habltait dans une rue voisine de
Astley’s Theatre, avec Sort petit enfant et sa fhmme. Cette derniere,
depuis Son accouchement, qui avait eu lieu il y a trots ou quatre mois,
avait dte sans cesse souffrante, et son mart avail eu plusieurs fois des
craintes touohant Vdtat mental de sa femme ; aussi veillait-on sur clle
avec la plus grande sollicltude.
Un mieux sensible s'elait cependant declard, et I’on espdrait que la
pauvre femme reviendrait vite a la santd ; mais, avant-hler soir, lorsque
Belcher revint chez lui, aprds avoir termine son travail, il recula dpou-
vantd devant les corps de sa femme et de son enfant gisant tons deux
dans urie mare de sang, et la gorge affreusement coupde.
Lorsque les mddecins furent appeles, ils trouverenl que I’enfant avait
cessd d’exister depuis plus d’une heure, tandis que la mere respirait
encore. Des soins immddiats lui furent prodiguds, mais il ne reste aucun
espoir de la sauver.
C’est au moins le quatridme ou cinquidme fait de ce genre que noUs
avons d enregtstrer depuis quelqiie temps.
{Moniteur du 6 mai 1867.)
Les dirauteurs-gsrants ,
BAlLLAUGEft
et Cei
TABLE DES MATIERES
CONTENUES DANS LE NEUVifiME VOLUME
DE LA QUATRIBME SERIE
PREMIERE PARTIE.
lUEUOlRES ORIGINAUX OG TRADUITS
1. Pathatogie.
Les cretins el les cagots des PyrSn^es, par M. Auzouy. ... 1
Des relations qui existent enlre les maladies meniales el les
aiiti'es allecllons ilu syslfeme nerveux* par M. Gtiesinger. . 19&
Dll poids dll corps chi’z lesalienes, par Mil/. /jom6roso el
A. Laurent. ... i . ........... i . , 217
Des liains generaiix sinapises dans le trallement de la rolie,
par M. A. Lmrent . . 381
II. MSdecine legale.
Rapport sur I'dtat mental de Viciorine Crosnier, femtaic Lc-
grand, inciilp^e d'incendle volonlaire, par MM. Bonnet et
J. Bulard . . . . . 32"
Des expertises mddico-legales eu matifere d’alidnation men-
tale, par MM. Mittermaier et Dagonet . 225
Note ni4dico-legale i'l I’occasion dii testament d’un suicide, par
M. Legrand du Saulle . 262
Demandes en interdiction, par M. Laffitte. ■ — 1“ Lypemanic
avee halliiciiialions et tendance a la ddmence; rapport sur
petal menial de Jeanne M . il2
2» Ddmence alcoolique. — Rapport sur I’etat mental de
Pierre M . /il6
I’.apporl sur Petal mental (lyperaanie avec hallucinations) du
nommd Franqois-Joseph Pisser , inciilpd d’assassinat et de
tentative do meurue; par M. Dagonet . *. . . 423
Nole mddlco-iegale a Poccasion d’une donation enlre-vifs 5 la
pdriode ultimo d,’uae fievre lyphoide ataxique, par M. Le¬
grand du Saulle . . . . 439
536
TABLE DES MATifeRES.
111. tltahUssements tVatien€s.
L’asile d’ali^nds de Naugeat, par M- Fougeres . 246
L’asile d’alifinds de Pr^montrd, par M. Dagron . 444
De I’Abendberg et de Guggenbtihl , son fondateur , par
M- Auzouy . 450
DEUXIEME PARTIE
11 E V U E F U .V N C V I S E E T E T H A N G E U E
1. Societ^s s€Mvnntes.
Societe medico-psychologique.
Seance du SO juillet 1866. — Discussion sur la folie raison-
nante : MM. Delasiauve, Morel, Brierre de Boisraont et
Moreau . 34
Seance du 29 octobre 1866. — Rapport sur la situation
financibre de la Society, par M. Legranddu Saulle. — Rap¬
port de M. Motet sur la candidature de M. Berlhier.— Dis¬
cussion sur la Me raisonnante : MM. Falret, Alf. Maury,
Brierre de Boismont, Lunier, Legrand du Saulle, Pouzin,
A. Foville, Girard de Cailleux et Delasiauve . 67
Siance du 12 novembre 1866. — Responsabilitd des alidnds,
par M. Miltermaier. — Discussion sur la folie raisonnante :
M. Berlhier. — Question niddico-ldgale relative 4 I’apo-
plcxie : MM. Legrand du Saulle, J. Falret, Girard de Cail¬
leux, Brierre de Boismont, A. Foville, Rousselin, F. Voisin,
Mesnet et Brochin . 89
Seance du 26 novembre 1866. — Congrbs des mddecins alid-
nistes : M. Lunier. — Prix Aubanel. — Question mddico-
Idgale relative h I’apoplexie : MM. A. Foville, Bourdin,
Belloc, Brierre de Boismont, Lunier, Rousselin, Legrand
du Saulle et Pouzin . 101
Seance du 10 dicembre 1866. — Discussion sur la folie rai¬
sonnante : MM. Trdlat, Ott, Lunier. — Question mddico-
legale relative 4 I’ivressc : MM. Delasiauve, Baillarger, Lu¬
nier, Legrand du Saulle, Pouzin, Brierre de Boismont,
Trdlal, Linas . 274
Seance du 26 decembre 1866.— Rapport de M. Lunier sur la
candidature de M. Fougbres. — Renouvellement du bureau.
TABLE DES MATlfettES. SS'J
Bapport de M. A. Foville siir le projet de congrfes des
mddecins ali«nistes. — Folie raisonnanie : M. Morel. ... 284
SAanoe du 28 janvier 1867. — Installation du bureau. —
Allocution de M. Voisin. — Prix Aubanel. — Communica¬
tion de M. l'’oville sur ia mSningo-enc^phaliie diffuse du
cheval. — Un cas de folie lucide, par M. Bonnefous. . . . Zi65
SAance du 25 fevrier 1867. — Revision des staluts de la
Society. — Bapport de M. J. Falret sur le prix Andrd.
Congrfes ali^niste .
AGADEMIE IMPfiRIALE DE MfiDEGINE.
Par M. le docteur Motet.
Discussion sur I’aphasie . . . 295
Altdralions produites par les boissons alcooliques . 300
REVUE AJNTTHROPOLOGIQUE.
Par M. le docteur Achille Foville.
Effet des croisements sur le ddveloppement des races liu-
maines . . . . Ill
Ethnologie de la Prance . 112
Races pures et races croisdes. . . . 115
Du dcgrd variable de perfectibilitd des diffdrentes races hu-
maines . 119..
Des manages consanguins . 125
11. Revue Ues journauac Re tn^tlecine.
JOURNAUX PRAJSrCAIS
Analyses par MM. les docteurs Berger et Motet.
Du bromure de potassium dans le truitement de I’dpiiepsie. . 131
Destruction coinplfeie des deux lobes antdrieurs du cerveau,
sans aphasie . 132
De la folie hystdrique et de quelques phdnomenes nerveux
propres 5 I’hystdric, 5 I’hystdro-dpilepsie et 5 I’dpilepsie. . 133
Etiologie de la pellagre . 302
Cas bizarre d’hystdricisme . 303
Du secret dans les cas d’alidnation . 304
De rophlhalmoscopie dans la mdninglte . 305
Fait d’impressionnabilitd nerveuse . 30t5
Du symptOme ataxie locoraotrice progressive . 306
338 TABfcP PPS MATlfcRES.
Accidents pi’oduUs pap I’aqcfes dpileptiqiie, . . . 807
Diagnostic des rogladies de la inoelle, . . . . 807
Maladie bfonzde dans la paralysie g^n^rale. . 308
De I’aphasie . . . 308
Paralyaies avee surchavge graisseqse interslilialle . 809
Dipsomanie et delirium tremens . . . . . . . . 310
Physiologic et patliologie du cervelet. . . . . . . 310
Commotion cdr^brale . . 311
De I’aphasie dans |’h6morrhagie et le rampUissemenl du cer-
veau . 311
Choree gii^rie par le bromure dc potassiiim . . . . . . . 312
H6mipi6gie de cause dyspeptique . 312
Delirium tremens gu^ri par la digitale . 313
tclampsie avep d^lii e gu^rie par I’oplum . 313
Delirium tremene non gu^t'i par |a digitale . 314
Du nitrate d’argenl dans ia paralysie g^n^rale progressive. . 314
Localisation du sens de la parole . 314
De I’arsenic dans la choree, . . . . . 316
AnidnorrhSe par causes psychiques . 316
Alcoolisme . . . . . . . 316
Des dtfcfes chez les alidnAs . 318
Amndsie de rderiture avee conservation de la parole . 318
Paralysie rhumatismale gudrie par le phospliore . 319
De I'ivresse . 319
fillologie du goitre . . . . . , . . 320
De I’extinction de la pellagre . 492
Observation d’aphasie . , . . . . 493
Bamolllssement cdrdbral . 49,5
Parapldgie ndvromatiqiie . . . . . . . . . 495
Scldrose en plaque de la moelle dpipifere. 496
iclaropsie puerpdrale ; perte de mdmoire . 497
Bur le surnaturel spirltualiste . 498
Ddlire des aetes et folle ralsonnante . 499
Bur la phrdnologie . . BOO
Pellagre et pseudo-pel lagres . 501
JOURNAUX ALLEMAJIDS
Par MM. les docteurs Kuhn et Ehtzbischoff,
Quel.s sont les avantages du systdme de Gheel pour le trolle-
ment des alidnds? . 162
Soustraction de calorique comme moyen de traltement dans
la melancholia agitans . 166
TABLE DliS MATXfiRES.
Du trouble mental cause par le d^veloppement d'dchinocoques
dans le cerveau . . 155
Traitement de la mfilancolie par Topium . 157
Instrument servant 1 dilKrencier la dilatation des pupilles. . . 167
Substance grise de nouvelie formation dans les ventricules la-
t^raux ; anomalie de structure des mdninges . 158
Des bains froids chez les alidnds . 160
Hdrdditii dans la folie . 160
Pathologle et thdrapeutlque des maladies mentales, bashes
sur la pliysiologie . . . . . . . 322
Sur le traitement de I’dpilepsle . 325
Lyp^manie aigu6 et manle algufi . . 826
Alienation mentale chez les enfants . . . 326'
Influence de la lumifere sur les aliends . 332
Des injections sous-cutandes chez les alidnes . 333
Des alterations des fonctlons psychiques au point de vue juri”
dique . 325
Mdlancolie cataleptlque. . . 326
JOURNAUX ANGLAIS
Par M. le docteur Ddmeshil.
Pesanteur specinqiie des diyerses parties du cerveau . 504
Impulsiop morbide et perversion des instincts. . . 605
De la digitale dans la manie . . . . . . . . . 600
Maladies dn systfeme nerveux . . . 513
Iiemipldgie et aphasie . 514
Dn bromure de potassium dans I’epilepsie et certalnes affec¬
tions psychiques. , . 516
De Paction du bromure de pota.ssiuiii sur le systfeme qerveux . 516
De rbomiclde dans la folie . . 616
III. BiWiogvij^phie.
De la peljagre et des pseudo-pellagres, par ie docteur Th.
Roussel (analyse par M. Motet) . 161
L’aliene devant lui-m6me, [’appreciation Idgale, etc., par le
docteur H. Bonnet (analyse par M. de Lamagstre) . 170
fitude sur le ramolllssement du cerveau, par le docteur Du-
four (analyse par M. de Lamaestre) . 337
Du sommeil et des etats analogues, par le docteur Liebeault
(analyse par M. Ach. Fovllle) . . . . 339
540
TABLE DES MAtitRBs.
De la mMecine morale dans le tfaitement des maladies iici'-
veuses, par M. Isid. Padjoleau (analyse par M. Brierre dc
Boismont ) . . . 519
Rapport mddical sur le service de la section des hommes de
I’asile de Maryville, par le docteur H. Bonnet (analyse par
M. Brierre de Boismont)' . . 520
Bulletins bibliograpbiques . ^ . 180, 342 et 522
I'V. Assaciation tatutuette deg medecing
nti^nigteg.
Ddcret par lequel I’ceuvre est reconnue diablissement d’utilitd
piiblique. — Statuts. — Bureau et conseil d’administration
pour 1867 . ■ . . .
Rfeglement d’administration intfirieure. — • Admissions pro-
noncfies. — Dons. — Liste gfin^rale des mcmbres de
I’oeuvre .
Assemblde giin^rale. — Rapport annuel du secrdtaire. — Se-
cours accordds. — Proposition de M. Billed. — Admissions
prononedes . . .
V. Vat'iet^s.
Lisle des membres de la Socidtd mddico-psychologlque. —
Prix de I’Acaddmie impdriale' de mddecine. — Nominations.
, — Ndcroiogie : Pinel, Rostan, Damerow. — Asiles de la
Seine. — Fails divers . 181
Correspondance. — Rectifications . 349
De I’organisation du service des alidnds b Paris . 356
Nominations. — L’asile Sainte-Anne. — Ndcroiogie : Kuhn,
Vdron, Sutherland. — Service des alidnds, loi du 18 juiliet
1866. — Ddteuus alidnds. — Prix de I’Acaddmie et de la
Socidtd mddico-psychologique. — Prix Esquirol. — Attaque
dirigde centre un mddecin par un alidnd. — Fails divers. —
Les alidnds en libertd . .•••,••, . 369
Nominations. — Circulaire. — Emprunt contraetd par I’asile
183
344
523